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10 décembre 2015 4 10 /12 /décembre /2015 12:06

Les médicaments génériques sont-ils

des contrefaçons ?

Mathias BERNARDI : Toxic Phnom Penh.

En 2008, le jeune Pram Rainsy, voyou canadien d'origine khmère, en délicatesse avec les autorités de son pays, s'associe avec l'Oncle, criminel réputé, afin de fabriquer de faux médicaments. Les chiffres qu'il avance sont sans contestation, il y a de quoi se faire beaucoup d'argent. Ainsi pour une mise de mille dollars, le profit escompté dans le trafic de fausse monnaie est estimé à vingt mille billets verts, tandis que dans la contrefaçon de médicaments, cela peut s'élever jusqu'à quatre cent cinquante mille dollars. Il suffit juste de choisir de fabriquerr un médicament populaire et le tour est joué.

Quatre ans plus tard, les autorités policières, et plus particulièrement la division IV, service luttant contre la contrefaçon de médicaments, est alertée. Des antidépresseurs seraient à l'origine d'une mortalité inquiétante. Un incident mortifère empoisonnant pour l'Oncle qui avait misé sur ce profit en élaborant dans un laboratoire semi-clandestin des médicaments théoriquement inoffensifs, des placebos ou des produits pouvant être utilisés sans aucun impact négatif.

Le général de la police cambodgienne, You Philong, dirige également cette division IV qui possède en son sein quelques éléments extérieurs. Ainsi Alexis Renouart, bientôt quarante ans, policier français travaillant pour l'ambassade de l'Union européenne au Cambodge, en est le conseiller technique. Il est ami avec Sam Sonn, un policier local. Le sexagénaire Bob Farnhost est lui aussi conseiller technique et est payé par un consortium d'entreprises pharmaceutiques américaines. Pour ne citer que les principaux membres de cette division spéciale.

Tandis que les forces de la division IV essaient de remonter la filière de distribution et celle de fabrication des médicaments mortels, Rainsy le neveu et Vorn Vitch, un collaborateur de longue date du contrefacteur, se disputent la prépondérance au sein de l'organisation dirigée par l'Oncle.

 

Est-ce l'influence asiatique exercée sur l'auteur, qui a vécu durant de longues années au Cambodge, mais cette histoire traîne longueur comme les palabres qui s'échangent lors de négociations, de longues heures de discussions pour arriver parfois à pas grand-chose. En réduisant de moitié la taille de ce roman, cette intrigue aurait gagné en puissance.

Dès le début, le lecteur habitué à dévorer des romans policiers se doute de l'identité de l'Oncle, d'autant qu'il n'est pas indiqué dans la liste des personnages principaux. Donc l'un d'entre eux joue un double-jeu.

Le principal intérêt ne réside donc pas dans la construction et la résolution d'une énigme, mais dans la description d'un pays déchiré entre la présence et l'influence encore importante des Khmers rouges, et entre les rapports des Cambodgiens avec leurs voisins chinois et vietnamiens. La trame policière n'est que le vecteur d'une narration géopolitique et socio-économique concernant un pays en pleine mutation.

Mathias BERNARDI : Toxic Phnom Penh. Le Masque Poche N° 67. Prix du roman d'Aventures. Parution le 3 juin 2015. 480 pages. 7,90€.

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9 décembre 2015 3 09 /12 /décembre /2015 16:17

Et n'oubliez pas de vous essuyer les pieds par la même occasion !

Jérôme ZOLMA : En main propre !

Parfois il vaut mieux tourner sa langue sept fois dans sa bouche (ou dans celle de sa copine) avant de prononcer des phrases qui peuvent faire mal, même si l'on n'a pas l'intention de nuire ou de vexer son interlocuteur.

Clerc de notaire chez Maître Bergeaud, à Avignon, Ilyès Janin-Zenati est surpris et agacé lorsque son patron lui dit :

Ilyès ? Vous êtes Algérien, vous, non ?

Le jeune homme lui répond sur le mode poli, mais cinglant, que non, il est Français mais d'origine algérienne par son père. Ce pourrait être un point final, mais le notaire enfonce le clou :

Oui, j'entends bien. Mais vous êtes quand même un petit peu Algérien.

Tout ça pour savoir si un voyage sur la terre de ses ancêtres plairait à Ilyès et s'il parle arabe. Car Maître Bergeaud veut confier une mission à son jeune clerc, une mission dont il n'aura la teneur que le lendemain, lors de l'ouverture du testament Daniel Genovese.

Le défunt ne lègue à ses deux neveux, les seuls héritiers, que des bricoles, le mas qu'il possédait dans les Alpilles devenant la propriété de Noël Ramon dont le dernier domicile connu se situe à Tizi-Ouzou. Et Ilyès est chargé de contacter ce Noël Ramon, sur place, car il ne possède pas le numéro de téléphone et les policiers locaux ne semblent guère intéressés à aider dans ses démarches un notaire Français.

Genovese, soixante-douze ans, se serait tué en tombant d'une échelle. Son héritier est un ancien camarade de régiment, resté sur place après la fin des hostilités en Algérie.

Ilyès est chargé de famille depuis la mort de son père dix ans auparavant. Son jeune frère Nouredine, bientôt quatorze ans, lui cause bien des soucis. Alors qu'il n'avait que onze ans, son instituteur avait découvert du shit dans son cartable, et depuis Nouredine traficote toujours au grand dam de sa mère et d'Ilyès. Pourtant celui-ci aimerait bien que le frérot s'amende, d'autant qu'il fréquente Céline, une jeune fille bien sous tout rapport, sa Gauloise comme disent les jeunes et moins jeunes de la cité. Le père est hypocondriaque, ça se soigne, et surtout il n'aime pas les Arabes tout en affirmant qu'il n'est pas raciste.

 

Il faut remonter quarante trois ans en arrière, en juillet 1962 exactement, alors que Noël Ramon et Daniel Genovese, complices sur le terrain et dans les mauvais coups, avaient spoliés un riche colon, lui barbotant ses lingots d'or, et lui prenant la vie par la même occasion. Daniel Genovese était rentré en France comme un bon petit soldat tandis que Noël Ramon, sur qui les soupçons policiers s'étaient focalisés, a préféré rester sur place, en changeant son nom.

Depuis, ils correspondaient épisodiquement, Daniel Genovese étant le dépositaire de la part de lingots de son copain.

Mais tout ceci, Ilyès ne le sait pas encore, seulement la mort prématurée de Daniel Genovese le tracasse. Il se rend donc en Algérie sur la terre de ses ancêtres, comme lui a dit son patron de notaire. Ses recherches se révèlent ardues, d'autant que peu après il se trouve flanqué du père de Céline, lequel est trop souvent dans ses jambes et le gêne plus qu'autre chose.

 

La guerre d'Algérie, les événements d'Algérie comme il était de bon ton d'appeler cela à l'époque, a provoqué des plaies qui se cicatrisent difficilement, et de temps en temps, cinquante ans plus tard, elles se réveillent provoquant quelques purulences.

Zolma nous décrit avec pudeur et sans parti pris cette histoire, qui oscille entre 1962 et 2005, sans forcer le trait d'un côté comme de l'autre.

Les événements décrits ne sont guère en faveur ni des uns ni des autres. Les Algériens étaient traités de terroristes alors qu'ils souhaitaient tout simplement recouvrer leur liberté, leur autonomie, parfois dans des circonstances extrêmes et avec des moyens belliqueux, tout comme les Résistants français affrontaient les hordes nazies durant la Seconde Guerre Mondiale, employant des méthodes de tortures ne faisant pas partie de l'arsenal guerrier. Mais certains militaires Français, et surtout leurs chefs ne s'embarrassaient guère de scrupules non plus, usant de méthodes similaires proscrites par la déontologie martiale.

Quant aux colons, implantés en Algérie depuis plusieurs générations, si certains essayaient de vivre en bonne intelligence avec les autochtones, d'autres se conduisaient en véritables esclavagistes ne se rendant pas compte qu'ils étaient à l'origine de ce conflit meurtrier.

Mais le parcours d'Ilyès prend également une grande part dans ce récit, plongé dans une enquête riche en péripéties, colportant avec lui ses propres soucis familiaux et se trouvant en butte aux idées préconçues et aux déductions hâtives, comme le décrit si bien le premier chapitre.

Un Zolma grand cru !

 

Voir également l'avis éclairé de Claude Le Nocher sur Action-Suspense :

Jérôme ZOLMA : En main propre ! Editions Lajouanie. Parution 7 mai 2015. 234 pages. 18,00€.

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8 décembre 2015 2 08 /12 /décembre /2015 14:55

Aime et rôde...

Marie WILHELM : La petite musique de mort.

Un inconnu s'est infiltré dans l'appartement dans lequel Jonathan joue seul. L'homme est un ogre qui casse tout, vandalise, déchiquète, à la recherche d'un objet.

Caroline vient de finir son service de nuit dans le bar où elle travaille afin de compléter son salaire. Elle est obligée de laisser son fils seul durant quelques heures.

 

Cinq ans auparavant, Caroline vit à la Martinique, où elle est née, son père dirigeant une grosse entreprise d'import-export de fruits. Elle est heureuse, insouciante, du haut de ses quinze ans de magnifique jeune fille rousse. Elle écoute en boucle un vieux CD de Cabrel, Je l'aime à mourir, que lui a prêté son amie Roseanne et en échange elle lui a confié une boîte à musique, à laquelle elle tient beaucoup.

Ce jour là ses parents organisent une fête, comme souvent, mais son père semble soucieux. Elle part se baigner mais un hurlement de terreur retentit. Elle regagne vite le rivage, aperçoit sa mère dans une flaque de sang, égorgée. Son père l'entraîne rapidement vers la maison mais sur le seuil une main se plaque sur sa bouche, perd connaissance tandis que son père est assommé.

Lorsqu'elle sort de son évanouissement, elle est à côté de son père mort. Nouveau choc vite réprimé par une main qui lui enfile une cagoule sur la tête.

Jim, son kidnappeur et auteur du massacre est à la recherche d'émeraudes, une mission que lui a confiée un nommé Pelletier, un trafiquant. Jim se rend compte qu'il a saboté son travail, n'ayant pu mettre la main sur les pierres précieuses. Le calvaire de Caroline va durer plusieurs semaines au bout desquelles elle parvient à s'échapper. Elle plonge à la mer au large des côtes californiennes et est récupérée par un garde-côtes.

Les policiers n'ébruitent pas ce sauvetage, mais cela relance l'enquête dans la tuerie martiniquaise. Caroline, qui s'appelait Lassalle va devenir Caroline Dumaine. Elle récupère sa boite à musique auprès de Roseanne, seul objet précieux qui lui reste, les biens familiaux ayant été vendus pour rembourser les créanciers de l'entreprise de son père. Une grand-tante vient la chercher et l'emmène chez elle à Limoges, ville d'où était originaire sa mère. Mais Caroline est enceinte des œuvres malfaisantes de Jim. Au début elle n'accepte pas l'idée de porter un enfant du meurtrier de ses parents, mais à la naissance elle est émue par ce petit être fragile.

C'est ainsi que cinq ans après, se produit l'incident narré en début de chronique. L'inspecteur Bellevue, un jeune policier de vingt-deux ans, est chargé de l'enquête par le commissaire Méziane. Caroline et son gamin sont hébergés par Mama, une amie, mais elle n'en a pas fini avec ses ennuis. Voulant récupérer quelques affaires elle tombe sur la cadavre de monsieur Tsao, son voisin, un vieux monsieur affable, victime de Jim qui a retrouvé la piste de Caroline alors qu'il la croyait noyée.

Pendant ce temps, la bonne ville de Limoges est secouée par des affaires de disparitions et de meurtres de jeunes filles rousses. Le commissaire Bertrand Savigny du SRPJ est chargé de résoudre cette énigme, et en plus de ses deux adjoints, il est assisté d'une stagiaire, Nathalie Fontenay, qui va se montrer très précieuse dans la résolution de l'enquête qui rejoint, le lecteur s'en doutait, celle dont est chargé Bellevue.

 

Une histoire narrée avec pudeur, sans trop de détails morbides, suffisamment explicite pour que le lecteur se sente ému, touché, consterné parfois, concerné par cette jeunesse maltraitée. Caroline à vingt ans n'est pas encore vraiment mûre ou l'est trop à cause des avanies subies. Malheureusement elle n'en a pas fini avec son psychopathe qui est tombé amoureux d'elle, du moins de son image, et en même temps ressent un sentiment de vengeance envers celle qui a réussi à le fuir.

Deux enquêtes qui se télescopent, menées par des policiers qui ne se prennent pas pour l'inspecteur Harry. Et qui comportent de très nombreuses péripéties mouvementées, tragiques.

Marc Bellevue débute dans la profession tandis que Savigny est marié et père de famille. Il ne rechigne pas au travail et aimerait passer plus de temps en famille. Son rêve, faire une coupure d'une semaine et aller en Jordanie en compagnie de Béatrice son épouse.

Outre les personnages de policiers, n'oublions pas Nathalie et les autres qui tous jouent un rôle prépondérant, chacun à leur manière et selon leurs possibilités, ce sont bien Caroline d'un côté et Jim de l'autre qui accaparent l'attention. Caroline marquée à vie et dont les réactions surprennent, parfois défavorablement. Jim le psychopathe qui incarne le Mal sans espoir de rédemption.

L'une de mes marottes, je n'y peux rien j'ai une petite calculette greffée dans la tête, est de comparer les dates et de relever les incohérences. Ainsi Marc Bellevue est âgé de vingt-deux ans. C'est écrit en toute lettres. Or page 55, on peut lire : La jeune femme (Caroline) qu'il devait interroger avait quatre ans de moins que lui. Sauf que Caroline au début de l'histoire a quinze ans et que cinq ans se sont passés depuis. Si je calcule bien, cela devrait lui faire vingt ans, donc pas quatre ans de moins que Bellevue. Ce n'est qu'un petit détail.

Un autre détail, géographique celui-là, m'a chiffonné. Le commissaire Méziane, dans le cadre de l'enquête téléphone à ses collègues de Pointe-à-Pitre afin d'obtenir des renseignements sur Caroline. Et il est agacé car les précisions demandées ne lui sont pas fournies assez rapidement. Ce qui est normal, Pointe-à-Pitre se trouvant en Guadeloupe et non en Martinique. C'est comme ça que des enquêtes pataugent.

Marie WILHELM : La petite musique de mort. Sous-titré Traque à Limoges. Collection Zones Noires. Editions Wartberg. Parution 17 septembre 2015. 208 pages. 10,90€.

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4 décembre 2015 5 04 /12 /décembre /2015 16:43

Allumer le feu, allumer le feu...

Patrick S. VAST : Igneus.

En ce 31 octobre 2014, peu avant minuit, alors qu'il s'apprête à entrer chez lui, Aralf, musicien du Groupe ADRIAN, sent derrière lui une présence. Un homme demande à lui parler. Aralf est intrigué, il s'avance, un éclair jaillit, l'inconnu s'enfuit, Aralf n'est plus qu'une torche vivante, morte. Le quartier de Wazemmes à Lille est vraiment pittoresque.

Au même moment, dans un restaurant routier à la sortie de Tournai en Belgique, Jizza attend. Elle ne sait pas trop quoi. Elle a reçu un appel téléphonique lui demandant de se rendre au Trucker, ce qu'elle a fait, et depuis elle attend. A ce moment un homme entre dans le bar, émettant d'une voix tremblante cette litanie : C'est l'heure, oui, c'est l'heure...

Sur l'injonction du cabaretier l'homme s'esquive, désemparé. Une tragique histoire qui s'est déroulée trente ans auparavant, jour pour jour. A l'emplacement du routier s'élevait une discothèque, et dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1984, un incendie s'est déclaré, près de cent cinquante personnes, dont les quatre membres du groupe de rock métal qui effectuaient leur prestation, succombant sous la proie des flammes. En sortant du bar, Jizza est prise en charge par quatre jeunes hommes voyageant à bord d'un minibus. Dans l'habitacle elle entend une chanson qui lui remémore quelques souvenirs, Still loving you des Scorpions, mais légèrement transformée. Elle goûte à une cigarette améliorée que lui tend l'un des quatre chevelus qui portent en bandoulière une croix inversée. Lorsqu'elle se réveille elle est allongée sur un banc lillois.

Pendant ce temps, dans la campagne aveyronnaise, près de Vinérac, un gamin frappe à la porte d'une maison. Il grelotte, semble avoir peur et ne sait que dire au secours. Si la femme veut bien l'accueillir, l'homme le renvoie sèchement. Pour lui le gamin s'est échappé du centre du Ropiac, un lieu à la réputation sulfureuse. De nombreux gamins vivent dans ce centre particulier et comme Lucette, la fille de ce couple, y travaille, l'homme ne veut pas d'embêtement. Le gamin s'enfuit, peu après un coup de feu retentit dans la nuit.

 

Jizza est la guitariste chanteuse du groupe ADRIAN, et le capitaine Legrand, un policier lillois, lui apprend le décès par combustion d'Aralf. Jizza est effondrée, d'autant qu'en regardant une pochette de disque dans la collection de son père, elle reconnait les quatre membres du groupe Wild Mind. Ils ressemblent étrangement aux quatre garçons dans le van qui l'ont prisent en stop la nuit précédente.

A Toulouse, Xavier doit se rendre à Lille pour effectuer une nouvelle mission. Il vient d'en rater une mais son commanditaire exige qu'il renouvelle son expérience. Il possède une liste, sur laquelle figurait Arnaud Delattre, alias Aralf, mais également Jizza et son père. Le guide l'exige.

Lucette est amie avec Oriane, autre membre du personnel du Ropiac. Elle est au courant de la tentative d'évasion de l'un de leurs jeunes pensionnaires. Elles sont au service d'une secte sataniste et Oriane a prévenu Chastagne qui traque justement ce genre de groupuscules dont celle du professeur Soriot qui dirige Ropiac. Chastagne et Oriane ont beau se rendre à la gendarmerie de Rodez, puis s'adresser à un commissaire toulousain, rien n'y fait. Personne ne veut s'intéresser à leur histoire, tout juste si on ne les traite pas de fous paranoïaques.

Charles Manfret, qui dans sa jeunesse a joué dans un groupe punk, The Sox Guns (tiens, ça me rappelle vaguement quelque chose, pas vous ?), se consacre désormais, toujours à la musique mais comme chroniqueur musical. Il apprend en lisant le journal le décès d'Aralf, ce qui ne l'intéresserait pas plus que ça si les noms de Jizza et surtout celui de Louis Genelli n'y étaient pas accolés. Or Louis Genelli, il l'a connu, beaucoup plus jeune.

 

Dans ce roman tout feu tout flamme, nous retrouvons le thème qui avait été développé dans le précédent ouvrage, Requiescant, celui de la combustion spontanée. Mais le développement est totalement différent, plein de bruit et de fureur, empreint de rock métal, celui qui a bercé nos années 70/80. La musique adoucit les mœurs, parait-il, mais ce n'est pas toujours vrai, lorsque d'autres éléments s'en mêlent.

Ainsi la présence satanique d'une secte n'est pas fortuite et Patrick S. Vast en démontre les dérives dangereuses, morbides, traumatisantes et funestes. Ainsi l'église sataniste créée par Soriot est calquée sur le modèle et les principes édictés par Anton LaVey.

Surtout lorsque des personnes appartiennent en même temps à des associations influentes, à but caritatif, comme la confrérie du Prisme de l'Eveil qui s'infiltre dans l'histoire. Une célèbre association internationale, le Rotary Club pour ne pas la citer, possède comme devise : Servir d'abord. Ce qui est louable en soi. Mais il ne faut pas oublier cette devise secondaire qui dit : Qui sert le mieux profite le plus. Or sous des dehors de solidarité envers les autres, c'est bien la solidarité envers ses propres membres qui prévaut, jusqu'au plus haut de la pyramide sociale. Servir l'intérêt particulier passe avant l'intérêt général. Je parle bien entendu du Prisme de l'Eveil, n'allez pas me prêter de mauvaises intentions.

 

Igneus est un excellent roman qui en deux cents pages narre une histoire foisonnante, musicale, flamboyante, et Patrick S. Vast démontre que point n'est besoin de noircir une multitude de feuillets inutilement pour parvenir au but premier : divertir le lecteur. Il ne s'embarrasse pas de digressions oiseuses et longuettes pour expliquer les faits et gestes des satanistes, il les évoquent tout simplement et cela ne nuit en rien à la narration. Au contraire, celle-ci est plus fluide, plus rapide.

Il est amusant de noter que bon nombre de personnages sont maigres, efflanqués, habillés de noir, et à chaque j'avais l'impression d'être face à des clones de Iggy Pop.

 

Patrick S. VAST : Igneus. Editions Fleur Sauvage. Parution le 10 novembre 2015. 208 pages. 16,40€.

Existe en version Kindle : 9,99€.

 

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1 décembre 2015 2 01 /12 /décembre /2015 13:50

Il faut tuer Savonarole...

Gérard DELTEIL : La conjuration florentine.

Il est difficile de ne pas effectuer un parallèle entre des événements qui ont secoué la ville de Florence en 1497 et l'état d'esprit qui régnait alors, et certains événements socioreligieux actuels.

Dieu ne veut pas de crucifix d'argent à côté d'estomacs affamés.

Cette diatribe imprimée à Florence et émanant de Jérôme Savonarole, le moine dominicain qui veut imposer aux habitants de la cité une règle de conduite plus pure, indispose fortement le Pape Alexandre VI, Rodrigo Borgia.

Avec l'évêque Adriano Castellesi, qui est également son ami, le pape décide de supprimer purement et simplement son ennemi. Il recherche donc un candidat susceptible de mener à bien cette mission et le trouve en la personne d'un novice, Stefano Arezzi, car selon Castellesi, sa foi frise le fanatisme.

Enfant trouvé, Stefano, qui entre dans sa vingtième année, a été élevé par les Franciscains, a étudié la théologie, les mathématiques, l'astronomie, les langues, à l'université de Bologne, et est actuellement au couvent de l'Aracoeli. Seulement Stefano ne sait pas manier les armes et son maître sera un sicaire qui aurait pu prétendre lui aussi à affronter Savonarole. Après un entraînement poussé, Stefano se rend à Florence, muni d'un coffret contenant une Bible mais qui dissimule des fioles de poisons et des objets pouvant servir de cachette telle qu'une bague au chaton amovible.

 

Les troupes de Charles VIII remontent vers la France, les Médicis ont été chassés de Florence, et la populace est divisée en trois factions d'inégales compositions. Savonarole possède ses partisans, les Piagnoni, tandis que les Arrabiati s'érigent en ennemis du moine, les Compagnacci représentant la tendance dure des Arrabiati. Les Médicis sont soutenus par les Bigi qui espèrent leur retour aux affaires. Mais ce sont surtout les jeunes gens issus de familles riches qui se montrent les plus virulents.

Savonarole a proscrit la musique, la danse, les masques et les carnavals, obligé les femmes à cacher leurs cheveux sous un voile, et bien d'autres manifestations qui font de lui un moine intégriste enflammant une grande partie des Florentins. Les livres, les œuvres d'art licencieuses ne trouvent pas grâce à ses yeux, de même que le luxe affiché par l'Eglise et les puissants, la recherche du profit, et la vente bénéfique financièrement d'Indulgences. Une réforme humaniste dans l'excès.

Le cerveau du Frate est trop étroit pour comprendre que la jeunesse préfère la musique, la danse, les masques et les jeux de l'amour qui accompagnaient les carnavals d'autrefois aux litanies de l'église.

 

Le pape Alexandre VI

Le pape Alexandre VI

C'est dans cette ambiance trouble que Stefano débarque à Florence et il se rend, sur les conseils de Castellesi chez Maître Turca, un riche drapier-lainier, afin de devenir le précepteur de ses deux enfants, Gustavo et Léna. Gustavo se montre un élève appliqué, mais Léna, proche des quatorze ans, est déjà une petite femme aux formes généreuses et elle se montre aguicheuse auprès de Stefano. Mais ce n'est pas Lena qui décrochera le pompon, ce sera Fedora, la femme de Turca, qui lui rendra visite en catimini dans sa couche un soir.

Gustavo est embrigadé dans la formation des Anges blancs, dont la mission est de récolter des subsides pour construire des hospices. Stefano est chargé de le surveiller car Turca se méfie des manigances du Frate, alias Savonarole. En guise de subsides, les Anges blancs reçoivent des pierres lancées par des gamins vivant dans un quartier défavorisé. Il évite toutefois à Vittorio, l'un des agresseurs d'être écharpé, ce qui lui vaut la reconnaissance familiale et celle du voisinage. Il devient même le général d'une section des Anges blancs. Mais il s'attire les quolibets et les inimitiés de la part des Compagnacci, des jeunes gens tout feu tout flamme.

Ce que n'avaient pas prévu Alexandre VI et Castellesi, c'est l'attirance qu'exercera Savonarole sur Stefano. Il rencontrera bien d'autres personnages, dont le jeune Nicolas Machiavel, et surtout la belle et veuve Antonella Sarafini, dont le fils est lui aussi membre des Anges blancs. Il lui faudra également déjouer des tentatives d'assassinat, des complots, car les ennemis de Savonarole ne manquent pas, soit dans Florence même, soit dépêchés par le Pape qui ne s'est pas résigné à subir les affronts de Savonarole, lequel va jusqu'à organiser un autodafé, le bûcher des vanités, au plus grand dam de ses adversaires.

Stefano va apprendre qu'il ne faut pas confondre la religion, la politique et le négoce, ces trois éléments étant souvent incompatibles.

 

Savonarole

Savonarole

Gérard Delteil nous invite à un voyage dans le temps à une époque au cours de laquelle la religion possédait une prépondérance maléfique dans la vie quotidienne des êtres humains, régissait tout et imposait une vision déformée des enseignements humanistes.

Si le but de Savonarole, réfuter l'amas de richesses engrangées de la papauté et les redistribuer aux pauvres, était avisé et louable en soi, c'est sa façon de procéder qui est condamnable. Imposer des préceptes intégristes et plonger la masse populaire dans l'ignorance, et ses prises de positions principalement vis à vis de la gent féminine, nous ramène inconscient (ou pas) aux préceptes des talibans tels qu'ils l'exercent aujourd'hui. Et Savonarole influencera peut-être Luther et Calvin lorsqu'ils poseront les bases de la Réforme.

Et au delà du roman, très fouillé, construit avec une recherche historique, même si cela reste justement un roman, ce sont bien les débordements religieux qui s'ancrent dans l'esprit du lecteur. De plus, entre les Dominicains dont fait partie Savonarole, et les Franciscains, religieux dont le Pape est proche, existe un antagonisme flagrant.

Gérard Delteil démonte l'hypocrisie qui règne, les magouilles et manipulations exercées au nom de l'église en appliquant les doctrines selon ses envies et ses besoins personnels. Le personnage de Savonarole se montre ambigu, et dont justement il faut se méfier. Tout comme les religieux, quelle que soit leur confession, d'aujourd'hui qui veulent infliger leur vision en abaissant moralement leurs fidèles, en se servant de textes dénaturés, et les obligeant à se conduire en rétrogrades exaltés, fanatiques, subissant des enseignements iniques.

Un roman historique passionnant, dans la veine d'Alexandre Dumas, mais avec une approche sur des événements actuels , même si cela n'est pas défini et exprimé dans l'ouvrage, et qui va au-delà du simple plaisir de la lecture.

Gérard DELTEIL : La conjuration florentine. Editions Points. Points Thriller P4222 Inédit. Parution 19 novembre 2015. 480 pages. 7,90€.

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25 novembre 2015 3 25 /11 /novembre /2015 15:06

Ne le restera pas longtemps, quoi que...

Jean-François PAROT : L'inconnu du pont Notre-Dame.

L'affaire du collier de la Reine, dans laquelle est impliqué le cardinal de Rohan, n'a pas fini de faire des vagues lesquelles se prolongent jusqu'au Vatican. Nicolas Le Floch, commissaire aux affaires extraordinaires au Châtelet a même dû effectuer un voyage à Rome, rencontrer le pape Pie VI, afin de représenter diplomatiquement le roi Louis XVI. Le cardinal Bernis en profite pour lui remettre deux médailles, destinées l'une à madame Louise, la prieure du Carmel de Saint-Denis, l'autre à une personne qui est chère à Le Floch, marquis de Ranreuil. Ce qui ne manque pas de le plonger dans de profondes conjectures.

De retour à Paris, Nicolas Le Floch est invité à se rendre à une réception organisée par le Duc de Dorset, ambassadeur de la couronne d'Angleterre à Paris. Il y retrouve, outre un personnage dont il se méfie, Lord Aschbury, le chef des Services secrets anglais, le vieux Lord Charwel, lequel est accompagné de sa femme. Le Floch est estomaqué car il reconnait en la charmante épouse Antoinette, dite La Satin, agent du Secret français à Londres, et mère de son fils Louis de Ranreuil. Heureusement Antoinette, qu'il n'avait pas revue depuis des années, ne bronche pas. Elle est devenue plus flegmatique que les représentants de la perfide Albion.

 

Le lendemain, 16 mai 1786, il se rend à la Bibliothèque du Roi, dirigée par Le Noir, son ancien supérieur au Châtelet qui depuis est devenu bibliothécaire du roi. Le Noir déplore la disparition de Halluin, le conservateur au cabinet des médailles, depuis quelques jours. Mais aucun vol ne serait enregistré, apparemment. En compagnie de son subordonné et ami, l'inspecteur Bourdeau, Le Foch va s'atteler à la tâche, mais il doit partager son temps avec d'autres affaires qui le requièrent.

Toutefois il se rend en compagnie de son adjoint au domicile du garde des médailles. Et si l'appartement est fort bien rangé, il comporte quelques anomalies. Dans la penderie sont accrochés des vêtements féminins, et des pots de parfumerie et de soin de la peau sont visibles. La portière, causante comme une concierge mal lunée, ne tarit pas d'invectives envers son locataire, ainsi qu'à l'encontre d'un barbier, le merlan comme elle l'appelle, qui lui rend visite de temps à autre. Pour Nicolas Le Floch et son compère, Halluin est un personnage ambigu dont il serait bon d'approfondir la personnalité.

 

Le transfert des inhumés au cimetière des Innocents agite la populace, tandis que la démolition des maisons érigées sur le pont Notre-Dame est entamée au grand dam de nombreux Parisiens. Or le cadavre d'une femme vient d'être découvert dans les ruines du troisième étage d'une de ces habitations. Le Floch et Bourdeau se précipitent. Le visage de la femme est écrasé et donc inidentifiable, seulement, après vérification par Sanson, le bureau qui fait office également de légiste, cette femme est un homme. De plus cet individu n'a pas été trucidé, poignardé sur place mais il a été transporté. Dans une doublure de ses vêtements gît une facture relative à des pots d'onguent, comme ceux découvert chez d'Halluin.

Comme si les choses n'étaient déjà pas assez compliquées comme ça, Sartine, ancien lieutenant général de police et ancien ministre, demande à ce que Louis de Ranreuil, le fils de Nicolas Le Floch, serve de garde rapprochée à Antoinette Godelet, devenue Charwel, la Satin (le S est important !), une mission pour le moins délicate, car comment se déroulera l'entrevue entre la mère et le fils, sans que chacun des personnes mises en présence l'une de l'autre ne dévoile leur parenté. Antoinette serait à même de déjouer un projet visant Louis XVI et la royauté en général. Une guerre larvée et diplomatique qui serait préjudiciable à la France.

 

Une médaille à la Méduse réapparait inopinément et c'est ainsi que Le Floch, Bourdeau et Le Noir se rendent compte que celle enfermée dans une vitrine du cabinet des médailles, n'est qu'un faux, une reproduction en cire, parfaitement imitée. Une médaille convoitée par la Reine afin d'orner un meuble. Et des plans des Champs Elysées sont retrouvés de-ci de-là, mais pour le moment il leur est impossible de comprendre leur signification même auprès de Federici, le gardien de cette promenade possédant une mauvaise réputation malgré les efforts consentis pour son aménagement.

 

Les investigations de Le Floch le mèneront dans un Paris qui sans être comparable à la cour des Miracles est le fief des receleurs et des maisons de jeu, jusqu'en rade de Cherbourg que Louis XVI doit visiter, un projet qui ne doit pas tomber à l'eau.

 

Les intrigues de cour sont le terreau des romans historiques, épicés de dangers disséminés aussi bien dans les tréfonds d'une ville soumise à la perdition ainsi qu'au lucre, à la tentation et à la trahison. Les voyous de basse extraction côtoient les bourgeois et gentilshommes, dont les buts sont différents mais complémentaires.

Et dans ces arcanes qui passent rapidement de la lumière à l'obscurité, Le Floch va devoir naviguer pour mener à bien son enquête qui est rongée par la révélation étonnante et surprenante de sa naissance. Le tout est enrobé d'un voile de complots et d'intrigues de cour et de basse-cour, comme Dumas (et ses complices) savait si bien les écrire et les mettre en scène. D'ailleurs les références à Dumas ne manquent pas, ne serait-ce que cette appétence à décrire les banquets et les recettes de cuisine, dont certaines rapportées d'Italie par Le Floch. Les drames couvent, et des pointes d'humour surgissent, comme par exemple l'entrevue entre La Paulet, tenancière de maison dite close mais ouverte à toutes les bourses, et devineresse au langage fleuri et approximatif.

Et comme dans le roman de Jean-Christophe Portes, L'affaire des Corps sans tête, Jean-François Parot nous présente en Louis XVI un roi différent de celui qui était décrit dans les manuels d'histoire scolaires, pour autant que je m'en souvienne. Ce n'est pas à un roi fade, sans réelle envergure auquel le lecteur est confronté mais à un personnage qui réfléchit, ne dépense pas sans compter, et dont les projets, s'ils avaient pu être menés à bien, auraient pu en faire un monarque influent et considéré. Mais comme toujours, c'est son entourage qui entrava ses velléités de réformes.

 

Jean-François PAROT : L'inconnu du pont Notre-Dame. Les enquêtes de Nicolas Le Floch. Editions Jean-Claude Lattès. Parution 14 octobre 2015. 448 pages. 19,00€.

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19 novembre 2015 4 19 /11 /novembre /2015 13:57

Les animaux sont moins bêtes

que certains humains...

BOILEAU-NARCEJAC : Le contrat.

Avant d'être tueur à gages, G. se produisait dans les cirques, les music-halls, et autres endroits où le spectacle est roi.

Un as de la gâchette dont le talent était par vraiment trop mal payé, mal reconnu, mal récompensé.

Jusqu'au jour où Monsieur Louis le remarque et l'engage afin d'éliminer ceux qui pourraient être une entrave à la réalisation de certains de ses projets.

G. ne s'est jamais posé la question quand au bien fondé de ces contrats. Pourtant une vie bien rangée, bien agencée, paisible en apparence, n'est jamais à l'abri d'un quelconque dérèglement.

Ce grain de sable va se matérialiser dans l'existence de G. sous la forme d'un attentat auquel il participe en tant que témoin et non comme auteur. Puis il est sollicité pour un contrat en province, dans la cité thermale de Châtelguyon. Une main légèrement défaillante et G., s'il remplit son contrat, n'est pourtant pas fier. Il a blessé un chien, un chien-loup.

Et cet homme qui n'avait aucun scrupule, aucun remord, dans l'exercice de ses fonctions, va recueillir cette bête à laquelle il s'attache.

C'est le début d'une traque et d'une amitié.

Monsieur Louis ne peut se permettre de laisser G. en vie alors qu'une enquête de routine peut démolir toute une organisation.

 

Boileau-Narcejac nous livrent une fois de plus un admirable roman de suspense, mais également une histoire d'amour entre un homme et un chien. Un homme qui n'a jamais connu l'amour, ou passagèrement, et qui se découvre un potentiel de tendresse, un besoin de prodiguer sa protection envers un animal blessé par sa faute.

Thomas Narcejac aime la littérature, et dans le roman policier ce qu'il préfère, c'est le roman d'énigme. Et comme on dit, le roman noir n'est vraiment pas sa tasse de thé. Chacun sa façon de voir et d'apprécier une littérature qui reflète souvent les angoisses, les problèmes ressentis par toute une génération déboussolée.

Mais comme monsieur Jourdain s'exprimait en prose sans le savoir, Thomas Narcejac, avec son compère Pierre Boileau, vient pourtant d'écrire un véritable roman noir.

Plus que l'intrigue, un peu faible à mon avis, ce sont les angoisses, la tendresse, la souffrance, les joies qui relient cet homme et son chien, face à des adversaires qui n'ont qu'une solution, les éliminer.

Et mon tout est un roman poignant. Une communion entre deux êtres solitaires s'instaure, une communion de pensée, une communion de sentiments.

 

Première édition : Editions Denoël. Parution octobre 1988. 192 pages.

Première édition : Editions Denoël. Parution octobre 1988. 192 pages.

Réédition Collection Folio N°2180. Parution 12 septembre 1990. 224 pages. 6,40€.

Réédition Collection Folio N°2180. Parution 12 septembre 1990. 224 pages. 6,40€.

BOILEAU-NARCEJAC : Le contrat. Réédition collection Folio Policier N°782. Parution 13 novembre 2015. 208 pages. 6,40€.

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17 novembre 2015 2 17 /11 /novembre /2015 13:49

Las de t'attendre dans la rue

J'ai lancé deux petits pavés

BOILEAU-NARCEJAC : Les Nocturnes.

Mai 1968. Les étudiants jouent allègrement avec les CRS et les gardes mobiles, leur balançant de petits cadeaux sous forme de pavés.

C'est le printemps, l'hiver a été long, les études sont fastidieuses, tout est bon pour trouver prétexte à se défouler.

De petits incidents sont bien à déplorer, et dans les rangs des deux équipes quelques blessés sont à dénombrer, mais cela fait partie des aléas, des risques inhérents à toute action légèrement agressive et virile.

C'est ainsi que Lamireau est amené à soigner Tamara blessée au pied. Lamireau, étudiant en médecine, fils d'ouvriers tirant le diable par la queue, est devenu communiste plus par le cœur, par révolte, que par connaissance de l'idéologie. En réalité, c'est un aspirant bourgeois. Mais la rencontre avec la jeune femme va sceller son destin.

Tel le loup de Tex Avery, il n'a d'yeux que pour cette envoyée du KGB, en mission en France, et, tombé amoureux, il se livrera pieds et poings liés en victime consentante. Il accepte de changer de nom, de s'improviser docteur, de diriger une clinique privée à Vichy dont les patients sont des artistes, des intellectuels, des industriels. Son rôle ? Epier et rédiger des rapports.

Vingt ans après, devenu le docteur Molyneux, il est recherché par la police. Il se cloître dans une chambre d'hôtel. Dans la chambre contigüe deux hommes surveillent ses allées et venues. Mais un homme traqué n'est pas forcément en proie à la panique, dénué de toute réflexion, de tout sang-froid. Il en est persuadé.

Alors il épie lui aussi ses voisins, par de petits trous dissimulés dans la cloison, œuvre d'un voyeur en quête de sensations fortes. Pour soulager sa conscience et expliquer ses faits et gestes, se déculpabiliser à ses propres yeux, Lamireau relate dans un cahier d'écolier son parcours d'agent secret, de taupe recrutée par Tamara, dont il n'a pas de nouvelles depuis fort longtemps.

 

Dans ce roman, Thomas Narcejac, qui garde par fidélité et par amitié le nom conjoint de Boileau-Narcejac, nous entraîne une fois de plus dans un suspense psychologique.

Une histoire à mi-parcours entre le thriller politique et la fiction psychanalytique. Lamireau est-il atteint de paranoïa, d'un délire de la persécution, ou bien, malgré le début de l'effondrement de régime de l'Est, est-il poursuivi par des agents du KGB dont la seule mission est de le soustraire à la justice française en le faisant disparaître de la circulation ?

Une spirale infernale à la limite du fantastique et du croyable. Pourtant tout y est minutieusement agencé, comme chronométré, et l'épilogue tombe comme un couperet.

 

Première édition : Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution 14 janvier 1992. 192 pages.

Première édition : Collection Sueurs Froides. Editions Denoël. Parution 14 janvier 1992. 192 pages.

BOILEAU-NARCEJAC : Les Nocturnes. Editions Folio. Collection Policier N°783. 192 pages. Parution 13 novembre 2015. 6,40€.

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15 novembre 2015 7 15 /11 /novembre /2015 15:41

Mais il y eut aussi les braves gars de la rade !

Marek CORBEL : Les gravats de la rade. Zone d'ombre sur Brest.

Imaginez que vous entrez dans une salle de réunion? De petits groupes de quelques personnes bavardent, discutent, conversent. Vous vous approchez de l'un puis de l'autre, essayant de comprendre les propos échangés, mais tout cela vous parait fort confus.

Puis à un certain moment vous prenez en oreille un fil auquel vous vous raccrochez. Vous tirez doucement dessus et ce lien ténu en ramène d'autres, comme une dentelle, comme un filet de pêche, une nasse grouillante et vous parvenez enfin à relier tout ce puzzle qui joue avec le temps. Des événements qui se déroulent pour certains à partir de la fin octobre 2011 à Brest et ses environs, pour d'autres en octobre 1943 dans la prison Jacques Cartier de Rennes.

 

Dans un coin, des personnes évoquent la mort de la veuve Le Moign, riche héritière d'un élevage porcin industriel et d'une conserverie de pâtés fort prisés. Elle est décédée dans l'incendie de sa villa de Plougonvelin, seulement à l'autopsie il est démontré qu'elle possède dans le corps un plomb impropre à la consommation. Il s'agit d'une balle provenant selon toute vraisemblance d'une arme ancienne et étrangère. L'affaire est confiée au capitaine Gourmelon, de la gendarmerie territoriale, ce qui n'arrange vraiment pas son ex-femme qui pense qu'il a encore trouvé une échappatoire pour se défiler de la garde des gamins. Et comme le garçon a été privilégié par rapport à la fille, les doutes sont permis sur une éventuelle jalousie.

 

Dans un autre endroit, on parle du corps d'un vieil homme a été ramené dans ses hélices. Un vieil homme âgé de près de soixante-dix ans selon les premières constatations. L'homme était atteint d'une tumeur en phase terminale au cerveau. Un suicide, apparemment par une balle, seulement la balle proviendrait d'une arme à feu ancienne et étrangère. Et comme il est impossible de retrouver l'arme, là aussi des doutes se forgent dans les neurones de Sahliah Oudjani, lieutenant à la gendarmerie maritime. L'affaire n'avance pas assez vite au goût du juge Salaun. Le cadavre est bientôt identifié, il s'agit d'un ancien responsable de la Fraction armée rouge en Allemagne de l'Ouest dans les années 1970, début 1980, du nom de Hans Schwitzer, qui a passé une vingtaine d'année en prison et n'a été libéré qu'en 2005.

 

Voyons ce qui se dit ailleurs, dans un autre groupe. Il est question de Maryse Dantec, nouvelle retraitée qui a décidé de reprendre ses études d'histoire, de passer un master II, dont le thème est lié à la Résistance à l'Arsenal de Brest durant la seconde guerre mondiale. Par la même occasion elle veille sur son père hospitalisé à Brest, et qui fut durant quelques décennies maire communiste de la ville de Saint-Denis, l'un des fiefs de la ceinture rouge parisienne.

 

Enfin, dans un coin, cachés dans une pénombre prononcée, des silhouettes plongées dans une opacité entretenue, se remémorent Yves, interné dans la prison Jacques Cartier de Rennes. Des fantômes qui ont pour nom Eliane, Robert-Max, Guermeur, Dantec, Morriss, un employé de la préfecture, un nommé Mercier qui fricote avec les Nazis qui tiennent Brest, et le patronyme de Trotski qui flotte comme un étendard, des phrases qui circulent emportées par le vent, La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire, des probabilités avancées, le basculement possible des staliniens, choisir entre une idéologie ou des représentants de la bourgeoisie, Churchill, De Gaulle, des problèmes de conscience, des trahisons...

 

Peu à peu les groupes du capitaine Gourmelon et du lieutenant Oudjani se rapprochent insensiblement, car il est indiscutable que les deux affaires qu'ils ont en charge sont liés.

 

Des souvenirs segmentés, comme incomplets...un lien ténu entre hier et aujourd'hui, qui tire dans sa nasse la bêtise humaine, séculaire, l'aveuglement de quelques dogmatiques qui pensent détenir la vérité, et qui conduisent aux meurtres via une lâcheté stupide et dégénérée. L'histoire se répète, pas toujours dans les mêmes circonstances, pas toujours au même endroit, mais l'on ne peut nier quelques corrélations entre événements d'hier et ceux d'aujourd'hui, celle d'idéologies malsaines, néfastes ou mal interprétées.

Et comme trois avis valent mieux qu'un je vous invite à visiter les liens ci-dessous :

Marek CORBEL : Les gravats de la rade. Zone d'ombre sur Brest. Collection Zones Noires. Editions Wartberg. Parution 17 septembre 2015. 208 pages. 10,90€.

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11 novembre 2015 3 11 /11 /novembre /2015 14:06

37.5 le matin : Lasser bat Djian !

Sylvie MILLER & Philippe WARD : Lasser dans les arènes du temps. Lasser, Détective des Dieux 4.

Le statut de Détective des Dieux commence à peser sur les épaules et dans la tête de Lasser.

Il ne veut plus être mêlé aux bisbilles générées par les rivalités entre divinités, il a assez engrangé d'argent, et il voudrait jouir en toute tranquillité de son whisky hors d'âge dégusté dans un fauteuil de l'hôtel Sheramon qu'il fréquente depuis son séjour en Egypte.

Seulement Fazimel, la réceptionniste de l'hôtel, et son assistante préférée, lui montre dans un journal, Papyrus News, un article dans lequel il est cité. La statue en or d'Isis, haute comme deux humains juchés l'un sur l'autre, va être inaugurée dans le temple dédié à la déesse à Pompéi. Le rédacteur de la notule est quelque peu ironique sur l'activité et les compétences de Lasser, mais c'est bien la question qu'il pose qui inquiète le détective. L'incursion des Dieux égyptiens aura-t-elle l'heur de plaire à Jupiter, et qu'elle sera sa réaction ?

L'incursion d'Isis trouble la douce quiétude qui enrobe Lasser. Elle est furieuse. Sa statue a été enlevée, et Lasser est prié d'aller enquêter sur place. Et Fazimel pourra l'accompagner car elle parle le latin et l'italien. Lasser refuse, mais Isis contrairement à son habitude ne tempête pas, elle supplie. Et Lasser se sent obligé d'obtempérer.

Fazimel et Lasser sont accueillis à Pompéi comme deux chiens dans un jeu de quilles par le Generale di brigata Totti, et ils le retrouveront à moult reprises sur leur chemin, pour leur plus grand déplaisir. Le début des embêtements qui vont jalonner leur enquête.

Du temple d'Isis, où ils dérangent en pleine répétition des théâtreux, jusqu'à celui de Vénus, leur parcours sera loin de tout repos. Ils rencontrent notamment l'architecte qui a construit les deux temples, car ils se sont aperçus qu'il existait des passages secrets. Ils vont également faire la connaissance d'autres personnages hauts en couleurs. Par exemple Fazimel retrouve son amie Francesca, réceptionniste comme elle dans un hôtel et nièce d'un responsable local de la Mafia. Leurs pistes les conduisent un peu à gauche et à droite, et même jusqu'au bord du cratère du Vésuve. Un moment épique qui voit Fazimel et Vénus se combattre nues, sous le courroux de Jupiter. Entre temps Lasser aura été enlevé et Fazimel aura assisté à une séance de relaxation charnelle entre vestales et hommes de tous âges.

 

Après toutes ces tribulations, Fazimel et Lasser rentrent au Caire ayant rempli une partie de leur mission. Les relations entre les Dieux égyptiens et les Dieux romains sont au beau fixe tendance orageuse, mais ce n'est plus le problème du Détective des Dieux. Croyait-il car...

 

Trois mois plus tard, alors qu'il déguste béatement un pur malt seize ans d'âge à l'hôtel Sheramon, c'est une habitude chez lui, l'intrusion de Don Provenzano surprend Lasser. Le Parrain de Pompéi est chargé de recruter pour le compte de Jupiter son amie Fazimel. Le vol d'un objet important irrite Jupiter, mais ce n'est pas Lasser qui doit être embauché. Il est trop proche d'Isis, et il est le détective officiel des divinités égyptiennes. Lasser sera officiellement le garde du corps de Fazimel, mais Lasser comprend qu'il s'agit d'un subterfuge, afin de déjouer les susceptibilités des uns et des autres. Lasser n'est vraiment pas chaud pour accepter cette initiative, il refuse même catégoriquement, mais Isis sait se montrer convaincante et nos deux amis se rendent donc à Rome, dans les rôles qui leur ont été attribués.

Jupiter leur confie la chaude mission de retrouver le Feu de Vesta qui a été remplacé par une flamme ordinaire. Mars et ses alliés tentent d'infléchir la volonté de Jupiter en vain, et Lasser sent qu'ils ont devant eux un ennemi qui va tout faire pour contrarier leur enquête.

Mais qui a pu voler cette flamme éternelle qui peut déboussoler et mettre à feu et à sang toute la contrée ? Les soupçons se portent sur des dieux mineurs, comme Mithra ou encore un nouveau venu qui veut tout s'accaparer, l'Unique. Une piste mène Fazimel, Lasser et Provenzano à Ostie, chez le Brocanteur. Tandis que Fazimel discute, Lasser se rend dans la réserve et découvre un objet bizarre. Il appuie sur deux boutons de couleur et il se retrouve propulsé dans le temps.

Des péripéties au cours desquelles Fazimel va rechercher son compagnon et va être confrontée à deux personnages inquiétants, les Patrouilleurs du Temps. Lasser, quant à lui, va tenter de leur échapper, jouant le rôle du Fugitif.

 

Un roman en deux parties, écrit à quatre mains et décliné à deux voix. En effet chacun leur tour, Fazimel et Lasser narrent leurs pérégrinations et tribulations, leurs mésaventures homériques, frôlant le danger à tout instant.

Dans les précédents épisodes de cette série échevelée, Lasser tenait le beau rôle, Fazimel lui servant d'assistante, l'aidant et le sauvant dans des situations périlleuses à l'occasion. Dans ce nouvel opus, Fazimel tient une place prépondérante, indispensable, et le lecteur la découvre sous un nouveau jour. Elle est la protégée d'Isis et devient la collaboratrice de Lasser. On en apprend un peu, voire beaucoup plus sur son origine, son enfance, et surtout qu'elle possède des dons, dont une mémoire eidétique, des pouvoirs, ce qui va considérablement l'aider dans certaines circonstances.

 

Ce roman nous ramène aux bons vieux feuilletons qui étaient signés Zevaco, Féval, Xavier de Montépin, H.G. Wells et autres maîtres de la littérature populaire. Lasser dans les arènes du temps possède la fougue, l'imagination, le délire, le souffle, l'impertinence, la débauche d'énergie, la grandiloquence des mises en scène cocasses, houleuses, tendres, démoniaques et divines à la fois. Bagarres épiques, complots, tentatives de meurtres et d'empoisonnement, enlèvements et séquestrations, trahisons, mensonges, poursuites débridées, fornications caligulesques, rivalités divines familiales, jeux léonins du cirque parsèment cette intrigue, et j'en oublie, volontairement ou non

 

Sylvie Miller et Philippe Ward sont les Boileau-Narcejac du roman policier fantastique, les Roux et Combaluzier de l'ascenseur temporel.

 

Retrouvez Lasser dans ses précédentes aventures :

Sylvie MILLER & Philippe WARD : Lasser dans les arènes du temps. Lasser, Détective des Dieux 4. Editions Critic. Parution 6 novembre 2015. 494 pages. 22,00€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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