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2 avril 2014 3 02 /04 /avril /2014 09:46

Bon anniversaire à Gilbert Gallerne né le 2 avril 1954 !

 

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Nathalie, impliquée malgré elle dans un scandale dans une clinique de Rouen, revient dans la petite ville de son enfance, à Vernon. Elle s’installe en tant que généraliste, reprenant le cabinet du docteur Baron, décédé lors d’une chute dans son escalier. Dans le même immeuble vit le docteur Mercadier, un psychiatre, collectionneur de poupées.

Gisèle est l’une des premières personnes que retrouve Nathalie. Une plongée de douze ans en arrière, lorsqu’elles étaient adolescentes. Gisèle, la souris grise qui n’a pas changé. Toujours aussi humble, effacée. Elle travaille chez les uns et les autres, effectuant des heures de ménage, et vit toujours avec sa mère, une femme despotique.

Béatrice habite elle aussi à Vernon et a réussi sa vie professionnelle. Elle a gommé sa trentaine de kilos superflus et aujourd’hui ses rondeurs frisent les mensurations idéales. Et comme les trois mousquetaires (qui n’étaient pas quatre comme tout le monde le sait puisque d’Artagnan n’était que garde du roi, aspirant mousquetaire) ce petit groupe d’adolescentes était complété avec Amélie qui a disparu sans laisser de traces depuis sept ou huit ans.

Elles s’étaient imaginé un univers bien à elle avec en point de crête une imaginaire Claudia, reflet d’elles-mêmes ou de ce qu’elles auraient souhaité être. Le retour au bercail de Nathalie semble gêner quelqu’un : une voix mystérieuse la menace la nuit, des appels téléphoniques de supposés patients la conduisent à l’autre bout de la ville pour rien, les pneus de son véhicule sont crevés. Une persécution qui atteint son apogée lorsqu’elle manque être écrasée par une voiture.

Les évènements prennent de l’ampleur et ce qui aurait pu n’être à l’origine que des blagues idiotes transforment rapidement la vie de Nathalie en cauchemar. Claudia se manifeste partout, en tout lieu, en toute période du jour et de la nuit. Claudia, qui selon le docteur Mercadier pourrait être la manifestation d’une entité créée par un inconscient collectif, devenue réelle et exerçant une forme de vengeance à l’encontre de celles qui l’avait inventée. Un ectoplasme malfaisant. Une conjecture qui ne satisfait pas Nathalie, malgré les morts qui jalonnent son retour.

 

Gilbert Gallerne joue insidieusement avec le lecteur en lui proposant des pistes qui s’effritent peu à peu, le guidant sur des chemins de traverse, usant d’une approche fantastique avec la rigueur d’un magicien confirmé. Il place un jeu de miroirs déformants qui s’alignent tout au long des chapitres (68 plus un prologue et un épilogue) afin de mieux jeter la perturbation dans un esprit rationnel tout en offrant un final d’une logique implacable.

Et même si vous découvrez la solution avant la fin, ou croyez la découvrir, vous doutez de vous et continuez avec des palpitations tant l’atmosphère d’angoisse, de terreur presque, est entretenue et monte crescendo. Ce roman avait bénéficié d'une parution inédite chez France-Loisirs.

 

A lire de GIlbert Gallerne : Le patient 127 et Je suis un écrivain (réédité en version Kindle).

 

 

Gilbert GALLERNE : L’ombre de Claudia. (Première édition France Loisirs. 2003). Réédition éditions City le 2 février 2011. 304 pages. 21,40€.

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1 avril 2014 2 01 /04 /avril /2014 13:43

Un roman charpenté qui ne prend pas l'eau...

 

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Célèbre dans les années soixante et soixante-dix pour ses Demoiselles, la cité de Rochefort-en-mer connut la célébrité peu flatteuse au XVIIIe et milieu XIXe siècle pour son bagne, puis en 1926 la fermeture de l'arsenal scelle le déclin de la cité portuaire située sur une boucle de la Charente. Depuis l'agglomération de vingt-cinq mille habitants environ s'est engoncée dans la torpeur commune aux petites villes de province. Seules deux entreprises rythment depuis une petite vingtaine d'années le cœur de la cité, Aviatics, une boite de construction aéronautique et dans les radoubs la construction de l'Hermione, réplique de la frégate royale qui transporta Lafayette aux Amériques en 1780 lors de la lutté pour l'indépendance de ce qui deviendra les Etats-Unis.


hermione2.jpgMais en ce début de l'année 2013, une affaire macabre réveille les Rochefortais. Un menuisier qui travaille sur l'Hermione vient d'être découvert assassiné devant chez lui, d'un coup de couteau porté au cœur. Une empreinte de pas est relevée avec la particularité d'une pointure peu commune, du 49, et d'une usure sur le côté. La compagne de Guillaume Marchand, le défunt, est infirmière et travaillait de nuit. Donc à priori à écarter dans la liste des coupables présumés. Elle est cataloguée par ses voisins et connaissances comme une personne à l'abord peu amène et jalouse. Quant à son compagnon c'était plutôt un bon vivant grande gueule.

Le commissaire Pierre Camdebourde, dont la mutation à La Rochelle était assortie d'une promotion, est chargée de l'affaire et Bertrand Venise, qui officie à Rochefort, lui est adjoint. Autant Camdebourde est bourru, colérique, soupe au lait, autant Venise est plus calme, pondéré, peut-être plus naïf. Ils recherchent du côté des ouvriers travaillant à la construction de l'Hermione, et l'un d'eux, un jeune, est timide, pleurnichard, solitaire. Seule la pensée d'évoquer la frégate ou son métier de menuisier l'enflamme. Il n'a que pour ami le serveur du restaurant où les deux policiers prennent l'habitude de se désaltérer ou sustenter. Celui-ci est aussi un ancien du chantier mais son contrat n'a pas été reconduit.

Mais un meurtre en appelle un autre, et c'est au tour du contremaître d'être assassiné dans les mêmes conditions. Un coup de couteau en plein cœur, et porté de face comme si le meurtrier désirait que la victime voit la mort arriver. Apparemment cela ne suffit pas car les notables de la ville, le maire actuel, le prétendant (les élections municipales sont proches), reçoivent des lettres de chantage du genre : L'heure est grave. Moulin, faites gaffe. Pour l'instant, c'est encore vous le maire. Et c'est vous qui serez responsable d'une tragédie. C'est écrit en police de caractère Papyrus, et bien évidemment c'est signé anonyme. Même le site de la mairie est piraté !

Les journalistes locaux puis régionaux ne tardent pas à s'engouffrer dans la brèche, il faut bien alimenter les colonnes des quotidiens, tandis que Maxence Fleming, le président de l'association Hermione-Lafayette quitte Paris pour rejoindre Rochefort.

 

Ce roman, dont l'intrigue est simple et convenue, est surtouthermione3.jpg intéressant par la description d'une ville provinciale engluée dans son double passé. Les faits historiques sont relatés avec pertinence mais sans esprit pédagogique superflu, sans être didactiquement arrogant comme peuvent s'exprimer des historiens lorsqu'ils se penchent sur leur ville et leur environnement. De plus le tournage du film Les Demoiselles de Rochefort par Jacques Demy reste ancré dans les mémoires, même de celles des touristes qui s'attendent à voir les sœurs Françoise Dorléac et Catherine Deneuve interprétant les jumelles de fiction, les entendre chanter et évoluer dans les rues.

Les personnages du commissaire Camdebourde et de son adjoint Venise sont également à mettre en avant. On se croirait en face de la réplique du commissaire Bourrel, interprété par Raymond Souplex de 1958 à 1973, et de son fidèle adjoint Jean Daurand dans le rôle plus effacé de l'inspecteur Dupuy. Le comportement bourru et irascible de Bourrel et celui plus placide de Dupuy sont retranscrits dans les deux enquêteurs qui évoluent dans ce roman, et le principe de l'intrigue est le même, c'est-à dire de mettre le commissaire en face d'un milieu professionnel et social qu'il ne connait pas ou peu.

Mais sa vie familiale est aussi assez désordonnée. Séparé de sa hermione4.JPGfemme, il vit avec Patricia. Seulement si elle réside à Rochefort, appelée aussi la cité de Colbert, lui préfère vivre à La Rochelle sur son lieu de travail habituel. Ils ne se retrouvent donc que quelques soirées par semaine, ce que Patricia n'apprécie guère, et d'ailleurs sa meilleure amie Lola ne se prive pas de la chahuter sur ce choix. Mais Lola est une bipolaire qui peut changer d'avis et d'humeur en un rien de temps, et ses avis tranchés basculent souvent au cours d'une discussion. Quant à Kévin, le fils de Camdebourde, qu'il accueille lors des vacances, c'est un adolescent cool, d'ailleurs c'est son mot de prédilection. Il poursuit ses études, tente de les rattraper mais a toujours une étape de retard. Et son comportement ne plait pas toujours à son père commissaire qui se sent débordé.

Un roman qui se laisse lire avec plaisir tout autant pour la description des lieux et des personnages, que pour une intrigue simple, mais pas simpliste, et qui joue avec des retournements de situation. Certes prévisibles mais bienvenus.


Marie-Claude ARISTEGUI & Arnaud DEVELDE : Sinon... L'Hermione coulera. Editions du Caïman. Parution le 14 mars 2014. 254 pages. 12,00€.

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1 avril 2014 2 01 /04 /avril /2014 07:57

Bon anniversaire à Florence Bouhier née un 1er avril 1961.

 

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Rien de mieux, pensent certains, qu’un bon pavé, c’est-à-dire un gros, très gros livre, pour occuper ses loisirs pendant la période estivale. Il est vrai que sur la plage, les pavés servent d’oreiller le plus souvent. Mais pour le lecteur, à moins qu’il cherche à parfaire sa musculature, tenir un épais roman à bout de bras n’est pas l’idéal, même pour se protéger des rayons ardents du soleil.

Lorsqu’il y en a ! Moi, personnellement, je préfère les petits ouvrages sympathiques, faciles à emporter, ne prenant pas trop de place dans les bagages, comme ceux que je vous propose régulièrement. Et la qualité n’est pas fonction du poids ! Malheureusement les auteurs ont tendance actuellement à ne produire que des pavés, longs à lire, au détriment de leurs confrères puisque le temps passé à lire un ouvrage conséquent nuit à la lecture d'autres romans.

Florence Bouhier, nouvelle venue au Masque (c'était en 1998) et déjà cataloguée comme Reine du Crime, décrit avec une certaine perversité angoissante la dégradation d’un univers familial vécu et raconté par un adolescent.

Naïf, impressionnable, Brice est le jouet de son frère Adam dont l’exercice favori est de traîner le soir dans les rues afin d’apeurer les femmes seules. Brice est fasciné et dégoûté à la fois par ce frère hâbleur, menteur, cruel et propriétaire de deux tortues qu’il laisse vagabonder sur la table au grand dam de la grand-mère Joséphine.

Acariâtre, Joséphine s’est incrustée dans le cocon familial, pour le plus grand plaisir du père de Brice. Constance, la mère, est obligée de subir. D’ailleurs Constance vit en automate, comme ceux que construit le père. Elle a abandonné le chant, elle qui aurait pu prétendre devenir une diva, à la demande paternelle, pour s’occuper des enfants et de la maison. Elle s’est sacrifiée, sans recevoir de remerciements en retour. Jusqu’au jour où Julia, la tante Julia, célibataire, le vilain petit canard de la famille, propose à sa belle-sœur de participer avec elle à une chorale. Constance revit, elle est heureuse. Tellement revigorée qu’elle quitte la maisonnée. Brice ne comprend pas pourquoi sa mère fugue.

Baignant dans une atmosphère d’angoisse, parfois à la limite du fantastique, ce roman de Florence Bouhier aurait pu être écrit par Ruth Rendell. A ne pas confondre non plus avec Odile Bouhier dont quelques romans sont édités aux Presses de la Cité.


Florence BOUHIER : La Nuit des tortues. Le Masque N° 2370. Parution mars 1998.

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31 mars 2014 1 31 /03 /mars /2014 08:55

Comme disait ma grand-mère : Il ne faut pas confondre Témoins de Jéhovah et témoins de Gévéor. Au moins ces derniers ne refusent pas une transfusion par voie stomacale le sang du Seigneur contenu en bouteilles d’un litre.

 

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A quoi servent les prix littéraires ? A reconnaître la valeur littéraire d’un roman et celle de son auteur. Sans l’obtention du Grand Prix de Littérature Policière 2012, je ne suis pas sûr que je me sois penché sur cet ouvrage. Et c’eut été dommage.

Dès les premières pages de ce roman je me suis senti, comme Alice, aspiré par une force qui propulse de l’autre côté du conscient et projette l’esprit dans un vide abyssal tapissé de livres.

Ploc, ploc, ploc… Ahmed Taroudant qui rêvasse sur le balcon de son petit appartement du 19ème arrondissement parisien effectue subitement un retour à la réalité. Il pleut. Ploc ! Première goutte sur le visage. Ploc ! Deuxième goutte qui s’écrase sur la manche de sa gallabiyah blanche. Ploc ! Troisième goutte sur le bout de son nez. Force lui est de constater qu’il ne s’agit pas d’eau mais de sang. Levant les yeux Ahmed découvre un pied puis un corps. Celui de Laura, sa voisine du dessus. Il n’a pas besoin d’utiliser la clé que la jeune femme lui avait confiée pour soigner ses plantes lors de ses absences, elle est hôtesse de l’air, car la porte est entrouverte.

Ahmed est un grand lecteur de romans policiers. Il achète ses bouquins au kilo chez Monsieur Paul, un bouquiniste arménien du quartier. Un fois lus, il empile les romans contre les murs de son studio. Il a calculé, le poids est évalué à deux tonnes cinq. Tout ça pour dire qu’Ahmed sait ce qu’il ne faut pas faire : se déplacer jusqu’au corps sans laisser d’empreintes. A peine redescendu chez lui, les policiers, représentés par Rachel Kupferstein, une rousse flamboyante, et Jean Hamelot, un brun ténébreux, se pointent chez Laura, accompagnés de membres de la Scientifique. Un appel anonyme en provenance d’une cabine téléphonique située dans le 18ème arrondissement, les a prévenus de ce meurtre et du cadavre en exposition. Une sorte de mise en scène macabre les interloque : un rôti de porc cru trône sur la table et les fleurs des trois orchidées décapitées sont disposées en triangle sur la cuvette des W.C.

Ahmed se sent redevable envers Laura qu’il soupçonnait de l’aimer sans oser se déclarer. Alors il décide de retrouver son meurtrier, concomitamment à l’enquête des deux policiers. Grâce à la bignole de l’immeuble, les deux policiers peuvent baliser leurs recherches. Laura, outre Ahmed, avait trois amies : Bintou, Aïcha et Rebecca. Or Rebecca a disparu d’un seul coup, comme ça sans prévenir. Le patron d’un kebab que Jean fréquente régulièrement lui apprend qu’une nouvelle substance circule dans le quartier, des pilules qui ressemblent à de l’ecstasy mais en beaucoup plus fort. Bintou et Aïcha sont elles aussi des fidèles du kebab et une rencontre improvisée permet aux deux policiers d’apprendre de la part des deux jeunes filles que les parents de Laura sont Témoins de Jéhovah et qu’ils habitent à Niort. D’ailleurs Laura avait claqué la porte de chez elle à sa majorité. Elles parlent aussi de garçons trop religieux, que Jean connait plus ou moins. Moktar et Ruben, un salafiste et un hassid, et leurs frères Alpha et Mourad. Tous quatre s’étaient constitués en groupe de rap, les 75-Zorro-19. Si Moktar, Mourad et Alpha fréquentent régulièrement une salle de prière salafiste, Ruben quant à lui appartient à une nouvelle mouvance hassidique, groupe formé par des Juifs de Tiznit au Maroc, dissident d’un mouvement d’origine biélorusse et qui se sont donné leur propre chef religieux messianique à Brooklyn.


arab-jazz2.jpgCe roman dégage une ambiance personnelle proche de celles de Simenon, une journée étrange comme en apesanteur… et de Fred Vargas, sans que l’on puisse parler de véritable influence. Les personnages ne se fondent pas dans un moule, mais sont tous comme des modèles uniques. Ahmed par exemple, lecteur vorace, est en arrête-maladie depuis cinq ans et perçoit l’Allocation Adulte Handicapé depuis plus de trois ans. Il est atteint de dépression chronique depuis que veilleur de nuit dans un magasin de meubles il a été le témoin d’un meurtre. Il a même séjourné dans un hôpital psychiatrique où il a retrouvé l’un des habitants du quartier. Le commissaire Mercator, afin de mieux se concentrer sur les rapports oraux de ses adjoints, dessine sur du papier qu’il achète sur ses propres deniers des ronds, un cercle par feuille, toujours centré et de la même taille, à main levée. Seuls les policiers du 18ème ne dérogent pas vraiment à l’idée que l’on se fait des brebis galeuses. Quant aux autres protagonistes, ils sont aussi à découvrir.

Une communauté qui en englobe plusieurs, où Arabes Islamistes et Juifs vivent en bonne intelligence, jusqu’à un certain point. Car il est bien connu que si l’on ne veut pas se fâcher avec sa famille et ses amis il vaut mieux éviter de parler politique et religion. Et l’on s’aperçoit que les convictions religieuses affichées ne sont parfois que des façades qui permettent d’obtenir un statut et de jouer un rôle prépondérant dans la société.


Karim MISKE : Arab Jazz. (Première édition Editions Viviane Hamy ; collection Chemins nocturnes - mars 2012). Rééditions Editions Points. Parution le 13 mars 2014. 336 pages. 7,60€.

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30 mars 2014 7 30 /03 /mars /2014 08:00

Il vous a à l'œil !

 

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On peut être un habile négociateur, et néanmoins effectuer une boulette, voire même une bavure. C’est ce qui est arrivé sept ans auparavant à Alex Zorbach, policier chargé de parler aux suicidaires afin de les empêcher de passer à l’acte. Une jeune femme tenant un bébé dans ses bras voulait franchir le parapet. Alex semblait avoir persuadé la jeune femme de ne pas sauter lorsqu’un mouvement mal interprété lui a fait commettre l’irréparable. Il a tué la suicidaire d’une balle dans la tête. Depuis il se remémore souvent ce triste épilogue qui lui procure des cauchemars. Il a consulté des psychiatres et s’est mis en disponibilité afin de devenir journaliste dans le principal journal berlinois, tenant la rubrique consacrée aux investigations judiciaires.

Ce jour-là, Alex emmène son fils Julian dans un hôpital berlinois pour enfants. Julian se débarrasse de ses anciens jouets pour en faire don. Pourtant lui aussi aurait peut-être besoin d’être hospitalisé, car il tousse comme s’il couvait une bronchite, mais Nicci préfère consulter des chamans dont le potentiel médical n’est pas prouvé. Nicci est la femme d’Alex, ou était, car ils sont en instance de divorce. Alex est préoccupé car il ne retrouve pas son portefeuille. Peut-être l’a-t-il oublié dans sa voiture, car il a l’habitude de le placer sur le siège avant avec quelques bricoles afin de ne pas être encombré pour conduire. Il décide donc d’aller vérifier laissant Julian continuer sa distribution.

C’est en cherchant le fameux portefeuille qu’il entend dans le scanner, l’appareil qui lui permet de capter la radio de la police, un appel qui aussitôt lui fait tout oublier. Un cadavre vient d’être découvert, imputé au Voleur de regards dont c’est la quatrième partie.

Trois cadavres de femmes ont ainsi été retrouvés, leur enfant disparu puis après un laps de temps déterminé, les policiers n’ayant pu découvrir à temps le lieu où le Voleur de regards l’avait emmené, puis la découverte du gamin mort et énucléé de l’œil gauche. La machine est une nouvelle fois relancée et Alex s’empresse de se rendre sur les lieux de la découverte macabre. Il s’habille en conséquence, comme lorsqu’il officiait sur les scènes de crimes et s’approche du lieu où git le cadavre de la femme. Sur place se trouvent déjà Stoya, son ancien collègue, et Scholle, un policier plus âgé et vindicatif. Les deux hommes n’apprécient pas l’intrusion d’Alex et le lui font savoir. D’autant que jamais ils n’ont lancé un appel sur la fréquence que possède Alex sur sa radio, puisqu’ils ont changé de code. Premier mauvais point pour Alex, qui peu après apprend par Franck, un journaliste stagiaire avec lequel il s’est lié d’amitié, que son portefeuille a été retrouvé non loin du cadavre. Aussitôt il devient le suspect numéro 1. Alex décide alors de prendre du recul pour mieux réfléchir.

Il se réfugie sur son bateau aménagé en petit appartement, en traversant la forêt proche de Berlin, empruntant à pied un étroit chemin que lui seul connait, croit-il. Il est stupéfait d’y trouver une jeune femme avec un chien. Alina est aveugle et physiothérapeute. Mais le plus surprenant c’est que si elle est sur le bateau, c’est parce qu’il l’aurait appelée et donné rendez-vous dans sa cache. De plus, elle a eu un patient dont les ondes étaient maléfiques. Elle est persuadée, après discussion avec Alex qui lui avoue ses démêlés, qu’elle a été en contact avec le Voleur de regards. Mais les mauvaises nouvelles continuent à s’empiler sur le crâne d’Alex. La jeune femme qui vient d’être assassinée se nomme Lucia. Elle n’est autre que Charlie, qu’Alex connaissait bien, mais dont les relations étaient restées platoniques. Pourtant les endroits fréquentés par Charlie et Alex auraient plutôt eu des effets contraires, puisqu’ils se sont rencontrés par hasard dans un club d’échangistes.

Alina a des visions, qui les mènent des endroits susceptibles de retrouver l’enfant ou le Voleur de regards. Mais le temps presse car il est décompté. Ils sont aidés dans leurs recherches par Franck qui reste le seul interlocuteur entre eux, Ruth la directrice du journal et les policiers.

 

voleurs.jpgSebastian Fitzek développe cette histoire crispante en effectuant un compte à rebours. Si les chapitres se déclinent de l’épilogue jusqu’au chapitre Un, pendant que le temps s’écoule inexorablement, c’est dans un but bien précis : entraîner le lecteur dans une intrigue savamment construite, qui recèle bien des surprises, des rebondissements, des péripéties nombreuses et poignantes en le tenant constamment en haleine. Et le final est éblouissant de machiavélisme, pourtant comme dans ces précédents romans, Sebastian Fitzek pose ça et là les éléments, les indices, lesquels mis bout à bout sont indispensables pour arriver à la conclusion logique. Rien n’est laissé au hasard. Seuls Alex et Alina se laissent prendre aux pièges disséminés par l’auteur, mais c’est normal car ils ne sont que les pantins d’un manipulateur.

Le lecteur cartésien pourra rétorquer que certaines scènes ne tiennent pas la route, notamment celles dans lesquelles Alina joue un rôle prépondérant malgré sa cécité. Dans ses remerciements, intitulés A propos de ce livre, Sebastian Fitzek met les pendules à l’heure. Il s’est inspiré d’un personnage réel qui lui aussi a perdu la vue à l’âge de trois ans, comme son héroïne, mais de plus il a été en contact permanent avec des non-voyants et a soumis son manuscrit à un groupe composé de non-voyants et de malvoyants, ce qui lui a permis d’éviter des erreurs grossières, de ne pas tenir compte d’à priori désobligeants, de cerner au plus près leur univers. Intercalés dans le récit, la plupart du temps narré à la première personne, Alex s’exprimant, Tobias, le gamin enlevé décrit les affres qu’il subit au cours de ces quarante-quatre heures et quelque de réclusion.

Mais ce sont bien les relations père-fils qui sont au cœur de ce roman, relations que je ne détaillerai pas sous peine de déflorer (dans son sens littéraire) le sujet. Or ce sujet sensible, Sebastian Fitzek le traite avec force et pudeur, instillant peut-être un doute chez le lecteur. Son comportement envers ses enfants sont-ils sans reproches, doit-il privilégier ceci à cela, faut-il faire passer ce qui lui semble primordial avant de s’inquiéter de ce qui lui parait accessoire ? Bon nombre d’entre nous se sentiront concernés, mais heureusement la fiction reste la fiction et la réalité n’est pas toujours aussi lamentable ou tragique. Mais les bonnes questions sont posées et c’est à tout un chacun d’y répondre en son âme et conscience.


Sebastian FITZEK : Le voleur de regards. (Der Augensammler – 2010. Traduction de Jean-Marie Argelès. Première parution Editions de L’Archipel - Avril 2013). Réédition Le Livre de Poche Policier/Thriller. Parution le 12 mars 2014. 480 pages. 7,60€.

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29 mars 2014 6 29 /03 /mars /2014 14:23

La routine avec une femme commence lorsqu'on se brosse les dents avant de faire l'amour.

 

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Arrivé à un certain âge, les réveils matutinaux sont difficiles. Les articulations rouillées refusent de répondre aux mouvements que leur suggère le cerveau, la peau du dos est tendue comme sur un tambourin. C'est ce que ressent le professeur Rodolphe Moreau, archéologue, ce matin là dans sa chambre d'hôtel à Wadi Musa mais cette douleur qui lui emprisonne le crâne est nouvelle. De plus il ne souvient pas comment la soirée s'est terminée. Le livre dont il a l'habitude de lire quelques passages avant de s'endormir traîne à terre. C'est alors que des policiers fracassent sa porte et l'arrête. Un jeune garçon, couché près de lui dans son lit le regarde avec des yeux farceurs. Aussitôt le professeur Moreau, quatre-vingt deux ans est inculpé de pédophilie. Un acte qui ne pardonne pas, surtout en Jordanie où l'homosexualité est un crime grave.

petra.JPGAncien grand reporter de guerre, Lionel Terras s'est reconverti comme journaliste dans des reportages alimentaires et fournit quelques prestations dans des télévisions régionales. Tout juste de quoi se sustenter. Aussi lorsqu'une agence de communication lui demande d'effectuer un reportage pour une grosse boîte, il ne daigne pas refuser. L'estomac passe avant l'honneur. Il arrive donc à Pétra, haut lieu de fouilles archéologiques nabatéennes et le chantier qu'il découvre est doublement intéressant. D'abord il rencontre pour sa mission Mélanie Charles, l'assistante de Moreau, ainsi que Nacer, un archéologue jordanien qui diversifie son temps entre plusieurs lieux de recherches. L'arrestation de Moreau est un sujet auquel il ne peut échapper, et il enfreint la demande de Mélanie de ne pas l'ébruiter. Il vend donc son papier, non pas à un quotidien pour qui va sa préférence idéologique mais vers celui qui touche le plus de lecteurs et donc susceptible de mieux payer son reportage.

Par son correspondant parisien il apprend que le professeur Moreau, éminent chercheur auprès du CNRS, traîne derrière lui une casserole : au début des années soixante-dix Moreau avait eu pour amant un de ses élèves âgé de dix-huit ans alors qu'il en avait le double. On ne peut dire qu'il s'agissait de pédophilie mais plutôt d'homosexualité, ce qui à l'époque était répréhensible. Une loi de 1982 a mis fin à cet ostracisme mais n'a pas changé le caractère des individus pour autant.

Entre Mélanie et lui, les premiers contacts sont tendus. Leur caractèrepetra1.jpg irascible et soupe au lait les font se dresser leurs ergots comme deux coqs de combat, mais l'humour parvient à désenvenimer la situation. Moreau est emprisonné dans la capitale du gouvernorat alors que le chantier, fermé par un cadenas est visité. Un vol a été commis, un répertoire a disparu et il se pourrait qu'un objet aussi, lequel aurait été consigné sur le fameux carnet. Mélanie et Nacer n'étaient pas présents au moment de l'interpellation de Moreau et tout le monde est dubitatif. De plus les trois ouvriers pakistanais qui travaillaient sur le chantier ont déserté, sans laisser d'adresse. Lionel Terras pense qu'il s'agit d'un coup monté dont Moreau serait la victime seulement qui en voudrait à l'archéologue et pourquoi. Si le journaliste se méfie de Nacer, il ne ressent pas cette sensation envers Mélanie. Et la jeune femme apprécie que le reporter essaie de défendre son chef d'expédition. Un policier français émargeant à un service spécialisé est délégué sur place, ainsi qu'un attaché culturel, et il sent que des éléments lui échappent, que Lionel et Mélanie lui taisent des informations, et cela contrarie son enquête. Pour Terras, le chemin est long pour découvrir la vérité, il lui faudra fouiller, chercher, parcourir le désert et faire sienne cette devise d'Al-Mutanabbi : La patrie de l'homme est là où il se trouve bien.

 

petra2.JPGSi Thomas Edward Lawrence, plus connu sous le nom de Lawrence d'Arabie, pose son empreinte indélébile sur cet ouvrage, en filigrane on pourra également penser à Henry de Monfreid et à d'autres noms qui surgissent dans notre mémoire : André Armandy, romancier aujourd'hui oublié, qui écrivit durant l'entre-deux guerres de nombreux romans ayant le Proche-Orient pour décor, Pierre Benoît, auteur de La Châtelaine du Liban, qui vécu et voyagea en de nombres occasions en Afrique du Nord, sans oublier Joseph Kessel, grand reporter, entre autres, qui pourrait être le miroir de Lionel Terras, auteur de nombreux romans dont Fortune carrée et de récits autobiographiques réunis sous le titre de Témoin parmi les hommes.

Le lecteur pourra également penser à quelques aventures à la Indiana Jones ou encore à Allan Quatermain de Henry Rider Haggard qui lui servi de modèle. Et le personnage de Mélanie pourrait avoir les traits, non point d'une poupée Barbie écervelée, mais de Josiane Balesko plus jeune ou de Valérie Damidot. Et petit clin d'œil vers un confrère, l'un des personnages se nomme Jules-Octave Bernès, JOB pour les intimes.

Seulement ce roman d'aventures va plus loin dans l'analyse sociale. Par exemple sur le métier de journaliste : On ne peut pas être un bon journaliste si on est borgne, sous entendu qu'il ne faut pas se fier qu'à un avis. Un peu plus loin Mélanie enfonce le clou, lors d'un échange avec Terras : Ah les journalistes et leurs déductions trop hâtives. Mais entre Mélanie et Lionel, les relations s'apaisent et leurs conversations plus profondes, tout en ne se focalisant pas sur un même sujet. Et l'humour est leur soupape de sécurité afin de dénouer les tensions qui ne manquent pas de se créer à cause de leur caractère. Ils divergent sur la conception du romantisme et Terras, qui a bu un whisky de trop et est célibataire par amour de la liberté à moins qu'il n'ait pas su garder une femme, s'écrie : Si les amants de Vérone nous font toujours rêver, c'est parce que Juliette n'a jamais donné de coup de coude à Roméo la nuit pour l'empêcher de ronfler et ne lui a jamais reproché de laisser traîner partout ses chaussettes et ses slips sales.

Peut-être ceci n'est que futilité penserez-vous, mais bien d'autres sujets de société sont abordés dans ce roman, comme le regard porté sur les homosexuels chez nous mais aussi dans d'autres pays du monde. Et ce n'était pas interdit dans le temps, au contraire, car un homme ne pouvait coucher avec une femme avant le mariage mais avec quelqu'un du même sexe, si. Et je reviens une fois de plus sur le rôle des médias dans l'information, ou la désinformation : C'est toujours pareil avec les médias : une mise en examen fait la une des journaux mais une relaxe à peine une brève. Et après des millions de personnes gardent l'idée que le type accusé à tort est coupable.

Il me faudrait parler aussi des Bédouins, que Philippe Georget wadi-rum.jpegnous montre dans leur quotidien, se contentant de peu, aimables, serviables, qui gagnent leur vie grâce aux touristes, lesquels se comportent en terrain conquis. L'auteur ne parle pas, ou peu, des tensions qui secouent de façon quasi continuelle les pays du Proche et Moyen Orient. Il est vrai que l'histoire se déroule en Jordanie, pays qui coincé entre Israël, l'Arabie Saoudite, l'Irak et la Syrie, est relativement neutre et ne connait pas les effets pervers de l'intégrisme politique religieux. Mais ça c'est un autre débat, et il y aurait beaucoup à dire. Ce roman donc est plus en phase avec la réalité, que ceux dont j'ai cité les noms, Kessel, Pierre Benoît ou Armandy, car leurs ouvrages sont placés sous l'ère de la colonisation.

Les têtes de chapitres sont constituées de proverbes arabes et d'extraits de poèmes tels que : Dieu t'a donné deux yeux et une bouche, c'est plus pour écouter que pour parler.

 

A lire également les avis de Yv sur son blog ainsi que celui de Pierre sur Black Novel

 

Et si ce n'est pas encore fait lire aussi de Philippe Georget : L'été tous les chats s'ennuient; Le paradoxe du cerf-volant et Les violents de l'automne.


Philippe GEORGET : Tendre comme les pierres. Collection Jigal Polar, éditions Jigal. Parution février 2014. 344 pages. 19,00€.

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28 mars 2014 5 28 /03 /mars /2014 07:03

Et il n'y a pas de partie gratuite !

 

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Franchement certaines personnes manquent véritablement de civisme ! Aller déposer un cadavre sur les rails de la Gare du Nord, empêchant de ce fait la libre circulation des trains et des voyageurs potentiels, cela relève du mépris à l'encontre d'une entreprise qui a déjà bien du mal à respecter les horaires en temps normal !

Le commissaire Nils Kuhn, qui se déplace en scooter, un commissaire normal quoi, est rapidement sur les lieux. Les policiers du 18è et quelques membres de son équipe sont déjà sur place, notamment Anissa Chihab, la jeune lieutenante et beurette d'une vingtaine d'années et le commandant Letellier, afin d'effectuer les premières constatations et relever des indices qui se résument à une vague empreinte de pas.

La victime est une femme noire, bien portante, poignardée à au moins une trentaine de reprises. La première supposition qui vient à l'esprit de Kuhn et de ses adjoints est qu'elle pourrait être une prostituée. Ce qui sera confirmé par la suite après de recherches de voisinage qui fournissent par la même occasion l'identité de la défunte. Le procureur Gardieux arrive lui aussi sur place, imbu de sa personne, toujours pressé, et antipathique. D'ailleurs il n'existe aucun atome crochu entre les deux hommes, ce qui ne gêne guère Kuhn. Il préfère avoir des relations, professionnelles je précise, avec la légiste. Seulement celle-ci est absente et c'est son remplaçant intérimaire qui procède à l'autopsie.

A la brigade, tout le monde est sur le pont, chacun d'eux possédant des compétences différentes mais complémentaires. Le juge d'instruction Limousin est saisi de l'affaire, mais tout comme avec le procureur, un antagonisme existe. Chacun sa façon de procéder, sa manière de voir, et Kuhn se braque facilement. Nonobstant, l'enquête continue, et elle est même relancée lorsqu'un deuxième cadavre, puis un troisième sont découverts, dans des endroits baroques. Toutes des femmes, d'origine africaine, rondelettes, et pratiquant la prostitution à leurs heures perdues afin de faire bouillir la marmite.

L'un des membres de l'équipe de Kuhn trouve une piste en cogitant et en reliant ces meurtres. Toutes ces femmes ont été tuées à des dates qui correspondent à une vieille enquête non résolue, et qu'ils ne résoudront jamais, puisque cette affaire semble calquée sur les meurtres perpétrés par un certain Jack l'Eventreur.

Grâce à un témoignage concernant une précédente tentative de meurtre, Kuhn et ses hommes pensent mettre la main sur l'assassin. Mais celui-ci possédait un mobile irréfutable lors du dernier meurtre, toutefois Kuhn est persuadé que "son" tueur est bien le coupable présumé. L'enquête lui est retirée mais Kuhn forte tête, d'ailleurs ne dit-on pas une tête de Kuhn, persiste et mène les investigations en solitaire ou avec l'aide de ses hommes et d'Anissa. Car l'assassin mène un jeu dangereux dans lequel Kuhn est perdu. Il reçu des appels ou des messages téléphoniques anonymes et la vie de sa femme, enfin son ex-femme, pourrait être en danger.

 

Sélectionné pour le Prix du Quai des Orfèvres, ce roman aurait largement mérité de l'emporter, comparativement à certaines années où l'ouvrage primé est parfois indigent. Seulement l'humour qui se dégage de ce roman et les faits d'armes des policiers de la brigade de Kuhn, dont cette petite fête dans un resto au nom évocateur de Sein Miche, n'était sûrement pas du goût de tous les membres du jury de ce prix. Mettre en scène des policiers imbibés ne peut que desservir la profession, certes, mais l'humaniser aussi. Mais ce n'est pas le seul reproche que les membres du jury, qui est composé de policiers, de magistrats et de journalistes, ont pu lui faire. En effet les personnages du procureur, du juge d'instruction, et des bœufs-carottes car eux aussi entrent dans la danse, ne sont pas montrés sous un aspect sympathique. Et par voie de conséquence, c'est Nils Kuhn, malgré son caractère bourru, qui relève l'honneur de la police. Mais un auteur ne peut décemment pas montrer les policiers et l'appareil judiciaire avec une amabilité de circonstance. Et puis des erreurs dans certaines procédures retardent l'enquête, ce qui n'est racontable, même si c'est la réalité. Et comparer le procureur à un concentré de la Stasi est du plus mauvais effet, même si d'autres personnes dernièrement n'ont pas hésité à proféré ou écrire ce genre de comparaison.

L'humour est toujours présent dans ce roman qui se compose de deux parties : la traque de l'assassin puis l'affrontement entre l'assassin supposé et le commissaire, conflit qui ressemble à un jeu de rôle dont seule une des deux parties connaît les règles du jeu. Le roman est plaisant à lire et sa construction machiavélique, et tant pis si certains ronchons vont crier au scandale en affirmant que tout ceci n'est pas crédible. L'auteur s'est amusé à rédiger une intrigue solide, a peut-être sué pour tout mettre en place de façon ludique et le lecteur avale l'histoire comme une truite affamée gobe la mouche qui lui est présentée.

En prime je vous livre cette contrepèterie assénée par la belle Anissa en parlant des clients de certaines prostituées : le genre de visiteurs qui entrent le sang qui bout et qui sortent le bout qui sent. D'accord, cela ne vole pas bien haut, mais il faut décompresser parfois.


Nils BARRELLON : Le jeu de l'assassin. Editions City. Parution le 8 janvier 2014. 288 pages. 17,50€.

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27 mars 2014 4 27 /03 /mars /2014 08:43

Moi aussi, je lis !

 

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Chercheur infatigable, découvreur de trésors anciens, Jean-Daniel Brèque nous fait partager son amour de la littérature populaire ancienne anglo-saxonne grâce à ses découvertes, ou redécouvertes, dans la collection Baskerville, la bien nommée.

Dernière découverte en date et recueil inédit, ce petit bijou sympathique.

 

Judith Lee qui possède un talent, un don peu commun. Certains qualifient même cette faculté naturelle de magie. En effet Judith Lee a la capacité de lire sur les lèvres et cela la conduira non seulement à obtenir un emploi comme professeur dans des instituts spécialisés pour sourds-muets ou chez des particuliers, mais à résoudre des énigmes dont elle est l'héroïne sans en tirer profit. Elle est une détective amateur qui se trouve confrontée à des problèmes concernant des personnes dont elle ignore tout, et malgré son souhait de ne pas s'immiscer dans les affaires personnelles de parfaits (parfaits n'est pas le mot qui convient dans certaines situations) inconnus, elle se sent obligée de mettre son grain de sel.

Judith Lee possède donc la particularité de lire sur les lèvres et sa première enquête date de l'âge de ses treize ans. Elle est née dans un milieu propice à l'éclosion de ce talent puisque son père enseignait aux sourds-muets et que sa mère souffrait d'une déficience de la parole. Alors que ses parents séjournent à l'étranger, elle vit dans un cottage sous la houlette de vieux serviteurs. Et dans le train qui la ramène chez elle après avoir rendu visite à des amies, elle surprend fortuitement la conversation entre deux voyageurs. Tout comme il nous arrive d'entendre des entretiens échangés par deux personnes malgré nous. Comme elle est encore un peu naïve, simplette même c'est elle qui l'avoue, ce qui est normal à cet âge, elle ne comprend pas trop ce qu'elle "entend". Mais cela la travaille et lorsqu'elle aperçoit les deux hommes dans une maison qui selon les dires de sa gouvernante est inoccupée, elle se retrouve dans une position précaire. Elle en perdra ses beaux cheveux, mais je vous rassure tout de suite pas la vie. Heureusement car sinon nous n'aurions pas droit à la suite de ses aventures. Ceci est décrit dans L'homme qui coupa mes cheveux, titre énigmatique au départ mais qui prend toute sa signification par la suite.

Quelques années plus tard, alors qu'elle a dix-sept ans, Judith, dont la mère est malade et son père resté à son chevet, un couple d'amis fréquentant ses parents lui proposent de résider un certain temps avec eux en Suisse. Seulement, invités à participer à une excursion, ils laissent Judith à l'hôtel. Restée seule la jeune fille s'occupe en lisant dans le salon. Or elle surprend la conversation entre un frère et sa sœur qui parlent de bijoux. Dont un en particulier qu'ils auraient caché dans un coffret dont la description correspond au sien. Et en vérifiant plus tard dans sa chambre, elle constate qu'effectivement un pendentif y a été placé à son insu. Son attitude empruntée la désigne immédiatement comme coupable. Elle est mise au ban de la société en attendant que les amis de ses parents reviennent mais d'autres vols sont constatés. Il lui faut prouver son innocence. Dans Indiscrétions à Interlaken Judith est donc la victime de deux malandrins de haut "vol". Mais la plupart du temps ce sont d'autres victimes qui feront l'objet de ses facultés de lectrice sans pour autant qu'elles soient au courant de ses aptitudes et des efforts qu'elle mettra en œuvre pour que justice soit faite.

 

Elle ne veut en aucun cas se montrer indiscrète, pourtant c'est à ses yeux "défendant" qu'elle est à même de s'occuper de chantages, de faciliter ou non des mariages, de dénouer des affaires de vols, de captations d'héritage, de meurtres mêmes. Car elle ne peut s'empêcher vouloir de rétablir une certaine justice. Elle voyage beaucoup, dans le cadre de ses activités mais aussi pour le plaisir. Ainsi dans La chasseresse, alors qu'elle participe à une croisière au large du Maroc, elle se retrouve les mains liées, dans un canot en pleine mer. Elle a reconnu une femme avec laquelle elle a eu affaire de loin dix-huit mois auparavant. Celle-ci, alors qu'elle venait de se marier, était descendue précipitamment d'un train qui devait les emmener elle et son riche mari en voyage de noces, emportant avec elle une partie de la fortune de l'époux dépité. Car en effet certaines de ces histoires ne sont pas résolues en un tour de main, mais au bout de longs mois, voire de nombreuses années, le hasard mettant sur son chemin une prédatrice ou une victime entrevue précédemment, comme dans Etait-ce par hasard?. Toujours son désir de ne pas s'immiscer dans l'intimité des personnes qu'elle rencontre mais également parce qu'elle ne possède pas assez de preuves pour alerter les policiers. D'ailleurs elle n'a recours aux forces de l'ordre que dans de rares cas, possédant assez de force de persuasion pour annihiler les méfaits auxquels elle assiste de loin ou de près.

C'est frais, simple, limpide, délicieusement désuet et innovant. Car dans ces nouvelles, parues dans le Strand entre août 1911 et août 1912, les micros, les capteurs et autres merveilles de la technologie moderne n'ont pas cours et cette faculté de pouvoir lire sur les lèvres est assez rare. Judith Lee pourrait donc faire partie de ces détectives de l'impossible qui firent florès mais sans qu'à aucun moment la magie et autres tours de passe-passe interfèrent dans le déroulement du récit même si un chiromancien s'avère être le personnage principal dans Isolda.

Les lecteurs qui sont habitués à se plonger dans des romans, ou nouvelles, violentes, politiques, sanglantes, seront peut-être déçus, mais un peu de tendresse dans un monde de brutes, cela rassérène.


Richard MARSH : Les enquêtes de Judith Lee. Traduction de Jean-Daniel Brèque. Collection Baskerville N°18, éditions Rivière Blanche. parution Mars 2014. 324 pages. 20,00€.

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26 mars 2014 3 26 /03 /mars /2014 15:21

Magenta, comme la couleur rouge !

 

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Marc Villard professe envers la ville, l’Amérique, le Jazz, l’adolescence, une passion qui confine à l’obsession et se décline à la façon d’un je t’aime moi non plus. Un peu comme un attrait mitigé d’aversion fortement explorés dans des nouvelles qui souvent prennent aux tripes, les situations y étant souvent décrites comme une conquête improbable d’un Graal inaccessible.

Des touches d’humeur, des tranches de vie dont l’humour noir tente de faire digérer l’horreur des situations présentes ou passées. Les personnages vivent avec leurs cadavres dans des placards pas hermétiques et lorsque les portes s’ouvrent, c’est le déferlement de ce que l’on voulait oublier à jamais et qui reviennent en boomerang.

Seize nouvelles dont souvent les titres à eux seuls montrent la désespérance de l’univers Villardien peuplé de paumés, de personnages confrontés à la malveillance, l'animosité, la rancune, le ressentiment, l'agressivité des autres : Gibier de potence, Vietnamisé, L’Ange est un clochard, Destroy, dit-il, Train d’enfer ou encore Amnésie provisoire.

magenta.jpgDans Retour au Magenta, nouvelle éponyme de ce recueil, un homme est tout à coup mis en face de son passé, lorsqu'il aperçoit dans un centre commercial un ancien compagnon. Ils ont fait les quatre cents coups, participés aux révolutions, par films interposés ou dans des discussions à n'en plus finir, drapeau rouge brandi, ivres de mots de contestataires en chambre. Les autres ont abandonné leur dégaine de punk ou de rocker pour enfiler le costume de parvenus siégeant dans des postes à responsabilité. Mais le passé, c'est le passé et il n'est pas toujours bon de se voir ainsi comme dans une glace.

Ces nouvelles ont paru précédemment dans des recueils édités chez Néo en 1983, 1985 et 1987 ayant pour titres : Sauvages dans les rues, Au pied du mur et Treize cow-boys dramatiques. Une réédition bienvenue dont les textes n'ont pas perdu de leur force, de leur colère, dans la description pas forcément nostalgique d'une époque, et qui permet aux nouveaux lecteurs de Marc Villard de faire la connaissance de son univers rebelle, exacerbé et musical.

A lire également de Marc Villard : Dégage !; I remember Clifford; Un ange passe à Memphis; J'aurais voulu être un type bien et Kebab Palace.

Marc VILLARD : Retour au Magenta. (première édition Collection Serpent noir N°4, éditions Serpent à plumes - juin 1998). Réédition Rivages Noir N°946. Février 2014. 224 pages.

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25 mars 2014 2 25 /03 /mars /2014 10:29

Bon anniversaire à Romain Slocombe, né le 25 mars 1953 !

 

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Harold William Gray est un photographe d’art, particulièrement attiré par l’esthétique japonaise dans la pratique du bondage, ou pour parler plus crûment du masochisme. Il rencontre une jeune Japonaise, Sayoko Murakami, photographe elle aussi, qui s’intéresse à ses travaux. L’action se passe en 2003.

John Terence Boyle est lui aussi photographe, correspondant de guerre. Il vient d’écrire un livre et narre à une journaliste ses avatars lors de la guerre qui opposait les Américains aux Vietnamiens, les épreuves qu’il a endurées, les images fortes qu’il a emmagasinées dans ses différents appareils photos, ses loupés, ce qu’il a ressenti, vécu, et ce qu’il a tenté d’exprimer au travers des instantanés qui ont jalonné son existence. Un parcours difficile mentalement et physiquement. Ceci se passait en1966 et sa relation avec la journaliste lors de la sortie de son livre, dont la couverture est ornée d’une des photos qu’il a prise, date de 2003. Un plongeon dans le passé qui extirpe des fantômes. Peut-être.

Quel peut être le lien qui relie ces deux histoires, sinon la photographie, une passion pour laquelle les chercheurs d’émotions sur pellicule donneraient leur âme au diable ? C’est ce que Romain Slocombe nous dévoile dans un roman photo, construit comme un document, où lettres, photos, souvenirs, chroniques s’imbriquent comme s’il s’agissait d’un reportage ou d’une confession. A part quelques passages qui peuvent choquer le lecteur non averti sur les pratiques sadomasochistes, et quelque peu leur apologie extrême-orientale, ce livre est à tout point de vue incomparable et le lecteur ne peut s’empêcher d’établir une corrélation entre les évènements qui se sont déroulés au Viêt-Nam durant les années soixante et la main mise américaine actuellement en Irak

Un roman, richement illustré de photographies, qui invite à réfléchir, plus profondément que ne peuvent le faire les maîtres à penser philosophiques cantonnés dans leur tour d’ivoire et qui jettent un regard d’entomologiste sur les réactions guerrière de leurs congénères sans avoir eux-mêmes mis la main à la pâte.

Un voyage entre Saïgon et Londres dont les étapes figurent les thèmes chers à Romain Slocombe exploités dans divers romans : le Japon et l'Asie en général, la photographie, le roman reportage, le masochisme et plus particulièrement le bondage qui est une pratique à vocation sexuelle dont le principe est de lier sa (ou son) partenaire à l'aide de cordes ou de chaînes.


Romain Slocombe : La Japonaise de St John’s Wood. Editions Zulma. Parution le 17 mars 2004. 140 pages. 15,30€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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