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8 avril 2018 7 08 /04 /avril /2018 08:16

Hommage à Bertrand Delcour décédé le 8 avril 2014.

Bertrand DELCOUR : Zen.

Depuis quelques mois des transfuges de l'ex URSS sont abattus, à chaque fois d'une façon identique. Un tireur s'amuse à les prendre pour cibles avec son arbalète.

Les responsables du SGN, dont Jeanson, se renseignent auprès de membres de la Mafia russe, qui en échange d'un silence diplomatique sur leurs activités de proxénétisme, fournissent les informations convoitées. Pour eux il ne peut que s'agir de Kaspar Fromm, un Français d'origine allemande qui à la suite d'un dépit amoureux s'est exilé au Japon. Il a appris auprès d'un vieil ermite la théologie zen ainsi que la pratique de l'arbalète.

Jeanson et ses hommes remontent la filière Kaspar d'abord par son père puis par Lizzy, la jeune femme qui autrefois fut sa maîtresse. Depuis Lizzy a refait sa vie. Elle a la possibilité de mener les hommes de la SGN jusqu'à Kaspar mais après avoir mûrement réfléchi elle refuse. En représailles, son chien puis son amant sont éliminés sans état d'âme. Acculée elle accepte de les conduire au tueur mais entre les deux anciens amants l'amour retisse sa toile.

 

Dans ce roman en deux parties, la première étant la recherche du tueur, la seconde décrivant une folle cavale jusqu'en Suisse, Bertrand Delcour nous brosse avec force des personnages non dénués d'intérêt même si parfois ils frôlent la caricature.

Le lecteur se prend de sympathie pour le tueur et sa compagne tandis que les hommes du SGN n'ont que ce qu'ils méritent. Faut avouer que Jeanson, entre autre, ne se montre guère à son avantage en persécutant Lizzy, désirant avec opiniâtreté lui prouver charnellement son amour. La saillie de Jeanson en quelque sorte.

Bertrand Delcour place de ci de là quelques clins d'œil, ainsi les rues Pouy, Sainte Anastase ou de Jarente. Et s'il évoque les éditions Gérard de Pilier, certaines scènes décrites dans ce roman ne sont pas loin de ce que certains reprochaient justement avec véhémence à l'auteur/éditeur de SAS. Il n'en reste pas moins que Zen est un bon roman, à lire au second degré.

 

Bertrand DELCOUR : Zen. Instantanés de Polar N° 38. Editions Baleine. Parution 15 octobre 1996. 238 pages. 9,00€.

ISBN : 2842190378.

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6 avril 2018 5 06 /04 /avril /2018 08:12

Aimer à perdre la raison

Aimer à n’en savoir que dire…

Philippe COLLAS : L’amour et la folie.

Rêveur, Jean de la Fontaine certes il l’est. Mais ce n’est que de façade, car il est aussi observateur.

Il ne se contente pas d’étudier les visages de ses voisins, de table par exemple, mais il s’amuse, en les contemplant, de les affubler de masques animaliers, mais pas forcément ceux qu’il étudie dans la nature tout en herborisant.

En ce mois d’avril 1662, Jean de La Fontaine est âgé de quarante ans, et sa femme Marie de douze ans de moins. Mais de Marie, il ne s’en préoccupe guère, pensant surtout à ses vers, pas ceux qu’il observe mais ceux qu’il écrit, et dont il aimerait qu’ils soient publiés chez le libraire-éditeur parisien Pinchêne. Seulement la missive d’acceptation tarde à arriver.

Enfin, une réponse. Déception, il s’agit de son ami Henri, le marquis de Sorel près de Reims. Celui-ci le mande afin de l’aider dans le classement de ses planches botaniques et ornithologiques ainsi que sa bibliothèque constituée de livres précieux. En remerciements, un effet est joint, ce qui arrange fort notre fabuliste, qui ne l’est pas encore.

Alors, le Maître des Eaux et Forêts de Saint-Quentin se décide à rejoindre la Champagne, à Reims précisément, afin de se purifier l’esprit, une nouvelle algarade verbale l’ayant opposé à Marie.

Après quelques heures de chevauchées en compagnie de Rossinante, ne vous y méprenez pas, il s’agit d’un cheval mâle mais La Fontaine aime Cervantès, le voici en vue du château de son hôte. Vivent ou sont présents dans cette demeure, outre les nombreux valets, cuisinières, jardiniers, chambrières, Marie la jeune femme d’Henri de Sorel, la mère d’icelle, Eléonore (mais ne le perd pas) comtesse de Saint-François, Charles le frère puîné d’Henri, bientôt rejoint par son fils Louis, ainsi que le chevalier des Essarts qui aimerait que Henri de Sorel lui prête de l’argent afin de concrétiser un projet qu’il porte avec un comparse, celui de produire du vin pétillant. Mais ceci est une autre histoire.

Henri de Sorel aimerait que La Fontaine l’aide rédiger un testament, mais il n’en aura pas le temps. Au cours de l’après-midi, tandis que le marquis s’empiffrait de pâtes de fruits, La Fontaine se morfondait. Lui aussi aurait bien aimé goûter à ces friandises, seulement le marquis n’est pas prêteur, comme une certaine fourmi. La Fontaine tente bien d’en dérober une mais elle tombe à terre, et ce sera pour une autre fois. Quant au testament, lui aussi ce sera pour une autre fois, mais sans le marquis. Le marquis est retrouvé mort dans son lit, probablement empoisonné par les pâtes de fruits qu’il a consciencieusement englouties. Même Melchior, le chien qui n’était pas mage, a succombé à sa gourmandise, mâchouillant la friandise que La Fontaine n’avait pu récupérer.

L’adjoint au lieutenant de la police du roi en poste à Reims, Pierre Gribeauval, est chargé d’enquêter sur cette mort mystérieuse. Or Pierre et Jean se connaissent bien, et s’ils se manifestent l’un à l’encontre de l’autre comme une forme d’inimitié, il existe aussi une complicité née en même temps qu’eux ou presque. Enfants, ils étaient accrochés à la même poitrine, chacun son téton. Ils ont été élevés par la même nourrice, et si les liens de sein ne sont pas les liens du sang, ils possèdent les liens du lait.

L’enquête va durer trois semaines, durant lesquelles il se passera quelques petits drames, des conflits, mais également des moments de béatitude en compagnie notamment de la comtesse de Saint-François.

Si l’origine du décès est sujette à caution, sa cause est plus appréhendable. Une histoire d’héritage. Mais qui peut en profiter réellement ?

 

Dans une ambiance parfois houleuse, parfois légère, voire ludique, nous voyons évoluer le poète méconnu et futur fabuliste reconnu dans des scènes campagnardes propices à éveiller ses sens.

Un roman qui emprunte un peu à La Bruyère dans la description des divers protagonistes, tant sont étudiés les Caractères. Mais pour autant, si la psychologie, de boudoir, y est présente, l’humour l’est également, et quelques scènes d’action complètent le tableau. D’ailleurs La Fontaine se met à la peinture champêtre et bucolique en compagnie de madame de Saint-François, mais il n’oublie pas d’herboriser et d’étudier les hyménoptères, cœlomates et arachnides. D’ailleurs, une araignée s’amuse à le narguer, tissant tranquillement, benoîtement, insouciamment sa toile afin de prendre dans ses rets un diptère qui ne demandait rien à personne et encore moins à qui que ce soit.

Le lecteur sera à même à se demander pourquoi il aura fallu trois semaines pour résoudre une enquête. D’abord parce que l’auteur l’a voulu ainsi, afin de placer ses différents pions en toute quiétude. Ensuite, parce qu’à l’époque, les transports modernes n’existaient pas (les grèves non plus d’ailleurs), les divers systèmes de communication n’étaient pas aussi évolués que de nos jours, sauf ce que l’on a appelé le téléphone arabe qui fonctionne toujours aussi bien surtout en zones dites blanches. Donc pour moult raisons l’enquête traîne un peu en longueur, voire en langueur.

 

Avant Philippe Collas, d’autres auteurs se sont amusés à mettre en scène des personnages célèbres, des enquêteurs occasionnels ou non. Par exemple le Juge Ti de Robert Van Gulik, Elliott Ness de Max Allan Collins, le roi Edouard VII de Peter Lovesey… sans oublier l’un des plus grands parodistes et pasticheurs, René Réouven, qui dans La vérité sur la rue Morgue met en scène Edgar Poe, Evariste Gallois, Gérard de Nerval et quelques autres dans un roman publié en 2001.

Mais c’est Philippe Collas qui a véritablement imaginé de se servir d’un personnage célèbre pour le muer en enquêteur débutant, doué pourtant d’un sens inné de l’observation.

Les bons mots foisonnent et offrent un petit air guilleret à une enquête qui semblerait morne sans. L’écriture est limpide, un peu vieille France ce qui m’agrée fort, me changeant des scènes de violence et des dialogues vulgaires. Donc ne boudons pas notre plaisir, d’autres romans sont prévus pour paraître dans cette collection, des rééditions je précise. L’amour et la folie ayant déjà été publié chez Plon en 2004 sous le titre Le château de l’araignée.

 

Quelques citations, afin de vous mettre l’eau à la bouche :

 

Entre la pensée et l’acte, il y a un chemin bien long qui se nomme la civilisation.

Il n’avait pas peur de la mort, mais il ne voulait pas souffrir. Comme il souffrait déjà, il essaya de se convaincre que ce ne pourrait pas être tellement pire.

Ce n’était pas tout d’accepter de mourir, c’était terrible de penser que les autres allaient finir par ne plus se rendre compte que vous aviez cessé d’exister !

Il fallait qu’il cesse d’observer tout et rien, d’en tirer des conclusions, alors même que personne n’avait posé la moindre question. Ce n’était plus de l’instinct, c’était une manie.

S’il était physiquement presbyte, Charles était intellectuellement myope. Incapable de lire de près sans ses lorgnons, il n’était pas plus apte à avoir rapidement la vision globale d’une situation.

Je n’étais pas loin de penser que vous n’écoutiez rien. Un peu comme ces vieux prêtres que la femme avertie choisit quand elle va à confesse.

Philippe COLLAS : L’amour et la folie. Les enquêtes de Jean de la Fontaine N°1. Collection Polar. French Pulp Editions. Parution le 15 février 2018. 336 pages. 8,50€.

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4 avril 2018 3 04 /04 /avril /2018 08:30

L’ancêtre d’un Guide pour les Nuls ?

Robert SOULAT : Mémoire pour servir à l’élévation des médiocres.

Surtout connu pour avoir succédé à Marcel Duhamel à la tête de la Série Noire, de 1977 à 1991, Robert Soulat fut aussi un prosateur, un écriveur comme il se plaisait à se définir, iconoclaste et peut-être dérangeant.

L’écriture s’avère un devoir, un besoin, un but, une passion.

Mais l’autre grande passion, dont l’écriture découle, c’est la femme. La femme qui le porte, l’élève, le soutient, l’inspire. Et en premier lieu, la Mère qui lui inculque l’amour de l’écriture.

Ce pan de la littérature qu’on appelle l’œuvre romanesque, c’est très femme. Ou plutôt, c’est très mère. La manière dont un auteur de romans caresse ses personnages, même lorsqu’il veut en faire des anti-héros, rappelle vivement l’inquiétude et la tendresse des mères.

 

Ironique, caustique, Robert Soulat l’est indéniablement mais tout autant à son sujet, quà sa propre personne, qu’envers des thèmes plus sensibles, ou légers, graves, voire tabou.

Cela va de ce qu’il pense de lui-même et de son cerveau, se propulsant ensuite vers la religion, le rapport de celle-ci avec l’argent, citant Groucho Marx, se plaçant ou plutôt se comparant aux nouveaux riches, ceux de la Rive Droite et ceux de la rive Gauche.

Il manque à mon cerveau des murs de soutènement. Et je me demande parfois comment sa toiture s’y prend pour tenir toute seule. D’où je conclus souvent que cette toiture est une illusion et que mon cerveau est dangereusement exposé aux intempéries.

Plus loin il illustre ses propos ainsi :

Mon cerveau, je le crains, ressemble fort à ces potages où le vermicelle est constitué par des lettres de l’alphabet, et on sait que ce genre d’ouvrage est illisible.

Lucide ou se moquant volontiers de lui en se rabaissant ? Non, une simple constatation d’un intellectuel sachant maîtriser ses capacités littéraires, se livrant sans complaisance, alors que nous-mêmes devrions faire parfois un état des lieux.

Sur la question de l’argent, il se montre volontiers provocateur, tout en étant réaliste.

Les Américains qui ont de l’argent le proclament et s’en vantent, ce qui manque d’élégance. Les Français qui ont de l’argent s’en défendent en public, ce qui est grotesque.

Il oppose l’histoire et la religion, posant des questions fondamentales qui semblent futiles.

Toute l’histoire officielle des Français catholiques – j’entends par là celle qui nous cause des cuisses de Marie-Antoinette et de l’odeur des pieds d’Henri IV – passe pudiquement sur les questions d’argent. L’Eglise romaine aurait, paraît-il, interdit le prêt à intérêt, combine lucrative qu’auraient aussitôt exploitée ces salauds de juifs.

Dans cette dernière phrase, l’on ressent bien ce côté provocateur, Robert Soulat empruntant l’expression de salauds de juifs à la veine populaire, et donc n’est à prendre qu’au second degré. Il montre que la jalousie, en ce qui concerne l’aspect financier, voire mercantile, appose des œillères sur le jugement de bien des personnes qui pourtant se déclarent non-racistes et non antisémites.

Et les Médiocres là-dedans ?

Je ne dissimule pas qu’à force de faire l’éloge des Médiocres, je risque de passer, aux yeux des Purs et des Durs, pour un Conservateur, au mieux, et peut-être même pour un Fasciste.

Ce pourrait être un carnet de réclamation, de pensées divagantes, mais l’auteur suit son idée, celle de se chercher, de se trouver dans un monde où il évolue comme un entomologiste, étudiant ses contemporains, un peu comme La Bruyère l’effectuait lorsqu’il écrivait ses Caractères.

Un mémoire et non des mémoires, parfois, souvent même, amusant, et qui contrairement à ce que l’on pourrait croire est nettement plus profond que toutes les vaticinations de prétendus philosophes autoproclamés.

Mais qui va donc à l’essentiel ? Et qu’est-ce que l’essentiel ? Une station-service ?

Le dérisoire au service de la goguenardise, un entretien avec son lecteur, pour peu que celui-ci daigne le suivre dans le cheminement de ses pensées, des anecdotes délivrées par-ci par là, issues de sa mère, de sa grand-mère, de ses voisins, de ses observations.

 

Robert SOULAT : Mémoire pour servir à l’élévation des médiocres. Editions de l’Atalante. Parution mai 1990. 160 pages.

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3 avril 2018 2 03 /04 /avril /2018 08:37

Un fruit à pépin, sans nul doute !

Mehdy BRUNET : Le fruit de ma colère.

Réfugié près de Bilbao, Josey Kowalsky tente d’oublier sa précédente mésaventure dans laquelle il a perdu sa femme et sa fille dans des conditions décrites dans Sans raison… Et son passé le rattrape lorsque Paul Ackerman, qui ne pétille pas, vient le solliciter.

L’ancien policier, qui avait aidé Josey dans son enquête, est plus qu’inquiet. Son frère jumeau Eric, avocat qui devrait intégrer un cabinet renommé, a été enlevé et depuis il n’a plus eu de nouvelle de sa part ou de celle de ses ravisseurs.

Josey ne peut refuser son aide, et malgré que sa présence sur le territoire français soit sujette à caution, il accepte. La dernière fois où Eric a été aperçu, c’était lors d’une fête entre copains qui s’était terminée dans un cabaret parisien, le Paradis rose.

Les deux compères regagnent donc Paris, se rendent dans le cabaret où officient des effeuilleuses, et l’une d’elles est fort étonnée en voyant Paul. Ils essaient d’interroger les jeunes femmes, car il ne s’agit plus, d’après leur métier, de jeunes filles, mais personne ne connait ou se souvient d’Eric.

Ils repèrent une voiture et grâce à la plaque minéralogique, ils apprennent de source sûre que la voiture se dirige vers l’Irlande. C’est un collègue d’Ackerman qui leur fournit l’information dans un café. Une réunion qui n’est guère prisée apparemment car ils essuient des tirs d’armes à feu, et le collègue trop serviable reste sur le carreau. Josey et Paul sont persuadés qu’il y a une taupe dans le commissariat de Boulogne, car leurs déplacements sont suivis à la trace.

Pour preuve, ce véhicule qu’ils ne remarquent pas immédiatement mais les suit sur la route qui les mène en Bretagne, jusqu’à Roscoff, à la poursuite du premier véhicule. Il s’agit d’une jeune femme qu’ils interceptent et elle aussi est à la recherche de son jeune frère qui a été kidnappé. Ils unissent leurs efforts, et Léa va se montrer plus entreprenante et plus vigoureuse que le laisserait penser son physique.

Après quelques démêlés et retards dus à leur manque de préparation ils arrivent enfin en Irlande dans le comté de Cork, à la recherche d’un château où sont retenus les otages kidnappés.

 

Dans ce château, qui n’est pas celui de la Belle au bois dormant, règne La Dynaste servie par ses amazones modernes, héritières des guerrières de l’antiquité grecque. Dans les caves sont retenus et torturés des hommes dont le comportement n’a pas été apprécié et qui subissent la vindicte de La Dynaste.

 

Ce roman est placé dans un contexte très actuel, surtout depuis l’affaire Weinstein, mais également bon nombre d’autres cas qui peu à peu sont révélés au grand jour, les langues se déliant.

Harcèlements au travail ou sur la voie publique, viols, incestes, autant d’exemples dont sont victimes quotidiennement les femmes et dont les auteurs ne sont pas toujours punis, la justice se montrant parfois laxiste, les dépôts de plaintes pas toujours suivis d’effets, la honte ressentie refrénant même les cibles de ces agissements dans leurs désirs de déposer des mains courantes.

Bien sûr, aux côtés de toutes celles qui ont été abusées physiquement, qui n’osent pas dénoncer les prédateurs, il existe aussi celles qui se servent de certaines situations, les affabulatrices. Ces starlettes par exemple qui couchent avec le producteur, espérant qu’un grand rôle leur soit attribué et qui, déçues que leurs rêves ne se concrétisent pas, crient au viol. Mais parfois, la vengeance, légitime, est égale ou pire que le crime commis, car aveugle. Vaste sujet pour un débat qui ne sera jamais clos, car de tous côtés il existera des abus.

J’avoue que certains passages ont heurté ma sensibilité de vétéran, mais s’il faut en passer par là pour sensibiliser les lecteurs, après tout pourquoi pas.

 

Mehdy BRUNET : Le fruit de ma colère. Editions Taurnada. Parution le 15 mars 2018. 230 pages. 9,99€.

ISBN : 978-2372580403

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2 avril 2018 1 02 /04 /avril /2018 13:00

Un Sioux, c’est un Sioux !

Stanislas PETROSKY : La vengeance de Wandu.

Et Wandu, sorcier, homme-médecin, revendique son appartenance ethnique, refusant même ses soins à un Blanc venu le consulter.

Car Wandu, dans sa jeunesse, a eu à se plaindre de l’agissement de ces envahisseurs qui ne respectaient rien, pas même les autochtones.

Pourtant, à l’origine c’était un pacifiste qui aurait aimé tissé des liens avec ces Blancs, mais ce qu’ils ont fait à Enola, il ne l’a pas digéré. Il l’avait retrouvée violée et battue à mort et il avait fallu toute l’influence d’Amarok, le vieil homme, le sorcier de la tribu, pour différer sa vengeance et ne frapper les auteurs de ce viol et de cet assassinat qu’à bon escient.

Une bouteille de whisky laissée auprès du corps d’Enola, des traces de pas, et il avait remonté jusqu’aux agresseurs.

 

Délaissant son style humoristique, avec lequel il se complait dans ses romans dédiés aux aventures de Requiem, Stanislas Petrosky nous conte une histoire sobre qui ne se prêtait pas aux jeux de mots et délires verbaux.

C’est le côté humaniste qui ressort de cette histoire dans laquelle les barbares ne sont pas ceux qui sont ainsi affublés de cette qualification la plupart du temps. Ce ne sont pas les Sioux, mais bien les hommes Blancs qui se conduisent en prédateurs.

Une histoire intemporelle, qui a cours dans toutes les parties du monde depuis que celui-ci existe, et souvent sous couvert d’apporter la civilisation, ce sont les envahisseurs qui se comportent en bêtes sauvages.

 

 

Pour se procurer cette nouvelle, une seule adresse :

Quelques titres signés Stanislas Petrosky :

Stanislas PETROSKY : La vengeance de Wandu. Nouvelle numérique. Collection Noire Sœur. Editions SKA. Parution 1er octobre 2015. 12 pages. 1,49€.

ISBN : 9791023404463

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31 mars 2018 6 31 /03 /mars /2018 10:28

Et ce ne sont pas des larmes de crocodiles !

Guy RECHENMANN : Même le scorpion pleure.

C’était un p’tit gars, qui s’appelait Anselme, l’avait pas d’papa, l’avait pas d’maman…

Être né sous X, c’est un handicap, et Anselme Viloc, quadragénaire et inspecteur de police, ne s’y résout pas. Mais avoir été déclaré à l’état-civil être né sous X, pas de maman connue, et sous Y, pas de papa non plus, cela lui pollue de plus en plus l’esprit.

Des réminiscences qui s’accentuent lorsque son ami Augustin, pêcheur pendant soixante ans, soixante-seize ans au compteur, décède brusquement d’une rupture d’anévrisme. Une fin de non recevoir sur terre qui intrigue Anselme, car selon toutes vraisemblances Augustin était en excellente santé, et qu’il venait de vendre sa maison en viager. C’est donc qu’il supposait en récolter les fruits durant encore un nombre respectable d’années. Et ce qui indispose Anselme, ce n’est pas la présence du débit-rentier lors de l’inhumation, mais ce petit air de satisfaction qui éclaire sa face, ce petit sourire ironique qu’il arbore. Raphaël Tournebise, qu’il se nomme le faquin.

Anselme se souvient avoir prêté à Augustin quelques CD, notamment un de Didier Lockwood auquel il tient, aussi il se rend chez Augustin. Il en profite pour regarder les aîtres, et se rend compte que la pièce à vivre est quelque peu chamboulée. Augustin avait pour habitude de se reposer dans son fauteuil, près de la cheminée, Pompom, le chat rouquin confortablement installé sur ses genoux, et regarder la forêt non loin et la mer. Surgit alors le gominé, alias Raphaël.

Il en parle à son amie, la petite Lily, toujours de bon conseil, puis un dimanche soir, il va se restaurer à l’Escale, avec Sylvia sa compagne et Noémie, leur fille. C’est alors que David, le restaurateur, lui fait part qu’une mamie, trois mois auparavant, est décédée dans les mêmes conditions qu’Augustin. Rupture d’anévrisme peu après avoir mis sa maison en viager.

Des viagers, ce n’est guère courant, et des morts similaires non plus. Anselme est en vacances, il en profite pour enquêter sur ces décès suspects à ses yeux et en parle à son ami et collègue Jérémy ainsi qu’à son patron du commissariat de Castéja. L’heureux débirentier est un trentenaire, tout comme Tournebise et lorsqu’Anselme se rend sur place, il est fort étonné de voir que la bâtisse va être transformée. Par un architecte de la région parisienne, accoquiné avec un notaire de Neuilly.

Puis c’est un troisième décès qui lui est signalé. Son patron est d’accord pour lancer une procédure officielle, mais peu après le juge préfère classer l’affaire sans suite. Pas assez de preuves probantes. Que des coïncidences, selon lui.

Pour autant Anselme est toujours tourneboulé par son problème de recherche parentale et pour se vider l’esprit, il rencontre un thérapeute qui l’oblige à fouiller sa mémoire vive, à remonter le temps, à fouiller dans son passé, jusqu’à son enfance et même avant. Il rencontre également un sourcier qui le branche sur un radiesthésiste et un astrologue qui lui détaille son thème astral. Scorpion ascendant Gémeau. Pour Anselme ce serait plutôt j’ai mal. Un j’ai mal, des gémeaux. Et le Scorpion est en contradiction avec le Gémeau. L’un est bénéfique tandis que l’autre broie du noir.

 

Nouvelle enquête pour Anselme Viloc, le flic de papier comme il a été surnommé par son patron de commissaire, enquête dans le milieu des viagers, une pratique peu courante mise surtout en valeur par le film de Pierre Tchernia, Le viager justement, et par l’exemple de Jeanne Calment qui vendit à son notaire, lequel décéda bien avant la brave centenaire.

Et des imbrications mettent en cause quelques hauts personnages, dont un, ami du notaire de Neuilly, qui est à l’époque des faits, 1993, député-maire de cette ville siamoise au XVIe arrondissement parisien. Pas de nom, peut-être n’est-ce qu’une coïncidence.

Et l’enquête policière d’Anselme l’amène à rencontrer des personnages, tels que le sourcier, le radiesthésiste ou un géobiologue, lesquels vont lui inculquer les notions d’ondes positives ou négatives, de leur influence, des courants qui passent dans le sol, et bien d’autres choses encore, dont je n‘ai retenu que peu de choses, mais qu’il est préférable, par exemple, de mettre la tête de son lit dans le sens nord-sud, et que des points noirs existent dans certaines parties d’une maison qu’il ne faut pas construire en dépit du bons sens.

Parallèlement, d’ailleurs les parallèles font parties de cette notion d’ondes, parallèlement, on suit les problèmes personnels et familiaux d’Anselme, et surtout l’acharnement de Sylvia, sa femme, à suivre des cours d’ostréicultrice afin de pouvoir garder leur cabanon situé sur la baie d’Arcachon. Cabanon promis à la démolition si cette bâtisse n’est plus affectée à l’ostréiculture. Le fisc et autres étant de plus en plus restrictifs sur les biens personnels et leur utilisation.

Lily, la gamine de douze ans, véritable Pic de la Mirandole, va aider consciemment Anselme dans ses diverses recherches, et, plus étonnant, les chats, de préférence rouquins, vont également se trouver au cœur du problème. Pas uniquement Gédéon, le chat à trois pattes d’Anselme, mais d’autres, qui contrairement aux chiens, savent se débrouiller seuls et possèdent des esprits supérieurs. Mais ça, on le sait, la présence d’un chat dans une maison permet de se débarrasser d’entités malveillantes.

 

Roman de terroir sortant des sentiers battus, Même le scorpion pleure aborde des thèmes peu utilisés dans un roman policier ou même de littérature dite générale. L’influence des ondes magnétiques souterraines, bénéfiques ou non, les sourciers dont la capacité de découvrir des sources d’eau ou autres relevait autrefois de la sorcellerie et qui maintenant est une spécificité plus ou moins reconnue puisque la géobiologie possède même une école, de même que la recherche du thème astral, étudié scientifiquement bien sûr, procurent un souffle nouveau sur le roman dit policier tendance ésotérique.

Quant au commissaire Plaziat, c’est un hédoniste littéraire, aimant à placer dans ses conversations, ses observations, ses conseils vis-à-vis de ses interlocuteurs, des citations empruntées principalement à Victor Hugo mais aussi aux philosophes grecs de préférence.

 

Si le métier de flic était un couteau suisse, observation et patience seraient, à mon sens, les deux lames indispensables.

Guy RECHENMANN : Même le scorpion pleure. Collection Polar Cairn. Editions Cairn. Parution le 27 février 2018. 232 pages. 16,00€.

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29 mars 2018 4 29 /03 /mars /2018 08:33

Un roman cousu main…

Daniel CARIO : La légende du pilhaouer.

Le pilhaouer, en Bretagne, c’est l’équivalent du chiffonnier mais qui fait office également de temps à autre de colporteur.

Zacharie Le Kamm est membre de cette profession particulière qui demande beaucoup d’abnégation, pérégrinant du matin au soir par les villages et hameaux de la région de Loqueffret dans les monts d’Arrée. Car des pilhaouers, il en existe beaucoup, et chacun possède son domaine de prospection. Les chiffons sont ensuite recyclés, et les plus beaux, ceux de meilleures qualités, seront envoyés dans des papeteries.

Zacharie s’est marié jeune avec Clémence, mais ils n’ont pu avoir d’avoir d’enfant, aussi ils ont adopté Violaine à l’âge de cinq ans, la fille d’une voisine qui a connu bien des malheurs avant de sombrer dans la déchéance.

Violaine est une enfant renfermée, et à l’école, elle n’ose pas donner les bonnes réponses. La maîtresse d’école l’encourage, et elle aurait pu devenir institutrice ou infirmière, si une des élèves, qui elle possède ses parents, comme il arrive souvent lui fait découvrir son statut d’orpheline et d’enfant adoptée. Le ciel tombe sur la tête de Violaine et elle décide de quitter l’école primaire et ne pas aller plus loin dans ses études. Elle a seize ans (Je croyais qu’à cette époque, l’école était obligatoire jusqu’à treize ans sauf si le certificat d’études primaires avait été obtenu avant !). Quoi qu’il en soit, Violaine se trouve placée auprès d’une vieille dame qui n’a jamais été mariée afin de lui tenir compagnie.

Violaine va devoir repousser les avances d’un des frères mariés vivant auprès de la vieille dame, la famille possédant une réputation de profiteurs, d’amasser leur fortune sur le dos des petits fermiers et artisans de la région en rachetant à vil prix leurs maigres fermes et maisons, endettés qu’ils sont à cause des agissements de ces financiers véreux.

Et à vingt et un ans, elle va se marier avec le fils d’un notable fortuné de la région. Charles-Damien est un Don Juan de campagne, accumulant les conquêtes, mais Violaine s’est toujours refusée à lui. Pas avant le mariage, c’est un principe. Elle sait trop combien sa mère a été engrossée lors d’une soirée, amourachée d’un inconnu qui n’avait pas laissé son adresse.

En 1900 les filles mères étaient rejetées, et malheur à celles qui avaient fauté et n’avaient plus de prétendants. Mais Violaine n’est pas de cette trempe-là et le mariage se profile avec un beau parti, même si des deux côté l’on rechigne. Les parents de Charles-Damien d’un côté, et ceux de Violaine de l’autre. Des parents adoptifs, certes, mais parents quand même. Et pour célébrer l’union, Violaine portera en guise de vêtements de mariée un magnifique gilet et un manchoù, tous deux confectionnés par l’arrière-grand-père de Zacharie, un tailleur-brodeur de Pont-l’Abbé dans le milieu des années 1850.

Or cette parure bigouden, qui ne sied guère aux habitants des Monts d’Arrée, surtout les personnages riches et influents se piquant d’être des évolués et ne pas s’attarder à des fadaises bretonnes, cette parure s’est avérée maléfique par le passé. Et Clémence a peur, connaissant l’origine de ces deux pièces de vêtements. Mais Zacharie l’encourage, afin de respecter les traditions bretonnes, quant à Violaine, elle possède un caractère trempé, et n’a cure des réflexions et avis qui pourraient être émis par des personnes qui l’indiffèrent.

Lazarre Kerrec était un tailleur-brodeur installé à Pont-l’Abbé dans le pays bigouden, et il était renommé pour l’excellence de son travail. Mais lorsqu’il avait un petit moment à lui, surtout de nuit, il se mit en tête de broder un gilet et un manchoù (corsage) de toute beauté, cachant le fruit de son labeur à sa femme et ses enfants. Or sa femme, quelque peu curieuse, avait déniché les vêtements, mais n’en avait pas informé son mari, par crainte.

Or, lorsque sa petite-fille se marie, Marie-Josèphe, la femme du petit tailleur, n’a d’autre idée folle que de lui proposer d’enfiler l’ouvrage de son grand-père. Lazare est atterré lorsqu’il voit sa petite-fille ainsi attifée, mais il est trop tard. Le mal est fait, les malheurs commencent à s’accumuler sur cette famille comme les nuages porteurs d’orages. Lazare est obligé d’avouer à sa femme qu’il a passé un pacte avec le diable pour une si belle réalisation.

 

Si le corps du récit est quasiment consacré à Violaine, à ses malheurs, à ses pérégrinations, à ses espérances, ses désillusions, puis à son mariage, avorté, la genèse est bien cette parure destinée à personne, comme le chef d’œuvre des maîtres artisans dans le temps, un objet qui n’était qu’une réalisation pour prouver leur compétence, leur savoir-faire, un objet unique.

L’orgueil de Lazare Kerrec l’a poussé à broder un vêtement unique, qui ne devait pas être porté, peut-être même pas vu de ses concitoyens, de sa famille. Le pacte avec le diable, légende ou réalité, comme souvent dans ce cas, lorsque quelque chose est trop beau pour avoir été réalisé sans aide extérieure et démoniaque, est un thème qui revient souvent dans les romans de terroir.

Daniel Carrio remonte le temps, nous présentant d’abord Zacharie Le Kamm, âgé de quatre-vingt-dix ans, offrant cette parure au musée départemental breton, en cet hiver 1950. Puis, il nous décrit les différents personnages qui vont évoluer dans cette intrigue, s’attachant sur celui de Violaine, mais également sur les familles plus ou moins en vue, leurs antécédents familiaux, leurs comportements, leur moralité douteuse, des ramifications dans l’histoire, afin de mieux les cerner.

Si l’épilogue est prévisible, quoi que, c’est le regard des ruraux qui importe, tout au long du récit. Le statut actuellement de fille-mère n’est plus un objet d’opprobre, pourtant dans certains coins reculés de la ruralité, cela reste un tabou. Et comme le chantait Georges Brassens, les braves gens n’aiment pas que l’on suive une autre route qu’eux… Mais qui sont ces braves gens, et n’ont-ils rien à se reprocher eux-mêmes ?

C’est le roman de la tolérance, des petites gens, de la misère et de ceux qui savaient se contenter de ce qu’ils possédaient sans vouloir regarder dans le jardin des autres pour savoir si les légumes y sont plus beaux. C’est le roman également de la pugnacité lorsque Lazare se met en quête dans un contexte difficile.

 

La beauté est une notion très subjective, vous savez. Une femme n’est belle que pour l’homme qui sait la regarder.

Daniel CARIO : La légende du pilhaouer. Collection Terres de France. Editions Presses de la Cité. Parution le 15 mars 2018. 448 pages. 20,00€.

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28 mars 2018 3 28 /03 /mars /2018 08:43

Là-haut sur la montagne, les deux pieds, les deux mains dans la…

Christian VILA : La montagne de Noé.

Gaël Desmonts, l'un des créateurs et animateurs de l'agence DO, se rend compte, alors qu'il circule en moto dans Paris, qu'il est filé par une voiture.

Il tente de semer ses poursuivants mais ceux-ci l'attendent en bas de chez lui. Un chauffeur de taxi d'origine kurde, qui soi-disant passait là par hasard, l'aide à repousser les assauts de ses agresseurs.

Van Haken, le roi du diamant atteint d'une maladie irréversible, demande à Gaël et à son associée, Sonia Olsen, de retrouver l'Arche de Noé, le navire mythique échoué selon la légende sur le mont Ararat. Ce n'est pas tant l'idée de se mettre à la recherche de l'épave qui séduit Gaël Desmonts mais de s'adjoindre les services d'un spécialiste, un Irakien du nom de Khaled Al-Ba`id, en délicatesse avec le régime de Saddam Hussein et assigné en résidence surveillée.

La priorité est donc de faire passer la frontière à Khaled puis de se lancer à l'aventure.

 

Dans cet ouvrage fort documenté, Christian Vilà amalgame ésotérisme, aventures, archéologie et fantastique. Un mélange de rationnel et d'extraordinaire. La trame, la solidité de l'intrigue, l'aspect mi-scientifique mi-imaginaire de ce roman fait quelque peu penser à ce qu'aurait pu écrire Jules Verne, ce qui n'est pas un mince compliment.

Christian VILA : La montagne de Noé. Collection Aventures et mystères n°11. Editions Fleuve Noir. Parution novembre 1995. 192 pages.

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27 mars 2018 2 27 /03 /mars /2018 14:04

C’est un jardin extraordinaire…

Chantal ROBILLARD : Zoo des chimères.

Imaginez un parc zoologique, celui de Vincennes par exemple puisqu’il vient d’être rénové entièrement, et un parc d’attraction, genre Disneyland, installés quelque part ailleurs que sur Terre et qu’un fort coup de vent, une tempête mémorable, un ouragan, une tornade, ont eu pour effet de ravager ces installations, de les bousculer, de quasiment les anéantir.

Une équipe est chargée de remettre en état tout cet ensemble, mais comme l’appât du profit n’est jamais bien loin, ce sauvetage se révèle pire dans son entreprise que si rien n’avait été fait.

Telle est la base de départ de ce qui est une mosaïque d’historiettes mettant en scène des animaux, ordinaires, il en faut, mais aussi fabuleux, sinon pourquoi parler de chimères dans le titre, dans un souffle onirique et poétique.

Comme dans tout texte d’obédience fantastique, construit comme un collage, on se sent au début un peu perdu, déboussolé, et l’on se prend à rêver, confortablement installé dans son fauteuil, à des personnages fabuleux évoluant dans un univers à construire.

Un bestiaire qui offre la possibilité à l’auteur de s’adonner à quelques contraintes, dans l’esprit de l’Oulipo, tout en plaçant quelques références littéraires.

Ainsi nous retrouvons légèrement déformés mais oh combien si vivants et si décalés, l’univers du Petit Prince de Saint-Exupéry ainsi que celui d’Alice de Lewis Carroll. Mais ça, ce ne sont pas des contraintes, juste des divertissements. Non, les contraintes se placent dans certains textes, dans le droit fil de l’esprit de Georges Pérec. Ainsi dans L’Eve des bêtes, n’apparait que la voyelle E, prenant le contrepied du roman La disparition dans lequel justement cette lettre avait disparu. Un conte qui demande de la part de l’auteur une grande rigueur tout en restant lisible.

Car il s’agit bien d’un amusement, pour l’auteur de franchir ou effacer des codes, mais également entre l’auteur et le lecteur. Et le lecteur participe à ce que l’on pourrait parler de challenge, en grignotant ces courtes nouvelles dédiées aux animaux. Car les humains, s’ils sont présents, le sont rarement et pas forcément comme des anges.

Retournons à nos moutons et à nos contraintes, qui ne sont pas des contraintes de lecture. Le blues de la belle boudeuse, rien que dans le titre on sent la prédominance de la lettre B. Eh bé ! Un tautogramme, ainsi se nomme cette figure de style. Et toujours dans la série, tiens voilà un tautogramme, Le Maraudeur aux yeux jaunes, nous offre une variation en abécédaire, et après complément d’enquête, comme un poème en vers libres.

Cela demande de la part du lecteur une certaine concentration, mais en même temps, il s’agit d’une récréation, une évasion dans un univers onirique, d’une détente et d’un jeu de réflexion.

Chantal ROBILLARD : Zoo des chimères. Editions Voy’[el]. Parution le 9 mars 2018. 124 pages. 10,00€.
12,50€ à compter du 1er avril.

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26 mars 2018 1 26 /03 /mars /2018 08:30

Mais ça, c’était avant. Maintenant Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil !

Charles COLOMBEY : Meurtre au RPR.

Samedi 8 février 1992. Jacques Chirac a convoqué rue de Lille Edouard Balladur, Alain Juppé et Nicolas Sarkozy. Motif : la préparation des législatives en 1993 et tenter de couper l’herbe sous le pied de Valéry Giscard d’Estaing.

Alors qu’il va expliquer à ses amis la tactique à suivre, une voix féminine le mande au téléphone. Il prend la communication dans le bureau voisin. Soudain un cri retentit. Alain Juppé se précipite. C’est pour découvrir le corps inanimé de Jacques Chirac gisant à terre.

Le maire de Paris, mortellement blessé, vient de recevoir un coup de poignard. L’annonce de cet assassinat est une véritable bombe dans les milieux politiques, principalement à droite où les factions se déchirent. Est-ce le crime d’un maniaque, d’un déséquilibré ? Dans ce cas il a été savamment orchestré !

L’impression première ressentie par tous est qu’il s’agit plutôt de l’œuvre d’un jaloux, de Droite ou d’Extrême-droite. De quelqu’un écarté du pouvoir, et qui, non content de se venger, espère reconquérir une parcelle de gloire.

Pierre Joxe, le ministre de l’Intérieur, confie au commissaire Leroy la redoutable, périlleuse et délicate mission de résoudre à bien cette affaire qui provoque pas mal de remous dans les sphères politiciennes.

Charles Pasqua, le principal suspect d’avoir sinon perpétré lui-même du moins d’avoir commandité ce meurtre, charge son ami l’inspecteur Ange Paluzzi d’effectuer une enquête parallèle.

Tout le monde, y compris le président Mitterrand, a encore en tête quelques affaires célèbres non élucidées : Boulin, Fontanet, De Broglie. Un parallèle en filigrane dont se seraient bien passé majorité et opposition.

La résolution de l’enquête ne se joue pas sur un coup de dé mais, comme bien souvent, le hasard et le bon sens font bien les choses.

Les rumeurs et fausses informations, ou plutôt les informations erronées édictées de bonne foi, font florès dans les médias. Les supputations vont bon train.

La solution de cette énigme serait frustrante, aussi bien pour les hommes politiques que pour le lecteur, si l’épilogue n’était pas là pour apporter un joli retournement de situation et permettre de croire à cette fiction fort bien racontée, imaginée et mise en scène.

L’auteur n’est pas toujours très tendre avec la classe politique et principalement avec eux qu’il a eu l’occasion de côtoyer. Charles Colombey est un pseudonyme, cela va de soi, et l’on pourrait toujours essayer de cerner par déduction le personnage irrévérencieux et humoristique qui se cache, qui se dissimule sous ce nom au combien gaullien. Mais cela est-il nécessaire ?

Applaudissons plutôt à cette performance et rions de bon cœur aux réparties qu’il prête à certains hommes politiques.

Ainsi Seguin aurait-il déclaré un jour : Quand nous n’avons rien à dire, nous désignons Balladur comme orateur.

Ou encore Alain Vivien qui aurait surnommé Michèle Barzach la station-service. Pourquoi ? Des pieds à la ceinture, elle est super, de la ceinture au menton elle est ordinaire et au dessus du menton sans plomb.

 

Dans la même collection :

 

Charles COLOMBEY : Meurtre au RPR. Collection Les lieux du crime. Editions Calmann-Lévy. Parution janvier 1991. 252 pages.

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