Ecrire une biographie de Jean-Pierre Ferrière, sans évoquer son année comme secrétaire de Brigitte Bardot, serait inconcevable, mais en même temps répétitif, car tous les articles qui lui sont consacrés indiquent cette époque. D’autant qu’il tenu cet emploi que neuf mois. Mais paradoxalement parmi la longue liste des adaptations cinématographiques tirées de son œuvre B.B n’aura jamais été au générique. C’est une autre actrice, une comédienne que Jean-Pierre Ferrière vénère, pour laquelle il voue une admiration sans borne et qui interprétera les rôles féminins dans des films auxquels il participera souvent comme scénariste et qui figure en couverture du recueil Dérapages : Danielle Darrieux.
Mais revenons sur le parcours de cet écrivain qui se fait rare et donc précieux.
Né le 4 mars 1933 à Châteaudun, chef-lieu d’arrondissement du département d’Eure-et-Loir et qui servira de décor dans bon nombre de ses romans sous l’appellation de Châtignes, Jean-Pierre Ferrière quitte la France à dix-sept ans pour ne pas passer son bac et se rend par goût de l’aventure au Maroc. Entre 1950 et 1955 il anime des émissions radio, jusqu’à trois émissions par jour sous des noms différents. Durant cette période il s’est mis à écrire, tous les jours. Puis il part au service militaire. De retour à Paris, en lisant les petites annonces dans un journal, il tombe par hasard sur celle-ci : Comédienne cherche secrétaire. Téléphoner n°… Il répond à la convocation et se retrouve en compagnie de sept postulantes. Il est le seul représentant masculin mais c’est lui sera choisi, car Vadim préfère engager un homme susceptible de pouvoir protéger sa femme dans la foule.
Entre temps Jean-Pierre Ferrière avait soumis des textes de pièces-radio à des personnes qui par hasard connaissaient l’éditeur Frédéric Ditis. Celui-ci lui commande un roman policier. Aussitôt demandé, aussitôt fait et Cadavres en soldes, un véritable succès, parait dans la collection La Chouette en janvier 1957. Il s’agit de la première apparition des sœurs Bodin, un cycle qui comportera sept titres. Des romans humoristiques dans lesquels deux vieilles filles, Berthe et Blanche, jouent aux détectives. Puis Jean-Pierre Ferrière passe au roman noir avec Les Veuves. Lorsque Frédéric Ditis décide d’abandonner sa ligne éditoriale consacrée au roman policier en 1963, Jean-Pierre Ferrière entre au Fleuve Noir dans la collection Spécial Police, collection dans laquelle il se cantonnera, excepté quelques romans édités dans la collection Grands succès et qui seront souvent réédités. La femme en néon, La nuit de Madame Hyde, Le carnet noir de Rosemonde Talbot.
Outre les sœurs Bodin, Jean-Pierre Ferrière avait entamé un cycle consacré à Evangeline mais il est contraint de la mettre de côté, car sa production destinée pour le Fleuve Noir est justement plus noire. Il la mettra toutefois en scène encore une fois dans La mort en sautoir, car il s’agissait d’un roman, quelque peu retapé qui devait être destiné à Ditis. Mais Evangeline réapparaitra dans une série télévisée.
Il ne s’est pas intéressé au roman d’espionnage, parce qu’il lisait des romans policiers de gens comme Sébastien Japrisot, auteur qu’il estime beaucoup. D’ailleurs ses auteurs de prédilection ont pour nom, outre Japrisot, William Irish pour son côté romantique, Simenon, Fred Kassak, Patricia Highsmith…
Il œuvre de préférence dans le suspense psychologique avec des personnages de femmes, attachants et évolutifs. Et les femmes sont des protagonistes récurrents, ce qu’il explique par des souvenirs d’enfance. Ou alors j’ai été traumatisé par les films de Bette Davis et de Joan Crawford ; je les ai tous vus. Je crois d’ailleurs que c’est Max Ophüls, j’ai vu Lola Montès plus de vingt fois, qui a dit : le cinéma pour moi, c’est faire faire de jolies choses à de jolies femmes ! Pour moi le roman policier c’est faire faire d’horribles choses à de jolies femmes. Le thème principal de ses romans se décline ainsi : C’est presque toujours un personnage de femme qui a quarante ans, quarante-cinq ans, dont la vie est terminée et à qui s’offre une chance, une possibilité nouvelles. N’ayant rien à perdre, elle s’y donne entièrement, en ne reculant devant rien. C’est le dernier frisson.
Très rapidement le cinéma s’est intéressé aux romans de Jean-Pierre Ferrière. C’est ainsi qu’a été adapté en 1962 Cadavres en vacances avec Simone Renant, Roger Coggio, Noël Roquevert et dans le rôle des sœurs Bodin, Jeanne Fusier-Gyr et Suzanne Dehelly. Dans une mise en scène de Jacqueline Audry, dialogues de Pierre Laroche. Ensuite, en 1963, Les Veuves devenu Du grabuge chez les veuves ! un titre que n’apprécie guère Jean-Pierre Ferrière. Réalisé par Jacques Poitrenaud, dialogues d’Albert Simonin (d’où le titre) les personnages principaux étaient interprétés par Danielle Darrieux, Darry Cowl et Jean Rochefort. D’autres films ou téléfilms suivront comme Constance aux enfers, Divine, Une atroce petite musique, La mort en sautoir, avec Danielle Darrieux, Michèle Morgan, Alice Sapritch... films auxquels il collaborera souvent comme scénariste et dialoguiste. Avec Ricet-Barrier il signe une comédie musicale en 1972 : La Femme-femme, avec Rosy Varte et Philippe Lemaire.
A l’origine, Jean-Pierre Ferrière voulait devenir réalisateur, et non pas devenir écrivain. Le hasard en a décidé autrement. Mais il reste toutefois une constante de l’école de la radio qui réside dans la qualité des dialogues. Et c’est peut-être cette passion pour le cinéma, et l’espoir contrarié de travailler pour le cinéma, que très souvent l’intrigue propose une héroïne évoluant dans le monde cinématographie. Dans les romans policiers, on tue toujours par amour, par passion, on tue pour venger quelqu’un, etc., ou pour de l’argent, mais le comédien qui est prêt à tout pour devenir ou redevenir une vedette, je trouve que cela nous change des motifs habituels.
Sa définition du roman policier : C’est un conte pour vieux enfants !.
Sources : correspondance personnelle avec l'auteur et Mystère Magazine n° 280 de juin 1971.
Vous pouvez également retrouver un entretien avec Jean-Pierre Ferrière grâce à René Barone ici