Le 18 juillet 1907 s'éteignait à Fontenay sous Bois Hector Malot, dont le chef-d'oeuvre Sans Famille fut l'une des nos lectures juvéniles.
L'œuvre d'Hector Malot, auteur d'une soixantaine de romans, est occultée par trois titres souvent réédités dans des collections dédiées aux jeunes lecteurs : "En famille", "Romain Kalbris" et l'indémodable, le pathétique "Sans famille" adapté en dessins animés pour la télévision. Des ouvrages destinés, selon une formule consacrée, à une tranche d'âge oscillant entre sept à soixante-dix sept ans. Dans sa préface, Yves Pincet précise comment et pourquoi "Le mousse" resta inédit et publié à titre posthume. Il ne faut pas croire qu'il s'agit là d'un fond de tiroir, comme parfois, dans la louable intention de connaître l'intégralité d'une œuvre, des éditeurs dépoussièrent quelques textes sans intérêt. Ecrit à l'intention de sa petite-fille Perrine, "Le mousse" reprend les thèmes humanistes chers à Hector Malot : l'enfant orphelin, le réalisme et la description d'un tableau social de la deuxième partie du XIXème siècle qui entame une industrialisation postmoderniste.
Le "Merthyr", un navire anglais, s'échoue en baie de Seine, alors que les éléments sont déchainés, en face de Villerville, commune située entre Trouville et Honfleur. Lorsque les marins pêcheurs du village, avec à leur tête les Le Houx père et fils, peuvent s'approcher du bateau en perdition, l'équipage s'est embarqué à bord de canots de sauvetage, oubliant sur le navire une enfant endormie serrant dans ses bras une poupée. La gamine ne parle que l'anglais et ne peut donc pas raconter son odyssée, seulement décliner son prénom : Olwen. Elle est rebaptisée Michelle et est hébergée par la famille Le Houx.
Les canots de sauvetage des marins anglais se sont fracassés sur les rochers. Seul le cadavre de la mère de Michelle est retrouvé sur la plage par le Sorcier, un être retors qui s'empare des bijoux de la défunte et des papiers dévoilant son identité. Il gardera par devers lui ces précieux biens puis les négociera, tandis que Michelle va passer son enfance, employée comme mousse, afin d'aider sa famille adoptive.
Un grand-père qui ne veut reconnaître sa petite-fille, des marins luttant contre les éléments, la misère, un homme de loi bon, un sorcier touche-à-tout et malin, un peintre de marine, une femme espérant toujours le retour de son mari péri en mer, ce sont quelques-uns des personnages figurant dans ce tableau dramatique à l'épilogue heureux.
Mais Hector Malot ajoute à ces scènes quelque peu misérabilistes, une pointe d'ironie et d'humour. Il est né à La Bouille, une commune de la Seine Maritime, anciennement Seine Inférieure, le 20 mai 1830, d'un père exerçant la profession de notaire et de premier édile de la commune, devenant par la suite juge de paix. Hector Malot rend implicitement hommage à son géniteur en écrivant les citoyens ne se préoccupent jamais des malheureux maires qu'ils traitent en domestiques. Petit coup de griffe également à l'encontre de certains artistes utilisant des nègres : A combien de toiles n'avait-il jamais mis la main et qui, cependant signées de son nom, lui avaient valu sa réputation pour la plus grosse part, ainsi que des médailles et de l'argent ?
Si le style d'Hector Malot semble aujourd'hui un peu désuet, ses histoires, elles, n'ont pas vieilli.
Les éditions Encrage débutent une réédition des œuvres d’Hector Malot avec au catalogue : En famille, Souvenirs d’un blessé et Clotilde Martory, et l’on ne peut que saluer cette louable initiative.
Ce livre comporte de nombreuses illustrations d'époque extraites d'autres œuvres d'Hector Malot.
Petit rappel : Le numéro 7 de la revue Rocambole a été consacré à Hector Malot. Qui, gamin, n’a pas pleuré en lisant les aventures de Rémi le héros de Sans Famille, un livre culte, qui n’a pas frémi en suivant dans ses tribulations de Romain Kalbris, sans oublier En Famille. Mais Hector Malot, classé peut-être trop rapidement auteur pour la jeunesse, possède à son actif une bibliographie beaucoup plus conséquente. Le Rocambole nous invite également à découvrir l’humaniste qui se cachait derrière l’écrivain. Malot la Probité comme le surnommaient ses contemporains. Des chroniques, des études, notamment sur des dessinateurs (dans ce numéro André Galand présenté par François Ducos) et des infos complètent cette revue, peu onéreuse en comparaison de son intérêt littéraire indéniable et de sa présentation luxueuse.
Hector MALOT : Le Mousse. Editions du Rocher. 226 pages, 98 francs/15,20€. Novembre 1997.