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7 août 2018 2 07 /08 /août /2018 08:15

Allô, Oncle Paul ! Quelles nouvelles ?

Absente depuis quinze jours,

Au bout du fil

Je vous appelle ;

Que trouverai-je à mon retour ?

Collectif : Civilisations.

Un joli petit recueil de nouvelles qui vous aidera à passer le temps à n’importe quel moment de la journée, voire de la nuit, entre deux métros, entre deux trains (quand il y en a), entre deux plats au restaurant.

Par exemple, vous avez dégusté votre apéritif, et en attendant l’entrée, que le cuistot prépare amoureusement en ôtant l’emballage des barquettes achetées au traiteur du quartier qui lui-même se fournit dans une charcuterie industrielle, je vous conseille L’obscurité entre les étoiles d’Estelle Faye.

Un voyage en compagnie de Juan qui traverse l’Altiplano, en provenance de Bolivie et vient de mettre le pied au Chili. Il est frêle, mais courageux, et redoute toutefois les douaniers, la police, car il est un clandestin recherchant du travail. Il se réfugie pour la nuit dans une cabane et l’Inca, la figure légendaire de l’Altiplano, fait son apparition. Au petit matin, Juan se rend compte que traverser la Panaméricaine sera aussi difficile, sinon plus, et dangereuse que traverser les Andes sous la froidure.

La venue de l’entrée se laissant désirée, probablement que le cuisinier est confronté à des problèmes d’emballage résistant, plongeons-nous, oui j’en profite pour vous accompagner pendant la lecture, dans la nouvelle suivante, Une araignée au bout du fil de Dounia Charaf, qui nous propulse dans le désert, lequel pourrait être marocain. Nous voyons évoluer trois personnages, un spationaute et une policière accompagnée de son droïde. Le spationaute est à la recherche d’une jeune fille, la fille du gouverneur d’une station spatiale. A-t-elle été kidnappée, s’est-elle enfuie ? Alors que certains recherchent la quiétude d’un monde superficiel, d’autres s’en échappent revenant à la dure réalité et aux difficultés, mais dans un esprit de liberté.

Enfin nous sommes servis, je me suis effrontément installé à votre table afin de profiter de ce recueil dont le sommaire est plus appétissant et plus diversifié que le menu du supposé restaurant. Puis en attendant que le maître-queux procède à la décongélation du plat principal, je vous l’ai dit, la carte proposée est assez restreinte, du plat signé d’un célèbre cuisinier dont la figure est apposée sur les produits élaborés dans une cantine industrielle, reprenons notre lecture.

Et comme je suis d’humeur enjouée, malgré l’attente, je vous conseille Une nuit facétieuse de Chantal Robillard. Une quarantaine de congressistes débarquent à Venise afin de visiter la ville, la lagune, Murano, et éventuellement papoter selon un temps imparti. Justement en parlant de temps, il fait froid et la lagune est gelée. Alors pourquoi ne pas se rendre en cette île célèbre pour ses verreries à pied sur la glace, proposition du guide.

Le plat rapidement expédié, il ne valait pas le temps passé à une dégustation, reprenons notre lecture en attendant le plateau de fromages, des pâtes molles sans odeur, sans saveur, fabriquées à base de lait pasteurisé au lieu du bon vieux lait cru honni par les paranoïaques des bactéries.

Morgane Marchand dans La nuit avant l’envol nous offre un texte onirique, parabole de la chenille et du papillon ou de l’enfant et de l’adulte tandis qu’Andrea Lalex nous incite à suivre Nora, dans Point de vue, dans son devoir de mémoire. Perpétuer le Grand Cataclysme dans l’esprit et le cœur des hommes. C’est une marcheuse infatigable, et si certains la surnomme Nora la folle, les histoires qu’elle raconte sont fort prisées, même si on n’y croit guère.

Je quitte à regret ces quelques belles pages, et à peine le doigt levé que la note est déjà arrivée. Apparemment on est pressé de se débarrasser de moi maintenant. Ce qui m’arrange, je vais me poser sur un banc dans le parc voisin et vais pouvoir continuer déguster ce recueil en toute sérénité sous un arbre ombrageux. Car d’autres belles histoires m’attendent, écrites par des auteurs connus et reconnus, ou par de nouvelles plumes qui valent largement le détour, mettant leur talent pour développer un thème qui offre bon nombre de possibilités.

Et pour quoi ne pas suivre mon exemple ? Vous pouvez vous procurer ce volume en vous rendant sur le site de l’éditeur dont l’adresse est dans le lien ci-dessous.

 

Sommaire :

FAYE Estelle : L'obscurité entre les étoiles

CHARAF Dounia : Une araignée au bout du fil

ARRECHI Alberto : Rêve en haute mer

EHRENGARDT Renaud : Utoña

REY Timothée : Coucher de soleil sur Xkurulub

MONRAISSE Bérangère       : Porteur de lumière

MARCHAND        Morgane : La nuit avant l'envol

LARUE Ïan : Tête de hibou

DAVERAT Loïc : Poubelle la vie

ANDREVON Jean-Pierre : Scant

ROBILLARD Chantal : Une nuit facétieuse

MORENCY A.R. : Galéné

ANDREA Lalex : Point de vue

CERON GOMEZ Céline : Klaziennes

MARINES Johanna : Panem & Circenses

BAYLE Pascal : La dernière nuit du monde

SEDAN Mara : Eiréné

STEWARD Ketty : La mauvaise herbe

BELLAGAMBA Ugo : Sur la route d'Alcalà

 

Collectif : Civilisations. Volume 5 édité par Les Vagabonds du Rêve. Parution juin 2018. 276 pages. 18,00€.

ISBN : 979-10-91437-24-0

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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 08:21

Et lève-toi !

Daniel CARIO : Rappelle-toi, Eve.

Un geste banal, quotidien. Prendre son courrier dans sa boîte aux lettres. Mais, ce qui est moins commun, c’est d’y découvrir un journal avec une mention manuscrite en rouge incitant à se rendre page 9.

La destinataire, c’est Eve Blandine, mannequin de trente cinq ans, habitant une résidence grand standing dans la banlieue parisienne. Pourquoi pas, se dit-elle intriguée. Elle commence alors à lire un feuilleton disposé en colonne sur trois étages, signé Anonyme, et intitulé Le Monstre du parc. Ce n’est que le premier épisode, mais au fur et à mesure qu’elle découvre l’histoire, elle se rend compte que ce texte correspond tout à fait à son enfance, même si la protagoniste se nomme Linda Bévène.

Tout correspond, la profession du père, médecin, de la mère, sage-femme, et même la poupée ramenée de Hongrie et qui se prénommait Irina. Des souvenirs qui étaient enfouis au plus profond de sa mémoire remontent à la surface. Mais Eve est intriguée. Comment cet écrivain peut-il connaître les éléments de sa jeunesse, éléments qu’elle avait elle-même oubliés ? L’angoisse commence à monter et bientôt elle soupçonne son voisin romancier d’être à l’origine de ce qu’elle ne peut pas encore qualifier de harcèlement.

Eve a vécu toute sa jeunesse au Touquet dans une grande demeure entourée d’un parc immense ceint de hautes murailles, éloignée des autres habitations et nichée dans la forêt. Sa mère avait arrêté de travailler à sa naissance et elle ne manquait de rien. Sauf d’amies, car personne n’était invité chez ses parents. Au début elle allait aux anniversaires de ses copines, et copains, d’école, mais cela s’était rapidement arrêté. Elle pouvait se promener dans le parc au fond duquel s’élevait une petite maisonnette. Mais elle ne pouvait s’en approcher, encore moins y entrer. Un monstre y était caché, du moins c’est que l’on lui disait ou qu’elle croyait. Un monstre qui parfois venait perturber son sommeil. Et un jour, alors qu’elle n’avait que dix ans, ses parents sont décédés dans un accident.

Depuis Eve a fait son chemin comme mannequin et elle est fort prisée, fort demandée pour des rendez-vous avec des journalistes et des séances photos. Elle n’a guère d’ami, juste Clara jeune mannequin elle aussi travaillant dans la même agence, ou encore Alfred, le serveur homosexuel de sa « cantine » préférée. Pas d’amant attitré, juste des relations éphémères de passage. Elle protège sa vie privée et voilà que d’un seul coup un écrivaillon s’immisce dans sa vie intime. Un feuilleton rédigé comme un conte de fées mais qui la touche plus particulièrement.

La semaine suivante, à nouveau le journal est glissé dans sa boîte aux lettres. Et cela devient une addiction car lorsque le canard n’est plus déposé, il faut qu’elle se le procure absolument. Ce n’est plus l’angoisse qui la taraude, c’est un début de paranoïa. Elle est persuadée être suivie par des inconnus, épiée, et ses relations professionnelles s’en ressentent. Elle se rend au siège du quotidien afin de connaître le nom de ce feuilletoniste, en pure perte. Elle décide alors de rompre les ponts et de changer d’air. Elle s’installe alors dans un hôtel durant quelques jours à Etretat. Il n’y a guère de clients, pourtant elle ressent toujours l’impression d’être surveillée, épiée.

 

Une histoire intéressante qui effleure les coulisses de la mode, sans vraiment s’y insérer, et montrant les relations entre un mannequin en vue avec son patron, avec un photographe reconnu, ses collègues, son voisinage.

Eve Blandine, surnommée Myosotis, à son initiative, se révèle être un personnage fragile sous des dehors de jeune femme émancipée, sachant que son étoile dans le mannequinat commence à pâlir. Mais ce n’est pas cette facette qui intéresse le lecteur, ni l’auteur d’ailleurs, mais cette jeunesse enfouie qui lui revient subitement en travers de l’esprit.

Cette montée en puissance de l’angoisse qui étreint notre héroïne et qui confine bientôt à une forme de paranoïa entretenue par les insertions du feuilleton, montre une femme en perdition, ne sachant à quoi se raccrocher. Ce voisin qu’elle soupçonne d’être l’auteur des écrits et auquel elle aimerait pouvoir se confier, Clara sa collègue et Alfred qui tentent de l’aider dans ses déboires jouent également un rôle plus ou moins primordial. Et ce sont les révélations qui peu à peu sont dévoilées au lecteur qui apportent une explication convaincante dans une intrigue maîtrisée, ou presque.

Au-delà de quelques clichés, qui auraient pu être évités, il existe aussi une anomalie dans les écarts d’âge entre deux des personnages, des divergences qui fluctuent au fur et à mesure de l’avancement de l’histoire. De petites erreurs que ne relèveront pas forcément tous les lecteurs mais qui m’ont légèrement choqué.

Mais j’ai apprécié la définition du thriller par l’auteur qui vient justement d’en écrire un et qui ironise peut-être sur lui-même.

Tu ne reconnais pas là les ingrédients assez classiques des thrillers ? Rappelle-toi, ces histoires que des détraqués écrivent dans le seul but de flanquer la trouille à d’autres tordus qui sont assez cons pour les lire. Mon rêve, c’est d’en écrire un qui devienne un best-seller.

Il existe beaucoup de prétendants, mais peu d’élus.

Daniel CARIO : Rappelle-toi, Eve. Collection 100% Groix. Thriller. Groix éditions & Diffusion. Parution le 30 avril 2018. 414 pages. 15,90€.

ISBN 978-2-37419-040-2

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5 août 2018 7 05 /08 /août /2018 13:10

Bon anniversaire à Brice Tarvel, né le 5 août 1946.

Brice TARVEL : Pierre-Fendre

A moi, il me fend la Pierre, et à toi, il ne fend rien ?

Derrière chaque roman, se cache un auteur, et derrière chaque auteur se cache un homme (ou une femme, ménageons les susceptibilités) qui possède son univers, ses préoccupations, ses thèmes favoris, quel que soit le genre littéraire abordé.

Chez Brice Tarvel, l’élément récurrent c’est l’eau. Normal, me direz-vous, puisque l’eau c’est fait pour récurer. Mais on la trouve sous toutes ses formes naturelles, en pluie, suintante, dégoulinante ou stagnante dans des plans d’eau ou des rivières. Mais ne nous laissons pas déborder par cette précision, et plongeons allègrement dans le récit qui est un peu une histoire en vase clos.

Sous un immense dôme d’où exsude l’eau, Viridis est une salle-territoire bénéficiant d’un éternel printemps et ses habitants qui ne connaissent rien d’autre même s’ils savent que d’autres salles-royaumes existent, n’ont guère envie de quitter ce vaste enclos. Car tout autant que Chaloir, Feuille-Sèche et Pierre-Fendre, Viridis possède sa propre autonomie, sa saison bien définie. Chaloir, c’est l’été, chaud, étouffant, et rares sont ceux qui traversent ce désert de sable, des tribus qui se déplacent à l’aide de bouts de bois accrochés à leurs jambes. Feuille-Sèche correspond à l’automne tandis qu’à l’autre bout s’étend Pierre-Fendre qui comme son nom l’indique l’hiver règne en permanence. Ces quatre territoire-saison sont ramassés dans un immense castel entouré de hauts murs les protégeant, selon les légendes, de la Sommeilleuse et du Grand Dehors. Le soleil est caché sous une chape de grisaille, comme un éteignoir qu’un jour un hurluberlu a essayé de teinter en bleu. En pure perte, la peinture s’effritant en confettis disgracieux.

Dulvan et Garicorne, deux jeunes garçons aventureux épris l’un de l’autre ont décidé de se rendre à Pierre-Fendre. Dans quel but se demande Aurjance, la sœur de Dulvan, qui s’inquiète du départ des deux adolescents. La réponse en est donnée par Jazole, l’oiseau-parleur :

Les deux jouvenceaux se sont donnés pour mission de secouer la Sommeilleuse afin de l’arracher à ses songes perpétuels. Ils espèrent ainsi faire tomber les murailles, faire disparaître le manoir et pouvoir accéder ensuite au Grand Dehors.

Aurjance enfourche donc son fier destrier, un gonche, un cheval mâtiné de dragon, et en compagnie de son amie Farille, les voilà toutes deux parties sur les traces des deux foutriquets. Seulement, la magicienne guérisseuse sorcière Murgoche, dont le physique fait penser à la grosse bonne-femme de Dubout, ayant ouï le départ de Dulvan et Garicorne, ne l’entend pas de cette oreille. Et elle se met en route également afin de les stopper dans leur entreprise.

En cours de route, qui n’est pas la même empruntée par ces trois minis convois, chacun d’entre eux va faire des rencontres intéressantes, ou pas.

Ainsi Dulvan et Garicorne, ils sont inséparables, décident de rejoindre Pierre-Fendre par les courtines, en haut de l’enceinte, et se trouvent bientôt nez-à-nez avec un aérostier, le baron Elven de Champdorge, dont le ballon a chu et la nacelle démantibulée. Le baron habite Feuille-Sèche et a laissé sa femme au foyer afin de découvrir le monde restreint par les airs. Quant à Murgoche, elle va faire alliance avec Yuk Long Renard, un brigand placé à la tête d’Acérains, sortes de grosses écrevisses, et autres maufaiteurs. Ils s’élancent dans Chaloir, subissant les affres de la chaleur et les attaques du sable. Un défaut dans le dallage qui s’étend sous la couche de granulats cristallisés et ils tombent, enfin ceux qui restent après avoir subis quelques avatars, dans des souterrains non balisés. Ils ont aussi récupéré, pendu dans un arbre Fauric, le forgeron qui est amoureux d’Aurgence.

Quant à Aurgence et Farille, elles vont être affublées d’un étrange compagnon, un borgnot nommé Blériot, qui a été embauché par le roi Archon de Viridis, pour retrouver deux pendards du nom de Dulvan et Garicorne. Il se prétend mire, médecin, mais en réalité il s’agit d’un Josh Randall médiéval.

Ces trois expéditions, au but différent, vont connaître bien des vicissitudes, des tourments, des mésaventures en tout genre, des drames, mais derrière, ou en contrepoint de la narration de ces pérégrinations, se profilent quelques métaphores, des paraboles que l’on peut s’amuser à dénicher si l’on en veut pas rester un lecteur passif.

Ainsi les passage de Viridis à Chaloir, puis à Feuille-Sèche jusqu’à Pierre-Fendre peuvent être comparés aux âges de la vie, chaque étape étant significative. D’autant que si Viridis peut faire penser à un royaume médiéval, Feuille-Sèche possède des avancées technologiques dont le fameux aérostat du baron Elven de Champdorge, mais également des armes à feu, pistolet et fusil, encore rudimentaires mais efficaces. Et si Viridis peut être similaire à l’adolescence, Feuille-Sèche serait alors le cap de la soixantaine, celui de la création et de la connaissance. Chaloir étant dans ce cas l’étape de la fougue du jeune homme, les tempêtes de sable agitant l’esprit rebelle de celui qui, ayant vingt à trente ans, brûle sa vie par les deux bouts. Quant à Pierre-Fendre… Le déclin de la vie, la neige qui recouvre le territoire étant celle qui parsème les cheveux d’une tête chenue.

Mais Pierre-Fendre est également un roman qui prône la tolérance, envers la pureté des sentiments des homosexuels, par exemple, les différentes religions représentées, à Feuille-Sèche où l’esprit d’un Dieu et la représentation de son effigie sur une croix, n’obturent pas l’esprit des habitants.

Et la grande muraille qui entoure cet immense castel pourrait être la métaphore de celles que construisent certains pays, jugés développés technologiquement à défaut de l’être intellectuellement, qui érigent des frontières de béton pour se protéger des migrants.

Un ouvrage foisonnant comportant également quelques clins d’œil, dont l’évocation du chat Chastragnette, animal cher à Robert Darvel.

Il y aurait encore beaucoup à dire, en bien, sur ce roman à l’écriture rabelaisienne, mais il ne s’agit pas de ma part de rédiger un article universitaire, d’ailleurs je serais bien en peine de le faire, ne possédant pour tout bagage qu’un Bac moins trois, mais de constater que certains ouvrages ne recueillent pas toute l’attention qu’ils mériteraient, alors qu’il suffirait à Brice Tarvel d’écrire une banale histoire d’amour genre Muly ou Lesso, pour devenir un habitué des meilleures ventes. Mais le désire-t-il vraiment ?

 

Brice TARVEL : Pierre-Fendre. Collection La Bibliothèque Voltaïque. Editions Les Moutons électriques. Parution le 24 août 2017. 272 pages. 19,90€. Version numérique : 7,99€.

ISBN : 978-2361833619

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3 août 2018 5 03 /08 /août /2018 13:13

Hommage à Phyllis Dorothy James, née le 3 août 1920.

P. D. JAMES : Une folie meurtrière

Située au cœur des beaux quartiers londoniens, la clinique Steen est un centre de psychothérapie. Les différents docteurs, psychiatres et analystes qui y reçoivent leurs clients, possèdent des méthodes, des conceptions différentes pour soulager leurs patients des problèmes affectifs et conjugaux dont ils sont attteints.

Mais se débarrasser de la directrice administrative, Miss Bolam, d’un coup de ciseaux à bois en plein cœur et lui faire tenir entre les bras une affreuse poupée, fétiche d’un malade, cela relève-t-il d’une nouvelle thérapie ?

Adam Dalgliesh, le commissaire poète qui assiste non loin du lieu du drame à une réception donnée en son honneur, est dépêché sur place. Qui parmi les différents praticiens, infirmières et employés avaient intérêt à voir disparaître Miss Bolam ?

Le docteur Steiner à l’esprit critique et qui ne se prive pas de dénigrer, la plupart du temps en pensée, les méthodes de ses confrères, le travail des employés ou l’autorité de la directrice ?

Le docteur Bagulay qui serait en droit d’en vouloir à Miss Bolam pour ingérence dans sa vie privée, de même que Miss Saxon ?

Marion Bolam, cousine de la directrice, employée à la clinique, et dont l’apport d’un héritage substantiel serait le bienvenu ?

Peter Nagle, l’un des portiers à qui appartenait l’arme du crime ? Jennifer Priddy, la dactylo ? L’autre portier ? Quelqu’un de l’extérieur ? Un patient ?

 

P.-D. James, qui connait bien son sujet puisqu’elle a été infirmière, a travaillé au North West Regional Hospital de Londres ainsi qu’au département criminel de ministère de l’Intérieur, campe ses personnages et analyse leurs sentiments, leurs pensées d’une façon magistrale, alliant suspense, psychologie et humour macabre, comme si elle les mettait à nu moralement à coups de scalpels précis.

Ce roman, qui date de 1963, donc le deuxième écrit par Phyllis Dorothy James, est déjà porteur des promesses qui devaient faire le succès de ses autres romans, notamment Un certain goût pour la mort, qui a reçu le grand prix de littérature policière 1988, domaine étranger.

 

Réédition Le Livre de Poche. Collection Policier/Thriller N°6835. Parution le 1er septembre 1990. 288 pages. 7,20€.

Réédition Le Livre de Poche. Collection Policier/Thriller N°6835. Parution le 1er septembre 1990. 288 pages. 7,20€.

P. D. JAMES : Une folie meurtrière (A mind to murder – 1963. Traduction de Françoise Brodsky). Editions Fayard. Parution 3 juin 1988. 15,30€.

ISBN : 9782213021904

Réédition Le Livre de Poche. Collection Policier/Thriller N°6835. Parution le 1er septembre 1990. 288 pages. 7,20€.

ISBN : 978-2253053972

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2 août 2018 4 02 /08 /août /2018 10:09

Quand t'es dans le désert depuis trop longtemps

Michel HONAKER : Estéban du désert rouge.

Jeune indien Hopi, Estéban vit avec les quelques membres rescapés de sa tribu dans le désert de l’Arizona, non loin de la petite ville de San Isabel.

Il est un rêveur, aimant se promener seul dans ce paysage désolé, aux herbes faméliques, aux collines rouges, au sol enduit de sel, repaire des serpents, des coyotes et des vautours.

La chaleur est intense et il s’assoupit. Lorsqu’il se réveille en sursaut il se demande ce que sont devenues les trois fourmis blanches qu’il avait aperçues au loin. Des vautours planent en un ballet mortel et Estéban sait que les volatiles attendent pour fondre sur leurs proies.

Trois jeunes garçons qui bientôt sont des ombres perdues dans une sorte de tornade de poussière ocre. Et puis plus rien.

A San Isabel, le shérif s’inquiète pour les trois jeunes promeneurs qui ne reviennent pas de leur excursion. Estéban lui aussi s’interroge sur le sort des adolescents perdus dans la nature. Il n’y peut rien mais il sent qu’un sort contraire vient de se déchaîner sous forme de tornade de poussière. Les busards ne réagissent pas comme d’habitude.

Estéban est un adepte des vieilles traditions Hopis, même si son père et les autres membres de la tribu sont depuis longtemps habitués à côtoyer les Hommes Blancs. Et le shérif n’hésite pas à accuser les Hopis d’être à l’origine de la disparition des trois imprudents.

 

S’adressant à de jeunes enfants, onze/douze ans d’après l’éditeur, ce très court roman (soixante huit pages, le reste étant un extrait du catalogue) de Michel Honaker s’inscrit dans le domaine du fantastique, et des maléfices, supposés ou réels, liés aux sorcelleries et croyances indiennes.

Mais ce sont bien les rapports toujours ambigus et la méfiance des Blancs envers les autochtones qui sont mis en avant. Dès qu’un incident arrive, ce n’est pas de la faute des imprudents, mais celle des Hopis. Des coupables tout désignés, sans preuve.

Michel Honaker met également l’accent sur la survivance des traditions, de leurs bienfaits, de leur utilité en certaines circonstances, mais sans jouer sur le C’était mieux avant. Tout n’était pas parfait, le modernisme a du bon, mais parfois cela devient du grand n’importe quoi. On parle sans cesse d’intelligence artificielle, c’est pour mieux nous abrutir ? Il faut savoir rester humain et ne pas se plier indéfiniment à la machine. Et Estéban possède sa solution : quand rien ne va, il chante et il danse. Un moyen efficace pour conjurer le sort… !

 

Michel HONAKER : Estéban du désert rouge. Collection Castor Poche N°626. Editions Flammarion. Parution mars 1998. 94 pages.

ISBN : 978-2081643154

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1 août 2018 3 01 /08 /août /2018 09:23

Bon anniversaire à Jean-Paul Delfino né le 1er août 1964 !

Jean Paul DELFINO : La faction.

Jean-Paul Delfino abandonne Marseille pour Aix en Provence et la gouaille qui caractérise en général ses romans pour une fiction politique que l’on souhaite rester fiction.

L’action se déroule en 2002), avenir pour le moins proche au moment de la parution du livre, et la Faction règne sur la cité. Hugo Riccordi revient au pays comme journaliste, mais il n’ameute pas les foules. Au contraire, il essaie de se fondre dans l’anonymat tout en fréquentant les élus.

Et ce n’est pas uniquement dans le but d’écrire des papiers sur eux, de leur passer de la pommade. Non s’il est de retour c’est parce qu’il désire lever le voile sur un passé qui le taraude depuis son enfance.

Exercer une vengeance, car il n’a pas oublié la mort de sa mère et de sa sœur.

Traité sur le mode grave, ce roman nous entraîne sur les agissements d’un parti politique de fiction (c’est qui est écrit sur la quatrième de couverture) mais que l’on aura aucun mal à rapprocher de celui d’un homme qui pour mieux nous voiler la face sur ses réels desseins et pensées, a ôté son bandeau et s’est fait implanter une bille de verre.

Il est vrai qu’en politique, tout n’est pas toujours rose, et que les concussions, les malversations, les corruptions, les délits d’abus de biens sociaux et autres joyeusetés politiquement correctes ne sont pas l’apanage d’un seul parti.

Les idées sectaires, racistes et ségrégationnistes sont ciblées et tout le monde sait d’où les flèches sont tirées. Mais je m’éloigne du propos et revenons à cette Faction qui fait réfléchir. Le rôle du roman noir sans aucun doute.

 

Jean Paul DELFINO : La faction. Collection Pique rouge, Atout éditions. Parution 15 mai 2000. 204 pages.

ISBN : 9782912742155

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31 juillet 2018 2 31 /07 /juillet /2018 08:24

Le voyeur se niche partout !

B. R. BRUSS : L'œil était dans la tombe.

Collectionneur de bateaux miniatures et d'objets curieux, Patrick Gallaghan aime flâner aux Puces de Saint-Ouen. En ce froid et brouillardeux dimanche de novembre, il croit apercevoir la silhouette d'Armand Duvivier, un jeune médecin dont il a fait la connaissance un mois auparavant. Mais il le perd de vue à cause d'un camion.

Gallaghan est fasciné et étonné par l'étalage tenu par une vieille femme et son gamin. Un véritable bric-à-brac d'objets usés mais ce qui attire son œil affûté, c'est la boule de verre que tient l'enfant. A l'intérieur il distingue un homme habillé de rouge qui semble bouger et se démener, un homunculus coiffé d'un chapeau melon rouge également. Ce n'est pas une vision car l'enfant le signale aussi à sa mère. Mais le temps qu'il transmet à sa mère l'objet, la boule de verre est redevenu parfaitement transparente. Il marchande, repart chez lui, un petit hôtel particulier qu'il possède à Neuilly, et n'en dort pas de la nuit, intrigué par cette boule qui reste désespérément vide.

Une semaine plus tard, il retrouve, dans une cave de Saint-Germain des Prés, le docteur Duvivier, aux mains glacées, auquel il porte des sentiments partagés. Il le trouve sympathique mais en même temps ressent comme un malaise indéfinissable en sa compagnie. Au cours de la discussion entre les deux hommes, il en ressort que Gallaghan, qui collectionne les navires miniatures, a été marin et qu'il aime la mer. Quant à Duvivier, il lui apprend qu'il va devenir l'assistant de Van Hooge, un psychanalyste un peu particulier.

Survient Catherine, la fiancée de Duvivier. La jeune femme de vingt cinq ans lui demande de l'inviter à danser, puis, alors qu'ils sont revenus à leur table et que le médecin est sur la piste, elle déclare l'aimer. Gallaghan est gêné, mais il ne refuse pas de la revoir un autre soir.

Effectivement peu après ils se retrouvent au club et Catherine n'hésite pas lui annoncer qu'elle l'aime et qu'elle souhaite qu'il vienne passer avec elle un week-end en province chez ses parents. C'est alors qu'une espèce de tempête, de tornade se produit dans la cave, avec des senteurs de varech. Cela se dissipe aussi vite que c'est arrivé, mais les consommateurs sont choqués et quittent pour la plupart précipitamment l'établissement.

Le même phénomène se produit chez Gallaghan, alors qu'il vient d'acquérir la maquette d'un navire, La Scintillante, chez un antiquaire. Puis encore dans la chambre qui lui est allouée chez dans le château des parents de Catherine.

Autre phénomène auquel il est confronté, celui de l'homoncule sortant de sa boule de verre et le conviant à le suivre. Gallaghan obtempère et il découvre, dans un quartier du XVIIème arrondissement parisien un immeuble tout neuf, qu'il n'avait jamais remarqué auparavant lors de ses déambulations. Le bâtiment parait inhabité pourtant dans une pièce au bout d'un couloir il est mis en présence du fameux docteur Van Hooge, dont le visage ne lui est pas inconnu. Il reviendra à plusieurs reprises et l'homme de science lui montre son activité principale, qui se trouve sur des étagères, des crânes sur lesquels il effectue des expériences.

 

En quatrième de couverture, l'accroche de ce roman tient en deux lignes : Et si ceux que nous avons faits souffrir se vengeaient du royaume des morts ?

Dès lors le lecteur se doute que le passé de Gallaghan recèle un secret qui vient le tarauder de temps à autre, lié au monde de la mer, et que des personnes ont perdu la vie par sa faute. Comment, pourquoi, et qui sont ces morts qui viennent se venger, tout se décante peu à peu dans ce roman à l'esprit fantastique mais qui possède des à-côtés science-fictionnesque tout en touchant au surnaturel.

En effet le docteur Van Hooge est à ranger dans la catégorie des savants fous. Toutefois il se défend justement de croire au surnaturel.

Les hommes d'aujourd'hui font et utilisent des choses qui auraient paru absolument surnaturelles aux hommes d'autrefois. J'ajouterai que pour ma part j'ai découvert - dans le domaine qui est le mien, c'est à dire la biologie et la médecine - quelques petites choses qui pourraient paraître surnaturelles aux hommes d'aujourd'hui, à commencer par les médecins, mais qui ne le sont pas plus que la télévision ou l'énergie atomique.

Que penser alors de toutes les innovations technologiques et médicales qui ont été réalisées soixante ans après. Mais cette histoire, parue dix ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, s'y réfère incidemment :

Les scènes effroyables qu'il avait vues dans la salle d'expérimentations de Van Hooge ne lui sortaient pas de l'esprit et lui donnaient la chair de poule. Il se rappelait les récits qu'ils avaient lus dans les journaux sur la façon monstrueuse dont certains médecins allemands, pendant la guerre, s'étaient comportés dans les camps de déportés.

Or B.R. Bruss, qui a signé également sous les alias de Roger Blondel et de Georges Brass et dont le véritable patronyme était René Bonnefoy, connut de sérieux ennuis à la Libération à cause de sa participation comme Secrétaire Général à l'Information au gouvernement de Vichy.

Sans vraiment être daté, les thèmes du fantastique sont intemporels, ce roman contient des mots ou expressions qui de nos jours sont devenus tabous.

Par exemple, le chanteur et musicien qui se produit dans cette cave est Noir. De nos jours il est de bon goût d'employer le mot vertueux de Black. A l'époque où ce roman a été écrit, le substantif nègre n'avait pas acquis le sens péjoratif qui lui est accolé de nos jours. Toutefois, l'esprit du lecteur ne peut s'empêcher de tiquer dans cette répétition qui encombre le récit dans les premiers chapitres, nègre étant cité au moins une trentaine de fois. Nul doute qu'aujourd'hui il serait mal venu et l'auteur considéré comme raciste. Pourtant nègre, d'origine ibérique, a toujours été d'usage courant, n'étant remplacé par Noir qu'à partir des années 1960.

B. R. BRUSS : L'œil était dans la tombe.

B. R. BRUSS : L'œil était dans la tombe. Collection Anticipation N°7. Editions Fleuve Noir. Parution 1er trimestre 1955 (achevé d'imprimer le 28-1-1955).224 pages.

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30 juillet 2018 1 30 /07 /juillet /2018 09:06

C'est un fameux trois-mâts, fin comme un oiseau,

hisse et ho…

Jean-Marie PALACH : Le trésor des Guaranis.

Enrôlé comme mousse sur L’Invincible, une des frégates composant la flotte de René Duguay-Trouin, Loïc le jeune corsaire, surnommé Sabre d’or par ses compagnons à cause la fougue et de la bravoure avec lesquelles il a combattu lors de différentes péripéties maritimes narrées dans les deux précédentes volumes de sa jeune carrière, a été promu enseigne de vaisseau.

Notre jeune héros se remet doucement de ses aventures mouvementées à la recherche de compatriotes capturés par des indiens hostiles dans l’épaisse forêt proche de Rio de Janeiro. Il avait absorbé un puissant poison qui l’avait laissé dans un état catatonique et six mois après on le retrouve quelque peu flageolant encore mais prêt à s’embarquer pour de nouvelles aventures. Il a reçu des nouvelles d’Amalia, bien arrivée au Portugal, mais elle se plaint car son père, l’amiral José Olmeida de Azevedo, commandant en chef de la marine portugaise, a décidé de la marier alors qu’elle va fêter son seizième anniversaire. Une annonce qui ne plait ni à Amalia, ni à Loïc, les deux adolescents étant amoureux l’un de l’autre.

Le mariage doit se dérouler le 31 juillet 1712, jour des seize ans de la jeune Lisboète, et Loïc a décidé de la rejoindre contre vents et marées. Alors il entreprend de s’embarquer à bord du Pombal, un navire portugais qui va mettre le cap sur Lisbonne dans peu de temps. Et, s’il ne peut monter à bord, il lui faudra attendre un prochain départ aléatoire, ce qui retardera d’autant les retrouvailles avec sa belle qui alors sera mariée.

Or le Pombal ne prend plus de passagers, le gouverneur ayant imposé à son capitaine quinze religieuses et cinq jésuites retournant au Portugal. Joaquim de Oliveira, le capitaine a la réputation d’un homme cruel, et son second, Pedro Agostino, ne vaut guère mieux. Mais Loïc ne se décourage pas, s’il ne peut embarquer comme passager, il se fera embaucher comme mousse.

Il se rend dans un estaminet où ripaillent et boivent les marins du Pombal, cherchant à dégoter un engagement. Malheureusement, malgré sa connaissance du portugais, il s’exprime avec un accent qui le trahit comme étant Français. Il fait la connaissance du maître d’équipage et, en l’aidant à se défaire de quelques rufians qui en veulent à sa vie, voit se rêve se réaliser. Seulement il doit se méfier, car son accent risque de le trahir, et dans ce cas être convaincu d’espionnage.

Valverde, le maître d’équipage, est un homme bon et juste, respecté par ses hommes. Il n’hésite pas parfois à contredire le capitaine, ce qui le met plus ou moins sur la sellette, mais il n’en a cure. Il embauche Loïc en reconnaissance de l’aide apportée sous le nom de Rodrigo Spinola. Loïc se fait un ai en la personne du jeune Antonio, et un ennemi en celui d’Alvès, le quartier-maître, toujours accompagné de quelques nervis dévoués à sa botte. Le Benalla du capitaine.

Outre les ingrédients habituels, coton, café, bois précieux, le Pombal possède à son bord un coffre empli de trésors chapardés aux Guaranis. Dont un petit coffret gardé jalousement par le père jésuite mais qu’un gamin va dérober car il contient un bijou fétiche de sa tribu.

Loïc le corsaire va donc être mêlé à différents épisodes mouvementés, démontrant son courage et ses capacités de navigateur, risquant sa vie à diverses reprises, bravant les périls en tous genres, requins, tempêtes, hommes, se forgeant des amitiés mais également des inimitiés. Et se trouvant déboussolé devant une jeune novice qui ressemble à s’y méprendre à Amalia, sa bienaimée.

 

Roman d’aventures maritimes, exaltant le courage, Le trésor des Guaranis est une nouvelle réussite de Jean-Marie Palach destinée aux adolescents mais que les adultes liront avec un véritable plaisir.

A notre esprit s’imposent les images de films célèbres consacrés aux pirates et aux corsaires, tels que Les révoltés du Bounty, Capitaine Blood, L’Aigle des mers, Le Corsaire rouge, Barbe-Noire le Pirate, et combien d’autres exaltant les prouesses et le courage des marins dans l’adversité, contre les tempêtes ou leurs capitaines indignes.

Mais Loïc alias Sabre d’or parviendra-t-il à rallier le Portugal et à retrouver sa bonne amie ? C’est ce que nous saurons, peut-être, dans la suite, pas encore programmée de ce feuilleton épique non dénué de tendresse.

 

Jean-Marie PALACH : Le trésor des Guaranis. Collection Loïc le corsaire N°3. Editions du Volcan. Parution le 5 juillet 2018. 182 pages. 12,00€.

ISBN : 979-1097339135

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29 juillet 2018 7 29 /07 /juillet /2018 09:13

Don Quichotte ne les aurait pas combattus…

Georges-Jean ARNAUD : Les moulins à nuages.

Georges-Jean Arnaud, le maître français de la littérature populaire sous toutes ses formes, a peut-être ressenti le besoin d’une pause dans sa production romanesque, de se renouveler, de rechercher un second souffle après avoir écrit des centaines d’ouvrages d’espionnage, policiers, historiques ou érotiques. Le besoin de retrouver ses racines, de se ressourcer, d’effectuer une pause familiale.

Catalogué Roman, cet ouvrage est tout autant un récit qu’une biographie. En dévoilant une tranche de vie, celle de son grand-père, Planou, Georges-Jean Arnaud démontre, si besoin en était, qu’il est un grand auteur mais aussi et surtout un conteur.

De l’enfance de Planou, jusqu’au moment où celui-ci quitte les siens à tout jamais, en passant par l’adolescence et les différentes étapes de la maturité d’un être humain, cet histoire est également un hommage à toute une région et à ses habitants. A travers les petits faits de la vie quotidienne, de la senteur du tomata, ou sauce tomate, qui s’écoule inexorablement, mais aussi du bouleversement économique et politique qui peu à peu va gagner les Corbières, le lecteur assiste à la transformation d’un mode de vie, d’un état d’esprit qui accompagne les années d’espérance, de joie, de souffrance d’un homme mais aussi d’une région qui, loin de la capitale, perçoit les contrecoups d’une révolution industrielle et politique, par à-coups et parfois sans comprendre ce qui arrive.

De la défaite de Sedan en 1870, à la Commune qui va enflammer les Parisiens, une mutation s’opère alors dans les esprits et les mœurs d’alors. Beaucoup restent monarchistes dans l’âme. Seuls quelques ouvriers, les prolétaires comme ils se définissent, définition employée par certaines personnes en forme d’insulte, et les adolescents font de l’œil à cette République nouvelle, épousant l’idéologie socialiste et parfois anticléricale.

Plus encore que les idées et les conflits politiques, le phylloxera, la maladie de la vigne, et les sucriers-betteraviers vont déstabiliser l’économie de cette région. Déjà à cette époque le vin n’était pas toujours en provenance directe du raisin !

Planou restera un rêveur, un dilettante, et échouera dans les diverses entreprises qu’il créera, tout en gardant enfoui au plus profond de lui-même, en son cœur, l’amour de la liberté. A quatre ans, en 1870, il était persuadé que les moulins moulinaient les nuages afin d’en extraire de l’eau, cette eau bienfaisante. Et peut-être qu’à sa mort, il le croyait encore.

Honorine, qui a onze ans était déjà amoureuse de Planou et l’épousera à l’âge de dix-huit ans, sera toujours pragmatique et verra le côté pratique des choses, mettra toute son énergie et ses réserves dans l’accomplissement de son but : tenir un restaurant, frustrant souvent sa famille lorsque la chère se fait maigre, au profit de ses clients.

Georges-Jean Arnaud est un grand conteur et en relatant l’histoire de son grand-père, il retrouve certains des automatismes de l’écriture du grand romancier populaire qu’il est devenu au fil des ans et des quelques quatre cents titres et plus écrits sous divers pseudonymes.

Dans ce récit romancé apparait en filigrane tout l’art du suspense et de l’angoisse qu’Arnaud sait si bien manier, par exemple en campant le personnage de l’Espagnol, personnage qui apparait et disparait au gré des chapitres et des conversations enfantines. Les têtes de chapitres elles-mêmes invitent à la lecture : Les mystérieux voyages du père de Planou, Les inconnus dans le grenier de l’écurie, Le brasier infernal, Le corbillard fantasque, et bien d’autres.

Ceux qui ne connaissaient pas Georges-Jean Arnaud auront pu découvrir, en suivant l’émission Apostrophes de Bernard Pivot le vendredi 13 mai 1988, un homme simple, sincère, timide et pudique, face à des auteurs tels que Jean-Edern Hallier ou Philippe Sollers, mais également un homme passionné et passionnant par ce qu’il avait à dire et à écrire, le tout conté avec l’accent rocailleux des enfants des Corbières.

 

Georges-Jean ARNAUD : Les moulins à nuages. Editions Calmann-Lévy. Parution mai 1988. 384 pages.

ISBN : 978-2702117033

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28 juillet 2018 6 28 /07 /juillet /2018 08:26

Ce n’est pas parce qu’il s’appelle Lino qu’il faut le prendre pour une carpette !

Philippe HAURET : Je suis un guépard.

Lino n’est juste qu’un petit employé de bureau parmi tant d’autres dans une grosse boite située dans une tour de la Défense. A ne pas confondre avec le ministère des Armées.

Donc Lino travaille le jour, comme tout le monde excepté ceux qui sont au chômage et ceux qui bossent de nuit, et le soir venu, dans son minuscule appartement situé au sixième étage d’un immeuble du quatorzième arrondissement de Paris, il s’essaie à l’écriture. Des nouvelles car il n’est pas encore prêt pour rédiger un roman. Mais il s’astreint à noircir des pages blanches via son clavier sur son ordinateur.

Un soir, il distingue dans le couloir qui dessert son étage comme un tas de chiffons. Après vérification, il s’agit d’une jeune femme qui s’est réfugiée afin d’échapper aux maraudes et aux interpellations policières musclées. Si, si, cela existe !

Jessica, c’est le nom de cette paumée genre chien sans collier, arpente les rues, quémandant une, voire plusieurs piécettes, améliorant l’ordinaire par de petits larcins éventuellement. Lino propose de l’héberger, en tout bien tout honneur, ce qu’elle accepte mais bientôt leur relation évolue et ils sont amenés à partager le même canapé. Un voyage est même envisagé et pour cela Lino se montre quelque peu indélicat envers son employeur puisqu’il puise de l’argent dans le coffre-fort. Ce qui est préjudiciable à l’une de ses collègues. Un dommage collatéral, inévitable.

De retour à Paris, Jessica tombe, sans se faire mal et par inadvertance, sur un portefeuille. Elle prélève l’argent qu’il contenait puis rend l’objet à son propriétaire, patron d’une petite chaîne de magasins de confection. Pour la remercier, Melvin, le riche entrepreneur, lui confie une place de vendeuse dans l’une de ses boutiques.

Melvin est marié à Charlène, une femme somptueuse, et le couple se lie d’amitié avec Lino et Jessica. Seulement, car dans toute histoire qui pourrait sembler idyllique subsiste un seulement, leurs relations évoluent, et pas forcément dans le bons sens.

 

Outre ce quatuor de personnages, que l’on pourrait qualifier comme les Riches et les Pauvres, seuls quelques personnages secondaires évoluent dans ce suspense prenant. Secondaires, certes, mais pas inintéressants car ils ne se contentent pas de faire de la figuration dite intelligente.

Et incidemment, on se trouve plongé dans une conversation entre Jessica et Lino, juste avant les élections présidentielles. Si Jessica se laisse abuser par les apparences :

Ce mec transpire la vérité, son regard ne trompe pas, il est habité par ce qu’il dit.

Lino, lui, est plus réservé, pour ne pas dire lucide :

Sans vouloir casser l’ambiance, je pense que rien ne changera vraiment. Tes dix pour cent de chômeurs, tes cinq millions de précaires, tu les auras encore dans trente ans, et que ce soit un gouvernement de droite ou de gauche, les deux ne cherchent qu’à maintenir un taux de misère acceptable, sachant que les problèmes à résoudre demanderaient trop de sacrifices à ceux qui occupent les bonnes places.

Un suspense habilement mené, et qui nous ramène quelques décennies en arrière, années soixante, soixante-dix, avec une intrigue qui exclue violence et érotisme. On peut penser à des auteurs comme Jean-Pierre Ferrière mais également à deux romancières qui excellaient dans ce domaine, Catherine Arley et Madeleine Coudray, laquelle avait écrit quelques ouvrages fort sympathiques mais est aujourd’hui injustement oubliée et qui fut couronnée par le Grand Prix de Littérature Policière 1978 avec Dénouement avant l’aube.

Une étude de caractère et un système social malicieusement et efficacement développés, analysés, mettant en présence deux mondes différents qui par le jeu du hasard, sont amenés à se rencontrer, à s’apprécier. Plus ou moins. Peut-être même moins que plus.

Philippe HAURET : Je suis un guépard. Collection Jigal Polar. Editions Jigal. Parution le 15 mai 2018. 216 pages. 18,00€.

ISBN : 978-2377220373

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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