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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 14:24

Hommage à Yvan Audouard né le 27 février 1914.

 

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Monsieur Jadis avait dit au revoir à la compagnie. La cérémonie religieuse avait drainé un nombre important d'amis, dont Jacques Laurent et Michel Déon de l'Académie Française. L'international de rugby Dospital entonna un berceuse basque puis la vie parisienne reprit ses droits.

Le soir même France Soir relatait cet événement en titrant même l'église était bourrée.

Un titre accrocheur et calembourdesque que n'aurait pas désavoué Antoine Blondin, puisque c'était lui qu'on enterrait ce jour là.

Antoine Blondin, alias monsieur Jadis, était aussi célèbre pour ses romans comme L'Europe buissonnière, Les Enfants du Bon Dieu ou Un Singe en Hiver, que pour ses articles dans le journal sportif l'Equipe. Mais également pour ses frasques.

Car Antoine Blondin titillait de la bouteille et se colletait volontiers avec les représentants des forces de l'ordre qui ne lui en tenait pas rigueur. Témoin cette anecdote digne des plus grands mystificateurs. S'étant introduit un jour dans le ministère de l'Intérieur, il téléphone à un Préfet pour lui signifier sa révocation. Deux représentants des forces de l'ordre l'appréhendent et à la question de l'un d'eux lui demandant sa profession il rétorque: poète professionnel. Le reconnaissant le commissaire de Saint Germain des Prés s'excuse d'être obligé de le maintenir en détention et lui offre du cognac prélevé sur sa réserve personnelle. C'est Roger Nimier qui, déguisé en chauffeur de maître vient le chercher au petit matin et bonasse Blondin remet aux pandores une liasse de billets pour leurs bonnes œuvres.

Yvan_Audouard3.jpgYvan Audouard signe avec ce livre le roman de l'amitié vraie, sincère. Il nous fait découvrir l'autre facette d'un homme que l'on connaît peu ou mal. Seul un proche de Blondin pouvait le comprendre et relater avec humour, clairvoyance, bonhommie, indulgence les avatars de cet écrivain pour qui l'amour du bon mot n'avait d'équivalent que l'amitié.


Yvan AUDOUARD : Monsieur Jadis est de retour. Une biographie d'Antoine Blondin. Editions Fixot/La Table Ronde. Parution Novembre 1993. 206 pages.

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27 février 2014 4 27 /02 /février /2014 08:52

Et vingt ans, c'est le bel âge, tout le monde vous le dira !

 

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Et pour le prouver, Viviane Hamy a décidé de mettre les petits plats dans les grands, ou inversement car à compter du 1er mars 2014, jusqu'au 30 janvier 2015, trente cinq romans, oui j'écris bien 35, seront proposé à un petit prix : 8,90€. Je pense que cela réjouira tous les lecteurs qui sont passés à côté de ces livres lors de leur parution et qui pourront s'adonner à leur plaisir sans aucun complexe financier.

La collection Chemins Nocturnes, crée en 1994 a accueilli en son sein des auteurs devenus culte. Fred Vargas par exemple qui, après un bref passage au Masque pour Les jeux de l'amour et de la mort en 1986 puis chez Hermé avec L'homme aux cercles bleus en 1991, entamait une carrière époustouflante avec Ceux qui vont mourir te saluent. Un manuscrit qui trainait dans ses tiroirs, Fred Vargas étant découragée par les refus des éditeurs. Viviane Hamy lui a tendu la main, et vous connaissez la suite. Mais ce que vous ne connaissez peut-être pas, c'est qu'à peu près en même temps Viviane Hamy recevait coup sur coup trois manuscrits d'auteurs, tous féminins, de la part d'Estelle Monbrun, Meurtre chez Tante Léonie, Un été pourri de Maud Tabachnik puis Baka de Dominique Sylvain. Un quarté gagnant !

Il me revient à l'esprit une anecdote à ce propos. Lors des 24 heures du livres du Mans, Viviane Hamy tenait son stand accompagnée de Maud Tabachnik notamment. Et elle avait eu cette réflexion : Moi qui n'avais publié que des auteurs féminins, Fred Vargas, Maud Tabachnik et Estelle Monbrun, j'étais contente de recevoir enfin un manuscrit émanant d'un auteur masculin. Mais quelle ne fut pas ma déception en apprenant que ce nouveau romancier était en réalité une femme. Il s'agissait de Dominique Sylvain. Et depuis, Dominique Sylvain a largement contribué au succès de cette collection dont certains de ses romans ont été adaptés à la télévision et que vous pour voir actuellement avec dans le rôle de Lola Jost Muriel Robin.

D'autres romanciers en devenir se sont bousculés au portillon, le billet d'entré n'étant accordé qu'à des manuscrits de qualité. Savoir si on aime ou pas relève de l'appréciation personnelle. Plus inhabituel mais courageux de la part de l'éditrice, ne furent publiés que des romanciers français ! Ce qui ne veut pas dire que ces romans se ressemblaient, au contraire ils offraient une grande diversité dans le choix des thèmes, dans l'écriture, dans l'appréhension des intrigues...

Depuis certains de ces auteurs se sont fait un nom, devenant la référence de qualité de la collection Chemins Nocturnes, restant fidèles à Viviane Hamy ou partant vers d'autres cieux littéraires avec succès. Quelques-uns n'ont connu qu'un bref passage, pour des raisons diverses, mais les écrits restent et méritent d'être signalés.

Parmi tous ces auteurs qui continuent leur carrière ailleurs mais qui doivent à Viviane Hamy le coup de pied au cul nécessaire pour avancer : Maud Tabachnik, Philippe Bouin, et les sœurs Liliane et Laurence Korb, qui avaient déjà à leur actif des romans écrits en solo ou sous le nom de Liliane Korb et Laurence Lefèvre, principalement pour des collections juvéniles. Mais Sang dessus dessous en 1999 les a véritablement révélées au grand public qui les a redécouvertes quatre ans plus tard sous le pseudonyme de Claude Izner.

Et parmi les fidèles des fidèles figurent Fred Vargas et Dominique Sylvain.

 

Je vous propose donc la liste des 35 romans qui seront vendus au prix anniversaire de 8,90€ du 1er mars 2014 au 30 janvier 2015 avec par ordre d'apparition :

 

Philippe Bouin: Les Croix de paille; La Peste blonde; Implacables vendanges; Les Sorciers de la Dombes.

Sandrine Cabut & Paul Loubière : Contre-addiction; Contre-Attac.

Laurence Démonio: Une sorte d'ange.

Colette Lovinger-Richard: 37e parallèle; Crimes dans la cité impériale; Crimes de sang à Marat-sur-Oise; Crimes en Karesme; Crimes en série; Crimes et trahisons; Crimes et faux-semblants.

Jean-Pierre Maurel: Malaver à l'hôtel; Malaver s'en mêle.

Estelle Monbrun: Meurtre à Isla Negra; Meurtre chez Colette; Meurtre chez Tante Léonie.

Dominique Sylvain: Baka; L'Absence de l'ogre; La Nuit de Géronimo; Manta Corridor; Passage du désir; Strad; Sœurs de sang; Techno Bobo; Vox.

Maud Tabachnik: Gémeaux; La Mort quelque part; L'Etoile du temple; Le Festin de l'araignée; Un été pourri.

Eric Valz: Cargo.

Antonin Varenne: Fakirs.

Vous pourrez trouver dans les jours et les semaines qui suivent quelques chroniques qui furent effectuées lors de leur parution initiales, ou écrites pour cette occasion. Les chroniques seront signalées en gras, en italiques et soulignées. Et n'oubliez pas :

La lecture est un plaisir solitaire qui se partage !

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26 février 2014 3 26 /02 /février /2014 13:14

Un ouvrage sympathique dans lequel Gilbert Gallerne nous apprend comment devenir écrivain.

 

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Comme le rappelle si justement l'auteur, la peinture et la musique sont enseignées de plus en plus couramment, soit à l'école, soit par des méthodes appropriées vendues par correspondance ou des ouvrages disponibles en librairies. Or le métier d'écrivain est considéré comme un don que l'on ne peut que développer soi-même, sans apprentissage venu de l'extérieur.

Certes, comme pour la peinture ou la musique, il faut posséder un minimum de talent, un don inné, mais ce talent, ce don ne peuvent s'exprimer, à de rares occasions près, que s'ils sont encouragés, épanouis par une formation simple mais rigoureuse.

Gilbert Gallerne nous dévoile ses petits secrets, indispensables pour qui veut véritablement réussir, sur la présentation, sur la documentation, sur ce qu'il appelle les secrets des professionnels.

Il nous distille, souvent avec humour, ses conseils pour la construction du récit, dans la rédaction des dialogues, du style à employer, de la mise en place des personnages, du suspense et de l'intrigue. En un mot la technique.

Vers quel genre de récit se tourner afin d'écrire dans le domaine qui convient le mieux, comment une fois le livre ébauché se comporter en écrivain professionnel même si l'on n'a pas décidé d'en faire son véritable métier, comment vendre son manuscrit enfin terminé auprès d'un éditeur, souvent réticent à la publication d'un ouvrage provenant d'un inconnu, savoir frapper à la bonne porte, et ne pas se soumettre, parce que l'on est fier de son produit, à n'importe quel contrat, autant de petits trucs et astuces primordiaux.

Gilbert Gallerne s'appuie sur des exemples concrets, provenant de son expérience personnelle, et cela ne manque pas de saveur. Après, si vous êtes toujours partant, vous pourrez tenter l'aventure en déjouant les pièges qui se dresseront devant vous. Mais ce qu'il faut avant tout, et qu'aucun manuel ne pourra vous enseigner si bien documenté soit-il, c'est de posséder la foi, celle qui vous ferait déplacer des montagnes, parcourir des déserts, traverser l'Atlantique à la nage.


Cet ouvrage peut être commandé sur le site des  éditions Encrage.


Gilbert GALLERNE : Je suis un écrivain. Sous-titré Guide de l'auteur professionnel. Collection Travaux Bis. Editions Encrage. Parution mai 1998. 164 pages. 10,00€.

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25 février 2014 2 25 /02 /février /2014 09:28

A ne pas confondre avec Le Mort descend ou Le Sort dément...

 

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Vernais, paisible station balnéaire, sur laquelle brille implacablement le soleil estival... Mais en grattant bien la couche superficielle, il s'avère que le côté débonnaire n'est que de façade, vanté pour des fins touristiques. Ainsi que fait le cadavre d'un homme dans une piscine hors sol posée sur la pelouse en attendant l'installation d'un véritable aquarium pour humains ? Margot Farges la sirène déçue par un mariage où elle pensait trouver uniquement calme et prospérité est en colère. Elle vient d'apprendre que son mari diffère d'une journée sa rentrée au bercail.

Théoriquement il est en déplacement pour son travail, mais elle sait qu'il en profite pour planter ailleurs son couteau qui lui sert à découper le contrat de mariage. De toute façon elle s'en moque, du moment que sa carte de crédit est approvisionnée, il peut faire ce qu'il veut. Elle lui reproche surtout son manque de franchise. Alors pour calmer sa mauvaise humeur légitime, elle décide de prendre un bain dans le jardin et c'est ainsi qu'elle trouve au pied de l'échelle amovible, une paire de chaussure et des vêtements. Et un corps qui flotte sur le ventre. Suicide ? C'est à Garcia, le médecin légiste d'en décider. Les policiers ont été prévenus par un appel téléphonique anonyme et le lieutenant Stanislas Delorme, Stan pour les intimes dont bientôt fera partie Margot, est sur place lorsqu'elle reprend ses esprits.

Stan est un inspecteur consciencieux, apprécié de son supérieur le commissaire Vignes, et lorsqu'il rentre chez lui, il est accueilli avec une joie exubérante par Lucky, un Westie blanc qu'il a adopté. Il distribue les câlins comme si c'était un gamin. On pourrait penser que tout va bien pour Stan, seulement son père qui vit en dehors de la ville est bloqué dans un fauteuil roulant, suite à un accident vasculaire cérébral, ce qui ne l'empêche pas de se rouler un petit joint de temps à autre, reliquat de sa période hippie. Un défaut qu'il pense ignoré de son fils.

Félicien Faderne est atteint de troubles obsessionnels compulsifs, et il lui faut vérifier à plusieurs reprises si tout est bien rangé, les fenêtres closes et les robinets fermés. Maniaque il néglige toutefois sa vêture. Du moment que sa clé USB soit bien entreposée dans la poche intérieure de son blouson, peu lui importe la façon dont il s'habille. Une clé précieuse, car Félicien travaille toute la journée sur un écran manipulant des chiffres. Et à trente ans il a l'avenir devant lui. Il travaille pour un centre de recherches. Et quelques balles qui sifflent à ses oreilles en sortant ce jour là de chez lui. Une voiture qui vrombit, une voix qui l'interpelle, il n'a pas le temps de réfléchir et le voici à bord d'un véhicule conduit par une jeune femme qui n'a pas froid aux yeux. Devant l'attitude autoritaire d'Anne, c'est ainsi qu'elle se présente, il se demande si elle l'a sauvé des envies meurtrières de personnages vindicatifs, ou si elle l'a enlevé pour des raisons qui restent à déterminer. Il doit jeter son téléphone portable par la fenêtre de la voiture, quant à son ordinateur portable elle ira le récupérer. Du moins elle le promet car il se sent tout nu sans son micro qui est un prolongement de lui-même. Et elle s'entretient régulièrement par téléphone avec un certain Horb.

Walter, qui travaille pour une agence en écrivant des articles pour des catalogues, mais rêve de devenir romancier, est contacté par son jeune frère Stephan, avec lequel il communique rarement. Stéphan lui apprend que leur père a été retrouvé. Il s'était échappé d'un hôpital où il était interné depuis des mois. Quant à leur mère, elle a disparu douze ans auparavant, sans plus jamais donner de nouvelles, et Stéphan a eu beau effectuer des recherches et alerter le commissariat, elle est toujours dans la nature. Quant à Irène, l'ancienne petite amie de Walter, elle refait surface, sans crier gare et il semblerait qu'elle soit totalement paumée.

Un nouveau meurtre est découvert, et le corps pourrait être celui d'un Russe car il possède des tatouages, des inscriptions en cyrillique.

Un homme tout nu brandissant une pioche (peu après ce sera une bêche, comme quoi on ne peut pas se fier aux témoignages) a été arrêté en pleine rue. Il est interné d'office pour démence, mais en pénétrant dans le jardin puis dans la maison, Stan et les policiers qui l'accompagnent sont stupéfaits par ce qu'ils voient. Un véritable dépotoir, pire qu'une décharge, et à l'intérieur, des cadavres. D'autres corps seront retrouvés peu après en déblayant les ordures, mais ils ont en commun d'avoir le visage scarifier, comme si quelqu'un s'était amusé à le remodeler.

 

Ces événements, en apparence disparates et sans rapport entre eux vont bientôt se réunir pour former un tableau à la Jérôme Bosch, des pièces de puzzle qui vont s'emboiter inexorablement.

Tous les protagonistes de ce roman possèdent une coupure, une fêlure, une fissure, une fracture mentale ou physique, et personne n'est épargné par le sort qui s'acharne inéluctablement sur leur intégrité. Même ceux qui ne font qu'une apparition furtive ont droit à un petit portrait, soit de leur aspect vestimentaire, de leur déchéance, de leur passé. Ainsi cette dame qui arbore des tee-shirts avec des phrases en forme de contrepèteries du genre : Pensez le changement au lieu de changer le pansement. Et sous forme de bande-sons, des nombreuses références discographiques ponctuent le récit, tout comme celles qui sont littéraires. Anne est aussi appelée Zatte, car Ouarzazate et mourir, titre d'un roman d'Hervé Prudon dans la série du Poulpe.

Certaines scènes, certaines extrapolations dans le déroulement du récit viennent parfois interférer, mais cela apporte un petit piquant tout comme quelques feuilles de persil ou deux trois brins de ciboulettes disposés élégamment donnent une touche de couleur à un plat de crudités sans le dénaturer.


Gilles VIDAL : Le sang des morts. Collection Zone d'Ombres. Editions Asgard. Parution 22 janvier 2014. 380 pages. 19,00€.

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24 février 2014 1 24 /02 /février /2014 13:38

Pour un drôle de Carnaval...

 

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La valeur n'attend pas le nombre des années et en cet après-midi d'hiver 1900, le jeune Michael Lanyard ne pensait certes pas que cette déclaration du Cid de Corneille allait s'appliquer dans un sens financier. C'est un habitué des salles des ventes et il est reconnu, malgré son jeune âge, pour être un spécialiste et un collectionneur averti. S'il feuillette distraitement le catalogue de vente, il n'en est pas moins attentif aux entrées des visiteurs, dont un individu à la mise distinguée, probablement riche et imbu de sa personne, dont le visage trahi une origine asiatique mais donne une impression d'ensemble que Lanyard juge maléfique.

Deux jeunes femmes font leur apparition. S'il connait la première de vue, l'autre lui est totalement inconnue. Grâce à un brocanteur bavard Lanyard apprend que cette inconnue se nomme Sofia Vassilievski, dite la Beauté russe, qu'elle est mariée mais séparée de Victor Vassilievski, prince russe ayant des origines maternelles mandchoues. Et Lanyard assiste amusé à une véritable passe d'arme entre le Russe et Sofia qui consiste à faire monter les enchères afin d'acquérir un tableau attribué à Corot. Pris par l'ambiance et un peu intrigué par ces enchères qui atteignent une somme conséquente, Lanyard a le dernier mot et remporte le tableau.

Cette peinture attribuée à Corot mais qui ne s'avère être qu'un faux, ce qui n'échappe pas à la sagacité du Loup Solitaire, les lecteurs qui ont lu les précédentes aventures de notre héros l'avaient deviné, mais un faux intéressant car sous la toile sont cachées des lettres qui si Victor Vassilievski les avaient eues en sa possession auraient porter préjudice à son épouse dont il est séparé. S'ensuit un véritable vaudeville mélodramatique entre Lanyard, Sofia et Victor dont l'enjeu n'est autre que les missives.

Vingt ans plus tard, à Londres, dans le quartier français de Soho, une jeune fille prénommée Sofia s'ennuie derrière la caisse du Café des Exilés. Elle a été élevée par Maman Thérèse et Papa Dupont, mais elle ne les apprécie guère. Elle voudrait bien ressentir de l'affection pour eux, mais elle ne le peut pas et se considère un peu comme la Cendrillon du couple. Elle regarde les passants qui déambulent dans la rue, lorgne les clients attablés, et elle rêve à une autre vie, plus passionnante et moins stricte. Elle a remarqué un habitué, mais fait-il vraiment attention à elle. Il se nomme Karslake, elle l'apprend en écoutant les conversations qui s'échangent, grâce à un phénomène d'acoustique qui conduit les bruits des conversations jusqu'à elle. D'autres personnes viennent dans ce café, discutant avec Karslake, dont un homme qui pose sur elle un regard étonné et inquisiteur. Malgré l'interdiction qui lui est faite par Maman Thérèse, elle parvient parfois à lire le journal. Or ce jour là, elle tombe en arrêt devant une petite annonce dont le contenu lui remue l'esprit et le cœur. Cette annonce est ainsi rédigée:

Si Michael Lanyard veut se présenter en personne, il aura des nouvelles de sa fille Sofia. S'adresser à Secretan & Sypher, Sollicitors...

Or au courrier elle repère une lettre à l'entête du cabinet mais plus prompte Maman Thérèse la lui arrache des mains. Lorsque Maman Thérèse rejoint Papa Dupont dans leurs appartements, Sofia les suit à pas de loup et elle entend Papa Dupont lire à haute voix la missive. Et ce qu'elle apprend alors la met hors de ses gonds. Elle s'enfuit, prenant au passage une poignée d'argent dans la caisse et est arrêtée par la main de Papa Dupont juste au moment de franchir l'huis. Karslake s'interpose et l'entraîne jusqu'à une voiture, une Rolls ! et lui apprend qu'il la conduit chez son père. Arrivés devant une riche et belle demeure - le rêve de Sofia va-t-il se réaliser ? elle est présentée à un homme qui affirme être son géniteur. Il se nomme Victor et prétend s'être appelé, dans une autre vie Lanyard.

De nouveau Lanyard et Victor Vassilevski vont s'affronter, l'un cherchant à récupérer sa fille saine et sauve, l'autre désirant exercer une vengeance qui le taraude depuis des années.

On assiste à la confrontation entre le Bien, personnifié par Michael Lanyard alias Le Loup Solitaire même si celui-ci traîne avec lui une réputation de gentleman-voleur et est devenu un agent des Services Secrets Britanniques, et le Mal incarné par Victor Vassilevski dont les origines sino-russes ne plaident pas en sa faveur. En effet en cette période qui se situe juste après la Première Guerre Mondiale, les préjugés envers les Bolchéviques et les Asiatiques sont très prégnants et les romanciers se délectent de ce mal Jaune qui veut étendre son emprise sur le monde. On ne peut s'empêcher de penser aux romans de Sax Rohmer et à sa créature Fu-Manchu.

En effet Victor est le maître d'œuvre d'une organisation qui veut étendre son influence maléfique sur le monde et l'Angleterre est choisie comme première victime expiatoire. Les multiples scènes d'action, riches en rebondissements, sont mouvementées, périlleuses, propres à alimenter l'imaginaire du lecteur qui ne demande qu'à vibrer. Vivement la suite...

De Louis-Joseph Vance lire également Le Loup Solitaire et Faux visages.

 

 

Louis-Joseph VANCE : Masques rouges, Le Loup Solitaire N° 3 (Red Masquerade - 1921. Traduction de Théo Varlet et Louis Postif révisée par Jean-Daniel Brèque). Première édition Le Masque 1931. Collection Baskerville N° 17. Editions Rivière Blanche. Janvier 2014. 244 pages. 17,00€.

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23 février 2014 7 23 /02 /février /2014 10:36

Les Mousquetaires au royaume de la Finance !

 

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Comment réussir un livre jubilatoire en utilisant de vieilles recettes littéraires ? C’est ce que de nombreux auteurs ont effectué en empruntant, avec plus ou moins de bonheur, les aventures de Julien Sorel ou d’Edmond Dantès par exemple, et en les assaisonnant à leur propre sauce, ajoutant ou se débarrassant des ingrédients secondaires composant le plat initial. C’est le pari lancé, et gagné, par Gérard Delteil qui effectue un recyclage de protagonistes créés au XIXème siècle en les intégrant dans un ouvrage résolument ancré dans le XXIème. Je ne vous délivre pas encore le nom du roman que Gérard Delteil s’est amusé à pasticher, vous laissant le soin de découvrir son titre et son auteur au fur et à mesure de la lecture de cette chronique, ce qui ne devrait pas être d’une difficulté insurmontable.

Daniel Batz, originaire de Tarbes et informaticien de haut niveau, est recommandé par son oncle auprès d’une société sous-traitante de la société Geodhia, multinationale dont une antenne de Bangalore a mis au point un logiciel sophistiqué de spéculation boursière. Il est accueilli par Fréville et ses hommes Delafère, Tommy et Chamberlain. Delafère dont le nom de code est Tosha et ses compagnons, Tommy personnage imposant qui aime fréquenter les tripots, et Chamberlain, ancien séminariste qui avoue sans complexe son homosexualité, prennent en charge le nouveau venu en le chambrant parfois.

Batz loge dans un petit studio loué par les Constant, un couple de façade. Et la jeune madame Delphine Constant se laisse séduire par le jeune homme. Elle est la secrétaire particulière de Anne Leroy-Murcia, directrice ainsi que son mari René-Louis Leroy de Gheodia. Si Anne Leroy-Murcia possède ses alliés et défenseurs en Fréville et ses hommes, René-Louis et surtout Duplessis, son conseiller et représentant d’un fond de pension américain en France sont secondés par Crochemore et ses séides, et une jeune femme mystérieuse qui selon les missions qui lui sont confiées se fait appeler Faye Turner ou Lana Dunaway.

Spéculator, le logiciel révolutionnaire ne peut fonctionner qu’avec une clé USB, qui n’existe qu’en un seul exemplaire et comportant une puce avec des codes qui ne sont pas déchiffrables par le premier venu. Or Anne remet à son amant Vorchilov cette clé, cachée dans un pendentif, reproduction d’un bijou du XVIème siècle. Vorchilov est un oligarque russe qui ayant déplu à Poutine s’est exilé en Europe et vit le plus souvent à Londres. Vorchilov se fait dérober la clé par Faye Turner, mais Anne grâce à Batz et consorts peut présenter une fausse clé USB lors du comité exécutif auquel participe Duplessis et consorts.

Ensuite une grève dans une usine sous traitante de Gheodia qui doit être délocalisée, perturbe les dirigeants de la multinationale et Batz et ses compagnons sont obligés d’aller récupérer sur place, c’est-à-dire près de Rennes, des disques durs sur lesquels la comptabilité de la société pourrait mettre à mal cette évasion à l’étranger, en compagnie de Crochemore et ses hommes. L’affaire se complique avec l’assassinat de madame Constant.

Vous aurez bien entendu reconnu une parodie des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, et Gérard Delteil ne s’en cache pas. Les noms des protagonistes, ou leur physique, sont transparents et l’on rencontre au détour d’une page un certain Maquet, nègre ou collaborateur attitré de Dumas. D’ailleurs l’auteur s’en explique dans sa postface, nous livrant sa propre version de la lecture des Trois mousquetaires, et son analyse de ce roman universellement connu.

Et il est vrai qu’il apporte une autre vision sur ce roman et si l’on réfléchit bien, il a tout à fait raison avec son exposé critique recevable même si les personnages des Trois mousquetaires continuent de susciter l’engouement. Gérard Delteil n’a pas effectué un copier-coller et s’il emprunte personnages et situations, en les transposant à notre époque, il réalise un tour de force, car au fur et à mesure de la lecture on oublie l’aspect dumasien pour se plonger dans un roman novateur. Une ressemblance qui s’estompe devant les événements décrits et les sujets traités. Un roman digne de figurer auprès des grands classiques déjà évoqués. Et qui s’offusqua de l’adaptation d’Orphée aux Enfers par Marcel Camus dans son film Orfeu Negro ?


Gérard DELTEIL : Spéculator. Editions de l’Archipel. Parution Mai 2010. 400 pages. 21,30€. Existe au format Kindle à 14,99€.

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22 février 2014 6 22 /02 /février /2014 10:33

Entrez dans la réalité virtuelle des jeux de rôle vidéos !

 

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L'addiction aux jeux vidéos peut se révéler mortelle. C'est l'amère constatation de la mère de Narusé peut effectuer en entendant son gamin, qui s'est enfermé dans sa chambre, crier puis s'effondrer devant son écran d'ordinateur. Elle est même obligée d'appeler les pompiers car une forte odeur d'essence et une chaleur de fournaise règnent dans la pièce dans laquelle pourtant aucune flamme n'est visible.

Narusé s'était affublé du surnom de Bakounine, tandis que ses compagnons de jeu avaient pris pour alias Lennon et autres références artistiques ou politiques. Pourtant il était conseillé par Wamelin mais après être arrivé au niveau 8 et obtenu la bienvenue à Island, Narusé s'était pris les pieds et les neurones dans la toile déployée par un adversaire plus fort que lui. Il n'est pas mort mais est devenu un légume.

Dans la banlieue lyonnaise, Renzo Sensini, inspecteur d'Interpol, est mis sur la sellette par quatre hommes qui dépendent des Services de Sécurité français et étranger. En cause son rapport sur Complex, une organisation transnationale secrète contrôlant une partie des activités économiques de la planète et dont l'influence serait à l'origine de décisions politiques. Selon eux, ce rapport serait à oublier et Sensini devrait passer à autre chose. Afin de mieux enfoncer le clou, l'un d'eux affirme : Parfois certaines situations nous semblent étrangement familières. Cela vous est sans doute déjà arrivé, monsieur Sensini. Un peu comme si on les avait vécues. En rêve, ou ailleurs. Il poursuit ainsi : Parfois, c'est le contraire. On croit vivre une situation que l'on n'a jamais vécue. Ni en rêve, ni ailleurs. Sensini préfère jeter l'éponge, reprendre sa liberté. Et il passe une soirée au restaurant en compagnie de Roman Dragulescu, son adjoint et ami, et Iva dont c'est l'anniversaire. Un repas de fête pour sceller en même temps sa démission. Il voulait inviter également Iva à partir en voyage à Rome, mais Iva a trouvé un nouveau petit ami. De toute façon, c'est définitivement fini entre eux deux, lorsque la jeune femme veut démarrer sa voiture, celle-ci explose. Sensini se demande si elle était personnellement visée ou si c'était lui qui était dans le collimateur d'un individu ou un organisme peu scrupuleux.

Sur une île perdue entre ici et ailleurs, les hommes de l'organisation Complex ont une épine dans le pied, épine nommée Sensini. What, When, Wich, Why, Who, Where et consorts envisagent de le supprimer purement et simplement et ils pensent à Chitchine, leur homme de main, pour exécuter ce contrat. Mais un autre problème accapare l'attention de What et ses compagnons. Le système de protection de Complex a connu depuis quelques semaines des intrusions. Des jeunes gens, jouant à un jeu vidéo élaboré par des inconnus, qui n'est pas encore sur la marché et nommé Island, parviennent à forcer les barrages, avalant les niveaux malgré les difficultés.

Dans la banlieue de Richmond, en Virginie, Tracy Mercy est dérangée pendant son petit déjeuner, alors que son père, Morton, qu'elle déteste, est encore au lit en train de batifoler avec une nouvelle amie, une jeunette comme d'habitude. Tracy est une mordue de jeu de rôle et elle a emprunté comme pseudo RosaLux. La lettre qu'elle vient de recevoir contient un carton d'invitation, tout ce qu'il y a de plus officiel. Et le timbre, qui orne l'enveloppe, ne comporte aucune mention de valeur ni d'oblitération et représente une île bleue avec une inscription Island. Un certain Wamelin prie Tracy à se rendre près de la voie C24 de la gare de Richmond. Tracy s'y rend à l'heure indiquée et découvre un endroit vide où seul un employé bizarre trifouille un lustre afin de changer une ampoule. Tout est baroque d'ailleurs et elle doit pousser une porte qui indique réservée uniquement aux visiteurs. On se croirait dans la gare qui emmène Harry Potter à Poudlard. Effectivement un jeune homme l'attend, Wamelin, qui joue de l'harmonica.

Sensini essaie de joindre son ami Léo mais celui-ci ne répond pas. Alors il se rend dans l'Aubrac en compagnie de Roman, mais l'intérieur de la maison de Léo a été dévasté. Comme si une tornade était passée par là. Mais de Léo, point. Obligé de rentrer à Lyon, Roman est assis en face d'un homme qui lui offre un café alors qu'il n'en boit jamais. Il saura que cet individu n'est autre que Le Loup, un ennemi de Sensini, à cause d'une histoire qui remonte à plus de vingt ans.

 

Cette histoire oscille entre Alice au pays des Merveilles, Hamelin le joueur de flûte, La Tempête de Shakespeare et autres références littéraires, et s'articule comme un jeu vidéo à plusieurs niveaux et des participants à distance. Je ne connais pas trop ce système, les plus jeunes s'y retrouveront. Mais l'accent est porté sur l'identification entre le joueur et le personnage virtuel qui évolue sur un écran, avec des effets visuels très réalistes. Celui qui joue peut être transporté dans un univers qu'il découvre, où il sent englouti, accaparé par l'action, les combats, l'univers ludique, les personnages à affronter plus ou moins malsains. Il est investi d'une mission qu'il doit à tout prix réaliser, comme si sa vie et celle de ses compagnons étaient en jeu. Le jeu dont vous êtes le héros.

Et la frontière entre virtuel et réalité est comme floutée, abolie dans ce roman. Le lecteur et les différents protagonistes évoluent au gré des aventures mouvementées de tous ces personnages. J'avoue que parfois j'ai décroché, navigant à vue, ne sachant plus dans quel univers j'étais plongé, n'arrivant plus à différencier le vrai du faux, le réel du virtuel. Et c'est en cela que le duo Denis Bretin et Laurent Bozon se montre machiavélique en imprimant une progression impitoyable dans leur récit, bousculant les codes, prenant le lecteur, non pas en otage ce mot utilisé à toutes les sauces n'ayant plus aucune signification, mais comme un spectateur obligé de monter sur scène parmi les artistes et de participer à une pièce de théâtre sans en connaître la trame et s'intégrer dans le jeu en fonction des acteurs d'une commedia dell'arte débridée.

Bretin & Bonzon, qui s'affirment les Boileau-Narcejac du suspense fantastique, n'oublient pas pour autant de placer ça et là des notes d'humour. Ainsi Tracy s'adresse à un voyageur affalé sur les banquettes d'un train qui l'emmenant à la gare de Richmond en ces termes : Le Seigneur a dit celui qui met ses pieds là où il met son cul, un jour il pisse dans ses chaussures. D'accord, elle ne s'exprime pas avec une politesse exquise, mais ce genre de réflexion serait de mise lorsque vous désirez vous asseoir et que la place est prise par des godillots boueux.

Savoureuse également cette définition du livre : Support de mémoire fixe énergétiquement inerte.


BRETIN & BONZON : Génération (complex 3). Editions du Masque. Parution le 5 février 2014. 398 pages. 20,00€.

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21 février 2014 5 21 /02 /février /2014 08:49

Histoires animalières

 

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En réalité, ce volume contient deux romans : La Reine des éléphants et La Vallée du désespoir, deux romans qui n'avaient pas été réédités pratiquement depuis leur parution initiale et c'est, une fois de plus, grâce aux recherches, à l'enthousiasme, à la passion pour la littérature populaire qui animaient Francis Lacassin que nous pouvons avoir accès à ces deux textes.

Deux textes qui illustrent parfaitement l'éclectisme littéraire dans lequel se complaisait Gustave Le Rouge, deux autres facettes de son talent de conteur étant mises en évidence dans le recueil intitulé La Dame noire des frontières.

Dans La Reine des éléphants, le personnage principal, la vedette, est un éléphant. Mais un éléphant un peu particulier  puisqu'il ne lui manque pratiquement que la parole. Sinon, il est intelligent, débrouillard, affectueux envers ses maîtres, rancunier envers ses ennemis, détective à ses heures et héros malgré lui. Disons qu'il se situe entre Kala-nag, l'éléphant mis en scène par Rudyard Kipling dans Le Livre de la Jungle et Poo Lorn l'éléphant de Reginald Campbell, deux livres qui ont fait les délices de notre enfance.

Gustave Le Rouge nous offre donc un roman teinté d'exotisme oriental et animalier, deux genres qui feront les beaux jours de bon nombre d'auteurs de la littérature populaire. Et s'il ne tape pas trop sur les représentants de la perfide Albion, comme il était d'usage à l'époque, il ne peut s'empêcher de jouer quelque peu au rôle de moralisateur, ce qui était en vogue aussi à l'époque.

Dans La Vallée du désespoir, l'intrigue, la trame du roman change de continent puisque nous nous retrouvons au Mexique. Mais l'Amérique du Nord et Centrale ainsi que les Indes ont également fasciné Gustave Le Rouge tout en lui permettant de se renouveler littérairement. La Vallée du désespoir se réclame de plusieurs genres, l'Aventure avec un grand A, l'épouvante, l'exotisme, le fantastique sans oublier le lyrisme et le sentimentalisme bon teint du la fin du XIXème siècle. Plus une connotation d'approche écologique, tout à fait d'actualité et dont la ruralité française et plus particulièrement les régions vouées à l'élevage des bovins et la production laitière, pourrait s'enorgueillir. Ce n'est pas le mot exact. Se flatter ? Se vanter ? Que nous pourrions connaître un jour en possédant des animaux comme ceux décrits dans ce roman. Oui, mais des vaches plus grosses que des mammouths, c'est bien joli, surtout en ce qui concerne le rendement laitier, mais attention aux quotas. Les fameux quotas ! Bah, allez, rêvons et laissons nous bercer par la prose de Gustave Le Rouge et ne réfléchissons pas trop. Contentons-nous de refermer le livre en disant : c'était une belle histoire !


Gustave LE ROUGE : La Reine des éléphants. Collection L'Aventure insensée, éditions 10/18 N° 1938. Parution Juillet 1988. 318 pages.

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20 février 2014 4 20 /02 /février /2014 15:19

De la teinture humaine...

 

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En ce mois d'avril 1918, les Allemands préparent une nouvelle offensive dans les environs de Robecq (Pas de Calais) et les Britanniques, surnommés les Tommies coiffés de leur plat à barbe, ne sont pas loin. Et pour Germain Baudoin, qui tient le Café de la Clarence, et sa famille, l'important réside dans la désaffection des clients. Pourtant il mène bien sa petite affaire avec sa femme Josiane. Leurs trois filles mettent du cœur à l'ouvrage en dansant avec les clients, d'ailleurs elles ont la réputation de ne pas être farouches. Seul le fils Henri traîne sa rancœur et sa jambe. Il a été amputé d'un membre et de plus il est borgne. Un don d'organe pour la patrie. Sa petite amie Marianne, qu'il fréquentait avant de partir pour l'armée l'a lâchement abandonné à son retour. Mais il y a pire que lui. Par exemple Gilbert Durieux qui est défiguré et est devenu une Gueule cassée. Il ne sort plus que le soir, habillé en militaire avec à la main un fusil muni d'une baïonnette.

Les habitants de Robecq, même s'ils ne le disent pas tout haut, sont sceptiques quant à l'honnêteté de l'ascension financière de Germain Baudoin. Avant 1913, il vivait dans une masure, puis il a hérité d'une maison qui auraient devait revenir théoriquement en héritage aux Durieux puis il est maintenant quasi propriétaire du café.

C'est la mort d'Alexandre Trinclot qui a tout déclenché.

Robecq.jpgAlexandre était ingénieur dans une usine d'alliage de métaux à Isbergues et était en possession d'une formule révolutionnaire convoitée par les futurs belligérants. Germain Baudoin avait fait sa connaissance lors de parties de pêche et ils avaient sympathisés. Tant et si bien que Baudoin songeait à un mariage entre Alexandre et sa fille Emma qui à l'époque avait dix-huit ans. Seulement Alexandre a été retrouvé égorgé dans le Rimbert, petit ruisseau longeant le village de Robecq. L'eau était rouge d'où le surnom donné à ce ruisseau. Germain et sa famille se sont occupés de la veuve Trinclot, lui apportant la soupe, et héritant ainsi de sa maison. Un peu plus tard, Germain n'a eu qu'à traverser la rue pour suppléer Léone, la tenancière du bistrot local qui venait de perdre son mari, tué sur le front, et s'était enfermée dans sa chambre, se coupant du monde.

Cette ascension financière miraculeuse a bien étonné le voisinage, mais sans preuve, les rumeurs n'ont aucun fondement. Même si le policier Tibelle avait été dépêché sur place pour effectuer une enquête. Enquête avortée par la déclaration de guerre. Les années ont passé, et en ce mois d'avril 1918, les Allemands retranchés à Calonne sur la Lys pilonnent les environs de Robecq. Un détachement d'Anglais se présente dans la village afin d'évacuer les habitants. Germain a un dernier petit travail à effectuer et il repart à son auberge suivi par sa fille Emma.

John Gilmour, l'un des soldats britanniques sert d'interprète robecqtom0001.jpgpratiquant couramment le français. Il a été élevé et adopté par James Gilmour, un négociant qui lors d'un séjour en France avait recueilli une gamine, Marie, trempée de la tête aux pieds, tremblotante et murée dans un silence dû à un traumatisme. Selon l'aubergiste où le négociant a passé la nuit, Marie serait une gamine issue d'un orphelinat tenu par des religieuses qui pour ne pas s'encombrer de subtilités prénominales appelaient toutes leurs pensionnaires Marie et les plaçaient chez des bourgeois. Il semblerait donc que Marie avait été confiée à un riche bourgeois des environs, Clovis Dhalène, dont la réputation n'est pas fraîche, soupçonné d'abuser de ses servantes. D'ailleurs Marie était enceinte et a accouché de John. Mais Clovis Dhalène traine derrière lui une autre casserole. Il s'est marié avec une jeune femme, c'est son droit, mais qui est allemande, et ça en temps de guerre avec les Germains, cela passe mal.

John qui connait l'histoire par son père adoptif, n'a de cesse lorsqu'il apprend que Dhalène vit non loin, de vouloir venger sa mère.

Un nouveau cadavre va être découvert dans le Rimbert et une fois de plus le ruisseau va justifier son surnom.

 

robecq2.jpgLe ruisseau rougeemprunte à la littérature populaire dans son acception pleine et entière et dans ce qui a fait son succès, les ingrédients nécessaires à entretenir en haleine le lecteur. Patrick S. Vast amalgame avec bonheur dans son histoire les éléments du roman policier, d'espionnage, de guerre, d'aventure, de mystère et de suspense dans un mélange détonnant et détonant. Les personnages défilent devant nos yeux, font une apparition plus ou moins prolongée, vivent ou meurent, s'effacent et pour certains réapparaître, entretenant une intrigue foisonnante.

Si les moments de détente sont rares, et peu en profitent sauf Emma toujours à l'affut d'un mâle, ce sont surtout la trahison, la déception, les jalousies, les suspicions, les petites lâchetés, les adversités, les épreuves auxquelles sont confrontés tous ces protagonistes qui sont mis en relief. Outre Henri qui se promène avec ses béquilles et son œil manquant en bandeau, outre Gilbert à la face ravagée qui n'ose plus sortir que le soir, toujours habillé en militaire et tenant son flingot comme un trophée, l'inspecteur Tibelle est lui aussi un rescapé des tranchées. Il lui manque une main, a des trous de mémoires, des crises d'épilepsie dues aux fragments d'obus fichés dans son crâne. Pourtant il veut mener la nouvelle enquête qui lui est confiée, ce nouveau meurtre qui a rougi les eaux du Rimbert, malgré ses problèmes en faisant face à l'adversité avec courage.

Un roman passionnant, poignant souvent, mettant en relief la vie au quotidien des habitants confrontés à une guerre qu'ils savaient inéluctable. Une leçon d'histoire et de courage, mettant en relief la petitesse de certaines personnes face aux épreuves, aux calamités, aux drames.


Patrick-S. VAST : Le ruisseau rouge. Pôle Nord éditions. Collection 14/18 N°2. Parution 22 janvier 2014. 266 pages. 9,90€.

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19 février 2014 3 19 /02 /février /2014 15:39

Les débuts du roman d'espionnage.

 

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Gustave Le Rouge, c'est le créateur de Todd Marvel le détective millionnaire, paru dans la même collection, mais c'est aussi, sinon le créateur l'un des précurseurs du roman d'espionnage et de son héroïne, l'espionne fatale.

La Dame noire des frontières est en tout point un roman remarquable tant par sa construction que par sa prescience. En effet dans ce roman écrit en 1914 au début de la Première Guerre Mondiale, puis publié en volume chez Tallandier en 1923, Gustave Le Rouge va mettre en scène le personnage de la femme fatale, de la belle espionne qui essaie de circonvenir par tous les moyens le militaire intègre afin de s'approprier des plans secrets, ce qui nous amène à penser tout de suite à Mata-Hari, de fameuse mémoire et qui sera fusillée en 1917, année où paraît un autre roman d'espionnage de Gustave Le Rouge : L'espionne de la marine. De plus il met en avant le rôle prépondérant que jouera l'aviation dans l'obtention de la victoire.

Gustave Le Rouge, ne pouvant participer aux combats à cause de son âge, en 1914 il avait quarante-sept ans, exhortera par l'écrit ceux qui partent pour le front, dans un style peut-être un peu pompeux pour notre époque, mais qui sûrement trouvait une résonance dans le cœur des patriotes de cette époque. Ainsi page 77 il fait cette déclaration par personnage interposé : Est-ce qu'un Français peut laisser impunément insulter la France ? Non, n'est-ce pas. Et le lecteur ressent toute l'indignation qui anime et étreint l'auteur de ces paroles.

De même page 164, on peut dire qu'il ne s'embarrasse guère de diplomatie et ne fait pas dans la dentelle en décrivant l'un des protagonistes de l'histoire : Il offrait le type de l'Allemand Classique. C'était un personnage ventru et congestionné, au nez en pomme de terre, et dont les yeux bordés de vermillon et protégés par de vastes bésicles de verre fumé avaient quelque chose d'inquiétant. Les lèvres lippues et trop rouges donnaient à l'ensemble de cette physionomie un étonnant aspect de bestialité. Le mordant de la plume valaient bien les baïonnettes des Pioupious, tout au moins dans l'intention.

Dans le même volume un court roman, Amour d'esclave, texte teinté d'exotisme, mais un exotisme brutal, violent, bien loin des textes des romantiques. Une description plus que réaliste des bas-fonds de la Nouvelle-Orléans et de ses bouges ainsi que des amours vénales et ancillaires.

La découverte d'une production littéraire méconnue d'un auteur prolifique et protéiforme dont on n'aura pas oublié Le Mystérieux Docteur Cornélius ou encore Le Prisonnier de la planète Mars.


Gustave LE ROUGE : La Dame noire des frontières. Collection L'Aventure insensée, éditions 10/18 N° 1937. Parution Juillet 1988. 288 pages.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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