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11 février 2014 2 11 /02 /février /2014 08:23

Le son argentin de l'Argentine !

 

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Je n’aime pas qu’on m’appelle ma puce. Oups (ça fait bien, ce n’est pas vulgaire, et démontre une certaine contrition de la part de celui qui prononce ce mot) ce n’est pas ma puce, mais Mapuche. Et qu’est-ce que cela signifie ? Je ne m’intéresse aux quatrièmes de couverture qu’après avoir lu le roman. A cause du lieu où se déroule l’intrigue ? L’Argentine, je le sais parce que je l’ai appris en glanant ici et là quelques renseignements, souvent par hasard, et en m’intéressant à autre chose. Mais en règle générale je ne suis pas plus intéressé par les histoires se déroulant dans les pays d’Amérique du Sud, que par ceux qui ont l’Europe du Nord pour cadre.

L’envie de découvrir ce roman me titillait de plus en plus, et me disant qu’il était temps de sursoir à cette torture imposée, irréfléchie, et avouons-le imbécile, j’ai entamé la lecture. D’abord avec ce regard de l’entomologiste qui pense n’avoir découvert qu’une espèce d’insecte déjà recensée, puis après un examen approfondi se rend compte qu’il examine un cas rare.

Déjà, dès les premières pages, mais j’y reviendrai, je me suis senti en osmose avec quelques réflexions énoncées par Caryl Ferey, et de savoir que nous abondions dans le même sens, fit que je me suis laissé allé à continuer ma lecture balayant mes premiers préjugés. Ensuite l’histoire en elle-même, ou plutôt les personnages décrits avec réalisme, humanisme, empathie, et bien loin de la caricature.

Jana ne vit que par l’art. Elle est sculptrice et peintre, et la vente de ses œuvres lui suffit pour survivre. Elle est seule, n’est pas dispendieuse, mais elle est libre. Et cela vaut toutes les richesses du monde. Alors qu’elle s’escrime sur ce qu’elle pense être son chef d’œuvre, la carte du cône Sud de l’Argentine dressé sur un socle de béton et dont elle défonce à l’aide d’une masse les anciens territoires. Jana est une Mapuche, une ethnie qui a été dépouillée et quasiment décimée par les chrétiens lors de l’invasion espagnole.

Elle est dérangée en plein travail par un appel téléphonique émanant de son amie Paula. Paula est inquiète, elle n’a pas de nouvelles de Luz, un travesti comme elle qui tapinait avec elle sur les quais depuis six mois. Luz avait laissé un message vers une heure et demie, lui donnant rendez-vous à cinq heures. Il est sept heures et Paula est alarmée. Rendez-vous est pris au Transformer, une boite où Jana n’a pas mis les pieds depuis des années. Mais l’ambiance n’a pas changé, toujours aussi glauque.

Luz est retrouvée, son corps émasculé flottant parmi les immondices qui stagnent sur les eaux du Richuelo. Les policiers sont sur place et interrogent Jana et Paula. Mais cette dernière ne peut apporter que de vagues renseignements. Elle ne connait que le véritable prénom de Luz, Orlando. C’est tout.

Ruben Calderon est un rescapé des geôles clandestines de Videla, dans l’école de Mécanique de la Marine. Il avait été incarcéré, adolescent, puis après avoir végété quelques mois en cellule, libéré un jour de juillet 1978, sans aucune explication, lorsque l’équipe nationale d’Argentine avait gagné la coupe du monde de football. Son père, Daniel Calderon, poète de renommée internationale, avait quitté l’Europe où il séjournait pour rejoindre son pays, mais il avait été arrêté à son arrivée puis avait disparu de la circulation, tout comme sa jeune sœur. Elena, la mère de Ruben, avait alors pris la tête des Grands-mères de la Place de Mai. Ruben qui s’était tourné provisoirement vers le journalisme s’est alors installé comme détective, afin de retrouver les responsables des disparitions, d’hommes, de femmes, d’enfants. Et ce sacerdoce se fait dans la douleur, car la grande majorité des juges, des militaires qui officiaient sous la dictature ont été reconduits dans leurs fonctions.

Trente ans ont passés. Son ami Carlo, journaliste d’investigation ce qui n’est pas sans danger non plus, lui apprend qu’une de ses amies, Maria Victoria Campallo, photographe, avait essayé de le joindre sans résultat, lui annonçant qu’elle avait quelque chose d’important à lui montrer. Mais elle n’a plus donné signe de vie. Or Maria est la fille d’un important homme d’affaires de Buenos Aires, principal soutien du maire. Ruben veut bien, par amitié, essayer de retrouver la jeune femme.

Les chemins de Ruben et de Jana vont se croiser et remuer la boue. Les vieux fantômes ne sont pas loin et le voile qui recouvre les forfaits et les exactions des militaires durant les années de sang va peu à peu se déchirer. Mais les religieux ne sont pas non plus en odeur de sainteté, oubliant ce pour quoi ils se sont engagés, bafouant la vocation de charité, d’amour, de paix, de fraternité. Mais ceci s’est vérifié tout au long de l’histoire. Des enfants arrachés à leurs parents et adoptés par des personnes influentes sont au cœur de l’intrigue. Mais également les anciens militaires qui ont réussi à camoufler leurs méthodes sanguinaires et leurs responsabilités dans la dictature.


mapuche1.jpgMapuche est certes un roman noir car les événements décrits relèvent de l’histoire la plus glauque de l’Argentine, mais également un thriller car certaines des scènes proposées s’inscrivent dans la plus pure tradition du roman d’aventures. Spectaculaires elles sont narrées avec fougue, virtuosité, délire, enthousiasme, frénésie, violence, sauvagerie et le lecteur les vit, les ressent en étant littéralement au plus près de l’action.

J’allais oublier : La politique néolibérale de Carlos Menem avait conduit le pays en une spirale infernale à la banqueroute, avec à la clé accroissement de la dette, réduction des dépenses publiques, exclusion, flexibilité du travail, récession, chômage de masse, sous-emploi… le tout sous les encouragements du FMI. Et la tendance s’était inversée lorsque justement cette politique avait été abandonnée. Cela ne vous rappelle rien ? La Grèce par exemple, non ? Il est vrai que le FMI œuvre dans l’intérêt des financiers et non dans celui des pays.

Juste une petite erreur, à mon avis, dans une description de bagarre, de tentative de meurtre à laquelle est confrontée Ruben. Un homme derrière lui tend sur sa gorge une corde à piano. Pour se défendre Ruben attrape les testicules du tueur dans son dos et les tord. Sous la douleur l’homme recule. Je ne veux pas essayer cette figure de combat mais il me semble que l’homme qui tenait la corde à piano en reculant aurait dû trancher la gorge de Ruben. Or il n’en est rien. Tant mieux pour Ruben, sinon, l’histoire tournait court. Cela me laisse sceptique, mais comme je vous l’ai dit, je ne veux pas essayer.


Caryl FEREY : Mapuche.  (Première édition : collection Série Noire, éditions Gallimard). Réédition Folio Policier N°716. 560 pages. 8,40€.

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10 février 2014 1 10 /02 /février /2014 15:18

Un roman d'anticipation rétrospective...

 

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Cela fait maintenant trois hivers que Mounj sillonne vallées, montagnes, forêts à la recherche d'une tribu d'Hommes-droits. Il trace des traits, d'où son surnom d'Homme-qui-dessine hérité de son père et de son grand-père, traits qui esquissés à l'aide de bâtons fins et de cendre mélangée à de la salive représentent le chemin parcouru. Alors qu'il recherche une proie afin de se sustenter, il aperçoit une harde de rennes. Il abat à l'aide de sa sagaie un faon déjà blessé et découpe les pattes, plus faciles à transporter. Il s'est installé auprès de la rivière et le lendemain il distingue comme un gros rocher obstruant le flot de l'eau. Le cadavre d'un Homme-qui-sait tué par une sagaie.

Mounj est surpris par quelques représentants d'une tribu d'Hommes-qui-savent et il se retrouve prisonnier. Ceux-ci l'accusent d'en être à son sixième ou septième meurtre, ce dont il se défend avec âpreté. Djub, le chef de la tribu lui signifie qu'il connaîtra bientôt le même sort que les chasseurs retrouvés morts. Dans le sac que porte Mounj se trouvent non seulement des objets destinés à reproduire sur les rouleaux d'écorce de bouleaux mais aussi des outils qu'il ne connait pas. Aussitôt il accuse Mounj de pratiquer la magie et il confie son prisonnier à ses deux fils Maï et Haoud. Les deux adolescents issus du même ventre sont totalement différents aussi bien dans leur physique que dans leur caractère. Maï ressemble à son père mais il est plus effacé, plus timide, tandis que Haoud plus petit et trapu est un véritable autocuiseur en perpétuelle ébullition.

prehistoire.jpgMounj propose d'attendre afin de savoir un nouveau meurtre est perpétré, ce qui le mettrait hors de cause et Djub se laisse plus ou moins fléchir, décalrant qu'il prendra sa décision à la prochaine lune. D'autant que si Mounj a quitté sa tribu, c'est sur les injonctions de son père. En effet les hommes et les femmes sont atteints d'un mal mystérieux et les enfants survivent rarement longtemps après leur naissance. Sa mission, et il l'a acceptée, était de trouver un femme d'une autre tribu des Hommes-droits afin de sauvegarder la race. L'Homme-qui-dessine est enfermé au fond d'une galerie qui s'enfonce dans le Womb, une montagne traversée par une rivière et dont certaines grottes recèlent des peintures sacrées. Et ces peintures, que Mounj découvre un peu par hasard et à cause d'une indiscrétion, lui laissent entrevoir une porte de sortie.

 

Les romans ayant pour thème la préhistoire sont trop peu nombreux pour que l'on ne pense pas immédiatement à l'œuvre de Rosny Aîné, qu'il s'agisse de La Guerre du feu ou de Helgvor du Fleuve bleu par exemple, ou encore Le Rêve de Lucy de Pierre Pelot et Yves Coppens.prehistoire1.jpg

Mais le propos de Benoît Séverac n'est pas tant de décrire un épisode charnière de la vie de nos ancêtres mais également d'établir un parallèle, non avoué, avec notre époque. L'histoire se déroule il y a maintenant trente mille ans, environ, et l'homme dit de Neandertal commence à décliner alors que le Sapiens sapiens se rapproche plus de l'homme actuel. Les Hommes-droits ou néanderthaliens qui vivaient en tribus éloignées les unes des autres se reproduisaient en famille d'où cette dégénérescence et le départ de Mounj, un adolescent à la recherche de sang nouveau pour renouveler sa descendance. Et Djub retourne le couteau dans la plaie en affirmant : Les Hommes-droits sont un peuple inférieur. Vous êtes en train de disparaître.

Nous n'avons pas d'enregistrements sonores et photographiques de cette période mais les découvertes dès 1856 d'ossements, puis des dessins dans les grottes Chauvet, de Cougnac, de Foissac, de Lascaux ou de Marsoulas, pour ne citer que les plus célèbres, ainsi que les travaux des paléontologues ont permis de mieux connaître l'évolution. Or l'un des problèmes fut bien la consanguinité et si l'on compare à aujourd'hui, il faut avouer que les sentiments racistes, ségrégationnistes et l'ostracisme qui est une forme d'exclusion sociale perdurent, l'humanité court à sa perte, à plus ou moins longue échéance.

L'épilogue de cette intrigue fourmille de rebondissements, avec un final peut-être inattendu, qui s'inscrit dans une logique qui n'a pas toujours été respectée et que de nos jours est remise en cause, et à laquelle tous ceux qui se cantonnent dans des convictions ségrégationnistes devraient réfléchir.

Un roman novateur qui offre au lecteur une réflexion sur l'humanité sans l'avouer mais est sous-jacente.

Avec une préface de Francis Duranthon, paléontologue et directeur  du Muséum d'histoire naturelle de Toulouse.

 

A lire également de Benoït Séverac : Silence et Le garçon de l'intérieur.


Benoît SEVERAC : L'Homme-qui-dessine. Editions Syros. Hors Collection. Parution le 16 janvier 2014. 216 pages. 14,50€.

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8 février 2014 6 08 /02 /février /2014 11:42

L’exode de l’Exodus ou Il était un petit navire...

 

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Les tribulations de l’Exodus, le navire qui devait emmener plus de 4500 Juifs vers la Terre Promise, ont été immortalisées par le roman de Leon Uris, et surtout par le film éponyme d’Otto Preminger avec Paul Newman. Seulement dans la réalité, ce voyage ne s’est pas déroulé comme cela a été conté.

Sous couvert de roman, Maud Tabachnick nous raconte la véritable histoire du President Warfield, rebaptisé Exodus 47, de ses passagers et de ceux qui ont été à l’origine de cette aventure. Elle met en scène, si l’on peut dire, des personnages réels, contrairement à Leon Uris et Otto Preminger qui eux avaient inventé des héros de fiction. Et le terme du voyage ne fut pas si idyllique qu’il fut conté.

30 mai 1947. Le jeune Serge Menacé, dont les parents ont été abattus sur ordre de Paul Touvier, a demandé une entrevue avec l’abbé Glasberg qui officie à Lyon. Ce n’est pas tant en souvenir de sa grand-mère, que le religieux a rencontré au camp de Drancy, que Serge veut le voir, mais parce qu’il pourrait l’aider, lui et ses compagnons, grâce aux relations que l’ecclésiaste entretient. En effet la Haganah, l’armée juive clandestine, veut ramener au pays les Juifs qui n’ont plus d’endroit pour vivre. La Haganah a acheté un vieux bâtiment à Baltimore, le President Warfield, et après des réparations dans un port italien, il stationne à Sète afin d’emmener plus de quatre mille cinq cents passagers. Or Glasberg peut, grâce à son ami le cardinal Gerlier qui a ses entrées à Matignon, obtenir des autorités civiles et militaires l’autorisation d’embarquer. Mais les quotas édictés par le gouvernement anglais sont gelés.

En effet l’empire britannique, depuis des décennies, possède une main mise sur les états arabes qu’il n’est pas prêt de vouloir abandonner. Et Clement Attlee, le premier ministre, est fermement décidé à empêcher tout embarquement vers la Palestine. Un agent du SIS, Secret Intelligence Service, John Milton, est envoyé sur place pour faire avorter le projet. Ahmed Yassim, qui dirige depuis deux ans la principale branche armée des Volontaires arabes constituée dès 1920, est chargé de prévenir les Anglais s’il découvre les projets sionistes. L’armée des Volontaires arabes a été constituée vingt ans auparavant, en réponse à la déclaration Balfour qui précisait dans un courrier adressé à Lord Lionel Rotschild l’intention du gouvernement de Sa Majesté d’envisager favorablement l’établissement en Palestine d’un foyer national juif.

En catimini Yossi Harel, le commandant politique, Ike Aronowicz, le jeune capitaine de l’Exodus, Saul, Marga, Yosh et quelques autres compagnons délivrent les Juifs qui sont parqués depuis des mois dans des cantonnements dispersés sur le territoire français suite à leur libération des camps de concentration allemands, et les amènent à bord de camions jusqu’à Port de Bouc d’où doit avoir lieu l’embarquement. Ils attendent les papiers qui doivent leur permettre de quitter le port, à destination théoriquement de la Colombie. Un subterfuge qui ne convainc pas les Britanniques. Des bâtiments britanniques suivent le navire dans les eaux méditerranéennes et l’empêchent d’aborder les côtes palestiniennes alors que l’Exodus n’est qu’à vingt-sept kilomètres de Haïfa. La suite sera plus terrible.

 

Il est difficile de ne pas ressentir un sentiment de révolte, à la lecture de ce roman-document, devant l’acharnement des troupes britanniques envers ces fils d’Israël, qui souhaitent tout simplement retrouver après des siècles d’errance le pays dont ils ont été spoliés. Depuis une vingtaine d’années, des communautés juives vivent en Palestine, en plus ou moins bonne intelligence avec les Arabes. Seulement les intérêts financiers sont en jeu. En effet, à l’ONU, un vote doit avoir lieu afin d’entériner la décision de créer un état d’Israël, en partageant la Palestine. Les Etats-Unis sont pour et s’avèrent être un soutien actif pour les délégués Juifs. L’URSS, Staline est antisémite et son action envers un comité antifasciste juif créé en 1942 est là pour le prouver, n’y sont pas favorables. Les enjeux financiers sont représentés par le sous-sol arabe qui possède une véritable richesse pétrolifère.

Autre fait troublant, c’est la collusion entre le grand mufti Hadj Amin al-Husseini, qui avait choisi le camp d’Hitler durant la guerre, la légion arabe se battant courageusement aux côtés des Nazis. En cette année 1947, les Arabes ont néanmoins obtenu des Anglais que le quota de soixante-quinze mille immigrants soit maintenu et que l’interdiction de vendre des terres aux nouveaux arrivants soit renforcée. Le Pétrole, de tout temps, a toujours senti bon.

demain2.jpgSi l’on peut comprendre les récriminations des Palestiniens, si l’opinion internationale prend leur défense vis-à-vis d’Israël et des affrontements qui opposent ces deux nations, il ne faut pas oublier que depuis près de vingt siècles les Juifs sont rejetés de partout. Ils ont perdu leur terre, ils ont été spoliés, et ce qui leur est reproché aujourd’hui, ils l’ont subi en étant chassés de leur nation. Si torts il y a, il faut les attribuer aux deux camps, à leur entêtement, à leur manque de tolérance. Egalement à l’intolérance religieuse, au fanatisme, à l’intégrisme, d’où qu’ils viennent. Sans oublier l’esprit mercantile qui n’est pas l’apanage d’une nation. Et l’on peut se poser la question de savoir comment les grandes puissances réagiront lorsqu’il n’y aura plus de pétrole en jeu ?

Un roman-document qui éclaire l’origine de biens des conflits et qui propose une vision non édulcorée de l’histoire. Quant aux Juifs qui ne purent débarquer de l’Exodus, ils furent envoyés sous bonne escorte britannique à Hambourg où ils végétèrent ensuite dans des camps de rétention allemands.

 

A lire également : L'étoile du temple, La honte leur appartient et Désert barbare, ainsi qu'un entretien avec Maud Tabachnik.


Maud TABACHNIK : Je pars demain pour une destination inconnue. (Première édition : Collection Cœur noir. Editions de L’Archipel. Septembre 2012). Réédition Archipoche N° 291. 288 pages. 7,65€

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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 15:53

Un livre ne meurt jamais, tel le Phénix il renait de ses cendres grâce aux rééditions papiers ou numériques.

 

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D'ici quelques mois vous pourrez sur votre tablette numérique prendre connaissance des éditions  "French Pulp " qui réuniront dans un premier temps, une centaine d'ouvrages des auteurs de  romans populaires dont C.A.L est représentante : Polar ,espionnage, Science Fiction, Angoisse, Romans .... les grands titres  d'un patrimoine français  injustement  qualifié de  "Littérature de Gare" et qui prend  aujourd'hui place dans nos Classiques .

 

Telle était la déclaration l'an dernier de Nathalie et Jean-Marie Carpentier de Calfrance. Et cette promesse ils l'ont tenue puisque depuis le mois de janvier 2014 ils proposent des ouvrages en version numérique d'auteurs qui ont connu un vif succès dans les années 60 à 80 : Georges-Jean Arnaud, Pierre Nemours, Brice Pelman, André Lay, Serge Jacquemard, G. Morris-Dumoulin, Pierre Latour, Stefan Wul, Francis Ryck, Claude Joste et quelques autres. A ce jour 42 titres sont disponibles au prix moyen de 4,99€.

Si je ne possède pas de tablette ou liseuse, je me félicite toutefois de cette excellente initiative car cela permet de redonner vie à des romans, leur évite de sombrer dans l'oubli, et qui est également un hommage à leurs auteurs.

Le mieux est peut-être vous rendre sur la page de French Pulp Editions et de consulter la liste des ouvrages déjà disponibles.

 

Bunker Parano de Georges-Jean Arnaud s’inscrit dans la période dite de la maison-piège, un thème qui est même le titre d'un de ses romans, période qui nous valut quelques belles réussites comme Le Coucou, et quelques autres.

 

Trente ans, divorcée, au chômage depuis quelques années, Alice s’est réfugiée dans l’alcool, principalement le cognac. Pour survivre et payer son liquide favori elle se prostitue à l’occasion.

Un employé de la mairie lui offre de reprendre son ancien métier, assistante sociale, et de s’installer dans un immeuble promis à la démolition dans le cadre de la rénovation du quartier. Peu de temps auparavant un couple s’est suicidé par peur de l’expulsion et un journaliste qui a couvert l’affaire a été licencié. Elle doit se renseigner sur les locataires, armés, qui amassent les provisions comme s’ils devaient tenir un long siège. A aucun moment la maison est vide.

Arbas, un cadre au chômage, fixe les règles de vie, les sorties des autres locataires. Alice, aidée par le journaliste qui va s’installer chez elle, enquête, perquisitionne, intriguée par le comportement de ses voisins et découvre des anomalies comme le logement vide dont les pièces ont été redistribuées.

Outre le problème immobilier, ce sont les difficultés d’intégration et le racisme qui sont évoqués dans ce roman qui baigne dans une atmosphère d’angoisse permanente et feutrée.

Ce roman, dont la première édition date de 1982, édité au Fleuve Noir dans la collection Spécial Police sous le numéro 1743, n'a rien perdu de son actualité, de sa force, de son réalisme trente ans après.

Une collection à découvrir et des livres à redécouvrir sans modération !


Georges-Jean Arnaud : Bunker parano. French Pulp Editions. 4,99€.

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7 février 2014 5 07 /02 /février /2014 14:11

Dans la vie intime et sexuelle des héros de la littérature policière !

 

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Qu’ont en commun Arsène Lupin, Joseph Rouletabille, Sherlock Holmes, Eugène-François Vidocq, Fantômas, Hercule Poirot et Miss Marple ?

Non seulement ce sont des héros populaires mais leurs hagiographes ont oublié, gommé, sciemment ou non, tout un pan (comme aurait dit Peter) de leur biographie. Celle con cernant leur sexualité, quoique celle-ci ne fût pas le plus important dans l’élaboration des énigmes qu’ils eurent à résoudre. Mais ce ne furent que des hommes et des femmes comme vous et moi, la célébrité en plus je vous l’accorde, qui connurent les joies de forniquer sans vergogne.

Etienne Liebig répare cet oubli fondamental en nous proposant quelques bluettes mettant nos héros dans des positions sinon scabreuses, au moins particulièrement jouissives. Ainsi Arsène Lupin doit démêler une affaire dans laquelle le ministre de l’intérieur (de l’époque) est intimement partie prenante à son corps défendant. Ou plutôt sa femme car c’est bien d’elle qu’il s’agit, victime con-sentante, ou non d’un Arsène Lupin lubrique et farceur. Il est vrai qu’à la décharge de la jeune femme, son ministre de mari est plus souvent à l’extérieur qu’à l’intérieur, n’oublions pas qu’il est ministre du même nom, du foyer familial. Aussi lorsqu’une nuit elle pense que son mari daigne enfin s’occuper de son foyer intime elle ne déroge pas à son empressement. Mais quelle n’est point sa surprise quand son époux réfute lui avoir prodigué des hommages nocturnes. Hommages signés des initiales A.L. sur la partie intérieure de son arrière-train.

Joseph Rouletabille, le fameux et jeune journaliste est convoqué ainsi que quelques confrères pour découvrir le résultat d’un meurtre en chambre close. Le parfum qui subsiste dans la pièce le ramène quelques années en arrière, lorsqu’il fut recueilli par les mères souffrantes de la charité bienheureuse, une fragrance qui lui rappelle le parfum de la Chatte en noir.

Introduisons nous maintenant dans l’antre du détective britannique Sherlock Holmes lorsque celui-ci est con-vié par une demoiselle Ambergotthy à enquêter sur la disparition de l’héritier des Lonsdalle qui devait devenir son mari. Le lecteur appréciera la faculté déployée par Holmes à démontrer que la jeune fille, si elle désire préserver sa virginité n’en jouit pas moins des bienfaits d’un trompettiste roux capable de se servir de son instrument anatomique sans déflorer la drôlesse. Envers et contre tous.

Vidocq narre dans son langage argotique et fleuri les mésaventures funestes d’une jeune fille de la Haute qui aurait fauté par derrière, malgré les préceptes de la noblesse qui con-sidère que l’envers ne vaut pas l’endroit.

Juve, le policer, et Fandor, le journaliste, sont con-frontés au génie du mal, Fantômas qui ne manque pas de subterfuges et se montre toujours masqué, et couvert.

Enfin pénétrons dans l’univers d’Agatha Christie en suivant les pérégrinations de ses deux héros récurrents, Hercule Poirot et Miss Marple. Hercule qui avance sans l’ombre d’un doute à la recherche d’un jouet, un olisbos en ivoire pour se montrer précis, objet déposé dans le berceau d’une jeune fille alors qu’elle était toute jeunette et orpheline et qu’un malotru lui a dérobé. Miss Marple, suite à un pari osé avec sa sœur, découvrira que sous la soutane du pasteur de sa paroisse se dresse une fontaine de jouvence alors que la femme d’icelui n’est guère accueillante.

 

Thierry Liebig s’amuse véritablement dans ces historiettes qui ne manquent pas de saveur, tout en respectant le style mais en extrapolant, inventant des aventures amoureuses à ceux qui furent les héros de notre adolescence et qui le demeurent. Ce sont des hommes et des femmes qui ont bien le droit de goûter au plaisir de la chair, aux plaisirs devrais-je écrire, se prêtant avec bonheur à toutes les situations, par agrément ou par souci professionnel. Un ouvrage qui a du jus et pudibonds s’abstenir. Car les prises de positions de l’auteur permettent à ces personnages de s’exprimer, s’extérioriser, s’intérioriser en toute bonhommie, sans fausse pudeur, avec une joie et une jouissance communicatives.


Etienne LIEBIG : Le Parfum de la Chatte en noir et autres pastiches érotiques de romans policiers. Editions La Musardine. paru le 25 mars 2010. 224 pages. 8,50€.

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6 février 2014 4 06 /02 /février /2014 17:22

Tremblez dans les chaumières, Fu Manchu revient !

 

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L'ex-révérend père Eltham a décidé d'écrire ses pérégrinations du temps qu'il était missionnaire en Chine, et il soumet quelques bonnes feuilles à son ami le docteur Petrie. Ce passage dépeint la révolte des Boxers avec une précision étonnante, mais Petrie est mal à l'aise, quoique étant à l'origine involontaire de ce manuscrit. Eltham a perdu sa femme quelques années auparavant lors de cette guerre, et il n'a plus de nouvelles de sa fille Greba. Il vit avec une certaine Ursula et ayant jeté sa robe de bure aux orties il est devenu membre d'une secte théosophique, la Fraternité des Mages.

Boxer_Rebellion.jpgLe lendemain, après une nuit agitée, Petrie narre à son ami Nayland Smith sa rencontre avec Eltham. Nayland a eu lui aussi un passage du manuscrit sous les yeux et il ne veut pas qu'il soit publié. Cela pourrait réveiller de vieux démons, ceux du Fu Manchu et de ses sicaires du Si Fan. Ils décident de se rendre à Redmoat, le château forteresse où vit Eltham. Dans trois ou quatre semaines Noël fera le bonheur des enfants. Il a neigé et dans le parc se dresse un curieux bonhomme de neige. Curieux et macabre car il s'agit du cadavre d'Eltham, assassiné.

Smith téléphone à leur ami l'inspecteur Weymouth, puis visitent la bibliothèque. Des livres, principalement des bréviaires, des ouvrages religieux manquent sur les rayonnages. Soudain ils entendent du bruit à l'étage. Il s'agit juste d'Ursula Trelawney, la maîtresse d'Eltham et première femme à avoir été admise dans la secte et que certains membres considèrent comme la réincarnation de la fondatrice de la Théosophie. Ursula est jeune, belle... et nue. Elle tient négligemment une serviette de bain à la main. Entre la jeune femme et Smith de vifs propos sont échangés et tout à coup, plus personne. Enfin si, Smith est toujours là mais Ursula s'est évaporée. Les deux amis ouvrent la porte qui était derrière elle et ils se retrouvent dans une pièce décorée comme une fumerie d'opium. Ursula est allongée alanguie et semble les inviter. Il ne s'agit que d'une statue d'albâtre avec des pierreries remplaçant les yeux. Mais près de la femme se terre le serpent qui attaque nos deux compères. Ils ne doivent la vie sauve qu'à l'intervention de Weymouth.

Petrie est assailli de rêves nocturnes ayant pour sujet la belle Karamaneh dont il est amoureux mais qui est l'esclave de Fu Manchu. D'ailleurs Fu Manchu lui apparaît le mettant en garde, ainsi que Smith. Ils doivent absolument arrêter leurs recherches. Smith et Petrie n'en ont cure et ils se rendent chez Neville McBride l'éditeur qui doit publier le manuscrit d'Eltham. Ils assistent à une orgie organisée par McBride et Ursula (oui elle est là !) entre quelques hommes bien mis, des notables sans aucun doute, et une vingtaine de jeunes chinoises. Un peu plus tard dans le parc de McBride des cadavres déguisés en bonhommes de neige sont disposés comme autant de sentinelles.

Les ennuis continuent pour Petrie : rêves ou plutôt cauchemars pentacle.jpgrécurrents dans lesquels Fu Manchu et Ursula prennent une part active. Eltham aussi, ou plutôt son fantôme, lui apparait et lui remet un pentacle en précisant que ceci pourrait lui sauver la vie. Mais en même temps il doit prononcer le mot Bismillah. Il est assommé à plusieurs reprises, participe à des aventures effrénées, retrouve la belle Greba dans letrain qui les conduit à Paris, la fille d'Eltham qui elle aussi est en proie aux agressions des membres du Si Fan et de leur maître le terrifiant Fu Manchu, Ils doivent rejoindre le fameux policier de la Sécurité Gaston Max mais dans le train qui les emmènent vers la capitale française, Greba manque d'être empoisonnée par un plat qui lui est servi. Le passager qui lui faisait face meurt dans d'horribles souffrances. Quand on vous dit qu'il faut se méfier de la restauration ferroviaire !

Lapinagile.jpgA Paris les mésaventures continuent. Thomas Valley, l'associé de McBride, lui aussi à la recherche du manuscrit s'invite dans leurs pérégrinations. Petrie et Gaston Max se rendent à Montmartre et plus précisément au cabaret du Lapin Agile, qui doit son nom au dessinateur de l'enseigne Gill, le nom de Lapin à Gill devenant rapidement celui de Lapin Agile. Entre la Fraternité des mages et les dacoits de Fu Manchu Petrie ne sait pas trop s'il y a alliance ou guerre entre deux factions. Mais les deux communautés s'acharnent à vouloir le faire passer de vie à trépas.

 

 

William Patrick Meynard reprend avec bonheur la suite des aventures et mésaventures de Nayland Smith, du Docteur Petrie et de leur ennemi juré Fu Manchu. L'esprit est là, le rythme aussi, peut-être même encore plus effréné que dans les romans de Sax Rohmer, seuls quelques petites réflexions par-ci par-là dues à divers protagonistes lui donnent un ton actuel.

Tous les moyens sont bons pour Fu Manchu et ses sicaires pour contrecarrer les enquêtes des deux amis. Le moindre n'étant pas l'hypnose subie par Greba, la jeune femme tentant de se débarrasser de Petrie à l'aide d'une hache. Heureusement Gaston Max se trouve sur place fort à propos. Et William Meynard joue avec les personnages créés par Sax Rohmer puisque Gaston Max est le héros d'autres aventures indépendantes de la série Fu Manchu.

Son attirance pour Karamaneh joue des tours pendables à Petrie, malgré les avertissements de Smith : L'amour est une voie de souffrance, et il signifie la défaite de l'homme depuis le jour où lui a fait goûter au fruit défendu dans le jardin d'Eden. Pourtant il a tenté à plusieurs reprises de convaincre Fu Manchu de libérer Karamaneh et de les laisser convoler ensemble, et de ne plus jamais croiser son chemin avec le bandit. Refus catégorique du terrible Chinois : Le moucheron ne peut promettre de ne plus troubler l'éléphant.

Gaston Max possède son opinion sur la nature humaine : L'homme est le même partout, qu'il soit Français, Anglais, Africain... Seule change sa couleur de peau, jamais son cœur. Il passe son temps à se chercher toutes les raisons pour dominer ses semblables. Une nation l'emporte sur une autre nation, une religion en surpasse un autre...

Et de nombreux conflits auraient pu ou pourraient encore être évités si les religions et surtout ceux qui se montrent intégristes ne s'obstinaient pas à vouloir imposer leurs idées. Combien de fois au nom de Dieu, quelque soit le nom qui lui est donné selon les langues, des guerres ont été déclenchées, n'apportant que le malheur et la désolation, bafouant en cela même le principe religieux de la tolérance.

 

 

William Patrick MAYNARD : La terreur de Fu Manchu. Traduction de Martine Blond avec la participation de Jean-Marc Ligny. Préfaces de Xavier Mauméjean et du Dr Lawrence Knapp. Bibliographie d'Alain Sprauel. Collection Noire N° 59, éditions Rivière Blanche. 304 pages. 20,00€.

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6 février 2014 4 06 /02 /février /2014 08:59

Chez Jigal quand y'en a plus, y'en a encore !


Et tous ceux qui, pour une raison ou une autre, informations non parvenues malgré les efforts de blogueurs, portefeuille raplapla après la ponction épineuse du Trésor Public... je vous laisse le choix du prétexte, n'avaient pu se procurer les trois ouvrages suivants vont enfin pouvoir les lire en toute tranquillité d'esprit et financière.

Monsieur Jigal, devant la pression non dénuée de bon sens de ses lecteurs et de ses auteurs (surtout eux d'ailleurs !) a décidé de les proposer dans un format poche moins onéreux ce qui relève de sa part une grande dose de bon sens.

Ces trois romans étant différents dans le fond et dans la forme, j'ai décidé de vous les présenter dans l'ordre alphabétique des auteurs, un choix comme un autre.

 

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Jacques-Olivier BOSCO : Aimer et laisser mourir (un titre très James Bond !). 336 pages. 9,50€.

Bogota, Colombie pendant les années 2000.

L’avocat Federico Lopez s’est fait piéger par une prostituée, cela lui apprendra d’ailleurs qu’il ne faut pas suivre n’importe qui. Il est enlevé par une bande de mômes qui tiennent le quartier mal famé de Montacalle sous leur coupe. Et pour se faire obéir, respecter comme diraient certains truands, ils n’hésitent pas à employer les grands moyens. Federico Lopez est avocat, en relation avec un cartel de la drogue, mais ce n’est pas ce qui intéresse les mômes. Ils réclament une rançon. Isabelle, la secrétaire associée de Federico appelle à la rescousse Lucas, surnommé le Maudit. Elle a peur que l’enlèvement ne se réduise pas à un simple kidnapping, mais qu’une fois en possession de la somme d’argent réclamée, les auteurs du rapt sacrifient leur otage.

Lire la suite de ma chronique ici.

 

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André FORTIN : Restez dans l'ombre(ce que l'on ne souhaite pas à son auteur !). 288 pages. 9,50€.

Il ne faut pas croire, malgré l’obstination des juges d’instruction, leur éthique, leur sens du devoir, des affaires parfois ne sont pas résolues, au grand dam d’ailleurs de ceux-ci. C’est ainsi que le juge Galtier qui a sous sa coupe deux juges auditrices de justice, c’est-à-dire des apprenties juges, les invite à déjeuner pour leur fin de stage. Les deux jeunes filles demandent à Galtier de leur raconter une affaire qui l’a marqué. Au lieu de narrer une histoire élucidée, il remémore une affaire dont l’épilogue reste aléatoire.

Lire la suite de ma chronique ici.

 

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Maurice GOUIRAN : Sur nos cadavres, ils dansent le tango (plus langoureux que le Rock n'Roll !). 304 pages. 9,50€.

Il faut savoir se méfier des idées préconçues et ne pas mettre la charrue avant les bœufs. Pour le commissaire Arnal, le meurtre dans un parking d’un grand magasin, du colonel Vincent de Moulerin, conseiller municipal de la majorité, n’est dû qu’à de petits voleurs de voitures dérangés dans leur entreprise. Mais pour la jeune lieutenant de police Emma Govgaline, les choses sont beaucoup plus compliquées. Trois balles mortelles dans le torse et une dans la nuque, comme si le tireur avait donné le coup de grâce. Elle obtient de son supérieur l’autorisation d’enquêter, mais seulement pendant une semaine, ensuite elle doit reprendre les affaires courantes. Car dans Marseille les règlements de compte, c’est un peu comme au chamboule-tout. La gamelle tombée en entraîne d’autres. A la différence près que sur la planche du stand de la voyoucratie, ces boîtes de conserve sont toujours renouvelées.

Lire la suite de ma chronique ici.

 

Bonnes lectures et à bientôt pour de prochains Jigal.

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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 16:11

La question qui tue...

 

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Je ne dealais que trois soirs par semaine, sans courir après le profit. Tant que je parvenais à payer le loyer, quelques verres en soirée et le pressing de mes costumes, tout allait bien.

Fitz, de son vrai nom John-Fitzgerald Dumont, n'a pas pour ambition de devenir un trafiquant de drogue prospère entouré d'une bande de petits revendeurs, juste de quoi assumer le quotidien. Il a pour amis Deborah, professeur d'histoire dans une ZEP de banlieue, et Moussah, agent de sécurité et videur. Et aujourd'hui dimanche, il va déjeuner chez ses parents, une réunion hebdomadaire immuable, leur présenter Deborah comme sa petite amie afin de les rassurer sur sa sexualité et son envie d'enfin se poser. Ils croient, les malheureux, que Fitz est commercial dans une boîte de jeux vidéos, un paravent social.

La veille il s'est largement décrasser les papilles avec de nombreux mélanges alcoolisés et au petit matin il s'est réveillé dans un environnement inhabituel. Il n'est pas dans son lit. A côté de lui, une femme. Il y a pire comme réveil. Mais il ne se souvient pas de ce qu'il s'est passé. Alors, ils font à nouveau connaissance. Sa partenaire se prénomme Daniela et elle est avocate. Elle n'aime pas trop son prénom. Peut-être à cause de la chanson d'Elmer Foot Beat mais sûrement pas en référence à celle des Chaussettes Noires, ils sont trop jeunes. Une aventure sans lendemain comme souvent. Donc déjeuner chez les parents de Fitz (je reprends le fil de l'histoire) en compagnie de Déborah. Et les retrouvailles avec son frère Howard, que Fitz n'a pas vu depuis quelques mois, pour ne pas dire quelques années. Faut expliquer qu'entre les deux frangins, les valeurs sociales et professionnelles ne vont pas dans la même direction. Il est alors dérangé par une appel intempestif : Georges Venard, jeune député pas dépité mais ambitieux, ayant déjà quelques propositions de loi, controversées, à son actif, a besoin de soleil. En langage codé, il s'agit ni plus ni moins qu'il est en manque. Fitz en général n'effectue pas de livraisons le dimanche mais la promesse d'une récompense alléchante l'incite à déroger à ses principes.

Dans le hall de l'immeuble du député, il rencontre un homme qui descend les escaliers. Rien de particulier, sauf que l'inconnu a l'air surpris. Tout comme Fitz d'ailleurs qui s'étonne légèrement de l'attitude du personnage. Il se toisent puis chacun va de son côté. Seulement Venard ne daigne pas ouvrir lorsque Fitz sonne à sa porte. Dépité notre revendeur de drogue rentre chez lui, dort tout son saoul et le lendemain il apprend par les journaux que Venard a été retrouvé mort dans son appartement. Selon toutes vraisemblances il s'est suicidé. Fitz se renseigne sur Internet afin de mieux connaître les antécédents de son défunt client. C'est à ce moment que Bob, un hacker dont il a fait la connaissance lors d'une précédente aventure s'immisce via son écran interposé. Fitz dont les habitudes alimentaires sortent de l'ordinaire, il mange à pas d'heure, se rend dans une échoppe de restauration rapide. Bob le contacte sur son téléphone pour lui signaler que quelqu'un s'est introduit chez lui. Comme quoi, il vaut mieux laisser son ordinateur allumé, Bob a pu entendre une conversation entre l'intrus et un correspondant téléphonique. La dernière phrase se résume en ces quelques mots : Mais je fais quoi du corps ?

Fitz se rend compte que devant chez lui deux hommes l'attendent et ce n'est surement pas pour lui offrir des fleurs. Commence alors une course poursuite et il est obligé de requérir les services de Déborah et de Moussah ainsi que d'une autre connaissance rencontrée dans une précédente aventure qui l'aidera à établir le portrait robot de l'inconnu dans l'escalier de chez Venard. Fitz est traqué, et il ne peut compter que sur ces deux fidèles amis, peut-être éventuellement sur son ex, Jessica, commissaire de police, mais il traîne trop de casseroles derrière lui qu'il vaut mieux éviter de la contacter. Et il possède encore sur lui une somme d'argent conséquente ainsi que quelques sachets de drogue qui ne lui serviront pas de passeport s'il est arrêté par les policiers.

Traqué par des hyènes, le chaton se transforme peu à peu en tigre. Mais un tigre qu'une cohorte de tueurs poursuivent, comme s'il avait une balise accrochée autour du cou.


gay1.jpgFitz, c'est un peu comme un voisin de palier dont on a fait la connaissance entre deux portes. On se dit bonjour, bonsoir, on échange quelques mots, il s'épanche parfois sur des incidents qui lui sont arrivés. Mais ce voisin devient à la longue plus présent et on arrive à mieux le connaître, le définir, le situer dans l'échelle sociale. C'est quelqu'un portant beau sur lui, toujours propre, soigné, affable, un peu naïf, aux horaires décalés, et un beau jour, une nouvelle facette remplace la précédente, et l'on se demande si l'on doit continuer à le fréquenter ou non. On se pose la question de savoir si vraiment c'est une personne de bon aloi, s'il ne nous manipulerait pas, si cet homme propre sur lui ne cacherait pas une âme et un esprit diaboliques. Et lorsqu'il se confie entièrement, qu'il vous narre ses pérégrinations, on se demande si l'on doit s'apitoyer sur son sort ou se révulser. Il se dévoile sans manichéisme, sans fard. Mais en y réfléchissant bien on se demande si quelle serait notre réaction si on était confronté à ce genre de problèmes. Car un jour, qui sait, même si on n'est pas revendeur de drogue, on peut se trouver embarqué dans la même galère, et si on possède de bons amis, des vrais, peut-être qu'on n'irait pas trouver la police pour dénouer ce genre de problème.

C'est également une réflexion sur les méfaits des technologies nouvelles, téléphones portables dernière génération, réseaux sociaux et autres. Soyons honnêtes, parfois ils ont du bon, mais c'est l'addiction et la dépendance qui sont la plupart du temps néfastes. Personnellement j'ai été plus convaincu par Olivier Gay et l'histoire qu'il nous raconte avec une pointe d'humour et d'angoisse que par des auteurs qui furent de véritables truands, drogués et fourgueurs de drogue, casseurs et même tueurs, tels que Donald Goines dont quelques romans furent traduits en Série Noire.

 

De l'auteur, lire également : Les talons hauts rapprochent les filles du ciel et Les mannequins ne sont pas des filles modèles.

 

Olivier Gay sera en dédicace à la Librairie Terminus Polar le 20 février à partir de 19h00.


Olivier GAY : Mais je fais quoi du corps ? Editions Le Masque. Parution le 3 janvier 2014. 304 pages. 16,00€.

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5 février 2014 3 05 /02 /février /2014 13:58

Hommage à Sax Rohmer né le 5 février 1883.

 

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Lorsque l'on évoque le nom de Sax Rohmer, immédiatement on pense au mystérieux, au diabolique Docteur Fu Manchu. Mais ce n'est pas l'unique personnage que ce prolifique romancier britannique a mis en scène dans des histoires toutes aussi prenantes et haletantes les unes que les autres.

Francis Lacassin, bien connu des amateurs de romans populaires et auteur entre autre d'une admirable Mythologie du roman policier parue chez 10/18, ainsi que pour ses redécouvertes d'auteurs et d'ouvrages oubliés des XIXème et XXème siècles, nous propose avec ce recueil de nouvelles des textes inconnus ou presque de Sax Rhomer.

Mais le personnage mis en scène dans ces contes, que l'on pourrait croire extraits des Mille et une nuits, est l'antithèse de celui qui fut surnommé le Péril jaune incarné en un seul homme.

Abu Tabah est un iman, un prêtre musulman dont la principale préoccupation, occulte, est, en tant qu'auxiliaire détective influent de la police du Caire, d'éviter que l'irréparable se produise. Rôle occulte donc mais aussi préventif. Alors que les quelques religieux mis en scène dans la littérature policière enquêtent sur un crime commis, que ce soit le Père Brown de G.K. Chersterton, le Rabbin David Small de Kemelman, ou encore le Père Boileau de Jacques Ouvard, l'Iman Abu Tabah intervient avant que le délit, le crime, le vol ou autre soit perpétré.

De quelle manière est-il prévenu, nul ne le sait, mais ce qui pourrait être une cachoterie, un tour de passe-passe désinvolte envers le lecteur devient l'un des mystères de l'Orient magique car le narrateur n'est autre que celui que l'Iman Abu Tabah empêche de nuire ou au contraire sauve d'un complot ourdi à son encontre.

Rohmer_4140.jpegSix nouvelles dans lesquelles le britannique Kernaby raconte d'une façon objective et même parfois admirative comment il ne peut perpétrer les forfaits qu'il allait commettre, trouvant toujours sur son chemin l'implacable mais courtois détective d'Allah.

De ces textes se dégagent toute la magie, tout le mystère dont l'Orient se pare comme de ces parfums à la fragrance indéfinissable et ensorcelante.

Les réimpressions de ce texte, de La Clé du temple du ciel ou encore de L'esprit du Faucon noir, seraient les bienvenues, et j'adresse donc un appel aux éditions 10/18 qui possèdent un fond inégalable dans cette défunte collection l'Aventure insensée à les remettre à leur catalogue.

 

A lire également de Sax Rohmer : Les créatures de Fu Manchu et Les mystères du Si Fan.


Sax ROHMER : Le détective d'Allah. Editions 10/18, collection L'aventure insensée, N°1939. Parution juillet 1988.

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4 février 2014 2 04 /02 /février /2014 10:50

Bon anniversaire à Jean-Pierre Bastid, né le 4 février 1937.

 

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28 février. Mardi-Gras. Le journaliste Johann Usbek rejoint Paris par les égouts où il s'est réfugié. Il transporte avec lui des documents secrets et un magnétophone. Pourchassé par des miliciens il se réfugie dans un vestiaire réservé aux égoutiers et entreprend de narrer sur cassette ses récentes mésaventures. Il termine à peine sa dictée que le commissaire Ben M'hdi et ses hommes font irruption. Son magnéto est confisqué ainsi que les documents. Puis le commissaire téléphone en haut lieu, à Lapeyrouse, lui signifiant que le fuyard vient d'être abattu et que les papiers sont détruits. Puis il se rend chez son correspondant et les deux hommes écoutent l'enregistrement réalisé.

Sous l'identité d'un certain docteur Mercoeur, Usbeck quitte sa famille et traverse la frontière. En route il recueille à bord de son véhicule Mélanie, une jeune femme noire et apeurée qui disparait à leur arrivée à Paris. Il a le temps de lui donner ses coordonnées.

La France est sous la domination d'un gouvernement fasciste qui traque les marginaux, noirs et SDF, aidé par l'armée, des vigiles et des particuliers unis sous le sigle PPP : Pour un Peuple Purifié. Usbek doit interviewer le ministre de l'économie mais il se sent constamment surveillé. Fabienne, une policière, lui sert de guide. Il récupère au cours d'un incident un badge sur lequel figure l'inscription "Notre-Dame des Nègres". Il s'agit d'une chanteuse prisée par les allochtones, c'est à dire les Nègres. Mélanie, réfugiée dans la chambre d'Usbek, lui demande de l'aider.

Tandis que des attentats secouent la capitale, il est invité à une soirée. Il rencontre Lapeyrouse, le numéro 2 du ministère de l'Intérieur, le commissaire M'hdi et un nommé Alban qu'il catalogue comme deuxième garde du corps. Lapeyrouse l'appelle par son véritable patronyme. Fabienne est assassinée dans le parking de l'hôtel et Mélanie portant perruque se substitue à la policière. Elle conduit Usbek dans un pavillon de banlieue où il fait la connaissance d'hommes d'affaire en vue, des Noirs. La villa est envahie par des miliciens commandés par Alban.

Mélanie peut s'enfuir, Usbek est assommé et les autres assassinés. Evello, l'organisateur de la soirée à laquelle il a assisté lui conseille de contacter Alban, directeur d'une boîte de nuit où travaillait une strip-teaseuse du nom de Notre-Dame des Nègres. Elle a disparu, devenant le chef des terroristes. Pensant à sa fille, Usbek achète un ours en peluche. Il découvre dans sa chambre un dossier dans lequel est consigné tout ce qui se trame. Une véritable Saint Barthélémy des miséreux. Il effectue des photocopies, glisse le dossier dans la peluche et expédie le tout en Suisse via le consulat. A la boîte de strip-tease Alban lui indique qu'il peut retrouver Notre-Dame à un meeting. Après quelques difficultés, il assiste à la réunion houleuse et perturbée par des activistes qui sèment le sang et la mort.

 

Avec la description d'une France en proie à crise et à la montée du chômage, du regroupement familial des étranges, de la recrudescence de la petite délinquance, et des conséquences qui en découlent, fracture, exclusion, repli sur soi des autochtones, Jean-Pierre Bastid tenait un sujet d'actualité qu'il transpose dans le temps avec un certain paroxysme. Seulement les promesses du début ne se concrétisent pas et le roman sombre dans un ronron que seul l'épilogue parvient à sauver de l'ennui, jouant sur la duplicité des hommes à la solde du pouvoir et leurs ambitions. On trouvera parmi les personnages un certain Francisque de Villiers, mais ce n'est pas le plus important.


Jean Pierre BASTID : Notre-Dame-des-Nègres. Série Noire N°2431. Editions Gallimard. 30 août 1996. 292 pages.

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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