Le printemps arrive, les jeunes pousses aussi !
Quoi de plus gratifiant pour un lycéen que de voir sa nouvelle sélectionnée, primée et éditée ! Ils étaient 280 élèves de seconde en 2013 et 415 en 2014, à participer à ce qui au départ n'était qu'un jeu.
Celui de pouvoir démontrer, quoiqu'on en dise ou pense, que les jeunes de notre époque savent réfléchir, assembler des mots, canaliser leurs pensées, rédiger un texte et proposer une nouvelle de qualité. Sans l'enjeu frustrant de la note scolaire mais celui de se confronter librement à une difficulté.
Les lauréats de ces deux dernières années peuvent être fiers, et leurs parents aussi de voir leurs textes publiés, non pas en catimini, mais chez un éditeur ayant pignon sur rue, œuvrant avec pugnacité pour la reconnaissance de la fiction populaire. Bien sûr Philippe Ward n'est pas tout seul dans cette entreprise qu'il finalise. Sans le salon Polar'Encontre de Bon Encontre (tout près d'Agen, je précise pour ceux qui auraient la flemme de rechercher sur une carte routière) et ses responsables successifs Pierre Séguélas et Nicolas Le Flahec sans oublier tous leurs bénévoles, sans le journal Sud-Ouest et sans le lycée Jean-Baptiste Baudre d'Agen, cette belle aventure n'aurait pu se dérouler.
La contrainte, il en faut bien une, résidait à placer dans une nouvelle liée à l'univers du polar, comportant au maximum 5000 signes, intégrer les mots plume(s) et noir(e)s.
Pour 2013, 15 récipiendaires et pour 2014, 24, ont donc le privilège de se voir mettre à l'honneur dans un recueil ayant pour marraine Ingrid Astier qui signe la préface, pour parrain Romain Slocombe, avec les décors de Nicoby qui a signé l'affiche pour 2014 et par la même occasion la couverture de cet objet.
Mais je parle, je discute, je devise, je bavarde, je déblatère, et les lauréats me direz-vous ! Attendez, j'y viens. Vous comprendrez aisément que je ne peux dépouiller ici le résultat issu de leurs cogitations. Toutefois, je vais vous résumer brièvement quelques textes piochés au hasard et essayer de vous en restituer l'ambiance, l'atmosphère, sans les dénaturer et en tentant de rester objectif, ce qui m'est d'autant plus facile que je n'en connais aucun.
Et pignochant par ci par là, comme on piocherait dans un plateau de petits fours légers comme une plume et enveloppés d'un papier noir et blanc, on se rend compte que ces jeunes de quinze à dix-sept ans démontrent une maturité étonnante, un attrait indéniable pour l'actualité, un intérêt ou un besoin d'extérioriser leurs sentiments et leur colère vis à vis de drames extérieurs à leur quotidien. Ils s'inspirent de faits de société, de faits-divers, de tensions familiales, et se montrent parfois loin des préoccupations d'adolescents, se mettant dans la peau de leurs personnages et puisant peut-être dans la vie familiale de condisciples ou d'un voisinage apparemment sans histoire.
Par exemple dans Moi, c'est Malik, de Yannis El Houari, le narrateur, vingt ans, est un nouvel habitant d'une cité de la Seine-Saint-Denis. Il fricote avec quelques garçons dont il fait la connaissance alors qu'ils stationnent dans le hall de l'immeuble en fumant des produits illicites. Ils l'invitent même à participer à une tournante. Il ne sait pas ce que cela signifie mais il accepte. C'est le début d'un engrenage infernal. Manon Brun dans Âmes blessées nous invite à découvrir Babu, treize ans et enfant-soldat, n'hésitant pas à citer Graham Greene. Une triste réalité qui se déplace d'un pays africain à un autre, à cause d'ethnies maltraitées et pourchassées. Solenn Lamarche, qui intitule son texte Le Père Noël est une ordure, se montre assez cynique alors que ce devrait être jour de fête.
Thomas Serreno avec Un si beau couple ! nous fait découvrir la double facette d'un couple. Trois extraits d'un journal intime. Dans les deux premières Caroline s'épanche, crachant sa rage de femme frustrée, danseuse de cabaret attirant les yeux, et plus si affinités qu'elle refuse, lasse d'être la poupée que son mari exhibe. Plus intimiste encore et plus psychologique est Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain de Mathilda Freytet. Jusqu'où peut aller une femme possessive, c'est ce que nous raconte cette jeune fille, en espérant que dans sa vie conjugale elle ne se comportera pas de la même manière. Et de même il faut souhaiter que l'histoire Innocence rouge, courte mais poignante, signée Louise Camberlein ne soit qu'une fiction. De même pour Speciosissime, carnem pascam d'Ambre Girondier, où alors, si elle m'invite un jour à déjeuner chez elle, on peut rêver, je déclinerai de peur de servir de cobaye gastronomique. Quant à L'amant, l'ami, le patriote, de Geoffrey Escuraing, tout se résume ou presque dans le titre, avec toutefois une façon de procéder pour éliminer son prochain presque légale. Nadia Rentchler dans Un jeu d'enfant ne nous incite vraiment pas à aller travailler dans une banque. Mark travaille dans une banque et même si ses états de service sont très satisfaisants, l'antagonisme qui l'oppose à son chef lui joue un mauvais tour. Il n'a jamais été primé comme meilleur employé du mois, et évidemment cette non reconnaissance de ses compétences influe sur son caractère et sa vie familiale. Mais ceci n'est qu'une fiction, une situation à laquelle jamais personne n'a été confrontée, vous en conviendrez avec moi.
Les textes que je vous ai présentés ne sont que le raccourci d'une palette intéressante, haute en couleurs, présentant le côté sombre de l'individu mais jouant parfois avec un humour, noir, mettant en scène des situations proches de nos préoccupations. Il serait difficile de tout décortiquer dans cette chronique, mais il serait aussi injuste de ne pas citer tous ces heureux lauréats, et peut-être parmi eux se nichent quelques futurs auteurs en devenir. Voici donc le sommaire sans oublier la préface d'Ingrid Astier.
PRIX « PLUMES NOIRES » 2013 :
Alice Basso : Elle est belle maintenant ta chemise...
Léa-Ana Bonidan : Une drôle de soirée
Manon Brun : Âmes blessées
Claire Dumur : Plume noire
Geoffrey Escuraing : L'amant, l'ami, le patriote
Bastien Fargues : Tuer pour revivre
Léna Farthouat : Réveil Mortel
Thomas Geay : La pauvre Huguette
Loïc Houradou : Le noir
Solenn Lamarche : Le Père Noël est une ordure
Romain Lemieux : C'est étrange...
Maël Narpon : Alone
Rémi Réchède : Je ne sais pas quelle heure il est...
Thomas Sereno : Un si beau couple !
Eloïse Varin : Le Miroir du passé
PRIX « PLUMES NOIRES » 2014
Maxime Alaarabiou : Le dévoreur de mondes
Louise Camberlein : Innocence rouge
Margot Coestier : Miroir
Mathis Descamps : Six pieds sous terre
Olivia Douzens : Colin
Yannis El Houari : Moi, c'est Malik...
Malorie Fargues : Happy Birthday
Manon Fournier : Cauchemar éphémère
Fiona Franchetto : Qui suis-je ?
Mathilda Freytet : Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain
Ambre Girondier : Speciosissime, carnem pascam
Eléa Jarrier : Les yeux pétrifiés
Alexis Lavallart : Sang dessus, dessous !
Astrid Loussert : Tu te souviens ? Tu n'étais plus là.
Clément Marlin : Le tireur d'élite
Samuel Mazzer : Le salon est vide et silencieux
Nadia Rentchler : Un jeu d'enfant
Paul Roulet : Un goût particulier
Marie Roux : Soirée surprise
Julie Sousa : J'étais essoufflée...
Alicia Ung : Un plafond blanc hôpital...
Adrien Welger : Noël en Famille
Coralyne Yvelin : Mortelle journée
Valentine Zaninetti : M.
Bonnes lectures car vous ne vous ennuierez pas en découvrant ces textes à la chute parfois inattendue.
Prix Plumes Noires de Bon Encontre 2013/2014. Recueil de nouvelles estudiantines et inédites publiées par Rivière Blanche. 144 pages. 10,00€.