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18 octobre 2013 5 18 /10 /octobre /2013 10:03

Moi, je préfère les caves à vin ! Et vous ?

 

cave charbon


Quoi de mieux que la retraite pour s'adonner enfin à ses plaisirs favoris, comme la lecture et la musique. Eventuellement à la déambulation pédestre, exercice favorable par ailleurs pour résorber une légère prépondérance à une surcharge pondérale.

Tel est le programme concocté par l'ex-inspecteur Wexford qui a pris sa retraite depuis six mois. Deux faits insignifiants, en apparence, vont toutefois bouleverser le bon ordonnancement de ses loisirs.

Le premier résulte de la proposition de Sheila, la fille de Wexford et de Dora son épouse, de venir loger dans le pavillon de cocher qu'elle possède dans sa demeure londonienne de Hampstead. Wexford, qui, lorsqu'il était à Kingsmarkham n'aimait pas marcher, a découvert qu'en flânant dans les rues de Londres il pouvait s'intéresser à beaucoup de chose, les façades des maisons, visiter les musées, par exemple. C'est ainsi qu'il rencontre lors d'une de ses déambulation Tom Ede, aujourd'hui commissaire et qu'il a connu trente ans auparavant lorsque le policier débutait dans la profession.

Le second fait réside en l'achat d'une amphore en Italie afin de remplacer le vieux demi-tonneau qui sert de bac à fleurs sur le dallage de leur luxueuse demeure de Saint John's Wood, Orcadia Cottage. Rokeby accède à la demande de sa femme, et la curiosité aidant, en déplaçant le bac devenu inutile, il découvre une plaque d'égout. La soulevant, il aperçoit au fond du trou des cadavres. Quatre au total, deux hommes et deux femmes. Il appelle tout naturellement les policiers et le légiste déclare que trois corps résident là depuis douze ans environ, la dernière femme depuis trois ans à peu près. Rokeby n'est propriétaire que depuis quelques années et il avait envisagé des travaux sous le patio, la construction d'une pièce souterraine, une idée vite abandonnée.

Wexford, qui attendait secrètement un appel téléphonique de Tom Ede est soulagé lorsque celui-ci le contacte lui proposant de l'aider. Wexford ne peut reprendre du service, aussi il sera considéré comme un conseiller spécial. Les deux hommes visitent Orcadia Cottage, et Wexford remarque qu'une porte située à côté de la cuisine et menant à la cave à charbon a été murée. Ils s'en rendent compte en passant par le trou sous la plaque d'égout.

Drôle de couple que formaient Harriet et Franklin Merton. Franklin avait divorcé de sa femme Anthea pour se marier avec sa maitresse Harriet. Ce mariage dura vingt trois ans, mais cinq seulement en cohabitation. Puis Franklin divorça à nouveau pour retourner vivre avec Anthea. Harriet avait la propension à coucher beaucoup, surtout avec des petits jeunes. Merton était parti sans rien dire, puis lorsqu'il voulu localiser Harriet à la demande d'Anthea, celle-ci avait disparu, en emportant ses vêtements et ses bijoux les plus coûteux. Mais les policiers ne connaissent pas encore cette histoire, Ruth Rendell ne la dévoilant au début qu'à ses lecteurs.

Revenons à nos cadavres pour signaler que les policiers découvrent dans la poche d'un des hommes des bijoux, un bout de papier sur lequel est inscrit Francine, puis en français La Punaise suivi d'un numéro à quatre chiffres. Les dentures de trois des cadavres, les plus anciens, sont sérieusement abimées.

En compagnie de Tom Ede, Wexford rencontre Anthea Gardner, qui vit dans les Boltons. Elle s'était remariée avec Robert Gardner, et lorsque celui-ci est mort, retrouvant par hasard Franklin, elle s'était remise avec lui. Mais elle n'a jamais eu l'occasion de rencontrer Harriet. D'après une voisine, Harriet serait partie avec un jeune d'une vingtaine d'années du nom de Kenneth Hill, ou quelque chose comme ça. Lors de l'enquête de voisinage, une voisine, répondant au Edsel-Corsairnom de Mildred Jones, qui est en voyage en Afrique du Sud et à qui ils ont téléphoné se rappelle très bien, mais approximativement, de ce Keith Hill, qui habitait à Liphook, et roulait à bord d'une Edsel jaune tirant sur le vert. Rentrée de voyage, elle indique à Wexford que La Punaise, Pin en anglais et les quatre chiffres correspondaient à un mot de passe, peut-être d'une carte bancaire. Il ne reste plus aux policiers à remonter la trace de cette voiture de collection. Selon l'un des garagistes spécialisés dans ce modèle, le véhicule pourrait appartenir à un certain Gray ou Greig, que le jeune homme lui aurait dit que c'était celle de son oncle mais l'homme en doute.

Wexford, quelque peu délaissé par Tom Ede, effectue des allers retours entre Londres et Kingsmarkham. Son autre fille Sylvia, divorcée et vivant avec sa fille Mary est agressée par un inconnu. Il lui plonge un couteau dans la poitrine évitant le cœur de quelques millimètres et est parti avec le véhicule de la jeune femme, ne s'emparant ni du sac à main ou autres objets.

 

L'enquête s'étire en longueur, les témoins, ou ceux qui pourraient éventuellement apporter des précisions, étant récalcitrants. Ils ne délivrent leurs informations qu'au compte-gouttes, se souvenant après coup de petites informations qui peuvent se révéler capitales dans les recherches. D'autres se présentent spontanément aux policiers, Wexford assistant aux déclarations, mais ils s'avèrent que ce sont des mégalomanes. De témoignage en témoignage, auprès d'ouvriers, d'entreprises, d'architectes ayant été susceptibles d'avoir eu la possibilité de se rendre à Orcadia Cottage à un moment ou un autre, Wexford parvient à reconstituer le dédale des années. Il faut se montrer patient, tourner comme dans un labyrinthe afin d'apercevoir la porte de sortie, espérer sans trop l'attendre un coup de pouce du destin. Les fausses pistes et les hypothèses, souvent vaines, ponctuent cette enquête qui s'étire en longueur. Et Wexford a en outre les problèmes familiaux de sa fille Sylvia à régler. Lorsque les trois cadavres sont identifiés et que Wexford a défini le processus qui les a amenés à être placés dans cette cave, il ne reste plus qu'à comprendre comment la femme plus jeune est arrivée en leur compagnie.

Le parcours de cette jeune femme que reconstituera Wexford est particulièrement touchant et émouvant, en phase avec l'actualité. Et il est surprenant dans cette histoire que pratiquement tous les couples ont rompu, avant le mariage, ou ont divorcé, que les époux sont décédés, des familles décomposées mais pas forcément recomposées.

Tom Ede s'exprime par des poncifs, lesquels agacent prodigieusement Wexford. Mais il se rend compte lui aussi est amené à en émettre parfois, à son plus grand déplaisir. Son statut de conseiller qui lui a été attribué par Ede, lui fait penser à ces détectives amateurs, qu'il aimerait bien devenir, Sherlock Holmes, Hercule Poirot, Lord Peter Wimsey, Albert Campion, Roderick Allen... Et dans les démarches qu'il entreprend, entre deux séjours à Kigsmarkham et ses rencontres avec son ami Mike Burden, le commissaire de la petite ville, Wexford est accompagné dans ses démarches d'une policière, le plus souvent Lucy Blanch, une agréable jeune femme qui ne se montre pas arrogante.


Ruth RENDELL : La cave à charbon (The Vault - 2011. Traduction d'Isabelle Maillet). Editions des Deux Terres. Parution le 2 octobre 2013. 320 pages. 21,50€.

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17 octobre 2013 4 17 /10 /octobre /2013 08:18

Peut-être même un peu à tout le monde...

 

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Vingt ans après la rafle par des miliciens et la mort en déportation de ses parents, Walter revient dans le petit village d’Alsace où il est né et s’installe comme notaire. Il n’a pas oublié cette nuit funeste et rumine sa vengeance envers ceux qui ont dénoncé ses parents comme Juifs. Il se lie avec les fils de ces notables qui enviaient la richesse familiale.

Bentz, l’ancien maire et viticulteur, dont le fils est devenu chirurgien, Deninger, le cultivateur, son fils installé comme dentiste, Saurmann l’industriel dont la conserverie a été reprise par le fils. Walter a engagé un détective privé afin de mieux savoir ce qui s’est passé à cette époque puis après, et de posséder des preuves. Paula, la femme de Bentz fils, déteste son mari et entretient une liaison avec Sophie-Anne, tenancière d’un bordel chic local. Damien, un jeune schizophrène, s’enfuit de l’asile où il était soigné, après avoir occis deux infirmiers. Il s’introduit chez Deninger fils et sous l’emprise de la peur, le tue aussi.

Il se réfugie chez Walter qui le calme, le raisonne et l’apprivoise. Walter joue les trublions lors d’une soirée privée au cours de laquelle Bentz père, qui brigue une siège de sénateur, soutient la candidature aux législatives d’un homme politique parachuté. Saurmann et consorts engagent deux gros bras afin d’infliger une correction à Walter. Paula décide de quitter son mari et de s’enfuir au Mexique avec Sophie-Anne dont Walter a fait la connaissance et dont il est tombé amoureux. Bentz fils est ruiné et les deux séides sont chargés de faire parler Sophie-Anne. Au cours du tabassage la jeune femme est mortellement blessée. L’un des deux meurtriers réclame à Bentz fils son dû et l’entretien se termine mal.

Enième version d’une vengeance à distance dans le temps, La honte leur appartient vaut surtout par cette histoire ancrée dans la France profonde, dans une région particulièrement sensible aux problèmes de la guerre et des relations franco-allemandes. Le Juif, éternel pourchassé quel que soit le régime politique et malgré la démagogie des hommes politiques, est au centre de cette œuvre de Maud Tabachnick. L’histoire est plaisante à lire même si parfois on peut penser qu’il s’agit d’un roman écrit un peu rapidement, et comportant quelques clichés.


Maud TABACHNICK : La honte leur appartient. (Réédition de Moyen format, Le Masque. Octobre 2002). Le Masque Poche. 314 pages. 6,60€.

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16 octobre 2013 3 16 /10 /octobre /2013 17:39

Lutins du matin, malin !

Lutin du soir, espoir !

 

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Il va falloir s'y faire. Toutes les institutions publiques sont en passe d'être privatisées, avec les inconvénients que cela comporte. Ainsi dans quelques années, comme dans la Grosse Cité, les commissariats risquent d'être parrainés financièrement.

Dans le quarter du commissariat Adnike®, un mystérieux kidnappeur de pizzas dévalise les livreurs et il en est déjà à sa 132ème agression. Cela fait trois mois que Gustave Flicman, nouvellement nommé policier, traque ce malfaiteur, et il pense mettre en joue l'indélicat personnage avec son pistolet électrique. Comment définir ce vieux débris ? L'appellation est de Flicman lui-même, et il ne sait trop comment l'interpeller. Singe savant en pyjama ? Nain barbu à barboteuse ? Lutin grimacier ? Quelle que soit la définition que Flicman veut lui donner, il n'en est pas moins embêté car il est en face d'une situation inédite. Le bonhomme tend le bras et le véhicule de Flicman, qui ne lui appartient pas puisqu'il s'agit d'une voiture de service, explose. Une enclume vient de tomber sur le capot, pulvérisant, écrabouillant, éparpillant moteur, tôle, boulons, écrous et autres accessoires indispensables pour un bon fonctionnement. Flicman se retrouve la partie charnue et postérieure de son individu sur le trottoir et le... appelez-le comme vous voulez, a disparu.

Son collègue Pticop, le benjamin du commissariat, arrivé immédiatement sur les lieux tente de le rassurer, un peu gêné quand même. Arrivent alors les pompiers, précédés d'une étrange sirène composée de dancefloor (parquet de danse, lequel doit sûrement couiner lorsque les danseurs s'activent dessus) et de pin-pon, ce qui est normal puisque les hommes du feu ont un contrat avec le producteur de Lady Gaga.

Au commissariat, Flicman est énervé. Son supérieur hiérarchique n'a pas daigné lire son rapport. Pticop tente de le rassurer et pour le calmer l'enferme dans un placard, qui s'avère être une pièce de réunion. Derrière une lampe qui éblouit notre héros se cache un homme dont il ne distingue pas les traits. L'inconnu lui fait la leçon et lui demande s'il connait les Lutins Urbains. Pour Flicman, ce ne sont des que des êtres de légende mais son interlocuteur se réfère à la théorie du grand Cassave selon laquelle pour prendre vie, une créature a simplement besoin d'avoir un jour été imaginée.

Rentré chez lui, Flicman n'a pas le cœur à manger, malgré le succulent repas de nuggets d'autruche purée préparé par sa mère. Ses cinq sœurs se moquent de lui et seule Chloé, la cadette semble intéressée, lui signifiant tu comprendra ça quand tu s'ras p'tit.

A la télévision, un présentateur vedette annonce l'arrestation du seul représentant du gang des pizzas. Il s'agit d'un vieil homme, habillé d'un pyjama, chantant la Danse des canards en rap, soupçonné d'être le malandrin. Il a quand même fallu six policiers pour l'arrêter, lui qui se promenait tranquillement avec un chariot de supermarché contenant, entre autres objets divers et variés, une enclume. Le pauvre homme a beau déclarer être innocent, rien n'y fait. Il est emmené manu militari au poste, et sa petite chienne Margot, une boule de poils noirs est abandonnée sur place.

Le lendemain, alors qu'il compulse les différents fichiers recensant les personnes susceptibles de ne pas être nets vis à vis de la justice, Flicman reçoit un mystérieux appel téléphonique émanant du Professeur B. Il en parle à Pticop qui lui avoue que le professeur B. est le meneur de Lutins. Et qu'il réside à l'Université d'Onirie, située en banlieue. Aussitôt Flicman se rend à cette Université d'Onirie (Onirie soit qui mal y pense !) et il va vivre des aventures abracadabrantesques.

 

Vous l'aurez compris, ce roman pour juvéniles n'est pas forcément accessible aux adultes, sauf ceux qui ont gardé leur âme d'enfant. L'adulte est trop cartésien, trop terre à terre, tandis que l'enfant sait s'approprier le monde merveilleux des Lutins, urbains ou ruraux, urbains ou malpolis. Ils possèdent cette chance de pouvoir se plonger dans un monde merveilleux, fantastique, fantasmagorique tout en restant ancrés dans la réalité. Renaud Mahric l'a bien compris en revisitant cette lutinerie et comme j'ai gardé mon âme d'enfant, quoique ma chevelure chenue pourrait faire croire que je suis plus vieux que je le suis d'esprit, j'ai aimé me plonger dans cette historiette, qui j'en suis persuadé aura une suite. Quand ? Seul le lutin écrivain pourra vous renseigner.


Renaud MARHIC : L'attaque du Pizz'Raptor. Les Lutins urbains tome 1. Illustrations Godo. Collection Romans Jeunesse. Editions P'tit Louis. 140 pages. 8,50€.

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15 octobre 2013 2 15 /10 /octobre /2013 07:32

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Après une opération de la hanche dont il ne ressent quasiment aucune séquelle, Frank MacLeod reprend du service à l'instigation de Peter Jamieson et de son bras droit John Young. Durant son indisponibilité, près de six mois, les deux hommes ont eu recours à Calum MacLean, mais le suppléant de Frank est grièvement blessé aux mains et ne peut donc pas assurer une nouvelle mission. De plus Frank est peut-être un peu vieux, de l'ancienne école, mais il est fiable tandis que Calum travaille en indépendant.

Tommy Scott, un jeune revendeur de drogue de Glasgow, vient d'être embauché par Shug, un concurrent de Jamieson. Scott se débrouille bien, même si pendant quelques années il livrait à domicile en bicyclette. Il est toujours accompagné d'un condisciple, Balourd surnommé ainsi à cause d'une certaine niaiserie. Et Scott fait de l'ombre à Jamieson qui confie la tâche, assez facile, à Frank de s'en débarrasser. Franck a de l'expérience mais il se fait vieux. Il se rend au domicile de Scott dans un immeuble délabré, promis à la démolition et dont la plupart des appartements sont inoccupés. Mais il ne se méfie pas assez et, après un premier repérage, tandis qu'il toque à la porte de Scott, Balourd l'assomme en sortant de l'appartement qui est en vis à vis.

Frank se demande si sa vie n'est pas en train de se terminer dans un logis minable. Scott téléphone immédiatement au bras droit de Shug car il ne sait que faire de son prisonnier. Après concertation entre Shug et son homme de main, ceux-ci décident d'envoyer un tueur finir le travail. Shaun Hutton, accepte, peut-il vraiment refuser, mais auparavant il prévient Jamieson qu'il va devoir se débarrasser de Frank. Il lui donne une heure avant de passer à l'acte.

Young et Jamieson pensent à Calum MacLean pour débrouiller la situation. Celui-ci dort lové dans les bras de sa compagne, et aussitôt, prétextant un problème avec son frère, il se rend chez Scott, et délivre Frank après avoir abattu Scott et Balourd et maquillé les lieux du crime. Lorsque Hutton se pointe sur les lieux, il n'a plus qu'à constater les dégâts et prévenir Shug que la mission s'est terminée en eau de boudin.

Le temps des questions est arrivée. Pourquoi Frank s'est-il laissé surprendre comme un bleu malgré son expérience ? Des erreurs n'ont-elle pas été commises ? Calum MacLean, son sauveur, celui qui l'avait suppléé lors de l'affaire Lewis Winter, n'a-t-il pas lui aussi commis quelques égarements ? Tout d'abord le fait d'avoir une fille couchée dans le même lit chez lui, n'aurait jamais dû se produire. Il sait qu'il peut être appelé à toute heure et la nuit il est plus compliqué de donner des explications même vaseuses à quelqu'un qui n'est pas au courant de sa profession.

Calum MacLean est un indépendant et Jamieson aimerait pouvoir l'intégrer à son équipe et qu'il ne dépende que de son organisation. Frank lui se demande comment il peut se retirer dignement de la circulation, prendre impunément sa retraite sans que cela lui soit préjudiciable, agir en finesse en sachant que dans ce milieu on ne peut pas partir sans dépôt de garantie. Et un échec peut être rédhibitoire.

Le lecteur, sans ressentir une empathie envers Frank MacLeod et Calum MacLean, est attiré par ces personnages. Il veut en toute inconscience leur dire, attention, tu fais une bêtise, cela va se retourner contre toi. L'écriture de Malcolm Mackay y est sûrement pour beaucoup, faisant partager au lecteur les pensées de ses "héros". Il les suit à la trace, il déambule avec eux, il s'immisce dans leurs pensées, il les partage et ce sont les autres, les truands de l'autre camp qui sont montrés comme les malfaisants de l'histoire. Il est vrai que nos deux tueurs ne s'attaquent pas à n'importe qui mais à d'autres personnages malfaisants, plus malfaisants qu'eux. Même les flics amenés à enquêter sur le double meurtre ne sont pas forcément sympathiques.

 

A lire chez du même auteur :

Il faut tuer Lewis Winter.

 


Malcolm MACKAY : Comment tirer sa révérence (How a gunman says goodbye - 2013. Traduit par Fanchita Gonzales Batlle). Editions Liana Levi. Parution le 3 octobre 2013. 288 pages. 18,00€.

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14 octobre 2013 1 14 /10 /octobre /2013 07:16

 

Toc, toc, toc, qui qu'est là ?

 

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Comme dans Fête fatale (voir ci-dessous), l'un de ses meilleurs romans, William Katz nous propose une course contre la montre associée à un enquête dite de procédure policière.

Karlov, inspecteur new-yorkais, est désigné pour enquêter sur une série de meurtres commis à Manhattan. Les victimes sont toutes des jeunes femmes, vivant seules, et dont l'un des points communs est d'avoir passé une petite annonce pour vendre leur appartement.

Caractéristique de ce tueur fou et maniaque, il laisse près des corps de ses victimes une gondole en papier. Ce qui n'est pas forcément marrant comme on dit à Venise (je sais, c'est un à-peu-près, mais je me suis fait plaisir).

Maigre indice pour l'inspecteur Karlov qui essaie de remonter cette piste afin de démasquer le coupable. Mais cette piste n'est-elle point aléatoire et fragile ?

domicile2-copie-1Pourtant il doit se dépêcher d'appréhender le coupable, car non seulement celui-ci risque de compter d'autres victimes à son actif, mais de plus la psychose commence à gagner la population féminine de New-York.

Course contre la montre donc pour Karlov et menée de main de maître par William Katz qui ne s'embarrasse pas de descriptions inutiles. Pas de longueurs, pas de temps mort, un suspense oppressant qui va grandissant et laisse le lecteur pantois, essoufflé, tout en lui prodiguant un plaisir de lecture ineffable.

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Simultanément ou presque les éditions Le Livre de Poche rééditent Fête fatale (parution 2 octobre 2013. 288 pages. 6,90€) dont je vous propose le début de ma chronique :

 

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Samantha a décidé d’organiser une grande fête pour son mari qui aura quarante ans le 5 décembre. Elle a connu Marty au cours d’une soirée de promotion pour un livre de cuisine. Elle était rédactrice dans une petite agence de publicité et ce soir là le regard qu’elle portait sur les hommes a changé du tout au tout. Et depuis huit mois elle vit une lune de miel sans nuage et il était temps car elle a trente-cinq ans. Marty est chargé de relations publiques, ses journées sont très chargées. Il part tôt de leur appartement situé près de Central Park, rentre tard le soir.

Un emploi du temps qui permet à Samantha de fignoler ses invitations, en compagnie de Lynne son amie. Elle ne veut pas se contenter d’inviter les amis actuels, mais également ceux que Marty a fréquenté durant sa jeunesse et son adolescence. D’anciens condisciples par exemple, et des professeurs. Marty a fréquenté dans sa jeunesse l’école de journalisme et de relations publiques de Northwestern. Mais lorsqu’elle téléphone à l’établissement, la secrétaire affirme que ce nom ne figure pas dans ses registres ni dans le journal de l’université, journal auquel il a soi-disant participé. A Elkhart, dont il a fréquenté les écoles primaires et secondaires, même son de cloche. Aucune trace du passage de Marty Shaw, aucune représentation sur des photos de classe. Elle en parle vaguement à Tom Edwards, l’ami de Marty, mais celui-ci ne peut apporter aucun renseignement supplémentaire. Tout ce qu’il sait sur la jeunesse de Marty, c’est justement Marty qui le lui a dit... La suite ici.

 

 

William KATZ : Violation de domicile (Open house - 1985. Traduction de Danielle Michel-Chich). Première édition Presses de la Cité 1987.Réédition Presses de la Cité Octobre 2013. 288 pages. 21,00€.

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13 octobre 2013 7 13 /10 /octobre /2013 12:40

A l'Est y a du nouveau !

 

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Quoi de plus reposant, de plus serein, de plus calme, de plus indiqué qu'un ancien monastère pour suivre une thérapie de groupe, une constellation familiale selon la formulation du psychiatre Cezary Rudzki.

Il a réuni quatre personnes pour un week-end et ses patients couchent dans des cellules séparées et austères. Monacales en un mot.

Seulement le samedi matin, l'un des participants est retrouvé mort, une broche à rôtir enfoncée dans l'œil droit. Le procureur Teodore Szacki est en charge de l'affaire, assisté du commissaire Oleg Kuzniecov. La piste du suicide est envisagée car un tube de somnifère a été retrouvé dans la cellule du mort. Seulement il faudrait un courage inconscient à un individu pour s'enfoncer ainsi un objet pointu dans un globe oculaire.

Teodore Szacki interroge les différents participants à ce jeu de rôle particulier au cours duquel chaque personne interprétait un membre de la famille du sujet soumis à la thérapie. Et lorsqu'il n'y avait pas assez de monde, des chaises jouaient le rôle de figurants. D'ailleurs Cezary Rudzki montre au procureur une vidéo qui a été enregistrée le samedi, Henryk Telak étant confronté aux autres membres de cette réunion. Telak, directeur de la société Polgrafex, une imprimerie, avait perdu deux ans auparavant sa fille qui s'était suicidée. Son fils plus jeune est atteint d'une maladie cardiaque qui lui laisse peu d'espoir de survie. Et l'une des participantes devait jouer justement le rôle de la fille de quinze ans.

Alors qu'il attend Hannah Kwiatkowska, trente cinq ans, les autres patients étant Barbara Jarczyk, soixante ans, et Ebi Kaim, quarante ans, une jeune femme s'introduit dans le bureau deTeodore. Elle se présente comme étant Monika Grzelka, une journaliste qui d'habitude couvre les faits-divers et dont c'est la première fois qu'elle doit rédiger un papier sur une affaire criminelle. Fort avenante Monika impressionne Teodore qui, s'il n'en perd pas se moyens, se promet fort de la revoir. D'ailleurs c'est ce que Monika demande, puisqu'elle doit couvrir l'affaire.

Les dépositions des témoins, où plutôt des membres du groupe de thérapie, puisque personne n'a assisté au meurtre, madame Jarczyk ayant découvert le cadavre dans une crypte, une fois enregistrées, c'est au tour du thérapeute de donner sa version des faits. C'est lors de cet entretien que le procureur visionne la vidéo.

Mais Teodore n'a pas que cette affaire sur les bras et sa supérieure lui demande instamment de se dépêcher sans pour autant boucler le dossier et le classer sans suite. Au cours des funérailles auxquelles il assiste, il lui semble que la femme du défunt et son fils ne sont guère affligés.

 

Attardons nous maintenant sur Teodore Szacki et sa vie familiale. Avec Weronika, sa femme, avec laquelle il vit depuis quatorze ans, d'abord en union libre puis le mariage, ce n'est plus la fougue des débuts de leur liaison. Seule sa fille, Hela, sept ans, compte pour lui. Presqu'une relation fusionnelle. Mais à bientôt trente six ans, il se sent fatigué, vieux avant l'âge. Ses cheveux sont blancs, car il a pensé perdre Hela quelques années auparavant, et ces histoires de suicides ne sont pas là pour lui redonner le moral. Toutefois son attirance envers Monika ne se dément pas, et la jeune femme semble prendre un malin plaisir à le provoquer. Ils se donnent rendez-vous dans des cafés, dans un parc qu'il fréquentait souvent enfant et correspondent par mails. Mails qu'il efface soigneusement et dont il impute la faute à son travail lorsque sa femme est là. Mais il ne roule pas sur l'or et il lui faut calculer ses dépenses, afin de ne pas mettre en péril la comptabilité du ménage. Il est également un adepte des jeux vidéos.

 

Teodore se pose de nombreuses questions sur le meurtre de Talek. Par exemple, la découverte de grilles de loto, et plus particulièrement une combinaison qui figure sur chaque bulletin : 7, 8, 9, 17, 19, 22 (tentez votre chance !) et il est persuadé que ces numéros n'ont pas été choisis au hasard. En relisant les rapports, les dépositions, en discutant avec le policier Oleg Kuzniecov, il a l'impression qu'un élément lui échappe. Cette pensée le taraude mais il n'arrive pas à mettre le doigt, façon de parler, dessus. D'autant qu'en parallèle il doit s'occuper d'autres affaires, des dossiers en souffrance. En reprenant les numéros de loto, il pense qu'il pourrait s'agir de dates, aussi il se plonge dans des archives, compulsant d'anciens journaux. Les numéros fétiches de Talek doivent se référer à des épisodes du passé, mais lesquels ?

Peu à peu, ce qui n'était au départ qu'un roman d'énigme, quatre personnes cloitrée dans un lieu clos, chacune d'entre elles pouvant être considérée comme le ou la coupable idéale, se transforme en roman historique. En effet il faut à Teodore se plonger dans le passé de la Pologne, celle d'avant la chute du mur de Berlin, et s'intéresser au fonctionnement des services politiques et sécuritaires. Car, comme le fait si bien remarquer un de ses interlocuteurs, un historien, les services de sécurité s'ils ont été abrogés, les hommes qui en dépendaient n'ont pas pour autant été chassés. Il consulte également un collègue de Cezary Rudzki afin d'avoir un avis différent. Et Teodore ne sait pas qu'un vieil homme suit de loin son enquête.

 

On appréciera la visite guidée de Varsovie, un parcours semé de monuments mais sur l'architecture desquels l'auteur ne s'appesantit pas trop afin de distraire le lecteurs de l'intrigue. Quelques réparties humoristiques sont placées ça et là afin de détendre l'atmosphère, comme dans la vie courante, de même que la scène du supermarché où Teodore effectue ses emplettes sent le vécu.

L'histoire se déroule du 5 juin 2005 au 17 juin 2005, avec une impasse sur les 12 et 16 juin, chaque date équivalant à un chapitre et se clôture le 18 juillet de la même année. Chaque chapitre est précédé de brèves de journaux, décisions politiques, faits divers et culturels du monde et de la Pologne, météo du jour. Ce qui permet de se remémorer certains événements.

Si des auteurs polonais ont déjà été traduits en France, dans le domaine de la SF notamment avec Konrad Fialkowski dans la collection les Best-sellers de la Science-fiction au Fleuve Noir, c'est à ma connaissance la première fois qu'un auteur de romans policiers l'est. Et les éditions Mirobole entendent bien continuer dans cette voie aussi bien en Fantastique qu'en policier, avec des auteurs de l'Europe de l'Est. Longue vie donc aux éditions Mirobole !


Zygmunt MILOSZEWSKI : Les impliqués (Uwiklanie - 2007. Traduit du polonais par Kamil Barbarski). Editions Mirobole, collection Horizons noirs. Parution le 3 octobre 2013. 448 pages. 22,00€.

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12 octobre 2013 6 12 /10 /octobre /2013 12:27

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Agent spécial du FBI, affectée au service de police judiciaire et nommée à la tête d’une équipe chargée des relevés d’indices, Kimberly Quincy est jeune, belle, intelligente (qualificatifs à décliner dans l’ordre que vous désirez) et sur les rails d’une carrière prometteuse. Fille d’un célèbre ancien profileur, elle est mariée avec Mac, lui aussi agent du FBI spécialisé dans les affaires de drogue. De plus elle est enceinte de quelques mois, ce qui l’empêche d’accéder aux exercices de tir, ce qui en soi ne la prive guère. Mais elle aime son travail et comme Mac se trouve dans les mêmes dispositions, ils ne se retrouvent pas souvent au lit afin de parler de l’avenir, sauf de leur travail, des enquêtes en cours et d’une éventuelle promotion proposée à Mac. A Savanah, à l’autre bout de la Géorgie. Mais j’anticipe.

Une jeune femme, une prostituée de Sandy Springs arrêtée en possession de drogue, désire absolument lui parler. Sal, un agent du GBI (Georgia Bureau of Investigations, une branche du FBI qui n’opère que dans l’état de Georgie), prévient Kimberly en pleine nuit alors qu’elle vient de participer à une opération de ratissage à la suite d’un crash d’avion, et qu’elle doit se lever de bonne heure le lendemain. Malgré les réticences de Mac, elle accepte. La prostituée prétend se nommer Delilah Rose et être une informatrice officielle de Kimberly. Ce qui est faux bien sûr. Mais surtout elle veut que s’enclenche une procédure de recherche à l’encontre d’une dénommée Ginny Jones, prostituée comme elle et qui a disparu. De plus elle affirme qu’un certain Dinechara, anagramme de Arachnide, veut lui faire passer le goût de vivre. Détail troublant Delilah porte deux tatouages d’araignée, une toile sur le ventre et une adorable bestiole qui grimpe jusqu’à sa nuque.

Renseignements pris, effectivement des hétaïres ont disparu, sans laisser de traces. Selon les supérieurs de Kimberly elles peuvent très bien s’être déplacées dans d’autres états contigus et rien n’incite à ouvrir des démarches de recherche. Kimberly s’obstine, d’autant que Sal retrouve par deux fois, coincées sous ses essuie-glaces, des enveloppes contenant des permis de conduire appartenant justement à des filles de joie dont la disparition a été signalée. Mais cette enquête, que Kimberly prend à cœur pour plusieurs raisons, possède un fort goût prononcé de manigances, de manipulations. Kimberly a perdu sa mère et sa sœur à cause d’un serial killer, et elle-même en a arrêté un autre quelques mois auparavant, d’où la vindicte à son encontre de la part du dénommé Dinechara.

Du moins c’est ce qu’elle ressent lors des déclarations de Delilah. Mais la jeune femme, si elle délivre ses informations au compte-gouttes, par exemple Dinechara roulerait à bord d’un 4X4 noir et porterait en permanence, comme greffée sur son crane, une casquette de base-ball de couleur rouge, mélangerait habilement vérités et mensonges. Et si Delilah n’était autre que Ginny Jones, la prétendue disparue ? Et si elle roulait consciemment ou inconsciemment Kimberly dans la farine ?

Malgré les réticences de ses supérieurs et de Mac, Kimberly persévère dans sa quête aidée par Sal et quelques autres membres du FBI répartis dans divers services. Pendant ce temps Rita, une nonagénaire qui vit dans une vieille maison bourgeoise avec ses souvenirs plus ou moins prégnants, comme le fantôme de son frère Joseph et ses activités de famille d’accueil quelques décennies auparavant, s’entiche d’un gamin affamé qui lui rend visite de temps à autre et tente de l’apprivoiser.


Ce roman qui démarre comme une banale enquête de personnes disparues, prend au fur et à mesure de sa progression une dimension sociale et étouffante qui ne laisse pas insensible. L’accent est mis sur la pugnacité de quelques éléments représentatifs de la police en général, malgré les avis négatifs de la hiérarchie. Et lorsque s’invitent dans le récit le père de Kimberly, ancien profileur je le rappelle et sa belle-mère elle-même ancien membre de la police, l’intrigue prend une dimension supplémentaire car à l’affectif, souvenons-nous que Kimberly est enceinte, se greffe l’expérience de personnes qui ont eu à régler des problèmes sinon similaires du moins comparables dans leur complexité.

Je ne voudrais pas insinuer que les relations entre les araignées, qu’elles soient mygales, araignées violonistes ou autres et plus particulièrement Henrietta sa préférée, sont les scènes les plus intéressantes du roman, mais celles qui mettent en scène l’homme et ses arachnides s’avèrent fortes. Je ne voudrais pas dire émouvantes mais la description de leurs relations, de l’amour, de la passion qui transporte le monstre, la scène qui notamment le voit essayer sa préférée à réussir sa mur, sont assez attendrissantes même si on est arachnophobe. Le personnage de Rita aussi avec ses souvenirs, ses relations avec l’épicier du village, sa gentillesse bougonne envers Scott transmettent des images humanitaires intéressantes, mais ce ne sont pas les seules qui émergent du livre. 

Un roman qui mériterait de concourir au Prix littéraire 30 Millions d’amis et éventuellement de le remporter. Quant à Lisa Gardner, elle parvient à emprisonner le lecteur dans sa toile soigneusement tissée.

 

 

Lisa GARDNER : Derniers adieux. (Say Goodbye – 2008. Traduit de l’américain par Cécile Deniard). Première édition : Collection Spécial Suspense. Editions Albin Michel. Octobre 2011. Réédition Le Livre de Poche Policier/Thriller. 504 pages. 7,90€.

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11 octobre 2013 5 11 /10 /octobre /2013 13:48

Au lieu de jouer au poker boursier, les banques devraient plutôt aider les entreprises à se développer, sinon celle-ci se trouvent dans l'obligation d'avoir recours à des financements prohibés par la législation.

 

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L'entreprise de textile Miss Lily-Ann, dirigée par Liliane Barré, est justement mal barrée. Il lui faut trouver des partenaires et Liliane s'est tournée vers les Japonais car Le Pays du Soleil Levant est son principal marché à l'exportation. Liliane est la jeune directrice de la marque Lily-Ann, mais cette entreprise familiale ne lui appartient qu'à hauteur de cinq pour cents. Le reste est entre les mains des autres membres dont Blanche, qui n'apprécie pas l'apparence vestimentaire et le maquillage arborés par cette nièce qui sort des sentiers battus. Ni le rapprochement avec des Japonais et les hôtesses qui effectuent des stages de mannequinat à l'usine puis repartent au bout de quelques mois pour des destinations qui ressemblent fort à des placements dans des clubs particuliers.

C'est ce que lui signifie Blanche en cette fin d'après-midi, un rendez-vous exceptionnel car les deux femmes n'ont pas pour habitude de se rencontrer. C'est Florence, la secrétaire sexagénaire, quarante ans de boîte et ayant connu les précédents directeurs de père en fils, qui établit son rapport hebdomadaire tous les vendredi à dix-huit heures. Un rapport concocté par Liliane. Car la jeune femme n'est guère prisée dans la famille ou ce qu'il en reste. Sa mère s'était amourachée d'un Italien et s'était retrouvée enceinte. Et elle n'avait pu se marier car le bellâtre n'était pas du sérail. Ce qui d'ailleurs l'arrangeait bien. Depuis sa nomination Liliane porte à bout de bras l'entreprise familiale, malgré son statut de bâtarde, ce dont elle est consciente.

Martial, en provenance de la Guadeloupe où il vivait, promenant des touristes à bord d'un bateau, vient de débarquer à Roubaix, où il loge provisoirement chez sa sœur et ses enfants. Ayant appris que l'usine Lily-Ann recherche un mécanicien afin de remettre en état de vieux métiers, il se présente un peu avant l'heure du rendez-vous d'embauche afin de découvrir l'endroit. Il engage la conversation avec Pauline une jeune femme blonde qui déclare travailler comme styliste, n'ayant pas d'horaires particulier. Plutôt le soir précise-t-elle et elle le quitte. Malgré son manque de diplôme Martial est embauché. Il ne s'y attendait pas, mais il ne va pas faire la fine bouche, au contraire. Puis il retrouve Pauline qui lui présente Francis, un vieil employé en retraite, lequel, lorsqu'il a envie de découcher s'est aménagé une petite pièce pouvant lui servir de chambre. Pauline, avenante, tape dans l'œil de Martial, et apparemment c'est réciproque. En rentrant Martial aperçoit un motard qui a des problèmes avec son engin. La réparation effectuée, ils se présentent. L'homme qu'il a dépanné n'est autre que Marc Flahaut, inspecteur de police de son état.

Peu de jours après, alors que les approches entre Martial et Pauline se sont concrétisées entre deux draps, Blanche Barré est découverte assassinée. Marc Flahaut est désigné pour conduire l'enquête. Mais ses rapports avec son collègue Sauvignon sont conflictuels et l'antagonisme entre les deux hommes risque de perturber l'enquête. Leur supérieur décide de confier d'autres affaires à Flahaut qui continue malgré tout à suivre de très près l'affaire Barré, quitte à marcher sur les plates-bandes de son collègue. Entre Martial et lui se sont créés des liens d'amitiés, ce qui ne l'empêche pas de porter ses soupçons sur son nouvel ami. Mais les prétendants à l'assassinat de la vieille dame ne manquent pas, en commençant par Liliane, la directrice japonisante.

 

Il ne suffit à Lucienne Cluytens que quelques lignes pour décrire une situation, alors que d'autres auraient eu besoin de plusieurs pages. Ce sens de la concision permet de placer des idées fortes sans pour autant engluer l'intrigue dans des considérations oiseuses.

De qui croyez-vous que soient constituées les grandes compagnies, les sociétés internationales ? Avec qui s'acoquinent la plupart des hommes politiques ? Enfin, Florence, la collusion est connue. Et si ce n'est pas la "vraie" mafia, tous ces dirigeants en forment une autre sorte, tout aussi irrespectueuses des lois et des citoyens; L'honnêteté se dilue au fur et à mesure qu'on monte les échelons. Ainsi s'exprime Liliane auprès de Florence, sa secrétaire.

Lucienne Cluytens nous entraîne dans une enquête dont le rayon d'action se situe entre Wattrelos, Roubaix et Lille, cette région industrielle dévastée. Son héros, le policier Marc Flahaut est un électron libre qui par moments fait un peu penser à Maigret. Il renifle, il scrute, il réfléchit et ne se laisse pas abuser par son instinct ou par des évidences. Avec simplicité, mais pas simplisme, elle décrit ses personnages, des gens ordinaires sauf Lily-Ann alias Liliane qui s'est créé un rôle afin de mieux pouvoir exporter vers le Japon, son principal débouché. Les situations, les conflits également sont abordés sans que cela pèse sur l'intrigue. La grève préconisée par le délégué syndical par exemple.

Miss Lily-Annest construit comme un véritable roman de détection et d'énigme (les puristes appellent cela un Whodunit), les indices sont placés ça et là judicieusement, et le lecteur logiquement va trouver la solution, résoudre quelques mystères qui attisent son attention, mais il lui faut bien analyser toutes les pistes placées ça et là, et ne pas précipiter son jugement. Lucienne Cluytens signe le retour du roman policier vivant et ludique.

 

 

Lucienne CLUYTENS : Miss Lily-Ann. Editions Krakoen. 288 pages. 15,00€.

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10 octobre 2013 4 10 /10 /octobre /2013 12:20

 

Modèle déposé !

 

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Le docteur Rudy Graveline est un célèbre chirurgien installé à Miami et il est adulé de ses clientes. Il remodèle ses patientes qui se plaignent d'un nez trop long, d'une poitrine pas assez ferme ou peu développée, de rides trop envahissantes ou d'une culotte de cheval par trop disgracieuse. Tout le monde est content de ses services sauf celles qui ont eu à subir quelques erreurs dans le maniement de ses scalpels, dans le surdosage d'un renflement mammaire, ou tout simplement qui ont laissé leur vie sur la table d'opération. Quoique dans ce cas, ce n'est pas la patiente qui se plaint.

En réalité, le bon docteur Graveline est un charlatan qui possède une équipe expérimentée, mais parfois il est obligé de mettre la main à la pâte.

Mick Stanaham, cinq mariages, cinq divorces, est un enquêteur en retraite anticipée forcée. Faut avouer que parfois il conduisait ses enquêtes de manière expéditive, peu orthodoxe, et il a donc cinq cadavres à son actif. Le docteur Graveline se résout avec regret à envoyer Mick au pays de ses ancêtres. Une affaire vieille de quatre ans risque de ressurgir et mettre ses activités rémunératrices en péril.

Mick n'est pas le genre de personnage à se laisser faire sans remuer dans les brancards. Et dans ce cas, gare aux éclaboussure. Commence un chassé-croisé entre une équipe de télévision à l'affût du moindre scandale, de quelques truands légèrement fêlés, de jeunes femmes attirées par l'appât du gain, de vedette de cinéma en proie au doute quant à l'esthétique de son corps et de flics plus ripoux que nature.

 

cousu main1Cousu mainest une véritable farce où le grotesque se le dispute au macabre. Un roman complètement hilarant, décapant, dans lequel la chirurgie plastique est tailladée en pièces. Enfin, une certaines chirurgie plastique ! Un livre complètement dément où scènes d'horreur voisinent avec un humour noir du plus corrosif effet. Un petit exemple en passant, histoire de vous mettre l'eau à la bouche : un truand ayant perdu une main se fait greffer une tondeuse à fil à la place. Etonnant, non ?


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Carl Hiaassen est un peu comme un entomologiste scrutant une colonie de fourmis en s'attardant plus volontiers sur les formicidés se comportant bizarrement. Il étudie ses compatriotes avec la même attirance que le scientifique décrivant ceux qui se détachent du lot.

 

 

Carl HIAASEN : Cousu main. (Tight - 1990. Traduction de Yves Sarda). Première édition Albin Michel 1991. Réédition Le Livre de Poche Thriller n° 7609, juin 1993. Réédition Les Deux Terres Mai 2012. 528 pages. 12,50€. Existe également au format E. Book.

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9 octobre 2013 3 09 /10 /octobre /2013 12:20

De la canne à pêche au cannabis...

 

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A dix-sept ans, on n'est pas encore dégrossi et l'on pense pouvoir en toute impunité se permettre quelques larcins. Mais une fois, ça passe, deux fois éventuellement et à la troisième on se fait piéger. Ainsi le jeune Travis Shelton a découvert par hasard, en allant à la pêche à la truite, un carré de plants de cannabis soigneusement dissimulé. Il est en compagnie de son ami Shank mais la deuxième fois il revient seul. Il sait comment écouler sa récolte, chez Leonard.

Leonard Shulter est un ancien prof qui vit seul dans un mobile home. Il a été marié, mais sa femme est partie en Australie avec leur fille. Il leur écrit parfois, mais ses lettres reviennent toujours avec la mention N'habite plus... Il vend aux jeunes, des mineurs comme Travis, de la bière et des pilules euphorisantes, et a recueilli Dena, une femme qui a galéré et en porte encore les ecchymoses morales et physiques.

Le père de Travis est un être bourru et frustre qui ne sait pas apprécier les efforts fournis par son fils aussi bien à la ferme, sur sa plantation de tabac, qu'à l'école. Il ne relève que les défauts et bien évidemment Travis n'a qu'un souhait, s'émanciper. Il a quitté l'école avant la fin de l'année scolaire et a travaillé dans une épicerie avant de se fâcher avec sa patronne. Car Travis possède aussi un fichu caractère. Alors les quelques plants de cannabis qu'il a récolté en fraude sur le terrain des Toomey lui permet de payer l'assurance et l'essence du pick-up qu'il s'est acheté peu de temps auparavant.

La troisième fois qu'il subtilise des plants de cannabis, Tracy pose son pied sur un piège à loup et le voilà coincé. Les Toomey, père et fils, ne rigolent pas, surtout le fils qui voudrait le tuer séance tenante. Finalement ils lui laissent la vie sauve, mais il faudra qu'il rembourse les préjudices qu'il a commis. Tracy est conduit à l'hôpital mais les explications qu'il fournit, une dégringolade sur les rochers d'une cascade, ne convainquent personne. Il a toutefois le plaisir de retrouver Lori, une condisciple qu'il voyait de temps à autre à l'école et qui est visiteuse bénévole. Une attirance réciproque les lie et à sa sortie ils se fréquentent plus ou moins régulièrement.

Tracy n'a pas envie de retourner chez ses parents et il s'invite chez Leonard, payant un modique loyer. Sur les conseils de Lori il reprend ses études comme candidat libre afin de passer son diplôme, qu'il décrochera avec succès. Mais il n'est plus question de gagner son argent en trafiquant les plants de cannabis et réintègre son petit boulot à l'épicerie. Surtout il s'intéresse à la lecture, Leonard possédant beaucoup de livres, et il se plonge dans l'histoire de la guerre de Sécession.

shelton.jpgLeonard lui propose alors de se rendre à Shelton Laurel où eu lieu le massacre de treize personnes par le 64ème régiment de Confédérés mené par le lieutenant-colonel Keith. Des Shelton habitent par dizaines ce morceau de terre qui a connu la tragédie et il se pourrait qu'un ancêtre de Travis figure parmi les exécutés. Leonard raconte que des femmes et des enfants furent recensés parmi les victimes, dont l'un des membres de la famille de Travis, un gamin de douze ans. Munis d'un détecteur de métaux, ils recherchent d'éventuels vestiges.

Travis ne peut s'empêcher de penser à cet épisode de la guerre de Sécession, étant impliqué personnellement par le décès d'un membre de sa famille. Les mois qui suivent sont ponctués par ses recherches, le conflit entre les Toomey, Leonard, Dena et lui-même. Ses amours avec Lori restent chastes, malgré son envie d'aller plus loin que de simples baisers. Mais Lori est intransigeante, pas de rapports avant le mariage. Quant à ses relations avec ses parents, plus particulièrement son père, elles sont au plus bas. Travis subit humiliations sur humiliations, ou du moins il ressent ainsi les déboires qu'il encaisse mais ne digère pas.

Un épisode historique qui s'inscrit dans quelques mois de la vie shelton1.jpgd'un gamin, d'un adolescent avide de liberté, de reconnaissance, qui a besoin de s'affirmer et de prendre la vie à plein bras, tout en recherchant des explications au drame qui s'est déroulé plus de cent ans auparavant, telle est la trame de roman naturaliste. C'est une ode à la nature sauvage du comté de Madison en Caroline du Nord, à la pêche, et à la mémoire collective. Une guerre meurtrière opposant deux idéologies, encore profondément ancrée dans les esprits aujourd'hui.

Le personnage de Leonard est particulièrement important, étant un guide spirituel pour Travis. Mais tous ces personnages reflètent un dédoublement inavoué de la personnalité, aussi bien Leonard, ancien professeur devenu bootlegger et dealer et pensant sans cesse à sa fille, qui peut se montrer courageux ou lâche selon les occasions, le père Toomey qui joue devant les autres le rôle d'un plouc mais peut se révéler d'une grande culture, Dena au passé secret, alcoolique et droguée...

Et c'est bien la recherche du passé qui guide la plupart des protagonistes afin d'accéder à une forme de rédemption, à entrevoir un avenir moins sombre que celui qu'ils ont connu ou connaissent encore. Mais au bout du chemin, cette rédemption peut se traduire sous différentes formes.


Ron RASH : Le monde à l'endroit (The World Made Straight - 2006. Traduction d'Isabelle Reinharez). Réédition du Seuil 2012. Collection Points N° 3101. Parution 12 septembre 2013. 336 pages. 7,20€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
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