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21 juillet 2020 2 21 /07 /juillet /2020 03:53

L'amour, l'amour, l'amour
Dont on parle toujours
À l'amour, c'est un printemps craintif
Une lumière attendrie, ou souvent une ruine…

Mouloudji.

Alexandre DUMAS : Une aventure d’amour.

Si ses romans historiques et de cape et d’épée ont fait sa renommée, Alexandre Dumas se mettait volontiers en scène dans des courts et charmants romans ou contes et nouvelles.

Une aventure d’amour ne déroge pas à la règle et ce texte aurait pu être incorporé dans les Mémoires de Dumas ou dans les nombreuses Causeries qu’il affectionnait.

Un matin de l’automne 1856, Théodore, le valet de Dumas, introduit dans le salon où se tient le romancier et homme de théâtre une jeune visiteuse, Lilla Bulyowski. Elle se recommande d’un ami commun, Saphir, et n’a que vingt-trois ans. Elle est artiste dramatique et parle couramment quatre langues, l’anglais, l’allemand et le français, outre sa langue natale le hongrois. Tout de suite elle prévient Dumas qu’elle a un mari qu’elle aime et un fils qu’elle adore.

Elle désire découvrir Paris et Dumas lui sert volontiers de chaperon, l’emmenant au théâtre, lui présentant ses amis et dînant avec elle deux ou trois fois par semaine. Se noue une amitié amoureuse et lorsque Lilla annonce qu’elle doit partir pour Bruxelles, Dumas qui connait fort bien cette ville pour y avoir séjourné, lui propose de l’accompagner.

Ils partiront ensuite pour Spa, et Lilla se sent souffrante. Dumas qui se prétend doué de magnétisme, la soulage efficacement par l’apposition de ses mains, en tout bien tout honneur. Puis ils vont descendre le Rhin, de Coblence jusqu’à Mayence, et sur le navire ils font la connaissance d’une Viennoise avec laquelle ils sympathisent.

Dumas leur raconte alors une aventure amoureuse qui lui est arrivée alors qu’il était en Italie, en 1836, avec Maria D. qui est accompagnée de Ferdinand, fou amoureux d’elle. Ne pouvant en faire sa maîtresse, Ferdinand a demandé à Maria de l’épouser. Mais sur le spéronare qui les conduit de Naples jusqu’en Sicile, Dumas va faire connaissance intimement sous la tente située sur le pont avec Maria lors d’une bourrasque, alors que Ferdinand atteint du mal de mer se tient à l’autre bout de l’embarcation. Fin d’un épisode et Dumas ne reverra jamais Maria, pas plus que Lilla qu’il présente à Mme Schroeder, grande artiste allemande qui l'accueillera comme élève.

 

C’est ainsi que se termine cette histoire d’amour platonique avec Lilla mais dont Dumas garde un souvenir ému. Deux femmes qu’il ne reverra jamais mais au moins il n’y a aucun regret, les deux histoires se terminant brutalement mais sans heurt. Maria pourrait être la cantatrice Caroline Ungher lors de son voyage en Sicile.

 

Ce court roman, qui conte deux épisodes de la vie amoureuse de Dumas ne manque pas d’humour et le romancier s’attarde volontiers sur la description des paysages rhénans ou des prestations musicales dont Maria gratifie les marins et les deux voyageurs lors de la traversée, car avant la bourrasque c’état calme plat et le navire était encalminé.

A noter également que Dumas se complait aussi à évoquer la nourriture et la boisson lors de ses différentes étapes de Bruxelles à Mayence. Et il ne manque pas de citer son ami Gérard de Nerval.

Quant au valet Théodore, il est qualifié de sot, d’idiot. Mais un défaut que Dumas préfère à ceux de deux autres valets qui eux étaient fripons.

Au reste, l’idiotisme a un grand avantage sur la friponnerie : on voit toujours assez tôt que l’on a un domestique idiot ; on s’aperçoit toujours trop tard que l’on a un domestique fripon.

 

Vous pouvez télécharger ce texte, gratuitement et en toute légalité, en vous rendant sur le site de la Bibliothèque électronique du Québec :

Alexandre DUMAS : Une aventure d’amour. Première édition 1860. Réédition Editions d’Art Athos. Parution 1947. 128 pages.

Réédition numérique : La Bibliothèque électronique du Québec. Collection A tous les vents.

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13 juin 2020 6 13 /06 /juin /2020 03:44

Hommage à Benny Goodman décédé le 13 juin 1986.

Jean-Pierre JACKSON : Benny Goodman.

S’il ne fallait garder en mémoire qu’un seul fait marquant dans la carrière de musicien de Benny Goodman, ce serait incontestablement celui-ci : Benny Goodman fut le premier à intégrer des Noirs dans ses formations de Jazz se produisant en public.

Il avait déjà à son actif des enregistrements mixtes puisque le 24 novembre 1933 il participait au dernier enregistrement de la chanteuse Bessie Smith et trois jours plus tard il invitait en studio une jeune interprète de dix-huit ans : c’était la première prestation discographique de Billie Holiday. Le 2 juillet 1935 invité par Teddy Wilson il participe à une séance en compagnie de Ben Webster, Roy Elridge, John Trueheart, John Kirby et Cozy Cole afin d’accompagner à nouveau Billie Holiday pour une séance d’enregistrement de trois titres. Il est le seul blanc de cette formation.

Mais c’est un plus tard qu’il enfreindra, avec la complicité du batteur Gene Krupa et de John Hammond directeur artistique chez Columbia, cette loi raciale pour ne pas dire raciste qui stipulait que Noirs et Blancs ne pouvaient se produire sur scène ensemble. Au premier trimestre 1936 le Rhythm Club de Chicago désire engager les trois musiciens, c’est-à-dire Benny Goodman, Gene Krupa et Ted Wilson. Aussi Ted Wilson se produit d’abord seul sur scène, et bientôt Benny et Gene le rejoignent brisant un tabou et enfonçant un premier coin dans le racisme.

Mais Benny Goodman innove également en étant le premier musicien de jazz à se produire au Carnegie Hall, le temple de la musique classique. Benny Goodman est un musicien éclectique et par ailleurs il enregistrera en 1965 sous la direction d’Igor Stravinsky Ebony Concerto écrit par Woody Herman. Mais ce n’était pas sa première incursion dans le domaine classique puisqu’il enregistra dès 1956 le Concerto pour clarinette de Mozart en compagnie du Boston Symphony Orchestra sous la direction de Charles Munch et quelques autres plages dont le Concerto pour clarinette n°1 de Weber avec l’orchestre symphonique de Chicago sous la direction de Jean Martinon, et bien avant, en 1939, un concert au Carnegie Contrastes pour violon, clarinette et piano, une partition de Bartók, avec au piano Béla Bartók lui-même et au violon Joseph Szigeti.

Né le 30 mai 1909 d’un couple d’exilés hongrois juifs de Varsovie, le jeune Benjamin David bénéficie de leçons de musique gratuites. Son père, tailleur dans une fabrique fréquentait assidument la synagogue de Baltimore qui offrait aux jeunes garçons une formation à l’orchestre de la synagogue, profite de l’occasion pour l’inscrire lui et ses frères Harry et Freddy, d’autant que les instruments sont loués à bas prix. Benny est fasciné par la clarinette et devant les progrès de celui qui sera surnommé plus tard King of Swing, terme qu’il n’apprécie que modérément car il sait combien cette distinction peut-être fugace, il bénéficie de cours payants auprès du vénérable professeur Franz Schoepp, qui avait déjà formé notamment Jimmy Noone.

A douze ans il gagne son premier cachet, cinq dollars, alors que son père en gagne vingt par semaine. En 1923 il gagne quarante-huit dollars en se produisant quatre soirs par semaine au Guyon’s Paradise. Dès son premier cachet le jeune Benny avait décidé que la musique serait son métier et qu’il sortirait ses parents de la misère.

Sa réputation grandit rapidement et il deviendra l’un des grands noms du jazz d’avant-guerre soit en étant à la tête de grands orchestres ou de petites formations, genre quartet ou sextet. Mais ce sera avec les petites formations qu’il sera le plus à l’aise notamment son association avec Gene Krupa à la batterie, Ted Wilson au piano et Lionel Hampton au vibraphone.

Il donna également leur chance à de nombreux musiciens qui graveront leur nom au fronton du Jazz, comme Charlie Christian, Wardell Gray ou encore Stan Hasselgard, lesquels décédèrent tous malheureusement jeunes, le premier de tuberculose, le deuxième d’un accident de voiture et le dernier assassiné. Après guerre Benny Goodman, qui ne s’adapte pas au Be-bop, connait une période de latence mais grâce à sa foi en la musique il rebondit et enchaine les tournées principalement en Europe, malgré des problèmes récurrents de sciatique.

Décrié par quelques pisse-froid, pas toujours reconnu à sa juste valeur par des mélomanes partiaux, Benny Goodman a marqué le jazz durant plus de soixante ans, enchainant les succès. Et Jean-Pierre Jackson fait œuvre pie en proposant ce premier ouvrage français consacré à ce grand instrumentiste, le seul d’ailleurs car si des ouvrages de références ont été écrits et publiés aux Etats-Unis, aucun n’a été traduit à ce jour.

Jean-Pierre Jackson s’attache à la jeunesse et à la carrière musicale du clarinettiste sans entrer dans la vie privée, mettant en avant ses qualités, les artistes qu’il a côtoyé, les concerts, tout ce qui se rapporte au monde musical.

Avec quelques belles pages sur ses relations avec les autres musiciens, pour lesquels il professait souvent admiration. Ainsi avec Ted Wilson dont il déclarait : « Teddy jouait parfaitement les morceaux en trio. C’est ce que nous pensions de lui… Un sacré bon musicien. Nous n’avons juste jamais pensé à lui comme étant un Noir ». Peut-être à cause de son origine juive, car il faut se souvenir que certains hôtels et bars du Sud des Etats-Unis arboraient des écriteaux signalant que ces établissements étaient « Interdits aux Noirs, aux Juifs et aux chiens ».

L’ouvrage est complété d’une chronologie, de repères discographiques et bibliographiques, d’un index des noms et d’un autre des titres cités.

Jean-Pierre JACKSON : Benny Goodman. Editions Actes Sud/Classica. Parution 3 novembre 2010. 152 pages.

ISBN : 978-2742795222

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28 janvier 2020 2 28 /01 /janvier /2020 05:39

Elle ne pouvait pas le voir en peinture, au début…

Henri TROYAT : La femme de David.

En janvier 1782, Charlotte, dix-sept ans, attend celui qui doit devenir son fiancé. Son père, Charles-Pierre Pécoul, entrepreneur des Bâtiments du Roi, estime qu’elle est en âge de se marier. Il lui a même trouvé un fiancé potentiel, le peintre Louis David, qu’il a connu lors de la rénovation du logement et de l’atelier de l’artiste au Louvre.

Lors de leur première rencontre, Charlotte ressent une aversion qu’elle a du mal à dissimuler, en voyant ce fiancé à la bouche très rouge et très enflée d’un côté, qui était comme un lambeau de viande crue au milieu de son visage pâle. Selon le père de Charlotte l’homme est un génie, pourtant elle est consternée, et se réfugie dans sa chambre, en pleurs. Et elle se demande si ce peintre, dont la notoriété commence à franchir la frontière des artistes, ne serait attiré que par sa dot conséquente. Elle pense toutefois ne valait-il pas mieux être choisie pour son argent que rester vieille fille ?

Le mariage aura lieu le 16 mai 1782 et Charlotte a révisé son jugement. Pour preuve, le 15 février 1783, Charlotte accouche d’un petit garçon, qui bientôt sera suivi d’un petit frère puis de deux sœurs. C’est assez, les années passent, les jours se suivent et ne se ressemblent pas.

Les tensions entre le couple se font vives, Louis David possédant un caractère entier qui n’a rien à envier à celui de Charlotte. De plus, pour lui, la peinture ne peut se concevoir en dehors du classicisme, se revendiquant toutefois néo-classique, empruntant volontiers ses personnages dans l’histoire romaine ou grecque. Le Serment des Horaces, en 1784, lui assure la notoriété, et son école de peinture est suivie par de nombreux élèves.

Seulement, lors de la Révolution, il s’engage auprès de Robespierre, devenant son ami, et votant la mort du Roi Louis XVI, ce qui lui sera longuement reproché par la suite. Il n’échappe pas à la prison lors de la réaction thermidorienne, et ne s’occupe plus de politique sous le Directoire.

Mais il se prend d’admiration pour Bonaparte, puis Napoléon 1er, ce qui l’amènera à réaliser sa plus grande et fastueuse composition, Le Sacre de Napoléon, tableau très souvent représenté dans le manuels scolaires. Son ménage bat de l’aile, Charlotte n’acceptant pas ses revirements politiques, ses engagements révolutionnaires et ils divorcent, pour se remarier quelques années plus tard.

Avec la chute de l’Empire, Louis David est obligé de se réfugier à Bruxelles. Son amitié avec Robespierre et surtout son passé de régicide restant en travers de la gorge des successeurs des Bourbon. Pendant ce temps Charlotte se montre une maîtresse-femme, élevant ses enfants, aidant lorsqu’il en est besoin Louis David, professant à son égard acrimonie et admiration.

 

Cette biographie romancée sur la vie et la mort du peintre David, est narrée par Charlotte qui s’exprime comme si elle rédigeait ses mémoires.

Si tout tourne, ou presque, autour du peintre, c’est bien Charlotte Pécoul épouse David qui tient la barre, ne ménageant pas ses efforts, distillant ses sentiments, ses conseils, ses appréhensions, ses regrets parfois, ses tribulations de l’époque de Louis XVI jusqu’en 1825 sous la Restauration. Elle partage les hauts et les bas dans la renommée de son époux tout en s’occupant de ses enfants, lui insufflant courage lors de ses moments de découragements, lui prodiguant conseils, tout en restant effacée derrière celui qui se considère comme le Chef de file de la nouvelle école de peinture.

David recherchait les honneurs et se considérait parfois comme un incompris surtout lors de ses démêlés avec l’Académie royale de peinture, la combattant puis recherchant les Prix, via l’Institut nouvellement créé sous le Directoire, et recevant dans son atelier des élèves qui deviendront des peintres renommés, même s’il ne partageait pas toujours leur orientation picturale, tels que Girodet, Ingres, Gérard.

Henri Troyat, dont on connait la sensibilité dans ses descriptions de femmes engagées, comme dans ses cycles : La Lumière des justes, Les semailles et les moissons et bien d’autres, nous livre ici un beau portrait de femme attentionnée, engagée, mais toujours effacée derrière son mari.

Mais Henri Troyat prévient que par manque de documents, s’il s’inspire d’un fait véridique et historique, il a brodé et donc ceci n’est pas à prendre comme une biographie mais bien un roman d’inspiration historique.

 

Henri TROYAT : La femme de David. Editions J’Ai Lu N°3316. Parution 5 octobre 1993. 160 pages. Première édition Flammarion 1990.

ISBN : 9782277233169

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7 décembre 2019 6 07 /12 /décembre /2019 05:39

Oh Marie si tu savais Tout le mal que l'on me fait…

Jeanne DESAUBRY : Point de fuite.

Enceinte de sept mois ou sept mois et demi, Marie est effondrée. Elle n’a plus de nouvelles de René depuis deux jours. Pourtant, il lui avait téléphoné le 23 novembre 1980, se montrant comme à son habitude, s’inquiétant de la santé de son fils à venir. Car nul doute, pour lui, ce sera un fils.

Marie se morfond, tricotant de petits chaussons en laine jaune, la couleur du maillot des vainqueurs du tour de France. S’il n’est pas vainqueur, au moins René est l’un des équipiers de l’Artiste. Il est le régisseur de Coluche qui ose se présenter à la présidentielle, affrontant les ténors de la politique. Il a quand même sa voix à faire entendre même si certains se gaussent. Mais je m’éloigne du sujet. René.

Alors elle téléphone à Dany-la-hargneuse, la légitime, la mère de ses filles. Elle non plus n’a pas de nouvelles de René. Elle l’a vu le dimanche soir et depuis plus rien. Et de plus René ne lui avait pas dit que Marie était enceinte.

Elle n’obtient aucune réponse concrète auprès de Jim, qui gravite dans l’entourage de l’Artiste, mais rien. Ils ont même téléphoné aux hôpitaux, pas de René. Enfin la police se manifeste. Et les nouvelles ne sont guère réjouissantes. Pas réjouissantes du tout même. René a été retrouvé, mort, dans un terrain vague de la banlieue de Paris. Selon les premières constatations, son corps a été transporté après son assassinat.

Marie n’a qu’un recours. Sa mère qui n’hésite pas à la retrouver chez elle. Le père aussi, mais la mère, c’est comme une confidente à qui on ne cache rien, ou presque. Ce n’est pas comme les autres, Jim, Nino le chauffeur de vedette qui pour l’heure trimbale Thierry l’imitateur. La mort de René, elle, n’est pas une imitation.

Et le 26 novembre, un mercredi, elle se rend à la convocation du 36 Quai des Orfèvres. Elle est accompagnée de ses parents. Ils sont reçus par Marc Perrin, celui qui est venu chez elle. Elle le reconnait. Et puis elle aura affaire aussi avec Vallois, le Janséniste, et un peu plus tard avec Sargent. Qui ne rit pas malgré la chanson. Le rire du Sargent.

Le début d’une longue descente aux enfers pour Marie qui peut compter sur Maman, comme s’obstine à dire Perrin. Quant à elle, il l’appelle Marie, tout simplement. Comme s’il s’agissait de quelqu’un qu’il connait depuis longtemps. C’est vrai qu’elle est jeune, Marie. Un peu plus de vingt ans. Dix-huit ans d’écart avec René Gorlin. Son amant, le père de son futur enfant.

 

Marie est victime de rumeurs et d’insinuations malveillantes, de racontars, de dénis, d’omissions, tout autant de la part des petits valets de l’Artiste que de Dany la légitime. Sans oublier les journalistes, ces rapaces de l’information. Et même elle, la première qui oublie de raconter certains faits qu’elle juge de peu d’importance. Mais ce n’est que son jugement. Des faits divers, des faits d’hiver, alors que Noël approche et que Marie s’inquiète pour son gamin.

Et on suit tout au long du récit, un style télégraphique, haché, heurté, la plupart du temps, Marie dans ses déambulations, dans ses pensées, dans ses affres, ses meurtrissures.

Un récit adapté d’une histoire vraie, qui montre le désarroi d’une jeune parturiente primipare, avec ses personnages fictifs et réels.

Une affaire qui fit du bruit à l’époque, mais souvent chassée des chroniques et des mémoires, par l’aura de l’Artiste. Par sa volonté de se présenter à la Présidentielle, aux remous que cela a suscité et qui ont éclipsé tout ce qui gravitait autour. Une affaire qui conduira peut-être celui qui est mort quelques années plus tard d’un accident de moto à se retirer de la compétition. Car bien des zones d’ombres restent en suspens, alimentées là encore par de fausses révélations ou de justifications erronées. Et on pourrait croire que quelqu’un porte le bonnet dans cette affaire, comme l’aurait dit un certain Christian.

Un ouvrage poignant et émouvant qui trouve sa justification dans la dédicace placée en début de volume mais que je me garde bien de vous dévoiler, afin de garder le suspense.

Edition du Horsain : Version papier. Parution le 1er décembre 2019. 260 pages. 6,90€.

Edition du Horsain : Version papier. Parution le 1er décembre 2019. 260 pages. 6,90€.

Jeanne DESAUBRY : Point de fuite. Collection Noire Sœur. Editions Ska. Parution le 1er décembre 2019 Version numérique 199 pages. 4,99€.

Edition du Horsain : Version papier. Parution le 1er décembre 2019. 260 pages. 6,90€.

ISBN : 978-2369070665

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10 octobre 2019 4 10 /10 /octobre /2019 04:05

Quand le jazz est, quand le jazz est là…

Alain GERBER : Paul Desmond et le côté féminin du monde.

Né le 25 novembre 1924 à San Francisco, Paul Breitenfeld devint Paul Desmond pour ce qu’il considérait comme un handicap.

Appartenir à une minorité suspecte aux yeux de beaucoup ne me semblait ni plus ni moins périlleux que de traverser en dehors des clous à l’heure de pointe : certaines précautions étaient indispensables,

et ce malgré que deux de ses premières idoles, Benny Goodman et Artie Shaw, étaient des musiciens de jazz blancs de confession israélite.

Son père était organiste dans un cinéma, et lorsque le cinéma parlant succéda au cinéma muet, laissant sur le carreau bon nombre de personnes, le tout allié au Krach de 1929, il se recycla en écrivant des arrangements pour le music-hall.

La mère de Paul était une obsédée de la propreté, de l’hygiène à outrance, traquant la moindre poussière, adepte de l’eau de javel en toutes occasions, tyrannisant la famille et plus particulièrement son fils qui lui ne pensait qu’à jouer et s’écorcher les genoux, se salir comme un gosse normal.

Paul, sur les conseils de son père, et après un passage dans une pension pendant sept ans loin de San Francisco où il se distingua dans l’orchestre de l’établissement au carillon, abandonna l’idée de jouer du violon et se tourna vers la clarinette puis le saxophone alto.

Mais qui était vraiment Paul Desmond surtout connu pour son association avec Dave Brubeck pour le fameux Dave Brubeck Quartet ? Sans oublier ses participations avec d’autres musiciens dont Gerry Mulligan et Chet Baker, et son propre quartet.

Tout ce qu’il fut – saxophoniste, star ou mal aimé, don Juan, homme sans femme, littérateur sans littérature, alcoolique, désespéré, solitaire, bon convive, nostalgique, désinvolte, faiseurs d’épigramme et de bons mots, amateur de calembours, raconteur d’histoires, et de bien d’autres choses encore - , tout ce qu’il fut, il ne le fut jamais vraiment.

Paul Desmond fut marié, très peu de temps, et trônait dans un cadre la photo d’une femme. Pas la sienne mais celle d’un ami. Des femmes il en aura, mais ses plus fidèles compagnes seront les bouteilles de Whisky et les cigarettes. Et lorsqu’on lui a annoncé qu’il avait un cancer des poumons, dont il décèdera, il rétorqua qu’il était content d’avoir un foie en bonne santé. Il décèdera le 30 mai 1977.

 

Alain Gerber n’écrit pas le jazz, il le poétise. Il malaxe les mots, triture les phrases, devient partie prenante du récit comme s’il se mettait lui-même en scène, écrivant la partition et les arrangements.

Mais sa mélodie devient parfois trop bouillonnante, et ses phrases se révèlent brouillonnes, absconses comme dans le premier chapitre.

Toutefois, lorsqu’il invite son personnage à s’exprimer, alors cela devient lumineux, fluide, comme les morceaux interprétés par… Paul Desmond.

Première édition : Fayard. Parution le 18 octobre 2006.

Première édition : Fayard. Parution le 18 octobre 2006.

Alain GERBER : Paul Desmond et le côté féminin du monde. Le Livre de Poche n° 31597. Collection Littérature et Documents. Parution le 2 décembre 2009. 408 pages.

ISBN : 978-2253126010

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16 septembre 2019 1 16 /09 /septembre /2019 04:07

La suite des aventures de Buffalo Bill !

BUFFALO Bill : L’allié inconnu de Buffalo Bill ou La flèche de feu.

Chargé de la défense de fort Leawenworth, le général en chef Smith convoque Bill Cody afin de lui confier une mission : il faut que le trappeur, qui est blessé au bras gauche, s’infiltre au quartier général des Confédérés afin de subtiliser des documents importants, notamment des plans de bataille, car une attaque imminente est prévue.

Tout d’abord Bill Cody rechigne à servir d’espion, ce qui est fort louable de sa part, mais le général Smith est convaincant et Cody accepte toutefois à une condition. Avant de partir, il veut assister à l’inhumation de sa mère qui vient de décéder. Une demande légitime et permission lui est accordée pour quelques heures.

Bill Cody est enfin sur le départ après avoir rassuré ses sœurs et surtout Louisa, dont il a fait la connaissance dans des conditions périlleuses, lors du précédent épisode de ses aventures (voir ci-dessous).

Il part donc vers le campement du général Forrest, à quelques heures de cheval, le général Smith lui ayant donné ses dernières instructions devant son secrétaire Guy Fawkes. Cody est confiant en lui, en son cheval et en ses armes, et il chemine tranquillement quand soudain il entend du bruit. Un inconnu tente de le tuer mais Cody parvient à la maîtriser. Stupéfait il reconnait en son agresseur Nad Golden, avec lequel il jouait dans la maison paternelle et à qui il avait sauvé la vie dans des circonstances périlleuses. Nad Golden est du côté des Confédérés, et il porte sur lui des documents secrets unionistes qu’il doit remettre au général Forrest.

Bon prince (façon de parler) Cody promet de relâcher son ancien ami si celui-ci lui fourni le nom de son correspondant, et de ne pas s’interposer dans sa mission avant huit jours. Nad Golden lui déclare que celui qui lui a remis les documents n’est autre que Guy Fawkes, le secrétaire du général Smith.

Cody est démasqué dès son arrivée par le général Forrest, mais ceci n’est pas le plus surprenant. En effet il retrouve un individu avec lequel il a eu maille à partir dans l’épisode précédent, Don Ramiro, le bandit bien en cour avec les Confédérés.

Cody est promis à la pendaison, mais, heureusement, son ami Bob le Sauvage, est sur ses traces. Il est bien connu dans le camp de Forrest, sous le nom de Fritz le Bègue. Il fait rire les soldats qui ne se méfient pas de lui.

 

Dans ce deuxième épisode qui prolonge le premier tout en permettant une lecture indépendante, nous faisons la connaissance de nouvelles têtes mais retrouvons aussi des personnages sulfureux. Sans oublier ceux qui, comme Guy Fawkes, possèdent une analogie patronymique et historique synonyme de comploteur, puisque le vrai Guy Fawkes, qui a vécu en Angleterre de 1570 à 1606, était l’un des inspirateur et membre de la Conspiration dite des Poudres.

Cet épisode est enlevé avec de nombreuses péripéties qui surviennent surtout à Bill Cody. Mais ce qui est surtout remarquable, ce sont les prises de position de l’auteur, probablement Prentiss Ingraham, dénonçant le racisme et l’esclavagisme, mais surtout cette guerre fratricide qui opposa les Américains, pour des divergences de point de vue. Un peu une guerre des religions, comme la France l’a connu, alors que tout le monde aurait pu vivre en bonne intelligence, même si les prétentions des Sudistes étaient infondées. A mon avis.

Et lorsque l’on lit aujourd’hui les lignes qui suivent, on ne peut que se dire que l’auteur avait une vision utopique des relations entre Le Nord et Le Sud, et surtout du racisme ambiant qui prévaut toujours.

 

C’était une époque terrible. Cette guerre fratricide d’alors compte parmi les plus sanguinaires de l’histoire.

La génération d’aujourd’hui qui sait seulement que les États-Unis forment un tout indissoluble, ne songe guère que cette unité si enviable n’a pu être cimentée que par le fer et dans le sang.

Mais aux jours où se déroule cette histoire, il n’y avait point d’ennemis plus haineux et plus irréconciliables que les citoyens des États du Nord et ceux des États du Sud. Quand on y pense! C’étaient les enfants de la même patrie! Aussi braves, aussi forts, de cœur aussi généreux les uns que les autres, et doués d’un amour aussi ardent de la patrie, comme il convient à un peuple vraiment noble!

Les deux partis considéraient la victoire de leurs intérêts comme une condition absolument indispensable au bonheur de leur patrie bien aimée. Les hommes du Nord voyaient dans le maintien de l’esclavage des nègres la plaie vive du pays, les États du Sud en considéraient la suppression comme sa ruine.

Et les esprits avaient pris feu sur cette différence d’opinion et s’étaient montés jusqu’à la passion la plus effrénée. Un déchirement s’était produit d’un bout à l’autre de cette glorieuse nation.

 

Cette histoire est disponible en téléchargement numérique gratuit et légal sur le site ci-dessous :

BUFFALO Bill : L’allié inconnu de Buffalo Bill ou La flèche de feu. Fascicule 2. Première Parution 1906/1908. 32 pages.

Version numérique : 100 pages environ sur Ebook Libres et Gratuits.

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17 juillet 2019 3 17 /07 /juillet /2019 07:31

Hommage à Billie Holiday décédée le 17 juillet 1959.

Claude BEAUSOLEIL : Black Billie.

Il ferait beau voir que les détracteurs du jazz qui cataloguaient cette forme musicale comme de la musique de sauvages, vitupèrent encore aujourd’hui et confirment leurs allégations et réprobations.

Non, le jazz est poésie et Claude Beausoleil le démontre avec brio dans cet hommage en trois parties rendu à Billie Holiday, Lady Day ou encore la Dame aux gardénias.

La première partie est une sorte de témoignage biographique empreint de lyrisme, soulignant la désespérance de la chanteuse et qui s’élève en une fulgurance incantatoire.

« Elle chante ce qui ne peut se vivre qu’en chanson. Pour oublier, elle se souvient. Elle chante, exorcisant ses ruptures, ses contrats, ses amours, ses harmonies, ses déséquilibres, ses combats quotidiens. Elle chante pour survivre comme une femme amoureuse, femme noire en bagarre contre les règles absurdes d’une Amérique sans scrupules ».

Claude Beausoleil érige sa déclamation, sa déclamation d’amour, envers la chanteuse, la solitaire, la désespérée, la femme, la portant au pinacle, et dans les deuxième (Les fleurs du blues) et troisième (Paris, Billie, la pluie) parties, il versifie, librement, par petites touches, inspiration puisée dans le quotidien, comme une poudre jetée aux yeux, comme un alcool qui a du mal à s’évaporer, comme une longue souffrance jetée en pâture, comme une solitude au cœur de la foule agglutinée dans les cabarets ou les salles de concert, comme un naufrage à bord d’un quai.

« Le soleil loin si loin de ces chansons tristes

Le malheur t’attendait depuis toujours Billie

Et pour toujours tu le sais perdue désenchantée ».

Des cris couchés sur le papier, indélébiles, que seul un blues rageur et pathétique pourra embuer, embraser, consumer.

Sublime amoureuse sans regrets

Bafouée rejetée tu persistes

A nommer l’irrésistible envie

De croire encore et au-delà

Du chaos des échecs répétés

Entre la sueur et le sang

Donnant corps à l’espoir noir

D’après les bilans d’injustice

Ta vie transite par tes chansons,

Langoureusement de ville en ville

Prolongeant ta plainte en labyrinthes

Désemparée dans ta robe de blues

Tu assumes impassible les effets

De ce qui dans ta voix scandalise

Un ouvrage qui se doit de se voir offrir la niche rassurante d’une table de chevet, et lors d’insomnies s’ouvrir au gré des pages, afin de nous faire comprendre que s’il y a rémission, elle passe par le décryptage d’une voix écoutée dans le noir de la solitude, de l’espérance aussi. Billie n’est pas morte un 17 juillet 1959, puisqu’elle est toujours présente par le truchement de ses enregistrements.

Claude BEAUSOLEIL : Black Billie. Editions du Castor Astral. Parution 4 mars 2010. 192 pages.

ISBN : 978-2859208189

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12 juillet 2019 5 12 /07 /juillet /2019 04:23

Et elle n’avait même pas la climatisation !

Viviane JANOUIN-BENANTI : La Séquestrée de Poitiers.

Histoire quand tu nous tiens ! Les romanciers puisent parfois dans des faits-divers réels, adaptent à leur façon le déroulement d’événements atroces, d’après des témoignages, des comptes rendus d’audience, des déclarations de témoins ou encore d’articles de journaux parus à l’époque.

Ainsi Viviane Janouin-Bénanti nous retrace la sinistre affaire de La séquestrée de Poitiers, une affaire qui vit son aboutissement en 1901 mais débuta dans une indifférence presque générale vingt cinq ans auparavant. Une histoire d’amour qui dégénère en drame pour multiples causes.

Blanche Launier est la fille de Martin Launier, professeur de rhétorique au collège royal de Poitiers et d’Henriette de Marcillat, descendante d’une vieille famille de la noblesse poitevine et d’un général d’Empire. Des parents catholiques et royalistes convaincus, imbus de leur position dans la cité. Blanche tombe amoureuse de Gilles Lomet, avocat, républicain et protestant. Les Launier sont en conflit avec le père de Gilles et bien entendu ils ne veulent entendre parler d’une liaison entre leur fille et leur ennemi.

Seulement, malgré ses appuis auprès de nobles influents et après avoir été nommé doyen de la faculté de lettres de Poitiers, Martin Launier se verra destitué. La guerre de 1870, la Commune puis les débuts timides de la 3ème République ont contrarié ses projets et il décède. Henriette devient la maîtresse de la maison, riche mais ayant peur que le mariage entre Gilles et Blanche, s’il s’effectuait malgré ses réticences, lui entame sa richesse à cause de la dot. C’est ainsi que tout dégénère.

Henriette, par tous les moyens va contrarier les projets de sa fille, ne pensant qu’au devenir du fils promis à un bel avenir au service de l’état. Elle intercepte les lettres entre les deux amants, fait croire à sa fille qui ne peut plus sortir que Gilles s’est marié, à Gilles que sa fille ne l’aime plus, le tout avec la complicité de bonnes dévouées à la famille.

Pendant vingt cinq ans Blanche restera cloîtrée dans sa chambre ou dans l’appartement, devenant peu à peu sauvageonne, ayant parfois des éclairs de lucidité, essayant de se rebeller. Mais toutes ces tentatives avortent dans l’œuf. En 1901, elle sera secourue, grâce à une petite bonne qui osera dénoncer auprès des policiers cette séquestration impensable. Blanche est squelettique et à moitié folle, poussant des cris, cloîtrée dans une chambre aux volets clos depuis des années.

 

Cette histoire lamentable, narrée comme un roman, restitue les clivages qui gangrènent une société provinciale, coincée entre royalistes et républicains, entre catholiques et protestants. Avec comme moteur principal l’ambition effrénée d’une famille qui aspire à jouer les premiers rôles parmi les notables et se dresse en intégristes obtus, foulant aux pieds le bonheur de leur fille au nom de principes délétères. Une histoire vraie de séquestration qui donna des idées d’intrigues de romans à bon nombre d’auteurs par la suite.

 

Viviane JANOUIN-BENANTI : La Séquestrée de Poitiers. 3E éditions. 22 décembre 2015. 256 pages et 16 pages de documents d’époque. 9,00€. Version numérique : 4,99€.

ISBN : 979-1095826606

 

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25 avril 2019 4 25 /04 /avril /2019 04:49

Quand Georges-Jean Arnaud revient sur ses années juvéniles…

Georges-Jean ARNAUD : Patates amères.

Après avoir évoqué son grand-père maternel, Planou, dans Les moulins à nuages, et sa grand-mère paternelle, Caroline, avec Les oranges de la mer, Georges-Jean revient sur sa tendre enfance, de cinq à dix ans, entre 1933 et 1938 à Courson là où la famille Arnaud, Elie le père, Jeanne la mère et Josette, la grande sœur aînée, habitait à l’époque.

Des anecdotes foisonnantes, des images, des senteurs, des impressions, tout ce qui constitue un album de souvenirs nimbés de nostalgie, celle de l’enfance perdue.

La première image qui vient à l’esprit, en cette année 1933, c’est l’arrivée du père, Elie, à bord d’une voiture. Une guimbarde arborant fièrement l’écusson Peugeot, mais selon le garagiste qui l’examine, il s’agit d’une falsification, d’un ajout non autorisé, cette voiturette ne dépassant pas les quarante kilomètres à l’heure n’étant jamais sortie des usines d’Audincourt, ou de Lille ou encore de Valentigney, les sites de production d’alors. Il n’était pas question de décentralisation hors des frontières.

Cette voiturette, qui possédait de petits vases sur les côtés intérieurs, avait peine à monter la côte de Roquefort lorsque les quatre membres de la famille étaient installés à l’intérieur pour se rendre à Leucate. Il ne restait plus à Jeanne qu’à descendre, prétextant l’envie de cueillir des fleurs avec les deux gamins, et laisser le père s’y reprendre à deux ou trois fois pour gravir cette montée.

Une voiturette qui était garée, seul le père le savait où. Et il s’en servait pour ses déplacements comme fonctionnaire des impôts indirects, surveillant les distilleries. Seulement, étant handicapé d’une jambe, cadeau de la Grande guerre, il était obligé de jouer avec les pédales avec ce membre raide en permanence.

La grand-mère Caroline bénéficia des premières visites en voiture, les parents de Jeanne étant provisoirement délaissés. Georges-Jean et sa sœur aimaient ces randonnées qui les emmenaient sur la plage de Leucate. Souvent ils partaient avec des provisions de bouche pour se sustenter en cours de route, mais lorsque le voyage s’effectuait en une seule étape, la grand-mère était fâchée de voir le panier plein, se plaignant qu’on puisse croire qu’il n’y avait pas assez à manger chez elle.

Chez Planou, le père de Jeanne, il en allait tout autrement. Honorine sa femme était restauratrice et la salle ne désemplissait pas de commis-voyageurs ou de touristes. Des plats roboratifs amoureusement préparés dès le matin, tandis que Planou préférait s’éloigner, laissant les femmes seules aux fourneaux. Planou vagabondait dans ses vignes, son côté poète et paysan.

A Leucate les autochtones se rendaient visite, s’introduisant chez les uns et les autres, sans chichi, sans s’annoncer, sans frapper. Tandis qu’à Villeneuve-les-Corbières, les habitants étaient nettement plus réservés, plus discrets, voire plus respectueux de l’intimité de leurs concitoyens. Deux mondes différents et pourtant si proches mais à l’opposé l’un de l’autre, et pas uniquement d’un point de vue géographique.

D’autres images remontent à la surface, amusantes lorsqu’on prend du recul, humiliantes lorsqu’on n’a que sept ans. Ainsi lorsqu’il est obligé de porter, à cause de vertèbres défaillantes, un corset rose avec jarretelles tenant des bas. Imaginez la risée que cela provoquait lorsqu’il était obligé de se déshabiller devant les autres élèves et les adultes.

Les senteurs, c’étaient surtout l’odeur du tomata acide qui s’écoutait à travers un voile, issu de tomates mûres, trop mûres, afin qu’elles puissent dégorger leur jus.

Et puis surtout, c’étaient les fâcheries à répétition entre ses parents. Fâcheries provoquées le plus souvent par de petits riens avec rétorsion de la part de l’un et de l’autre membre du couple. Le père omettait de donner l’argent qu’il gagnait, sauf la pension d’invalidité qu’il percevait et était commune au ménage. Aussi la mère ne préparait à manger que des clopinettes. Ou, alors qu’elle lui avait fait cadeau d’un ensemble en cuir de bureau, puis le punir, elle cachait les objets à la cave.

Parmi ces objets figurait un tampon-buvard, et cette réminiscence amène tout simplement à évoquer un autre aspect de la vie quotidienne des enfants. Ils s’amusaient grâce à un tampon-encreur à taper sur du papier, des enveloppes, timbrant à tour de bras, devenant le temps d’un jeu postier ou fonctionnaire. Car à l’époque, c’étaient des emplois fort prisés, avec l’assurance de l’emploi et d’un salaire régulier. Contrairement au sort des ouvriers plus mal lotis financièrement dans un travail parfois instable. Le rêve des parents pour leurs enfants. Depuis, ce point de vue a bien évolué, et pas forcément en bien, les fonctionnaires étant accusés de tous les maux, et mots, mais ceci relève d’un autre propos qui serait hors sujet.

Une succession d’anecdotes douces-amères, amusantes avec le recul, et qui nous entraînent de 1933 à 1938, avec quelques souvenirs qui font remonter ceux du lecteur à la surface. Ainsi pour qui a connu le chocolat Elesca, il ne manquera pas de terminer en disant c’est exquis, et la pub faisait fureur, grâce à Sacha Guitry qui, en 1911, avait inventé ce slogan K.K.O. L.S.K. est S.Ki, et qui s’était ensuite décliné en LSKCSki… Souvenir, souvenir…

Cette chronique n’est qu’un survol simple et rapide de l’ouvrage, il y aurait tant et tant à écrire, et puis, il ne me viendrait pas à l’idée de tout raconter, tout dévoiler, car il ne s’agit pas de mes mémoires mais celles de Georges-Jean Arnaud, et donc il importe de les préserver dans ce récit enrichissant. Car outre le récit et les souvenirs, c’est toute une époque qui est restituée, et l’on peut affirmer que c’était mieux avant, mais quand même, on ne peut négliger le changement bénéfique dans les conditions de vie. Bénéfique ? Qui sait, il semble que les gens s’amusaient mieux auparavant, se contentant de petits bonheurs simples et peu onéreux.

 

Si je devais effectuer un reproche, ce serait à propos de la couverture qui pour moi n’est guère engageante. Certes les parents se tournent plus ou moins le dos, montrant leur antagonisme, mais le dessin est figé, pas abouti. Mais après tout on ne m’a pas demandé mon avis.

Ce livre est le dernier de la trilogie consacrée par Georges-Jean Arnaud à sa famille et son enfance. Dommage, j’en aurais bien lu d’autres.

 

Georges-Jean ARNAUD : Patates amères. Editions Calmann-Lévy. Parution le 2 mai 1993. 348 pages. 25,00€.

ISBN : 978-2702122266

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21 mars 2019 4 21 /03 /mars /2019 05:28

Et il lui faut beaucoup de bûches dans l’âtre

pour entretenir la flamme !

Jean SAVANT : La Créole au cœur de feu.

Comme le chantait Alain Bashung, osez, osez Joséphine, osez, osez Joséphine, plus rien ne s'oppose à la nuit, et elle ne se prive pas d’oser, Marie-Josèphe-Rose Tascher de la Pagerie, plus connue sous le nom de Joséphine de Beauharnais.

Elle n’a que seize ans lorsqu’elle est présentée à son futur époux le vicomte de Beauharnais. Peut-être sait-elle que son véritable patronyme fut Beauvit et que cela lui donna des idées, mais n’extrapolons pas.

Même si Yéyette, ainsi était-elle surnommée, n’est pas aussi jolie que ce qui lui avait été affirmé, la future Joséphine possède de nombreux atouts. De beaux cheveux châtains à reflets fauves, une adorable petite bouche qui cache une dentition qui laisse à désirer, et une gorge et des seins éblouissants de finesse et de fraîcheur. La taille n’est pas encore affinée mais ça viendra et elle est petite, mais au lit qui s’en inquiète. Elle a été formée précocement et paraît plus vieille que son âge. Ce qui parfois peut servir d’excuses. Et lorsqu’elle voit son futur époux elle tombe sous le charme. Mais ce n’est pas une oie blanche ni un bas-bleu. Elle a déjà goûté au fruit défendu, croquant dedans à belles (c’est une expression) dents.

Un mariage arrangé qui convient fort bien à Rose puisqu’elle possédera bijoux et robes en quantité. Mais celui qui est gouverneur et lieutenant-général de la Martinique et des Antilles Françaises possède une maîtresse qui n’est autre que la jeune tante de Rose. Désirée se prénomme-t-elle, un prénom de circonstance. Et Beauharnais impose sa présence à sa jeune femme mais il faut une position officielle à Désirée. Elle sera mariée à l’ordonnance du gouverneur, mais le cocu magnifique n’accepte pas ce partage. Mais je m’éloigne du sujet qui est toutefois Rose et qui doit accepter le rôle ingrat de figurante.

Un mariage qui durera toutefois quinze ans et qui verra naître deux enfants, Eugène et Hortense, dont elle ne s’occupe guère. Elle préfère batifoler de son côté accumulant les bonnes fortunes, au propre comme au figuré. La séparation définitive ne se fera qu’aux moments troubles de la révolution durant la Terreur. Galant ( ?), Beauharnais se présente le premier à l’échafaud, devançant sa femme qui sera épargnée grâce à la chute de Robespierre. Quelques temps plus tard elle sera libérée de prison où elle était enfermée puis elle deviendra l’amie de la future Madame de Tallien.

Avec Madame de Tallien et quelques autres, elle évoluera dans un Paris libéré et elle n’hésitera pas à recevoir dans sa demeure ses nombreux amants, nue sous un déshabillé vaporeux. Elle sera successivement ou concomitamment la maîtresse de Barras, Junot, Marat et Hoche et quelques autres qui se croiseront chez elle entre deux portes.

C’est Barras qui lui impose un nouvel amant, un certain Napoléon Buonaparte, qu’elle dédaigne jusqu’au jour où elle comprend que ce jeune général possède un brillant avenir. Sous l’impulsion de Barras, l’Italien deviendra Bonaparte et partira pour la campagne d’Italie. Et il réfutera le prénom de Rose, préférant l’appeler Joséphine, le seul à la nommer ainsi dans le cénacle des amants.

Mais un problème surgit : elle ne pourra plus avoir d’enfant, ce qui signifiera la rupture. Enfin, l’une des causes de la rupture entre celui qui deviendra Empereur et Joséphine devenue Impératrice. Elle aime trop la fête pour écrire à Napoléon alors que lui se brûle d’amour pour elle. Au début. Il lui écrit des lettre enflammées lors de sa campagne d’Italie mais elle dédaigne y répondre. D’ailleurs elle n’aime pas écrire, une aversion qui se transformera plus tard en besoin. Elle ne l’aime guère mais la promesse d’un avenir radieux lui permet d’avaler des couleuvres, tout en continuant d’accumuler des amants. Car elle a besoin d’argent, de beaucoup d’argent pour entretenir un rang social élevé.

Tout le monde connait la suite, ou presque.

 

Cette biographie ne reflète pas l’image de celle qui nous était montrée dans les manuels d’histoire, les frasques de Joséphine étant mises sous l’éteignoir et les couettes de lits.

Rose-Joséphine se montre insatiable, aussi bien d’argent que d’amants. Une grande amoureuse qui n’est pas insensible au confort de sa bourse, et dévalisant sans complexe celles de ses amants qui n’y voient aucun inconvénient.

Nous lisons la vie d’une femme amoureuse, libérée, qu’il n’y a pas si longtemps et peut-être même encore aujourd’hui, on qualifierait de dévergondée alors qu’elle n’est que l’égale de bien des hommes dans le domaine de la pratique amoureuse.

Un récit, ou roman, l’on ne sait plus trop, qui s’appuie sur de très nombreux documents de cette époque, écrit par celui qui fut le Chancelier perpétuel de l’Académie d’Histoire et qui a consacré plus d’une trentaine d’ouvrages à cette époque, et principalement à Napoléon et son entourage militaire, familial et social.

Jean SAVANT : La Créole au cœur de feu. Le roman des amours de Joséphine. Collection les Deux colombes. Editions Intercontinentale du Livre. Parution 1er juin 1962. 334 pages.

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