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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 15:50

Joseph BIALOT est décédé le 25 novembre dernier.

En forme d'hommage je vous propose de lire ce document poignant.

 

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Il est des épisodes dans notre existence que l’on aimerait pouvoir effacer, mais ils sont tatoués dans notre cerveau à l’encre indélébile. Mettre un couvercle sur le bouillonnement de notre crâne serait l’idéal, mais la fermeture n’est pas hermétique, et il s’en dégage des fumées délétères qui nous empoisonnent tout notre vie, du moins celle que nous vivons après ces événements. On les cache soigneusement, comme des faits honteux, mais il arrive un moment où pour les exorciser, il faut en parler, les coucher sur le papier, les réduire à de simples phrases, afin d’en extirper les rares incidents positifs.

Ouvrant son album de mémoires, révélant dans un désordre organisé ses pérégrinations et sa vie quotidienne à Birkenau et à Auschwitz, Joseph Bialot invite le lecteur à partager avec lui des moments éprouvants mais au cours desquels l’auteur ne perd jamais espoir. Renoncer c’est mourir par anticipation.

L’ouvrage débute par un nouveau chapitre Et après… qui constitue l’ajout à cette réédition nécessaire, et pose la question qui se trouve de plus en plus présente sous les feux de l’actualité. Et après… les êtres humains se sont-ils inspirés de cette partie nauséabonde de l’histoire pour s’améliorer ? Force est de constater que non. L’intégrisme, le sectarisme, l’intolérance, le négationnisme, le rejet de l’autre pour des raisons raciales, religieuses, mercantiles, sont toujours en vigueur, exacerbés par des individus, quelque soit leur place dans la société, sans scrupules, ignorants, jaloux.

Un exemple frappant : en 1947, deux ans après Auschwitz, dans la ville de Kielce, en Pologne, l’annonce du retour d’une centaine de Juifs survivants, originaires de la région, répand la terreur. Et la rumeur repart : ils vont reprendre leurs biens ! Résultat ? Un pogrom. Dois-je préciser que le mot Pogrom, d’origine russe, désigne un assaut avec pillage et meurtres. Il signifiait à l’origine des actions violentes préméditées, menées à l'instigation de la police tsariste avec l'aide de populations locales contre les communautés juives d'Europe. Les pogroms sont parfois menés contre d'autres minorités telles que les Tziganes. Ces actions s'accompagnent aussi de destructions des biens personnels et communautaires et d'assassinats. Plus jamais ça ! C’était ce que les survivants, probablement naïfs, déclaraient. Soixante cinq ans après, que reste-t-il de des résolutions, des déclarations émises par des personnalités de toute obédience politique ?

Après cet aparté, reprenons l’album photos, ou plutôt la succession de courts-métrages que délivre Joseph Bialot. Première image, les couleurs qui se reflètent dans la mer et que peuvent admirer les survivants, qui ont embarqué à bord du Bergensfjord, en port d’Odessa. Plus de mille deux cents kilomètres parcourus entre Auschwitz et Odessa, puis direction la France. Ces couleurs dispensées par le soleil changeaient des dégradés de noir et de gris auxquels ces anciens détenus étaient habitués. Et peu à peu les souvenirs s’enchainent, retour en arrière sur les conditions de vie, de survie à Birkenau, puis à Auschwitz, les maltraitances, les brimades, les humiliations, les restrictions alimentaires et vestimentaires, les coups portés avec violence et sadisme par les Kapos, les petits-chefs plus brutaux que leurs supérieurs.

Une image parmi tant d’autres : une paire de chaussures à semelle de bois, sans lacets, sensées protéger les pieds et que le détenu, Joseph Bialot en l’occurrence, perd en déplaçant des pavés, porté sur son épaule, sur deux cents mètres, lapin tentant d’échapper à un lévrier nazi. Soit il parvient au but en échappant aux coups de matraques et surtout rejoint la procession de détenus, s’infiltrant dans le groupe, et échappant ainsi à la vindicte de son poursuivant, les pieds en capilotade, soit il se baisse pour ramasser la chaussure fichée en terre et risque de rester définitivement à terre.

Ou cette veille de Noël, qui tombe un lundi. Distribution des rations de vivre le samedi, et comme les détenus sont affamés, tout est englouti dans la journée. Le dimanche et le lundi sont synonymes de famine. Ironie du sort, les échanges se paient en cigarettes. A l’époque, le slogan le tabac tue n’avait pas cours, d’autres se chargeaient de votre santé qui partait en fumée. Même entre eux les prisonniers raillaient, peut-être inconsciemment. L’un d’eux, prenant le poignet décharné de l’auteur lui confia : Toi, tu brûleras sans problème, tu es bien sec !

Tous ne sont pas logés à la même enseigne et pour mieux être reconnus, ils sont affublés de triangles sur leurs vêtements. Un triangle rouge : c’est un politique ; un vert, un tueur auxiliaire ; un noir, un fainéant, un saboteur de travail ; un rose, un homosexuel ; un violet, un témoin de Jéhovah, un objecteur de conscience.

 

Si les romanciers trichent avec l’histoire, si les historiens élaborent leurs ouvrages d’après des témoignages et d’autres écrits, Joseph Bialot est un témoin direct, ayant vécu personnellement et directement ce qu’il décrit. Et son livre, son récit, en possède d’autant plus de force que le romancier et l’historien ne pourront jamais traduire l’émotion ressentie par l’acteur malgré lui de cette mise en scène macabre. Au lieu de vouloir reconduire les sans-papiers aux frontières, et souvent les offrir en otages ou victimes aux exactions de ceux qu’ils ont fuis, nos politiques devraient lire cet ouvrage et réfléchir. Mais peut-être est-ce trop leur demander.


Joseph BIALOT : Votre fumée montera vers le ciel. Editions de l’Archipel. Version augmentée de C’est en hiver que les jours rallongent (Le Seuil – 2002).

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28 novembre 2012 3 28 /11 /novembre /2012 15:36

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Tom, le jeune détective de l’étrange de l’agence HPL se rend en compagnie de Dominique, un ami rencontré à la Convention de la B.D. d’Angoulême, à Venise. Un dérapage sur l’autoroute et la moto chasse. Tom parvient à stabiliser l’engin puis à s’arrêter sur une aire. Il est abordé par un étrange bonhomme vert qui lui remet une missive l’enjoignant de se rendre à un endroit donné de Venise. Les deux compères embarquent à l’heure dite sur un vaporetto les conduisant à l’île de Torcello en compagnie de trois autres personnes.

Ils apprendront peu après leur identité : Le professeur Flax, Fantomès et miss Brunner. Ils sont suivis de près par deux aventuriers, le Commandant Robert et William le géant roux. Suivant leur guide, un homme vert, les cinq “ touristes ” rencontrent sur leur chemin de nombreuses embûches. D’abord un ver immense, puis des mercenaires en armures, en réalité des vampires, se dressent sur leur route.

Heureusement le Commandant et William arrivent à leur rescousse. Tandis que la bataille fait rage, et que Dominique est blessé par une morsure de vampire, Tom reconnaît en Miss Brunner Maria, une employée de l’agence. Mais elle l’ignore. Puis c’est l’apparition de L’Homme Mort. Flax veut faire le malin mais L’Homme Mort lui brise la nuque. Les survivants lui font ses poches et lisent le billet qu’il avait reçu. Bissolatti y dévoile avoir découvert le sérum de longévité. Mais les surprises s’enchaînent. Le guide se transforme soudain en loup-garou et Fantomès lui transperce le cœur de sa canne-épée. Des rhinocéros bipèdes, des jonglômes, se lancent à leur poursuite.

 

François Darnaudet joue avec les héros notre enfance, les réunissant dans une aventure ébouriffante, proposant mille pièges conçus avec une machiavélique détermination. Héros humains mais aussi monstres de tous poils issus de la littérature populaire fantastique. Tom, de l’Agence HLP, sigle évident pour Howard Philipps Lovecraft, subira mille avatars en compagnie d’ersatz de Bob Morane et Bill Balantine, de Fantômas et de bien d’autres. Un jeu et un tour de force pour agglomérer tout ce petit monde dans une histoire cohérente et fantastique. Mais d’autres clins d’yeux parsèment cet ouvrage, dont un certain Gal’Ern. Un hommage en forme de pastiche dans lequel François Darnaudet se parodie lui-même.

 

François DARNAUDET : La lagune des mensonges. Rivière Blanche N°2003. 128 pages. 14€.

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27 novembre 2012 2 27 /11 /novembre /2012 15:26

A partir de novembre, pour les clochards, il n'y a plus que deux solutions : la Côte d'Azur ou la prison.

 

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Si Michel Audiard est connu pour les films auxquels il a collaboré en tant que dialoguiste, scénariste, pour ceux qu’il a réalisés, pour ses citations, pour sa gouaille, son inamovible casquette, connait-on véritablement l’homme et son univers ?

Marc Lemonier dans ce dictionnaire richement illustré, dont bon nombre de photos d’archives inédites, nous invite à retrouver l’homme, les artistes qu’il a côtoyés, les films auxquels il a participé et quelques mots clés.

Après une entame chaleureuse relatant la biographie de Michel Audiard, dans laquelle on apprend de nombreuses anecdotes, plus que dans des dictionnaires dont les fiches sont écrites dans un style sec et uniforme, Marc Lemonier décline l’univers de Michel Audiard de A comme Alfred Adam, acteur et scénariste, à Z comme Léon Zitrone, journaliste de télévision qui apparait dans quelques films comme Le Gentleman d’Epsom. En passant par Le Cave se rebiffe, Frédéric Dard, Elle cause plus… elle flingue, Jean Herman (alias Jean Vautrin), Maigret et l’affaire Saint-Fiacre, Mort d’un pourri, Philippe Noiret, Charlotte Rampling, Fernand Raynaud, Tendre poulet… tous noms prélevés au hasard.

Car cet ouvrage se lit (et se regarde) comme on pioche dans un buffet garni. On picore, on feuillette, on déguste, on avance, on revient en arrière, on regarde et on apprécie les photographies, les commentaires, les anecdotes, les petits plus. Revenons quelque peu sur la biographie, du moins sur les premières lignes, de Michel Audiard telle que nous la décrit Marc Lemonier.

Michel Audiard est né de père inconnu le 15 mai 1920, au numéro 2 de la rue Brézin, à Paris XIVe. Sa mère, une jeune fille de la petite bourgeoisie auvergnate, le laissa sans regret derrière elle lorsqu’elle retourna au Puy-en-Velay. Michel ne souhaita jamais savoir qui était son père, déclarant à plusieurs reprises qu’il s’en « fou[tait] complètement », ajoutant que cette incertitude sur ses origines le dissuadait d’être raciste. « Après tout, je suis peut-être arabe, juif ou arménien… » Sa mère l’oublia et ne se manifesta qu’une fois, alors que Michel commençait à apparaître à la télévision, pour lui reprocher de ne pas porter la cravate…

Une réaction maternelle pour le moins irréaliste ! Quant à la déclaration de Michel Audiard concernant son origine paternelle, elle dénote que l’ignorance de son origine peut parfois être un bienfait engendrant l’humanisme.

Revenons au corps même de ce dictionnaire et par exemple, prenons au hasard, Babette s’en va-t-en guerre, un film de Christian-Jacques de 1959 avec Brigitte Bardot en vedette principale. Le scénario original de Raoul Lévy est rejeté par B.B. alias Babette. Elle déplore que l’héroïne la transforme « en Mata-Hari vulgaire qui couche avec tout le monde ». Gérard Oury et Michel Audiard sont appelés à la rescousse. Un film qui permet à Francis Blanche d’exprimer toute la mesure de son talent dans l’interprétation extravagante de Papa Schultz.

Jean-Paul Belmondo, Francis Blanche, Bernard Blier, Mireille Darc, Louis de Funès avant qu’il devienne un acteur de premier plan avec La Grande vadrouille, Jean Gabin, Annie Girardot, Michel Serrault, Lino Ventura, pour ne citer que les plus grands, sans oublier les spécialistes des seconds rôles tels que Philippe Castelli, Robert Dalban, Paul Frankeur, Jean Lefebvre, Paul Mercey, Bernard Musson, André Pousse ou Dominique Zardi, font partie intégrante de la bande à Audiard. C’est la conjugaison de leur talent, de leur présence, de leur gouaille, de leur gueule, le tout associé aux dialogues percutants de Michel Audiard qui fait qu’ils restent acteurs et films) indissociables dans nos mémoires.

Tous ces noms, et bien d’autres, même ceux qui n’ont participé qu’à un seul film comme Isabelle Adjani ou Fernandel, bénéficient d’une fiche, plus ou moins longue selon leurs prestations, avec véritable patronyme, date de naissance, date de décès éventuellement, listes des films dont Audiard fut le dialoguiste, le scénariste ou le réalisateur, auxquels ils ont participés. Sont recensés également les réalisateurs avec lesquels il a travaillé, même pour un film tel que Yves Allégret ou Claude Zidi, et tous les films auxquels il a collaboré.

Cela va de 125, rue Montmartre de Gilles Grangier en 1959, à Les Yeux de l’amour de Denys de La Patellière en 1959. Coïncidence de date. Les fiches de ces films décrivent succinctement le scénario, et offrent les petits à-côtés permettant un éclairage complémentaire. Ainsi, 125, rue Montmartre, qui est l’adaptation d’un roman d’André Gillois permet à Audiard d’évoquer ses propres souvenirs de livreur de journaux, et dont la préparation et le tournage renforcent la sympathie mutuelle que ressentaient déjà depuis Le Rouge est mis, Audiard et Ventura. Ces films sont notés (impartialement ?) d’un A pour à voir ou à découvrir, de deux AA pour bon film avec de bonnes surprises, et d’un triple AAA (une référence qui ne doit rien aux agences de notation dont je ne citerai pas le nom afin d’éviter de leur faire de la pub) pour Chefs-d’œuvre.

D’autres personnages célèbres sont également évoqués comme De Gaulle. Pourquoi, comment ? Autant de bonnes questions dont les réponses sont déclinées dans la fiche consacrée au Général.

Enfin, quelques mots-clés comme Anarchisme de droite, Argent, Con, Littérature, Mort, complètent ce portrait haut en couleurs, au réel et au figuré.

Indispensable à tout cinéphile qui pense connaître Audiard sous toutes ses coutures, et au curieux qui découvrira bon nombres de films auxquels son nom reste attaché.

Un ouvrage de poids dans votre bibliothèque : 1440 grammes, comprenant la filmographie et la bibliographie par années.


A lire de Michel Audiard :  Méfiez-vous des blondes.


Et si vpus désirez en savoir davantage sur les citations de Michel Audiard effectuez une petite visite à  Bédépolar de Fred Prilleux.


Marc LEMONIER : Michel Audiard, l’intégrale de A à Z. Editions Hors Collection. 288 pages. 29€.

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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 14:56

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Les blondes, quelles blondes ? Les femmes, les cigarettes, les bières ?

 

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Michel Audiard, plus connu comme scénariste, dialoguiste et réalisateur de films, a écrit au début des années 1950 trois romans parus dans la collection Spécial Police du Fleuve Noir : Priez pour elles (N°5), Méfiez-vous des blondes (N° 7) et Massacre en dentelle (N° 26). Puis le cinéma l’a accaparé et peut-être que l’écriture de romans ne l’intéressait plus guère. Il récidivera près de quinze ans plus tard avec Ne nous fâchons pas puis Le Terminus des prétentieux chez Plon. Serait-il souhaitable que ces romans soient réédités, comme le souhaitent certains nostalgiques ? Pourquoi pas, dans un volume Omnibus par exemple !

 

Journaliste dans un quotidien marseillais, Georges Masse l’est parfois, à la masse. Il fait honneur à tout liquide qui racle la gorge et décape les papilles. Ce qui l’amène à bousculer ses collègues dont Donald (un surnom) qui a tendance à le mettre de mauvaise humeur. Mais l’important n’est pas là car Georges Masse, s’il utilise volontiers sa langue pour lancer des piques, sait se servir de ses mains pour flatter les sténos callipyges qui prennent en note ses articles.

Ce jour là, alors que la canicule assèche encore plus son gosier, il attend avec impatience la belle Jeanine Lambert. Celle-ci doit revenir d’un reportage à Saïgon, une enquête sur le trafic de drogue. Un homme se présente au journal et remet une serviette à Masse de la part de Jeanine. Mais celle-ci a disparu à son arrivée à l’aéroport.

Sans perdre de temps Masse et son fidèle photographe P’tit Louis se rendent chez Jeanine. Elle est chez elle mais dans un piteux état. Elle a été tabassée, ce qui est une injure à son joli petit corps. Toutefois, plongée dans une semi-inconscience elle parvient à susurrer ce qui lui est arrivé.

Elle a été abordée par deux hommes dans le hall de l’aéroport, portant en bandoulière des appareils photos, comme s’ils étaient de nouveaux employés au journal. Une fois assise dans le véhicule qui devait la conduire vers Georges, elle reçoit en guise d’apéritif un coup de poing dans l’estomac et tombe dans les pommes. Elle se réveille face à Costelli qui lui réclame un document important, une pièce d’état-civil, mais elle a eu la prescience de ce qui devait lui arriver puisqu’elle a pris la précaution de remettre son bagage à un inconnu, lequel a tenu sa promesse en remettant la serviette à Georges. Durant un long moment Costelli lui en a fait voir de toutes les couleurs à l’aide de sa ceinture. Elle se souvient seulement qu’il a évoqué un Chinois qu’il a appelé le Barman.

La seule solution pour Georges, accompagné de P’tit Louis, est de rechercher des Chinois dans Marseille, de les photographier et de soumettre les clichés à Jeanine. Soudain, Georges pense au Fleuve Bleu (tiens, tiens, clin d’œil ?), une boîte de style extrême oriental qui propose jazz, jeunes femmes esseulées ou tarifées. Le début des ennuis pour Georges qui est approché par une belle blonde, Olga Schneider, qui se dit proche de Lady Wilson, une richissime inconnue, mais il est repéré également par le barman chinois, quelques gros bras à la solde de Costelli, grossiste en produits illicites. Puis le commissaire Besnard qui va se mettre en travers de sa route pour une histoire de meurtre, car Jeanine est retrouvée défunte peu après. Alors que Masse veut prévenir la police celle-ci débarque, le commissaire Besnanrd en tête, avertie par un appel téléphonique.

blondes.jpgReprésentatif des romans à l’américaine des années cinquante, quoique l’action se déroule à Marseille, Méfiez-vous des blondes lorgne du côté de Peter Cheney auquel ce livre est dédié. Mais ce roman est également dédié à André Hunebelle, le réalisateur en 1950 du film éponyme interprété par Martine Carol, Raymond Rouleau, Bernard Lajarrige, Noël Roquevert et Yves Vincent dans les rôles principaux, scénario, dialogues et adaptation de Michel Audiard.

Dans son avertissement, Michel Audiard établit les différences existant entre le film et le roman et se réfère à Hemingway en énonçant une déclaration du romancier américain : J’écris une nouvelle d’après un film tiré d’un de mes romans. Une spirale sans fin.

Quant à cette réflexion de Georges Masse, elle s’avère dans ce contexte pour le moins étonnante : Moi j’ai le cinéma en abomination, ça me fait danser le cassis et j’en sors avec la migraine. Lorsqu’il décrit le personnage d’Olga Schneider, Michel Audiard est très explicite : Une vrai Vision d’Art. Un conte de fée, blonde comme les blés, balancée comme Martine Carol, claire comme le jour, avec des yeux de myosotis, et un teint… et une bouche… Non, mais alors une bouche ! C’est en trop pour un seul homme. Georges Masse ne dédaigne pas les alcools forts, au contraire, et s’enfile armagnac, whiskies, et pastis, pur apparemment, puisqu’il lui arrive de boire directement à la bouteille le breuvage qui a fait la réputation de la cité phocéenne.

Ce roman est un peu daté, certes, à cause par exemple de l’argot employé, mais pas trop, et il est encore lisible et nous plonge dans une époque qui ne diffère pas vraiment de la notre. S’il s’agissait d’un roman traduit de l’américain, nul doute qu’un éditeur le ferait retraduire, ce qui serait dommage car il en perdrait le charme de la spontanéité.


Michel AUDIARD : Méfiez-vous des blondes. Collection Spécial Police N°7. Editions Fleuve Noir. 1950. 220 pages.

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26 novembre 2012 1 26 /11 /novembre /2012 07:12

Du Quai de la gare au Quai des Orfèvres...

 

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Le Prix du Quai des Orfèvres 2013 a été décerné à Des clous dans le cœur de Danielle THIERY, publié chez Fayard. L’occasion de revenir sur un de ses romans publié en 1998.

Pour ceux qui ne la connaîtraient pas, Danielle THIERY fut l'une des premières femmes reçues au concours d'inspecteur de police en 1969, puis commissaire en 1976. Mais elle est surtout connue pour son personnage de Marie-Gare qui a donné lieu à une série télévisée titrée Quai n° 1 avec Sophie Duez.

 

Alors qu'elle pratique son sport favori, le jogging, le commissaire Edwige Marion aperçoit un attroupement sur les berges du Rhône. Le cadavre d'une jeune femme vient d'être repêché. Il s'agit de Marie Sola Lorca, une avocate qui devait défendre Manuel Bianco, une ancienne gloire de la tauromachie confondu dans une affaire d'escroquerie et d'association de malfaiteurs.

L'avocate et son client ne s'étaient pas présentés le jour du procès. Une clocharde avait affirmé avoir vu la jeune femme danser sur la rambarde d'un balcon et être tombée. Quant à l'ex toréador, il a été retrouvé dans une chambre d'hôtel, mort, nu et torturé. Seuls indices retrouvés sur les lieux, des graines de pollen de pins des Landes, des cheveux blonds.

THIERY.jpgLe commissaire Marion va remonter à la source en enquêtant dans la forêt landaise, malgré l'hostilité des gendarmes, la cour pressante d'un commissaire trop beau gosse et l'accumulation de cadavres.

Dès le départ le lecteur connaît le nom du coupable, mais l'intérêt de ce roman réside dans les motivations ayant poussé le meurtrier à accomplir sa vengeance afin d'exorciser un traumatisme d'adolescent. Le croisement des chemins entre l'enquêtrice et le coupable ne se feront pas sans heurts et sans dégâts.

Un roman noir sur lequel plane parfois l'ombre de Robin Cook, l'auteur de "J'étais Dora Suarez", avec sang, sexe et obsession, le tout saupoudré de l'ambiance tauromachique.


Danielle THIERY : Mises à mort. Editions Robert Laffont. Réédition Editions Pocket. Collection Pocket Noir 10882.

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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 14:59

L’Enfer d’un Paradis fiscal !

 

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Attendant d’être reçu par Monseigneur Di Roggero en son bureau du Vatican, le père Swift, Jonathan Swift, ressent l’impression d’incarner Gulliver au pays de Brobdingnag, le pays des géants, lui qui n’est qu’un modeste missionnaire dans une paroisse située au fin fond du Burkina-Faso.

Swift, dont son père Irlandais revendiquait une filiation lointaine avec l’auteur d’Instructions aux domestiques et L’art du mensonge politique, a connu avant de passer une quinzaine d’années dans la brousse un parcours chaotique. Proche de son père il n’a jamais aimé sa mère. A peine sorti de l’adolescence, il est devenu un activiste, un terroriste, recherché par la police. Il s’est réfugié dans un couvent puis, converti par un religieux, ayant trouvé sa voie dans la foi, il est devenu missionnaire en Afrique, sous une nouvelle identité. Et voilà qu’un haut dignitaire de l’église veut bien le réhabiliter, mais à une condition.

Sa mission, s’il l’accepte et il n’a guère les moyens de la refuser, est de démontrer que Lisa Lytton, la femme de René IV, décédée dans un accident de la route et ancienne actrice de cinéma ayant côtoyé les plus grandes stars masculines, ne possède pas la réputation de sainte que la Principauté de San Bernardo veut lui attribuer. Et donc de trouver le moyen de refuser le procès en béatification qui a été demandée auprès du Saint-Père.

La Principauté de San Bernardo est une île rocheuse méditerranéenne, un véritable paradis… fiscal. René IV, Renato pour les intimes, gère son domaine avec une apparente bonhomie, les affaires courantes de police et de sécurité étant confiées au colonel Ferrandi, ancien mercenaire responsable de la garde du Palais et Graglia responsable de la sécurité. Sans oublier Monseigneur Pippo, qui possède ses antennes au Vatican. Des antennes efficaces car il vient d’apprendre qu’un enquêteur doit venir sur l’ilot afin de déterminer si le procès en béatification est justifié. Il en informe immédiatement Renato lequel répercute le renseignement auprès de ses hommes de confiance et de sa secrétaire particulière. Parallèlement il a reçu un télégramme l’avertissant qu’un certain Jonathan Swift doit arriver. Or en effectuant des recherches il apprend que Swift a été amnistié de tout ce qui pouvait lui être reproché et même plus. Nonobstant tout doit être mis en œuvre pour intercepter en douceur le délégué du Vatican.

Swift a prévu que son arrivée comme diplomate du Vatican ne serait pas vue d’un bon œil. Aussi il demande à Marco, un de ses anciens compagnons, de l’accompagner à San Bernardo. Tous deux débarquent sur l’aéroport de San Bernardo, en s’ignorant, Swift habillé en banquier respectable, costume de marque, Marco en curé de brousse, soutane mitée et brodequins avachis. Tout naturellement Ferrandi et Graglia vont s’attacher à suivre les faits et gestes de Marco, tandis que Swift est accueilli au Palais par Renato.

Accueilli à bras ouverts même, car Renato et Swift sont cousins, et comme Swift est très riche, il a pu récupérer son héritage paternel en même temps que son amnistie, s’il pouvait placer une forte somme à la banque Espirito Santo, banque d’obédience religieuse dont une agence est implantée sur l’île, cela arrangerait le Prince.

Il est évident que toute ressemblance avec des lieux ou des personnages existant ou ayant existé serait purement fortuite et le lecteur qui oserait établir une comparaison devrait réviser son jugement sous peine d’excommunication.

Renato a perdu sa femme dans un accident de voiture, il a trois enfants, un garçon effacé, deux filles dont une est avide de la vie et conduit à merveille, sa principauté est un paradis fiscal, trouvez-vous une analogie avec quoi que ce soit qui pourrait faire les grands titres des médias ? Non, bien sûr.

Penchons-nous plutôt sur le personnage de Swift qui ressemble à s’y méprendre à un baroudeur et s’avère un homme distingué, distingué d’apparence mais distingué aussi par quelques personnes de l’entourage du Pape et de Renato. Et en bon héros de romans d’aventures, il picole sec (on devrait plutôt dire mouillé dans ce genre de situation, mais bon, passons). Il est abonné à la vodka, ce qui au lieu de l’inciter à se blottir dans les bars de Morphée, le tient éveillé certaines nuits. Et pour échapper à ses pensées, dont celles qui le ramènent à sa jeunesse lorsqu’il avait connu Lisa, il essaya de se réfugier dans la prière, mais l’alcool le faisait déraper comme si son cerveau tout entier n’était plus qu’une immense plaque de verglas sur laquelle ses pensées glissaient dans tous les sens et partaient en tête-à-queue chaque fois qu’il tentait de les retenir.

Dans ce roman cocasse et irrévérencieux, à prendre au premier ou au second degré selon les sensibilités des lecteurs, Patrick Raynal garde la fraîcheur d’esprit qui animait ses premières œuvres, et il use des métaphores pour garder une once d’humour dans un sujet qui pourrait être grave.

Il était aussi dépourvu d’humour qu’un pit-bull à jeun. Le genre d’image que vous pouvez placer n’importe où dans une conversation, en parlant par exemple de votre chef, du policier qui vient de vous dresser une prune, de votre belle-mère (en plaçant la phrase au féminin) ou toute autre personne à votre convenance.

Car il ne faut pas oublier que la réalité n’est qu’une hallucination provoquée par le manque d’alcool.

A lire également de Patrick Raynal : Nice-est


Patrick RAYNAL : Au service secret de sa Sainteté. Editions L’Ecailler. 288 pages. 17€.

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25 novembre 2012 7 25 /11 /novembre /2012 07:52

C’est Maintenon ou jamais !

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Conclure une conversation téléphonique par un Aaargh du plus bel effet bédéphile, pour Patrice Bergof, enseignant en communication à Paris VIII ex Vincennes, ce ne peut être qu’une farce. Qu’à la rigueur il qualifierait de mauvais goût s’il ne se sentait pas attiré par l’aura de mystère qui plane sur le contenu de cette conversation. Ce Aaargh est à n’en point douter le cri d’un agonisant, d’un suicidé, d’un assassiné qui sait.

Mais l’ire du meurtrier présumé serait-elle due à la teneur même du dialogue téléphonique ? Un crime hypothétique qu’aucune thèse vient étayer. Pourtant l’intérêt de Patrice Bergof est éveillé, peut-être parce que le sujet de cet appel était Paul Scarron, l’auteur du Roman Comique, mari de la belle Françoise d’Aubigné, petite-fille du poète Agrippa d’Aubigné et future maîtresse du roi Louis XIV sous le nom de Madame de Maintenon.

Un mystère qui s’épaissit lorsque Patrice Bergof lors d’une enquête en dilettante et sur trame historique apprend le décès subit de spécialistes de Scarron, d’amateurs éclairés et de membres de la Société des Amis de Scarron.

Humour, histoire, enquête, tendresse, sont au programme de ce roman de Christian Poslaniec, auteur de Punch au sang paru à la Série Noire et dont Patrice Bergof était déjà le héros.

Christian Poslaniec, professeur de lettres, mais également directeur de collection pour la jeunesse, auteurs de nombreux romans pour la jeunesse et d’essais sur la littérature pour les jeunes, s’amuse et divertit le lecteur dans ce roman un peu loufoque, qui oscille entre la farce et l’énigme historique.

Un livre extrêmement plaisant qui rompt avec la monotonie qui guette la littérature noire dont la production actuelle s’oriente autour des faits et méfaits de la société moderne et tristounette.

Il ne faut pas oublier que la littérature est aussi et surtout un moyen d’évasion même si elle explore le temps d’une façon détournée. Enfin, à noter une définition du Sida qui vous laisserai pantois mais ne comptez pas sur moi pour vous la révéler.

 

Vous pouvez retrouver un entretien croisé avec Christian Poslaniec sur le site Rick Bass et les nature writers ici :

http://naturewriting.wordpress.com/

site qui vous proposera de découvrir à partir du 5 décembre les premiers chapitres en numérique des Fous de Scarron.

 

Message de Réjane Niogret qui a eu cette heureuse initiative :

J'ai le plaisir de vous adresser les sésames vous permettant d'accéder dès aujourd'hui aux trois premiers épisodes des Fous de Scarron une innovation numérique que les lecteurs pourront apprécier sur le net à partir du mercredi 5 décembre 2012 (accès gratuit).

Pour la découvrir en avant-première, la marche à suivre est la suivante : Cliquer sur l'adresse : http://lesfousdescarronap.wordpress.com/
Saisir l'identifiant : lesfousdescarronap@gmail.com

Saisir le code : entrezchezlesfous

 

Je vous souhaite une belle exploration de cette publication que j'ai eu plaisir, en tant que co-auteure créatrice des "surprises", à réaliser. Pour en savoir plus : Interview croisée, Les dessous des fous : http://naturewriting.wordpress.com/

 


Christian POSLANIEC : Les fous de Scarron. Collection Le Masque N° 1998. Prix du roman policier au festival de Cognac 1990.

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24 novembre 2012 6 24 /11 /novembre /2012 13:53

 

Hommage à Jean Amila né le 24 novembre 1910.

 

 

Il ne faut pas prendre les enfants du Bon Dieu pour des boeufs !


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Colleville sur mer, Saint Laurent sur mer, Vierville sur mer. Cinq kilomètres de plages. Le 18 juillet 1956 eut lieu la cérémonie d'inauguration du cimetière et du mémorial d'Omaha Beach. Février, Mars 1964, les journaux régionaux ne parlaient pas encore du 20ème anniversaire du débarquement et des réceptions prévues. Février 1964. Parution du roman de Jean Amila, "La Lune d'Omaha" et pour l'auteur une nouvelle occasion de brocarder la guerre et ses cortèges d'horreur.

Il prend pour théâtre ce petit bout de terre (70 hectares) concédé à perpétuité par le gouvernement français au gouvernement américain. Et d'imaginer une histoire de déserteur qui au lendemain de la guerre se serait fait passer pour mort avec la complicité d'un paysan normand, le père Delouis. George Hutchins devient George Delouis, livret de mariage falsifié d'Amédée Delouis à l'appui. A la mort du père Delouis en 1963, lequel était employé à l'entretien des parterres, des plantes, de la tonte du gazon, des jardins du cimetière américain d'Omaha, ce secret est enfoui dans la tombe avec le corps du jardinier.

omaha2C'est sans compter avec l'avidité du fils légitime du père Delouis. S'ensuivent tractations, marchandages guidés par la haine, l'hypocrisie et la roublardise. Hutchins le déserteur qui éprouve le désir de réendosser, non pas son uniforme mais son identité devant la bassesse d'une famille attirée par l'héritage, quitte le village de Seine et Marne où il est installé avec Jeanine sa femme, institutrice, et ses trois enfants, et révèle son origine et la supercherie lors d'une confrontation appelée par euphémisme, familiale.

Seulement il menace de se dénoncer auprès des gendarmes, mettant ainsi fin au versement d'une rente mensuelle qu'appréciait son frère d'adoption. Il est reconnu par le sergent Reilly, le responsable de l'entretien du Mémorial, lequel se propose de l'aider ainsi que le capitaine Mason, à lui trouver des excuses dans son comportement lors du Débarquement. Hutchins ne serait que déserteur par négligence, après avoir été prisonnier et s'être évadé. Retentirait la douce mélodie du bonheur et de la tranquillité si la femme de Hutchins ne s'était pas si impliquée dans la fabrication de l'identité de son époux et si celle de Reilly, une petite paysanne avide de plaisir, un peu pute sur les bords (lesquels ?), d'une vingtaine d'année sa cadette, ne venaient perturber cet agencement viril dans lequel on reconnaît la mansuétude du héros américain.

Guy de Maupassant, dans ses contes normands, ne s'était pas privé de dévoiler les travers d'une certaine paysannerie rapace, retorse, madrée, donc jusque là rien de réellement provocateur de la part d'Amila. A priori cette histoire de déserteur aurait pu susciter une certaine indignation de la part de ceux qui prônent les vertus rassurantes de mots tels que Patrie, Noble Cause, Valeur, Idéal, Honneur. Mais Jean Amila va plus loin dans la bravade et l'audace de ses dénonciations romancées.

Il ose insinuer que certaines magouilles auraient eu lieu lors de l'aménagement du cimetière. Par exemple un trafic de fumier dont le père Delouis serait à la tête, ce qui contrarie le sergent Reilly. “ Car hélas! tous les arbrisseaux, les parterres, les buissons de roses galliques et les pépinières ne se contentaient plus de l'humus symbolique américain, il fallait du fumier français! ”

Une fois par semaine environ le sergent Reilly rend un hommage à ses camarades de combat. “ Il faisait en zigzag ce qu'il appelait l'appel de l'escouade. D'un bout à l'autre du grand cimetière, il se promenait selon une ligne brisée, mais invariable. ” “ Il remontait vers le centre, autour de la chapelle ronde. Et presque avec tendresse, il touchait en passant les croix de Harry, de Gordon, de Hann... Il s'arrêtait plus longuement devant la croix de James R. Bancroft, le râleur... Au delà du grand Agénor de bronze du Mémorial, il rendait visite au mur des disparus où le dernier homme de l'escouade, Cornell, avait son nom au milieu d'autres, pulvérisés, jamais retrouvés ”.

Il traque comme le font encore aujourd'hui les jardiniers Amila2français employés à l'entretien, le moindre brin d'herbe risquant de jeter une note discordante de laisser aller incongru. “ Il avait eu l'honneur de faire un stage à Arlington avant de venir au cimetière d'Omaha Beach. Il lui en était resté la haute conscience du gazon absolument irréprochable. Chasse féroce à l'ignoble pissenlit, au sournois laiteron, au vulgaire pâturin! Mètre par mètre, d'un bout de l'année à l'autre, le gazon était ausculté, tondu, noyé, roulé, piqué... Pas une trace de mousse aux endroits d'ombres. Pas la moindre éclaircie aux surfaces brûlées par le soleil de juillet et d'août! Les bords nets! La tonte au ras des croix! 

Une profession de foi que l'on retrouve en bonne place dans le dépliant fourni à l'entrée du Mémorial: “ L'alignement parfait des tombes sur la pelouse vert émeraude merveilleusement entretenue inspire un sentiment inoubliable de paix et de sérénité ”. Et il valait encore mieux passer par le père Delouis, officieux adjudicataire des fumiers et composts, que de se voir livrer un “ fumier farci de pourridié malade, ou truffé de tonnes de vers blancs qui compromettaient tout la végétation ”.

Il y avait toujours la solution de porter plainte. Seulement “ Ça menait loin et ça prêtait le flanc à la rigolade de la sympathique population ”. Et puis entre nous, cette façon de faire son beurre et d'écouler sa production, cela a toujours existé et existera toujours, quoique l'on dise ou fasse. Pas de quoi fouetter un bœuf, ou un chat, et encore moins matière à un article. Allons plus loin dans l'horreur et l'absurdité dénoncées avec une force tranquille, goguenarde et irrespectueuse de la part de Jean Amila qui va bientôt nous camper quelques scènes et dessiner des portraits caricaturaux propres à soulever la réprobation générale, l'indignation dans la presse locale, l'irritation des édiles, le mécontentement onctueux du clergé assorti d'une menace d'excommunication, la colère des autochtones.

Amila.jpgEnvisager une telle pratique blasphématoire et irrévérencieuse envers la mémoire de héros qui le 6 juin 1944 avaient mouillé leurs pantalons aussi bien au propre qu'au figuré ne pouvait que soulever une poignée de hallebardes prêtes à fondre sur l'iconoclaste anarchiste. Plus que le courage, la témérité et le plaisir de combattre, (Lafayette, nous voici !) c'était la peur de mourir qui obligeait nos libérateurs à mettre un pied devant l'autre et de grimper les falaises. L'apaisement et la communion que ressent le sergent Reilly vont en prendre un sacré coup lorsqu'il apprend par le curé de Saint Laurent sur mer que les vaches du père Delouis auraient été enterrées dans l'immense charnier en compagnie des cadavres des soldats américains. Bien sûr “ Reilly n'avait guère d'illusions sur la façon dont l'Armée avait pu traiter les cadavres. Et il était bien placé pour savoir que les croix alignées, le gazon impeccable, la bannière étoilée, les mots IDEAL, VALEUR et PATRIE gravés sur le Mémorial et le grand Agénor au coup de pied à la lune, ne recouvraient qu'une immense fosse commune ... Mais le coup des vaches, il ne l'avait jamais soupçonné. Et parce qu'il éprouvait du ressentiment pour Claudine, ce matin-là, il trouva cela aussi normand, aussi français, aussi dégoûtant que le croissant trempé dans du café au lait ”.

Devant cette marque flagrante d'irrespect Reilly ne peut qu'exprimer sa fureur à son supérieur qui se montre pour le moins philosophe et balaie par une citation empruntée à Alexandre Dumas (on peut pisser dans un fleuve, aucune importance!) ce qu'il considère comme une blague, traitant le curé de farceur ou le père Delouis d'avoir voulu se rendre intéressant... L'attitude des paysans à son égard, la subordination de ses jardiniers teintée d'ironie, trouvent explication à ses yeux. “ Brusquement il se souvint de la curieuse manière qu'avaient les gens de par ici de prononcer Omaha, en le traînant, en le veulant jusqu'à en faire un meuglement : Omeuheuuu!... ”

Amila3


Ceci est un extrait d'un article paru dans la revue Polar N°16.

 

Jean AMILA : La Lune d’Omaha. Série Noire N° 839 (1964) réédition Folio policier 309, éditions Gallimard. 5,30€.

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23 novembre 2012 5 23 /11 /novembre /2012 09:16

Nice n’est pas nice !

 

  Nice est


Nice-est, c’est comme un nævus verruqueux qui dépare un joli visage, comme la tache sur le pétale d’une rose, comme l’étron dans une assiette en porcelaine de Limoges, comme… C’est l’envers, ou l’enfer du décor.

Les Vignasses, une HLM perdue parmi d’autres, une HLM dont les occupants, principalement des ressortissants de pays qui se trouvent de l’autre côté de la Méditerranée, oublient de payer le loyer. Spinelli, un encaisseur désabusé, est chargé par son patron de signifier aux locataires récalcitrants qu’à défaut de bon argent sonnant et trébuchant, c’est l’expulsion qui les attend. Un boulot qui n’enchante guère notre encaisseur de service, surtout lorsqu’il apprend que derrière tout ça se cache une vilaine histoire de gros sous et de terrain. Je t’achète, je te vends, tant pis pour les locataires démunis qui se retrouveront vite fait à la belle étoile.

Seuls quelques-uns auront le privilège d’être relogés.

Patrick Raynal trimbale son héros et son blues dans une ville qu’il connait bien. Patrick Raynal aime sa ville, mais ce n’est pour autant qu’il pardonne tout. Encenser le beau, c’est bien joli, mais ce n’est guère courageux. Dénoncer les imperfections, pour ne pas dire les magouilles, cela réconforte avec soi-même. Il faut savoir s’assumer et ce n’est pas en recouvrant de fleurs un tas de fumier que la pourriture disparaitra. Patrick Raynal le sait et ce n’est pas à sa ville qu’il en veut mais à ceux qui sont aux commandes.

 

Quant on vous dit que le roman policier, le roman noir est un reflet de la société ! Beaucoup trouvent futile ce genre de littérature, pourtant que de constats, de réflexions amères, de leçons devraient en être tirés. Patrick Raynal possède une façon bien particulière d’écrire, avec de nombreuses petites phrases, des métaphores, des formules percutantes.

 

Ce roman avait paru initialement en 1988 dans l’éphémère collection SOS Racisme chez Calmann-Lévy. Cette collection aurait mérité un plus grand retentissement, mais soit elle fut boudée par les lecteurs, soit le principe même ne fut pas concluant aux yeux de la maison d’éditions. Pourtant les titres qui ont été proposés valaient largement le détour. Cette collection SOS Racisme était-elle une bonne idée ? Ne prêtait-elle pas à confusion ? Certains auteurs, dont Patrick Raynal, sont tentés de le croire (voir Anthologie du Mystère 1989, entretien avec Jacques Baudou, Le Livre de Poche) mais il fallait avoir le courage de tenter cette expérience. Les thèmes abordés étaient le racisme, la ségrégation, la haine ou la peur de l’étranger. Etranger ne signifiant pas seulement celui qui est né au-delà des frontières, mais aussi de l’inconnu, celui qui traverse le village avec une horde de chiens hargneux à ses trousses, les gens du voyage, les handicapés, les marginaux… Et le titre même de la collection SOS Racisme, avait disparu de la couverture dès le cinquième titre, peut-être pour éviter de choquer certaines susceptibilités.


Les titres édités furent : Djemila de Jean-François Vilar (Mars 1988), Nice-est de Patrick Raynal (Mai 1988), Mississipi Delta Blues de Marie et Joseph (Aout 1988), Skinheads de Roger Martin (Octobre 1988), Billard à l’étage de Michel Quint (Mai 1989) Grand Prix de Littérature policière 1989 et L’encre de Chine de Frédéric Larsen (Mai 1989).

 

 

Patrick RAYNAL : Nice-est. (Réédition de Calmann-Lévy, collection SOS Racisme – 1988) Collection Instantanés de Polar. Editions Baleine. 142 pages. 5,95€.

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22 novembre 2012 4 22 /11 /novembre /2012 07:35

peres-et-fils

La langue française est riche. Elle possède de nombreuses locutions toutes faites, de proverbes, de maximes, d’aphorismes, en tout genre. Seulement parfois ceux-ci se contredisent. Ainsi affirme-t-on facilement Tel père, tel fils. Mais on peut également énoncer : A père avare, fils prodigue. L’une de ses deux assertions convient-elle à cette longue nouvelle, ou faut-il en trouver ou en inventer une autre pour expliquer les relations entre deux êtres humains ?

Franck, le narrateur, aime la boxe. Normal, c’est un fils de boxeur et lui-même a pratiqué ce sport, noble parait-il. Un héritage génétique qu’il n’a pas transmis à son fils Théo, dix ans.

Le coup de foudre avec Laure, la mère, le mariage puis après la naissance de Théo, la rupture. Depuis Franck peut accueillir Théo un week-end sur deux. Il ne sait pas quoi faire pour l’intéresser à sa passion, la boxe. Il lui propose de regarder sur DVD des matches de boxe, mais Théo n’est pas réceptif. Ce qui l’intéresse, c’est le modélisme. Les maquettes d’avion de guerre qu’il assemble, colle et peint avec minutie.

Depuis quelques temps, Théo est renfrogné, quasiment mutique. Il répond à peine lorsque Franck l’interroge sur ses notes, qui ont tendance à baisser, il ne veut pas aller au cinéma, regarder la télévision. Il s’enferme dans sa chambre et le dimanche soir Franck le reconduit chez sa mère, déçu, triste de ces deux jours gâchés.

Le père de Franck était boxeur mais il est mort alors qu’il était tout gamin. Lui non plus n’appréciait pas la boxe mais ce décès fut un déclic, et il s’est investi dans ce sport comme une brute. Atteignant même un niveau honorable. Mais la vie possède ses exigences qui balaient celles de l’être humain.


Trois générations, le grand-père, le père, le fils, dont le destin n’est pas linéaire et peut-être antinomique. Eric Scilien remonte le parcours de chacun avec comme pivot central Franck. Mais un père peut-il répéter les erreurs, si erreurs il y a eu, de son propre géniteur ou appliquer les préceptes inculqués ? Doit-il faire abstraction de la façon dont il a été élevé, ou effectuer un parallèle éducatif ? Quelles sont les valeurs réelles qu’un père peut ressentir et les transmettre à son fils ? Telles sont les interrogations qu’Eric Scilien pose au lecteur d’une façon détournée, sans vraiment les énoncer, mais qui remuent profondément l’inconscient, qui émeuvent, qui remettent en question bien des idées sur la pédagogie parentale.

Ce pourrait être également une parabole sur la lâcheté. Qui se montre le moins le moins courageux ? Celui qui fuit devant l’adversité ou celui qui se contente de donner des ordres sans vouloir se mouiller ?


Eric SCILIEN : Pères et fils. Collection Côté court. Editions Jacques Flament. 50 pages. 4,50€.

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