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10 mai 2014 6 10 /05 /mai /2014 09:44

Méfiez-vous des coliques néphrétiques !

 

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C'est toujours la même chose. Lorsque le père Louis Auffret sent poindre une crise de coliques néphrétiques c'est qu'un incident violent dont l'origine est imputable à son frère Charles est en train de se dérouler. Et ce soir là, alors qu'il officie lors de la messe vespérale en l'église Saint-Séverin (voir photo), sise près de la Sorbonne, une nouvelle attaque frénétique de calculs lui cause problème.

kourilsky1.JPGPour le commissaire principal Victor Maupas, l'étonnement qu'il ressent provient du fait qu'il ne s'est intéressé au dossier concernant le nouveau chef de groupe de la Crime. Car Claude Chaudron, qui déjà est un patronyme pas facile à porter pense-t-il, est une femme alors qu'il attendait un homme. Sa surprise ne dure pas longtemps devant l'aplomb de cette jolie blonde et ses références. De toute façon il va se rendre compte rapidement de ses capacités à diriger un groupe car le meurtre d'un producteur de films X, Maxime Laurent, vient de leur être signalé. C'est l'occasion pour le commandant Claude Chaudron de faire connaissance avec ses équipiers. Certains font la moue, mais le professionnalisme prend vite le dessus d'autant que la jeune femme sait se montrer diplomate.

Maxime Laurent n'est plus dans un état susceptible d'attirer les faveurs de jeunes femmes. Ligoté, poignardé, castré, une fin peu digne pour celui dont le travail était de sélectionner de possibles nouvelles vedettes pour des films pornographiques. Et la messagerie électronique doit pouvoir aider les policiers à cibler une personne susceptible de l'avoir côtoyé de près, de très près même. Des cheveux blonds sont retrouvés sur l'oreiller du défunt. Et un mail provenant d'une certaine Eva fait référence à un site de rencontre avec proposition à la clé de prendre rendez-vous. Seulement l'échange de mails s'est effectué à partir d'un cybermagasin. Et pour obtenir une description de la personne l'ayant fréquenté, c'est la bouteille d'encre.

Elodie est une adolescente, majeure quand même, qui en dehors de ses devoirs, et lorsque sa mère, qui vit avec un nouveau compagnon, n'est pas là pour la surveiller, du moins pas trop près, passe son temps sur des sites de rencontres et dialogue avec de parfaits inconnus. Jusqu'au jour où elle ne donne plus signe de vie. Or elle est la fille d'un policier, le commandant Capetti, qui travaille à la BRP, Brigade de Répression du Proxénétisme. Capetti est inquiet pour sa fille qu'il voit de temps à autre, et comme il s'estime trop engagé personnellement pour mener une enquête officielle, il demande à Claude Chaudron d'analyser discrètement l'ordinateur d'Elodie. Elle correspondait dernièrement avec un certain Alien, un pseudo qui sent la magouille à plein nez.

Un proxénète, bien connu des services de police, est retrouvé assassiné dans les mêmes conditions ou presque que le producteur de cinéma. Son ordinateur est également analysé et une jeune femme l'avait contacté. Des cheveux blonds sont retrouvés chez lui.

Et que devient le père Louis Auffret pendant ce temps ? Il se replonge dans son enfance, il se remémore ce qui est arrivé à sa mère obligée de se prostituer pour que ses deux gamins mangent à leur faim, à sa fin, et à son frère Charles qui a purgé une peine de prison et dont il n'a guère de nouvelles depuis sa libération. Il subit des crises de coliques néphrétiques et s'attend avec anxiété à de nouveaux dégâts. Or l'expertise de l'ADN des cheveux retrouvés chez les victimes conduisent les policiers jusque sur la trace du père Auffret.

Le lecteur se doute dès les premiers chapitres de l'identité de l'assassin et surtout du motif qui le conduit à perpétrer ses forfaits. Mais ce n'est pas tant le nom du meurtrier qui importe dans cette histoire, mais le déroulement de l'enquête menée par Claude Chaudron et son groupe aidés de Capetti et des membres de son équipe. Une enquête longue et difficile, douloureuse car un policier étant directement impliqué dans cette affaire, nul ne peut rester indifférent.

L'évolution des rapports entre Claude Chaudron, ses adjointshaxo.jpg et Capetti est également traitée avec une psychologie compréhensible par tout un chacun, de même que différents aspects médicaux. Tout est abordé avec simplicité, sans l'emploi de termes par trop techniques qui seraient susceptibles de détourner l'attention du lecteur.

Enfin, l'auteur nous emmène dans un Paris insolite, que peu de personnes connaissent, celui des stations de métro fantômes. Ce qui nous change des visites des catacombes, lieu plus destiné à alimenter des romans fantastiques.

Un auteur que je découvre, qui a déjà à son actif six ou sept romans, et qui m'a séduit par son écriture élégante, et l'intrigue travaillée sans être pour autant par trop complexe. Bon nombre d'auteurs actuellement oublient que l'efficacité d'une histoire réside dans la sobriété de sa narration.


Olivier KOURILSKY : Dernier homicide connu. Editions Glyphe. Parution 1er janvier 2012. 220 pages. 16,00€.

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9 mai 2014 5 09 /05 /mai /2014 13:50

Ce n'est pas parce qu'on est mule qu'on naît âne !

 

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Peut-être penserez-vous comme moi : Encore une énième histoire de drogue ! Sauf que Dominique Sylvain a réussi à contourner ce thème par trop souvent exploité pour nous proposer une vision plus intimiste et personnelle.

Après une faute professionnelle qui lui a coûté sa place de chirurgien, Alexis s'est trouvé un nouvelle voie en devenant coach en entreprise. Son premier cobaye volontaire qui lui fait entrevoir ses possibilités se nomme Denis. Près du double de son âge, soixante-douze ans, et des problèmes familiaux qu'il avait du mal à surmonter. Cela aurait pu continuer ainsi dans le meilleur des mondes, par exemple motiver sa nouvelle compagne pour un entretien d'embauche, lorsque la tuile lui dégringole dessus un soir.

Un appel téléphonique avorté, des coups frappés à la porte de son appartement, et Héloïse, son ex qui lui tombe dans les bras. Pas parce qu'elle ressent un besoin soudain d'affection à son encontre, mais parce qu'elle vient de voyager en avion et qu'elle est malade. Une ingestion volontaire de gélules contenant de la drogue. Elle s'est reconvertie comme mule, pour les beaux yeux d'un Colombien, et ce qu'elle a ingurgité, c'était en connaissance de cause. Il n'avait pas essayé de lui faire croire qu'il s'agissait de graines de café, et ce n'était pas son premier voyage.

Aussitôt Alexis contacte un ancien confrère, qui accepte de lui faciliter l'accès à une salle d'opération, et lorsque les capsules sont extraites des entrailles, il s'aperçoit que l'une d'elle n'est pas nette. Ce qui a provoqué cette indisposition. Seulement ce que les membres de l'Organisation ne pouvaient prévoir, c'est qu'Héloïse au lieu de se rendre directement chez son contact en compagnie des cinq autres mules, un véritable troupeau qui n'aurait pas aidé Stevenson à voyager à travers les Cévennes, elle a décidé de demander de l'aide à son ex. Et Alexis, tourneboulé de revoir Héloïse, bonne pomme et bonne poire, scoubidous en prime, n'a pas su refuser. Ce qui inévitablement va soulever des problèmes, des complications et autres maux croisés...

Cette nouvelle de Dominique Sylvain possède le charme de ces écrits que l'on n'attend pas. Pensant au départ lire une histoire maintes fois traitée, j'ai rapidement été sous l'envoûtement malgré moi. Si nous sommes confrontés à des trafiquants, qui sans faire de la figuration intelligente tiennent toutefois une place prépondérante dans le suivi de l'intrigue, ce sont les personnages principaux, Alexis, Héloïse et Denis qui tiennent la vedette à des degrés divers. Or ce sont des personnages de tous les jours, presque, dont le parcours a connu des accidents, des ratés, mais qui ne sont pas foncièrement des hors-la-loi. Ils sont obligés de se dépatouiller tout seuls sans mettre les forces de l'ordre dans la confidence, car ils savent que le remède activerait la recrudescence du mal. Un peu comme les personnages de William Irish qui ne demandaient rien et sur qui se focalisent toutes les misères du monde, ou presque.

Quant à l'épilogue, il a de quoi vous faire tomber sur la partie charnue de votre postérieur. Et j'aime bien ce titre qui me fait penser à La mouche du coche ou plutôt au Coche et la mouche de ce bon monsieur De La Fontaine.


A lire également de Dominique Sylvain : Ombres et soleil


Dominique SYLVAIN : La mule du coach. Illustrations Jean-Philippe Peyraud. Petits Polars du Monde 2014. N°3. Parution 30/04/2014. 64 pages. 2,50€.

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8 mai 2014 4 08 /05 /mai /2014 16:19

L'Obione du peuple !

 

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Même si la pomme est la représentation biblique du péché, une marque affichant ce fruit comme emblème joue les censeurs uniquement sur la photographie de couverture d'un roman sans se préoccuper du texte. Et nous pauvres pommes sommes sensés accepter cette dictature informatique. Avouons, après lecture, que cela ne mériterait de fouetter un chat. Moi je trouve qu'il est plus indécent de la part d'un pays qui se veux prude de vendre des armes en toute impunité à des adolescents. Voilà, c'est dit, passons maintenant aux choses sérieuses.

Entre 1870 et 1871, avec en toile de fond les événements de la Commune, nous suivons le parcours amoureux et sexuel d'une jeune femme qui préfère vendre son corps aux hommes, et accessoirement aux femmes, plutôt que de vendre son âme au Diable.

JB Troppmann portrait MMC GMUn rapport de police signale que la dénommée Marie-Louise B. a assisté en compagnie de trois autres pensionnaires d'un établissement de plaisir à l'exécution de l'assassin Troppmann. Elle est soupçonnée de fréquenter le club des Femmes dirigé par Nathalie Lemel. Seulement Marie-Louise est très appréciée d'hommes en vue dont un Pair de France et l'agent qui a rédigé le rapport demande si la surveillance de cette personne effectuée par les Mœurs doit être confiée aux Affaires Spéciales.NathalieLemelM08051921.jpg

En mai 1871, nous retrouvons Marie-Louise B., surnommée Loulou, cachée dans une encoignure de la rue du Petit Musc dans le Marais. Elle est traquée et n'ose pas s'aventurer plus loin. Les combats font rage entre Communards et Versaillais. Elle a participé au milieu de l'après-midi à une barricade de la rue Fontaine dirigée par Nathalie mais ils ont dû décrocher et dans la panique générale elle a balancé sa musette de cantinière et sa trousse à charpie.

C'est alors qu'elle ressent le sentiment d'être épiée et levant les yeux elle aperçoit au dessus d'elle une tête ébouriffée. Ce n'est qu'un homme qui lui propose de faire le mur à l'envers. Et comme elle entend les bruits provoqués par des souliers à clous, elle n'hésite pas attraper la corde qui a été lancée par dessus le faîte du mur et grimpe comme si elle n'avait fait que ça de toute sa vie. Elle atterrit dans le jardin du couvent des Visitandines. L'homme se présente comme le jardinier, et se récrie d'être curé. Il s'appelle Alphonse et déclare être au service des sœurs depuis quinze ans. Quoique Loulou ne soit pas une adepte de la religion, elle accepte la proposition d'Alphonse, celle d'une bonne soupe qui va la requinquer, puis d'un verre de vin qui est suivi de quelques autres et lui tourne la tête légèrement.

Alphonse est remonté contre les militaires, les insurgés, l'Empire en général et de Thiers en particulier. Il garde de la campagne de Sébastopol un souvenir derrière l'oreille, un trou qui n'est pas près d'être rebouché. Loulou est une adepte de la liberté des mœurs, pensant que si celle-ci est acquise, les femmes ne seront plus obligée à exercer le plus ancien métier du monde.

Afin de lui prouver sa reconnaissance, elle commence à caresser Alphonse, qui n'a pas connu les faveurs d'une femme depuis belle lurette, puis tout se termine sur la paillasse du bonhomme. De ce côté là le jardin, même s'il est en friche, est rapidement débroussaillé.

visitandines.jpgLe jardinier et la fille en fuite s'entendent bien, mais un jour Loulou est convoquée auprès de la mère supérieure laquelle a eu vent de sa présence. Loulou n'est pas une adepte de la religion, mais sa survie dans le couvent passe par des concessions. Et elle prouvera à Sœur Marie des Anges de la Sainte-Famille qu'elle comprend parfaitement où est son intérêt, et que si elle est habituée à flatter les hommes, les rapports entre femmes ne peuvent la laisser indifférente. L'union de la foi et de l'athéisme.

Personnages réels et inventés cohabitent dans cette nouvelle joyeusement érotique tout en étant historique. Le personnage de Loulou est éminemment sympathique de par ses prises de positions, tant physiques que morales, mais elle n'est pas la seule. Le jardinier Alphonse, qui vit dans une communauté de femmes sans penser à mal (mâle ?), et qui comme Candide, le héros de Voltaire, trouve le bonheur simple en cultivant son jardin.

Si le côté érotique est traité avec presque de la pudeur, le côté révolutionnaire ne pourra laisser indifférent l'amateur de Liberté et de Justice. Souvent les Communards ont été décriés, alors que Thiers et les Versaillais étaient érigés en sauveurs du peuple parisien. Du moins c'est ce que j'en ai retenu des articles qui figuraient dans mes livres d'histoire lorsque j'étais enfant puis néo-adolescent. Et c'est ainsi que les images que se forgent un gamin de la réalité sont parfois trompeuses à cause des partis pris des rédacteurs des manuels scolaires.

Mais c'est aussi un hommage à la femme combattante, qui lutte pour son émancipation, pour l'égalité des sexes - un combat long, pas forcément vain mais toujours en gestation - qui se heurte à la prédominance masculine, mais également à l'inertie d'une grande partie de la gent féminine de l'époque qui se complait dans son rôle de potiche. La femme forte qui souvent montra la voie à suivre aux hommes démunis et leur insuffla le courage de continuer le combat. Qu'elle soit célèbre ou simplement militante anonyme.

 

Et vous partagerez avec moi ce le bonheur de lecture de Sœur Fouettard dont la seconde partie Angélique dont la fiche de présentation est ainsi rédigée :

Stupre et pénitence

Où Les Visitandines se dévergondent sans vergogne dans le couvent lupanar

 

Enfin pour consulter le catalogue SKA (Romans et nouvelles), deux adresses :  

Ska Editeur et vous pouvez également accéder à la E-librairie SKA.

 

Elle est pas belle la vie ?

 

A lire également de Max Obione : Daisybelle, GUN, Le Jeu du lézard, Scarelife, L'ironie du Short, Gaufre royale et Boulette.


Max OBIONE : Sœur Fouettard. 1ère Partie LOULOU.

Collection Culissime. Editions SKA. 35 pages environ. 1,99€.

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7 mai 2014 3 07 /05 /mai /2014 07:15

La magie Brussolo opère toujours !

 

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Quelques années après la fin de la guerre de Cent ans, les chevaliers n’ont plus grand chose à faire, alors ils se combattent dans des tournois qui en laissent plus d’un sur le carreau.

Gilles, le jeune écuyer, est habitué aux victoires de son maître, même si celui-ci ne paie pas de mine. C’est comme au catch, ça ne paie guère mais au moins on a la possibilité de se faire une renommée. Jusqu’au jour où un chevalier arrive, comme ça, bêtement, alors qu’il n’était pas invité, et qui fout la baraque en l’air. Une sorte de Don Quichotte de pacotille avec son armure toute rouillée. Sauf que le poignet lui ne l’est pas rouillé, et boum, le chevalier se retrouve à terre, et il n’a pas le temps de s’en rendre compte que Dieu ou le Diable s’est déjà emparé de son âme. A la guerre comme à la guerre, il faut se plier aux principes.

Gilles devient le nouveau serviteur de cette casserole ambulante qui n’a pas de marque, je veux dire dont personne n’a vu le visage. Aurait-il quelque chose à cacher ? Cela se pourrait bien car alors qu’ils voyagent peinards, d’un seul coup le chevalier annonce à son écuyer que comme c’est la nouvelle lune, il doit être attaché sur le sol, fortement, par les poignets, sinon il risque de devenir méchant. Gilles se doit d’obéir alors il ligote les membres de son nouveau seigneur et maître à des piquets fichés en terre et il se dit maintenant je vais piquer un bon roupillon.

manoir-sortileges1.jpgC’est sans compter sur la force de la nature et le chevalier dans une crise de démence se libère à la façon d’Houdini, dont il ne connaît pas l’existence et pour cause, et le voilà gambadant dans la forêt et se prend pour l’ogre. Coup dur pour Gilles qui ne s’attendait pas à ça. Mais bon, comme il doit respect et obéissance à son nouveau maître, faut bien se plier aux exigences de celui-ci. Seulement ce n’est pas pour batifoler au clair de lune qu’ils parcourent la sylve.

Un prieur a confié une mission au chevalier et ce n’est qu’avec l’aide de Gilles qu’il peut la réaliser affirme-t-il. Il doit retrouver un grimoire contenant des formules magiques capables de le désenvoûter selon le religieux. Ce manuscrit est enfermé dans un manoir depuis longtemps assailli par les éléments et gardé par un troupeau de moutons qui n’ont de paisibles que la réputation de leur race. Avec une sauvageonne qui se prétend sorcière ils arrivent enfin sur place et commence alors le plus gros du travail. manoir-sortileges2.jpg

La magie, l’angoisse, l’épouvante sont au rendez-vous de ce roman médiéval dont l’action se déroule en la forêt de Brocéliande, de si sinistre réputation. Là encore la vedette est en partie tenue par une bâtisse recelant de profonds mystères, là encore à chaque fois que l’on pense être confronté à d’horrifiques sorcelleries, l’auteur prend le contre-pied de ce qu’il a écrit ou évoqué quelques lignes, quelques paragraphes auparavant.

Tout est expliqué de façon rationaliste et pourtant le lecteur ne peut s’empêcher de vibrer, de ressentir de l’effroi en lisant les chapitres goulûment. De la belle ouvrage monsieur Brussolo. On ne s’en lasse pas.


Serge BRUSSOLO : Le manoir des sortilèges. (Première édition Le Masque Grand Format 1999). Réédition Le Masque Poche N°47. Parution le 7 mai 2014. 406 pages. 6,90€.

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6 mai 2014 2 06 /05 /mai /2014 13:47

Apprendre la mort d'un ami, même si on ne le fréquente plus guère, cela vous secoue, surtout si c'est par le biais d'un article paru dans un journal local.

 

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Grégoire Fine, associé et beau-père de Nathan Malocène dans leur agence de détective, est atterré et en colère en découvrant que son compagnon d'aventures Sébastien Bayart vient d'être sauvagement assassiné chez lui à Pont de Pany, hameau de la commune de Sainte Marie d'Ouches en Côtes d'or. Aussitôt Nathan et lui se précipitent au lieu dit et le spectacle n'est pas beau à voir. Un véritable capharnaüm. J'éviterai de donner trop de détails, mais sachez que face au cadavre de Sébastien est affalé le corps sans vie d'une baby-sitter qui apprenait également le Serbe à l'ancien militaire.

Les deux détectives sont reçus comme un chien dans un jeu de quilles par l'épouse du défunt. Elle connait parfaitement les relations qui existaient entre Fine et Sébastien qui avec deux autres compagnons ont participé à des opérations commando, notamment au Yémen. Toutefois Fine et Malocène aperçoivent une enveloppe adressée à S. Bayart, demeurant dans un autre hameau de Pont de Pany. Aussitôt ils pensent à une confusion, à une homonymie fatale. Leur prémonition est justifiée car ils découvrent chez Séraphin, l'homonyme, deux cadavres. Le maître des lieux et un inconnu. Tabassés, torturés, exécutés. Avant toute chose, ils inspectent les lieux. De nombreux magazines scientifiques, beaucoup de livres aussi, qui tous traitent de géologie et de domaines s'y rattachant. Ils relèvent également la présence d'une tripotée de cailloux, puis entrent dans un laboratoire dans lequel trônent de nombreux objets permettant d'analyser les pierres ou de s'adonner à des expériences qui pour le moment les laissent dans l'expectative. Dans un cabanon, d'autres pierres sont stockées dans une caisse sous lesquels ils trouvent un papier avec deux inscriptions qui se rapportent probablement à des dossiers informatiques. Enfin, grâce aux pièces d'identité et au livret de famille de Séraphin, ils apprennent que celui-ci possédait un fils, Georges, qui travaille actuellement comme médecin généraliste dans une maison médicale de Dijon.

Après avoir prévenu les policiers, ils rencontrent Georges Bayart, qui n'a quasiment pas revu son père depuis que celui-ci, selon le fils, a laissé mourir sa mère. Elle était atteinte de leucémie foudroyante et il s'est contenté de disposer autour de son lit des cailloux supposés contenir des particules magnétiques.

Les pierres s'avèrent magnétiques et les deux détectives s'intéressent aux magazines retrouvés chez Séraphin. Il y est question de Lune, de pierres magnétiques, de bactérie et d'un rédacteur qui se nomme Pierre Lunel. Alors commence pour Fine et Malocène un long périple qui va les emmener de Dijon à Clermont-Ferrand, où ils rencontrent la sœur et la nièce de Séraphin Bayart. Sylvie Pastor, la nièce, travaille comme directrice d'une résidence pour personnes âgées. Sa mère Aude Alvéra y est pensionnaire depuis trois ans, depuis un accident vasculaire surnenu dans sa maison de Capbreton. C'est Séraphin qui devant donner une conférence sur les ressources des mers l'avait découverte inanimée. Aude Alvéra était assistante dentaire, officiellement, et magnétiseuse officieusement.

Ensuite ils se rendront à Poitiers, Bellac et autres lieux, et déjoueront quelques attentats, et connaitront de multiples aventures rocambolesques avant d'arriver enfin à la solution finale qui pourrait sembler invraisemblable sauf que, si le lecteur s'intéresse à la partie Mot de l'auteur, il trouvera quelques liens qui confirment que tout n'est pas qu'affabulation de l'auteur. L'enquête de Fine, qui tient à venger son ex-collègue et compagnon des Services Spéciaux, et non mercenaire comme l'affirme péjorativement l'épouse de Sébastien Bayart, est relatée par Nathan Malocène lorsque celui-ci est à la barre, et à la troisième personne lorsque Nathan n'est plus dans l'action. Cette enquête est conjointement menée par les deux détectives et par des policiers, les uns comprenant que les autres peuvent les aider à avancer dans la recherche de la vérité et plus efficacement que s'ils travaillent seuls.

Entre roman noir et science-fiction, Coups de Lune est un roman qui nous change de l'ordinaire et nous entraîne dans un univers lunaire. Les extrapolations concernant les ressources de la surface de notre satellite mais aussi des fonds marins ne sont pas si ubuesques que cela de même que les recherches concernant les pierres magnétiques ramenées par les premiers explorateurs américains en provenance de la Lune, ou autres bactéries. D'ailleurs pour s'en convaincre, il suffit d'aller sur le site de Science-Presse à l'article Une bactérie sur la Lune.

Pour rédiger ce roman, qui bien entendu est une fiction, Patricia Rappeneau a effectué de nombreuses recherches afin d'étayer son intrigue, la rendre crédible, mais pas ennuyeuse, bien au contraire. Sans entrer dans les détails techniques, Patricia Rappeneau conte une histoire qui tient la route, à défaut de vous emmener sur la Lune.

 

première enquêteL'on retrouvera avec plaisir Nathan Malocène dans Première enquête, un titre explicite et sa rencontre avec Grégoire Fine, ancien des Services Spéciaux. Une nouvelle qui est un peu le pilote de la série des Malocène et met en scène des personnages atypiques. Du moins celui de Grégoire Fine, Nathan Malocène étant un peu plus effacé mais non moins efficace.

 

 A lire également de Patrica Rappeneau :  Mission Malona et Mortelle guérison.

 

 

Patricia RAPPENEAU : Coups de Lune. Collection Rouge; Editions Ex Aequo. Parution le 26 mars 2014. 176 pages. 15,00€.

Première enquête. Editions Ex Aequo. 20pages. 4,00€.

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4 mai 2014 7 04 /05 /mai /2014 07:29

L’Hydrangea, plus communément appelé hortensia, est l’un des éléments floraux les plus représentatifs de la Bretagne avec le chou-fleur et l’artichaut.

 

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Sauf que, jusqu’à preuve du contraire, cette fleur ne se déguste pas. Mais oser planter une fleur d’hortensia dans la partie charnue d’un individu, ce qui vous l’avouerez n’est pas le récipient idéal pour une décoration florale, dépasse l’entendement du quidam, et plus encore au commissaire Lucien Workan, enquêteur de la police rennaise. Et si encore le défunt était horticulteur ! Mais non, ce n’est qu’un chirurgien dentiste dont le fondement est orné d’une fleur de cette plante originaire du Mexique, une fleur bleue doit-on préciser.

hortensias.jpgMarotan, tel est le patronyme du défunt fleuri, exerçait son art dans un immeuble dédié aux professions médicales sis quai de la Vilaine. La maison médicale l’Albatros gérée en SCI, abrite en ses murs un proctologue, un ORL, un psy, un allergologue, un rhumatologue, un généraliste, une kiné, une gynéco, une ophtalmo et une pédiatre. C’est la veuve de Marotan qui a découvert le corps de son mari, s’inquiétant de ne pas le voir rentrer à la maison après sa dure journée de labeur, et de labour dentaire. Il a été assassiné avec un club de golf, sport que pratiquait régulièrement l’arracheur de dents qui par ailleurs ne se contentait pas de lancer les balles dans les trous mais accumulait les conquêtes féminines.

Workan et son équipe sont sur les dents, d’autant qu’un autre cadavre , l’ORL, est bientôt découvert, lui aussi affublé d’un tel ornement floral. Workan soupçonne l’un des toubibs de la maison médicale de s’amuser aux dépens de ses collègues en fleurissant prématurément leurs cadavres, et plus particulièrement le psychiatre qu’il tarabuste avec une joie sadique. Mais il ne montre guère d’affabilité avec ses subordonnés, dont son adjoint Lerouyer, la Berbère Leïla avec qui il couche occasionnellement ce qui adoucit toutefois leurs relations, et quelques autres qui se demandent dans quelle galère ils se sont fourrés.

Sans oublier la Procureur, Sylviane Guérin, qu’il ne ménage pas non plus, par pur plaisir sadique. A moins qu’il s’agisse tout simplement de s’affirmer, lui qui doit sa relative tranquillité professionnelle au passé de résistant d’un aïeul d’origine polonaise. Et pourtant il les aime bien ses hommes (adjointes y compris) et se montre parfois paternaliste, bon enfant avec eux. Selon son humeur.

Hugo Buan visiblement s’amuse dans cette histoire mettant hortensia2.jpgen scène un personnage quelque peu déjanté, le commissaire Workan un passionné des œuvres de Francis Bacon, et des adjoints qui parfois frisent le ridicule. Une fine équipe qui ne peut empêcher les cadavres de s’amonceler, au grand dam de Prigent, le grand patron. Le caractère souvent acariâtre de Workan l’amène à se montrer vindicatif, quelque soit son interlocuteur. Témoin cette scène épique où il vitupère sur le prix d’un café auprès d’un restaurateur.

Seulement il y a un petit bug dans la conversion des volumes. En effet 3 € c’est cher pour un café, mais lorsque la tasse mesure cent centilitres ! A moins que l’auteur ait voulu écrire dix centilitres, cent représentant un litre, ce n’est plus une tasse qui a été servie à Workan mais un seau. Une erreur de typographie je suppose. Mais ceci qui figurait dans la première édition, a peut-être été rectifié lors de la réimpression en version poche.

Mais Hugo Buan est également un admirateur de Michel Audiard, ça se sent, ça se lit, ça se déguste. Pour preuve : “ A ce niveau de crétinisme Workan regretta qu’il n’y eu pas de prix Nobel de la connerie, il y aurait au moins un Français vainqueur chaque année ”. Un livre de divertissement plaisant à lire.

A lire également :  Cézembre noire;  L'oeil du singe et

J'étais tueur à Beckenra city.

Hugo BUAN : Hortensias blues. (Première édition Collection Univers Grands Romans - 2010). Pascal Galodé éditeurs. Réédition Collection poche. parution le 15 avril 2014. 322 pages. 9,90€.

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3 mai 2014 6 03 /05 /mai /2014 12:42

Franchement Berty aurait mieux fait de ne pas regarder la télé et Patrick Bruel jouer au poker.

 

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Car Berty se retrouve sans un rond et à bord d’une vieille caisse, il effectue le trajet Paris Saint-Malo sans vraiment savoir ce qu’il va faire au pays des binious. Si, il doit, afin de garnir son portefeuille désespérément vide à part quelques quittances de dettes, s’improviser tueur. C’est Kolo qui l’a décidé et quand Kolo commande, il vaut mieux obéir. Renseigné sur le parcours à effectuer par téléphone portable, crypté, il arrive donc dans la cité des corsaires, son look de rocker quinquagénaire à la banane défraîchie ne plaidant guère en sa faveur. Il embarque à bord d’un rafiot manœuvré par un ancien d’Indochine affublé d’une une prothèse, Hale-ta-patte.

cezembre.jpgLe même jour à Rennes, le commissaire Workan réunit ses troupes sur l’injonction de son supérieur. Magouillant avec la DST, il est le policier idéal pour aller enquêter sur les agissements de deux Américains sur l’île de Cézembre. La mission des deux Etats-Uniens consiste théoriquement en l’étude de l’écosystème de l’île qui durant la Seconde guerre mondiale a subi des largages de bombes, dont des explosifs au napalm, alors que les Allemands y régnaient en maîtres. En compagnie de ses adjoints, Lerouyer qui possède une embarcation amarrée justement à Saint-Malo et connaît bien Cézembre, de Roberto, Leila et Cyndi, il part à l’assaut des éléments. Car la tempête fait rage en ce 8 novembre et les conditions ne sont guère favorables pour la traversée qui se révèle houleuse. D’ailleurs les deux embarcations s’échouent non loin l’une de l’autre et ils n’ont d’autre solution que de se réfugier au Barge’hôtel.

Habituellement désert en cette période de l’année, le rafiot transformé cezembre1.JPGen hôtel regorge de pensionnaires. Outre les tenanciers, Léon, le grand-père, Marie-Line la fille et Noël le petit-fils de 18 ans, ainsi qu’une famille d’industriels venus en séminaire, les Monsiret, composée de cinq personnes dont la fille, Daphnée. Ils se retrouvent tous bloqués sur ce lopin de terre et les moyens de communications sont défaillants. Les téléphones portables sont inopérants et Berty est le premier à regretter cette lacune : Kolo doit lui transmettre la photo de la personne à abattre et s’il ne réalise pas son contrat c’est lui qui va se retrouver au boulevard des allongés. La situation est grave mais pas désespérée, pensent-ils tous, sauf que Daphnée qui revient d’une petite promenade affirme avoir vu un Allemand, que des tirs de mitrailleuse se font entendre et qu’un Stuka survole l’île. Un son qui ne peut être confondu avec les rafales de vent. Les mines enfouies lors des bombardements d’Août 1944 ne sont pas toutes neutralisées, les canons se dressent toujours fièrement malgré la rouille, et les bunkers peuvent receler des pièges. Enfin l’ombre de Rommel plane sur ce morceau de terre ainsi que celle d’un nommé Ruhbescht, ancien de l’Africa Korps, décédé le 6 juin 1944 mais qui aurait enterré auparavant des diamants, en espérant peut-être qu’ils fassent des petits. Bref ce qui ne devait être pour chacun des pensionnaires qu’un week-end presque tranquille se transforme en enfer bordé d’eau.

cezembre2.jpgDans un style percutant et complètement déchaîné, je dirais même mieux démonté comme la mer de Raymond Devos, Hugo Buan nous invite à le suivre sur un terrain miné guère exploré.

Nous sommes en Bretagne, loin des légendes celtiques et des menhirs. L’histoire emprunte à un décor réel et à l’histoire réelle elle aussi, avec soixante ans de recul, d’un épisode de la dernière guerre mondiale. Les touristes qui parcourent les côtes de la Manche ne peuvent guère y échapper, mais Hugo Buan nous mitonne une sorte de huis clos jubilatoire qui dure soixante douze heures. Trois jours durant lesquels les événements, les incidents, les tensions, les drames se succèdent en un véritable feu d’artifice angoissant et grotesque. Mais l’épilogue, même si le roman joue dans le registre des tontons flingueurs et autres farces cinématographiques, est néanmoins fort bien amené et vaut plus qu’un détour. La visite approfondie du livre s’impose, et les sceptiques pourront toujours consulter sur Internet “ Cézembre ”.


Hugo BUAN : Cézembre noire. Première édition Collection Univers Grands Romans. Pascal Galodé éditeurs. Réédition Poche le 25 avril 2014. 9,90€.

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2 mai 2014 5 02 /05 /mai /2014 13:33

Bon anniversaire à Michel Leydier né le 2 mai 1957.

 

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Michel Leydier est un auteur éclectique. Outre une biographie de Jacques Dutronc, quelques romans pour adultes, il produit surtout des nouvelles, noires de préférence, ainsi que de nombreux romans jeunesse.

Je vous propose un petit florilège de son œuvre, en glanant des chroniques que j'ai publiées il y a déjà quelques années, dans divers fanzines.

 

leydier6.jpgMichel Leydier nous entraîne sur la piste du rêve leydier4.jpgaméricain. Mais pour lui le rêve, ce serait plutôt un cauchemar. Pas question de croire qu'on peut faire fortune aux USA. Juste se faire flinguer, à cause d'une femme (d'une femelle aurais-je écrit si je n'avais eu peur d'une ligue féministe m'émasculant en un rien de temps, or moi j'ai le tort d'y tenir à ce qui se transmet de paire en fils). A cause d'une femme disais-je, mais aussi à cause de bien d'autres choses. De la drogue, du chômage qui recrute de plus en plus, de toutes ces petites douceurs provinciales qui, de la Louisiane à Los Angeles, sont présentes depuis des décennies, depuis Jack London, John Steinbeick et Jim Thompson. Sacrées références, mais non imméritées.

Noires américaines. Première édition collection Tamanoir, éditions de la Loupiotte. Parution septembre 1997. Réédition Librio. Juin 2001.

 

leydier5.jpgMalgré ma barbe de Père Noël et mes cheveux blancs, j’ai gardé une âme d’enfant, et je ne dédaigne pas lire de temps à autre lire des ouvrages destinés à nos chères têtes blondes, comme disent ceux qui démontrent un certain ostracisme envers la couleur des attributs capillaires des gamins.

J’ai pas triché, c’est l’auteur qui l’affirme, est le titre d’un court recueil de nouvelles qui alternent le noir à l’humour, de quoi contenter tout le monde, et c’est pas toujours facile ma bonne dame, si vous saviez... Avec j’ai pas triché titre éponyme du recueil, Michel Leydier aborde un problème d’actualité, le sport. D’ailleurs c’est toujours d’actualité, le sport, surtout quand on n’en fait pas. Y’a même des chaînes de télé spécialisées, je sais plus comment ça s’appelle, EuroX je crois... Bon, le héros de la nouvelle, c’est un marathonien, niveau départemental ou régional, c’est déjà pas mal. mais il voudrait bien accrocher une victoire à son palmarès avant de raccrocher le short et les godillots. Humour noir avec Faux départ, humour tout court avec L’éternité devant soi, noir tout court avec Une belle journée.

J’ai pas triché. Collection Eclipse chez Hachette. Parution octobre 1998. 48 pages.

 

Avec Le grand plongeon (destiné paraît-il au plus de 11 ans, maisleydier2.jpg comme je les ai dépassé depuis longtemps, je n’ai pas de problème avec la censure parentale), Michel Leydier nous entraîne à la suite de deux héros qui ont bien de la chance :Olivier et Jérémy ont découvert dans une poubelle un sac rempli de billets. Les veinards, c’est pas à moi que ça arriverait. Le soir même ils apprennent qu’une vieille dame a été dévalisée et, comme ses agresseurs ne font pas dans la dentelle, qu’elle a été assassinée. Avoir de l’argent, c’est bien, mais encore faudrait-il pouvoir en profiter. D’autant qu’Olivier en pince pour la belle Ouardia? Seulement celle-ci le néglige. Il lui faut quelqu’un qui la surprenne. Et Olivier avec sa bouille de rondouillard, se demande bien ce qu’il pourrait faire pour qu’elle daigne enfin jeter un petit coup d’œil de son côté. L’argent parviendra-t-il à le libérer de ses inhibitions et de sa timidité ? Suite dans le livre...

Le grand plongeon. Collection Vertige Policier chez Hachette. Parution février 1998. 128 pages.

 

leydier7.jpgSacrifice utilise le stratagème littéraire du journal intime. Le narrateur sait d'où il vient et où il va. Ruiné, exproprié, abandonné par sa femme qui est partie en emmenant leurs deux enfants, il s'est installé sur l'île Fleurie, squattant le squelette d'un pavillon. Il tient son journal, sorte de testament à l'attention des psychiatres et de tous ceux qui seront amenés à prendre connaissance de ses écrits, afin d'expliquer, sinon de justifier, ses actes. Car il s'est imposé une mission : La Réhabilitation de la Parole Divine par le Sacrifice. Il entame un chemin de croix dont chaque jalon sera le symbole de l'Eglise, de l'Etat ou encore de l'Argent-roi, symbole concrétisé à chaque fois par une victime.

Michel Leydier se joue de la religion, ou plutôt d'une forme d'intégrisme, de fanatisme, d'exaltation qui engendrent la conviction de ce nouveau possédé de Dieu à se lancer dans une croisade contre la représentation du Mal personnifiée par des êtres humains à travers des images emblématiques. Une façon comme une autre de dénoncer les méfaits d'une certaine classe politique se voulant le porte-parole d'un ordre moral rétrograde et dangereux lorsqu'il tombe entre les mains d'illuminés.

Sacrifices. Collection Zèbres N°5. Editions La Loupiotte. Mars 1997. 98 pages. Couplé avec Il fait plus froid dehors que la nuit d'Hervé Prudon.

 

Le dernier car est une projection de l’univers adolescent leydier3.jpgde Michel Leydier alors que né au Maroc, à Casablanca, il y passa les dix huit premières années de sa vie. Cette réminiscence se complète d’un regard critique sur les mœurs, us et coutumes, souvent d’obédience religieuse, d’une fraction humaine que nous avons parfois du mal à comprendre et à accepter. Et si le regard critique est accentué par une touche d’exotisme, il ne saurait être question, à mon humble avis de comparer Michel Leydier à Frédéric Fajardie ou encore Jérôme Leroy comme l’éditeur se complait à le faire en quatrième de couverture. En effet Michel Leydier possède sa propre personnalité sans qu’il soit besoin de recourir à de quelconques références littéraires. Et s’il fallait le comparer à des romanciers et écrivains connus, je le placerais plutôt du côté de Fredric Brown pour certaines des chutes qui accompagnent ses textes. Et si l’épilogue de Noces de chocolat est prévisible, celle de Le dernier car, nouvelle éponyme du recueil, l’est moins. Il existe dans ces contes comme un clin d’œil aux milles et une nuits, avec des constats privés de connotations politiques. Mais également des traces d’humanisme, de sensibilité à fleur de peau comme dans Naufrage. Le racisme primaire y est évoqué, au delà des frontières du Maroc, dans la banlieue parisienne, mais avec toujours pour interprètes principaux ces Maghrébins qui vivent entre chiens et loups.

Le dernier car. Collection Le Cabinet Noir n° 43, Manitoba Les Belles Lettres. Paru en 2000.

 

leydier1.jpgDans Sussex and Sun, Michel Leydier se fait plaisir, un peu comme les auteurs qui prolongent une ligne de conduite avec le héros récurrent du Poulpe, dont Edmond Benakem est un peu le fils spirituel. L’intrigue laisse place au décor, à une atmosphère empreinte de rock and roll, de bières et de drogues et l’histoire en pâtit quelque peu. Edmond profite de ce que son patron l’envoie en reportage à Londres et dans le Sussex pour renouer avec Carolyn, la belle blonde qu’il a connue huit ans auparavant dans le cadre d’un séjour linguistique. Depuis, la Tamise a coulé sous les ponts londoniens et Carolyn est mariée avec Graham, dont le mode de vie est en contradiction avec celui de la tendre Caro, du moins celle dont se souvient Edmond. Taulard à temps partiel, alcoolique et violent, adepte de la drogue, manipulateur, Graham n’est pas le compagnon idéal, malgré un accueil mi figue mi raisin. Edmond se trouve entraîné dans des avatars dont il se serait bien passé, d’autant que cela l’amène à visiter les geôles britanniques ce qui n’était pas prévu au programme de même qu’au sommaire du guide du routard. Heureusement il peut compter sur un ami anglais, Bobby et ainsi que sur l’apport amical et non négligeable d’un routard rencontré sur l’Eurostar, Jean-Luc. Comme toutes les œuvres de commande, et celles qui sont écrites d’après une maquette, Sussex and Sun n’est pas impérissable mais se lit avec plaisir.

Sussex and Sun. Le Polar du Routard n° 6, éditions Hachette. Paru en 2000. 192 pages.

 

Bonnes lectures !

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1 mai 2014 4 01 /05 /mai /2014 14:03

Les forçats de la Petite Reine

 

daisybelle.jpg


Dans quelques semaines les coureurs participants au Tour de France cycliste s'élanceront à l'assaut de l'asphalte. Et ils ne seront pas les seuls à sillonner les belles routes de nos campagnes, puisqu'ils seront précédés de la caravane publicitaire, des norias des voitures des directeurs sportifs, des motos des journalistes et des gendarmes, sans oublier tous ceux qui salueront leurs exploits dans un esprit sportif dénué de tout trucage lié au dopage.

En ce début des années soixante, Louis Hortiz se promène en bicyclette sur les chemins et routes du Pays d'Auge, à Villers sur mer. Comme tous les ans, il est arrivé en éclaireur en compagnie de sa sœur Lucette et de sa copine Gisèle. Ils logent à la villa Les Fusains, une location qui se perpétue d'année en année, en attendant le flux touristique. Plus jeune que les adolescentes, qui révisent au calme, Louis est toutefois obligé de participer aux tâches ménagères, un jour sur trois. Faire les courses, cela lui convient, mais débarrasser la table et laver la vaisselle, il s'en passerait bien.

daisybelle1.jpgAlors qu'il dépose son vélo contre une clôture grillagée, Louis se fait interpeller par le propriétaire, un vieil homme bourru. Toutefois le père Carillon ainsi surnommé pour une plaque émaillée vantant les bienfaits d'un café et clouée sur la porte de la remise, est intéressé par la bécane de Louis, il en connait la marque et surtout celui qui lui a donné son nom. Une ancienne gloire du cyclisme qui aurait abrégé sa carrière en préférant l'alcool à la course cycliste. Le père Carillon invite Louis a visiter sa remise où il parque avec un soin méticuleux sa vieille moto, une TerroT de 1936 dont il connait par cœur la fiche technique. Et surtout le side-car qui lui est accroché comme un bigorneau sur l'un de ses flancs.

C'était l'époque bénie du transistor et le père Carillon en possède un qu'il porte à son oreille : c'est l'heure de la retransmission de l'étape du jour du Tour de France qui se déroule dans la région. Il propose même à Louis d'aller le lendemain de suivre l'étape contre la montre qui doit effectuer un parcours dans les environs de Deauville. Ils se rendront sur place avec Daisybelle sa moto. Louis est heureux, fier mais contrarié car il va désobéir en se lançant à l'aventure sans l'accord de ses parents. Il va leur envoyer une lettre et il laissera un mot à Lucette.

Entre le vieil homme et l'enfant, s'établit une sorte d'amitié, et ils ne savent pas encore qu'ils vont se trouver confrontés à des hommes dont la morale s'efface devant l'appât du gain.
Louis et le père Carillon, se sentent seuls, chacun de leur côté. La compagnie d'amis et des siens manque à Louis, quant au père Carillon, il vit en solitaire, ayant perdu sa femme et sa fille dans des conditions qui ne sont pas évoquées. Et c'est cette solitude et l'attrait pour le vélo, entre autre, qui les rapproche. D'autant que le père n'est pas souvent à la maison pour des raisons professionnelles et Louis le connait à peine.

 

Sans vraiment situer la date de cette aventure, qui doit se dérouler selon quelques indices au début des années soixante, puisque Lucette écoute à la radio La Famille Duraton et qu'une Renault 4L est stationnée près d'un hôtel, Max Obione joue avec des événements qui se sont réellement déroulés bien des années après. Je me contenterai de signaler juste quelques dates fatidiques qui ont marqué le Tour de France : 1967 et 1998, par exemple, ainsi que des personnages à la réputation sulfureuse et un produit surnommé le Pot belge.

Mais il est indéniable que ce roman pour jeunesse nous fera plonger dans la notre, non seulement par les noms des cyclistes qui y sont évoqués comme Robic ou Vietto, par les illustrés pour la jeunesse comme Cœurs Vaillants, mais aussi par les interdits parentaux : Quant à la télévision, les parents de Louis y voyaient le début de la perversion de la famille : Lis au lieu de quémander la télévision ! déclarait le père.

La couverture est signée Cécilia Paraire.


Max OBIONE : Daisybelle. Collection Roman Jeunesse, éditions du Jasmin. Parution 16 avril 2014. 120 pages. 9,90€.

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30 avril 2014 3 30 /04 /avril /2014 05:21

Pour les 20 ans de la collection Chemins Nocturnes, VIviane Hamy propose des livres à petit prix. Profitez-en !

 

sorciers.jpg


En quelques minutes, trois gamins qui baguenaudent dans une forêt de la Dombes, près de Trévoux, vont découvrir la vie dans toute sa magnificence et la mort dans toute son horreur.

La vie, c'est lorsqu'ils reluquent à travers des branchages la belle et jeune Solange, surnommée la Sorcière, s'ébattre nue dans la rosée. Et il est vrai qu'elle est aussi bien recto que verso, ses appâts sont ravissants. Elle devine l'attention voyeuse dont elle fait l'objet. Mais elle n'en a cure, elle est chez elle, juste un soufflement de chat en colère, les doigts en avant et les garnements déguerpissent.

Pour affronter la mort en la personne du cadavre du père Vouvéré (abréviation du sempiternel Vous verrez avec lequel le défunt débutait toujours ses phrases). Du sang partout, dans le cœur un poignard dont le manche figure vaguement un diable, des chiffons rouges accrochés aux branches et une urne qui déverse des cendres sur le crâne de l'occis. Comme si l'assassin avait mis en scène un rituel macabre.

Dans les locaux de la brigade criminelle de Lyon, le comte Gontrand de Chailleux, plus connu sous la signature journalistique de Gontrand Cheuillade, se fait remonter les bretelles par la commissaire et néanmoins amie Victoire Amalfi dont le sang bout encore de la lecture du dernier article pondu par l'aristocrate anar. Mis en cause sa prose concernant les agissements prohibitifs en tout genre d'un représentant supposé de la mafia russe du nom de Rezwiakoff. C'est à ce moment qu'il apprend par téléphone et par Arlette Henrioux, la secrétaire du maire et chirurgien Maurice Delporte, la mort de son ami et régisseur Axel Lignon retrouvé dans les circonstances décrites ci-dessus. Car Vouvéré et Axel Lignon ne font qu'un.

Maurice Delporte est le gendre du député Clément Katz. Or Clément Katz est ravagé par un cancer dit galopant, et ses jours sont comptés. Il a en Gaëlle une infirmière très appétissante, seulement il n'en a guère le loisir d'en profiter. Toutefois le moribond ne mâche pas ses mots surtout à l'encontre de son gendre. Il affirme à sa fille Véronique qu'il ne changera pas un mot de son testament et que son gendre, s'il veut se faire un nom et une place au soleil de la vie politique, devra s'y employer seul. Pas question de léguer au couple un héritage conséquent uniquement pour satisfaire les envies législatives du gendre. Aussi il a pris ses dispositions sous forme de rente que sa fille touchera à sa mort. Un point c'est tout. Une conversation déjà assez édifiante que Sœur Blandine, qui tous les dimanches effectue un tour de garde chez le député, entend derrière la porte de la chambre du malade en compagnie de Gaëlle.

Et elle n'en saura guère plus car peu après le député décède. De sa belle mort selon le médecin, seulement Sœur Blandine n'est guère convaincue par cette disparition fort à propos, même si tout le monde s'y attendait. Et comme elle a suivi des études de médecine, qu'elle fut policière dans une autre vie, elle renifle comme un meurtre et par la même occasion le bocal de perfusion, lui trouvant une odeur bizarre.

C'est ainsi que les chemins de Sœur Blandine et de Gontrand Cheuillade vont se croiser à nouveau, même s'ils ne se sont jamais vraiment éloignés. Et les meurtres de Vouvéré et de Katz sont rattachés par un fil ténu qui sent la transaction immobilière. Mais dans ce cas, pourquoi profaner un cimetière, s'acharner après le chat de Solange, tuer une autre sorcière...

Les meurtriers présumés ne manquent pas, mais dans quelle direction chercher ? Dans l'entourage du député Katz, sa famille, ses adversaires politiques, dans le cercle des sorciers, dans celui plus restreint de Vouvéré, qui a pu et pourquoi tuer ces deux hommes?

Si Gontrand Cheuillade prend une place prépondérante dans cette enquête, il ne faut pas oublier Sœur Blandine qui est un condensé de la tempétueuse Imogène chère à Charles Exbrayat et de Sœur Thérèse.com qui fit les beaux jours d'une série télévisée, et dont d'ailleurs le profil est assez semblable puisque toutes deux sont d'anciennes policières devenues religieuses. Sœur Blandine bénéficie d'un statut particulier, puisqu'elle soigne à domicile comme infirmière, mais elle se permet quelques entorses parfois, en fumant par exemple. Au grand déplaisir de Sœur Guillemette, qui traque la moindre allumette en fouinant dans sa vieille guimbarde Titine, quant à Mère Adrienne, elle ferme les yeux tout en faisant semblant de gronder.

Gontrand Cheuillade, l'aristocrate qui n'étale pas son titre nobiliaire, est un quinquagénaire vieille France pour qui l'amitié n'a pas de prix, et outre Vouvéré, il apprécie la compagnie reposante de Sœur Blandine, et celle plus agitée de Victoire Amalfi qui justifie son statut de commissaire et de Corse.

Philippe Bouin a consacré quelques aventures à Sœur Blandine, dont Implacables vendanges et  La gaga des traboules et il est dommage qu'il l'ait laissée sur le bord de la route.

De Philippe Bouin, lire également : Va, brûle et me venge, Pars et ne dis rien, Comptine en plomb, Paraître à mort, Le vignoble du Diable et Les Chais des ambitieux.


20-ans.jpg
Philippe BOUIN : Les Sorciers de la Dombes. Collection Chemins Nocturnes. Editions Viviane Hamy. Première parution mai 2001. Réimpression 2012. 240pages. 8,90€.

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