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7 octobre 2014 2 07 /10 /octobre /2014 07:57

Et Marc vit l'Art...

Marc VILLARD et Hermance TRIAY : Scènes de crime.

La tradition veut (exige ?) que le nom de l'auteur, ou du scénariste, précède celui du compositeur ou du dessinateur. Mais ayant envie de bousculer cette tradition et afin de faire preuve de courtoisie j'aurais tendance à écrire plutôt :

Hermance Triay et Marc Villard : Scènes de crime.

Mais bon, ne chipotons pas et laissons-nous aller à vagabonder dans cet ouvrage qui fait la part belle à la photo. D'ailleurs, qui de la poule ou de l'œuf... Le texte vient-il en complément de la photo ou inversement ?

Marc Villard est un minimaliste et en vingt courts textes de deux ou trois pages il met sa plume au service de l'image. Car c'est bien ainsi que cela est conçu. D'abord une photo double page puis le texte qui devient un peu une légende, ou une épitaphe, accompagnant un tableau.

Décor forestier et bucolique pour Rivière profonde, mais il ne faut pas se laisser prendre au piège de cette douceur et sérénité apparentes. Les Tucker tiennent une scierie dans l'Arizona. L'été les touristes et campeurs affluent. Parmi eux un couple et leur fille Sophie, seize ans. Les deux fils Tucker, sensiblement du même âge, tournent autour d'elle comme les libellules sur la rivière. Mais ce petit coin de l'Arizona n'est pas Venise, et les promenades à deux ne sont pas accompagnées d'un gondolier.

Changement de décor immédiat dans A bout de souffle. Marc Villard nous ramène à Paris, dans le quartier de la Gare d'Austerlitz. Et pour avoir dansé et plus avec Nadia, Serge risque de se retrouver à Waterloo. Le soleil ne brille pas la nuit, même sur les tessons de bouteilles.

On sait qu'aux Etats-Unis, les armes sont un signe de virilité, surtout pour donner la mort. Et le mort n'est plus viril. Dans Le flingue capricieux Cynthia, qui s'est mariée deux fois, cède aux avances du narrateur, et celui-ci pense l'emmener loin ailleurs, loin de son mari qui en plus d'être garagiste est un cogneur. C'est pas beau de cogner une femme, surtout sans raison.

Nouveau voyage aller en Arizona dans La neige endormie puis retour dans la banlieue parisienne avec En plein cœur, et les aller-retour continuent pour le plus grand plaisir du lecteur qui découvre d'autres facettes. De l'amour bafoué par exemple. Ainsi dans La femme volage, Butch, même s'il ne fume pas, possède chez lui un cendrier, lequel objet rencontrera le visage de sa femme car celle-ci a un amant. Et ce n'est pas tant le fait qu'elle le trompe avec un militaire mais d'explications oiseuses qu'il n'accepte pas.

L'adultère est aussi le thème de Tout corps plongé dans un liquide. Steve et Jenny s'aiment. Seulement, si la femme de Steve est partie avec un musicien, Jenny est toujours mariée avec un passionné de stock-car. Et comme il ne fait plus attention à elle, trop occupé à parier, à admirer les voitures promises aux carambolages et aux filles qui vont avec, le meilleur moyen est de s'en débarrasser. Et quoi de mieux pour cacher le corps que des sacs poubelles et un plongeon dans les eaux d'un étang.

Je ne vais pas tout vous narrer, sachant que déjà j'en ai écrit beaucoup, pourtant il me faut vous préciser que si vous découvrez ces histoires dans l'ensemble, il y a un petit point que j'ai omis. Le dénouement ! Le dénouement ou plutôt la chute, tout simplement qui joue avec humour, causticité et dérision sur des situations tragiques. Comme un pied-de-nez à l'attention du lecteur et qui tient en une phrase, la dernière.

Comme une bonne photo vaut mieux qu'un long discours, je vous en propose deux ou trois afin de mieux comprendre l'exercice de style auquel Marc Villard s'est prêté. Car contrairement à ce que j'ai écrit au début de ma chronique, je soupçonne fortement Marc Villard de s'être penché sur le dossier contenant les clichés d'Hermance Triay et, sans en avoir l'air, laissé vagabonder son imagination.

Si l'on ne présente plus Marc Villard, Hermance Triay est peut-être plus effacée derrière son rôle de photographe. Une femme de l'ombre qui met des décors ou des personnages en lumière. J'ai eu l'occasion de rencontrer Hermance Triay à plusieurs reprises, notamment à un festival à Saint-Quentin en Yvelines en 2005. Nous avions discuté sur sa participation à quelques ouvrages de la collection Noir Urbain aux éditions Autrement dont les illustrations de Venin, place du Maucaillou d'Eric Tarrade.

Décor de Rivière profonde.

Décor de Rivière profonde.

Décor pour A bout de souffle

Décor pour A bout de souffle

Marc VILLARD et Hermance TRIAY : Scènes de crime. Le Bec en l'air éditions. Collection Collatéral. Parution le 2 octobre. 160 pages. 14,90€.

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6 octobre 2014 1 06 /10 /octobre /2014 09:24

Les points de convergence entre le roman d'amour et le roman policier sont plus nombreux que l'on pourrait croire : Amour, jalousie, haine, argent en sont les ressorts principaux.

Revue ROCAMBOLE n° 55/56 : L’œuvre de Delly.

Déjà je sens vos lèvres esquisser un sourire goguenard, dédaigneux, poindre dans votre regard une pointe de commisération et de condescendance. Pensez donc ! Un numéro du Rocambole consacré à Delly ! Quelle faute de goût ! Et pourtant cet auteur bicéphale - sous ce pseudo féminin se cachaient la sœur Marie (1875-1947) et le frère Frédéric (1876-1949) Petitjean de la Rosière - aura engrangé les succès de librairie en France et au Canada et les traductions en Italie, en Espagne et en Amérique latine, de 1903 jusqu’en 1984 par le biais des rééditions et d’inédits posthumes. Publiés en feuilletons dans des magazines essentiellement féminins comme Les Veillées des Chaumières (qui existent toujours !), L’Echo de Paris ou Le Petit écho de la Mode, ou à obédience catholique comme Le Pèlerin, La Croix illustrée, et par des quotidiens ou hebdomadaires régionaux tels que L’Ouest Eclair, ces romans ont été édités principalement par La Bonne Presse, Gautier-Languereau, Plon, Flammarion et surtout Tallandier.

Quatre-vingt-dix titres qui ne se contentent pas d’être écrits à l’eau de rose mais empruntent à quasiment tous les genres de la littérature populaire. Delly a entrouvert une porte par laquelle se sont engouffrés des auteurs tels que Max du Veuzit, Claude Fleurange (alias Marcel Priolet), Hélène Simart et bien d’autres qui firent carrière sous divers pseudonymes. Mais peu à peu s’effacèrent sous la production effrénée et foisonnante des éditions Harlequin et leurs différentes collections qui furent un tremplin pour des romancières aujourd’hui célèbres telles que Nora Roberts ou Janet Dailey.

A l’origine, comme nous le rappellent fort justement Angels Santa et Jean-Luc Buard, le roman « dellyen » était à ranger dans les catégories roman sentimental et roman catholique, des ouvrages destinés principalement aux jeunes filles avec deux buts avoués : la distraction et l’éducation. Deux étiquettes qui resteront accrochées à leurs jaquettes (je rappelle que Delly était double) alors que bien d’autres facettes furent explorées : romans d’aventures, policiers, exotiques, espionnage ou historique. Pourquoi avoir débuté dans le roman dit catholique, comment s’est effectuée cette bifurcation ? Quelles étaient les attributions de l’une et de l’autre dans la rédaction de leurs romans ? Les réponses à ces questions et à bien d’autres vous sont dévoilées dans ce copieux dossier qui fut élaboré par Ellen Constans. Elle n’aura pas eut le plaisir de voir cette parution, décédée entre temps. Un numéro consacré à un auteur cataloguée dans la catégorie sentimentale et qui bat en brèche bien des à-priori, des idées reçues et préconçues.

Revue ROCAMBOLE n° 55/56 : L’œuvre de Delly. Revue ROCAMBOLE n° 55/56 : L’œuvre de Delly. Revue ROCAMBOLE n° 55/56 : L’œuvre de Delly.

Mais le Rocambole propose aussi un article que je compulse toujours avec attention : Les Révélations du Rocambole, une chronique dirigée et alimentée par Claude Herbulot, Jean-Paul Gomel et Paul J. Hauswald. Dans ce numéro, un long chapitre intitulé 32 rue de Maubeuge, et consacré à André Guerber, éditeur commercial et ses nombreux avatars dans des maisons d’éditions qui s’enrichissaient selon ses intérêts dans les éditions pirates. Il toucha à tout, collections diverses, magazines, petites bandes dessinées souvent réservées aux adultes, changements de titres et de pseudonymes, un grenouillage qui dura près de quarante ans. Dans le même article, un autre chapitre qui nous renvoie plus ou moins au dossier principal de la revue : la collection Cristal chez Plon, qui connut 72 titres parus entre mai 1980 et juillet 1981. Une collection destinée à concurrencer Harlequin mais qui fit long feu. Pourtant parmi ses auteurs, de grands noms de la littérature populaire (et policière) qui se cachaient derrière un alias souvent féminin. Je me contenterai de signaler que des auteurs comme Françoise d’Eaubonne, qui avait déjà signé quelques romans pour les collections Grands Romans et Présence des Femmes sous le pseudo de Nadine de Longueval, mais aussi Jean-Baptiste Baronian, Gérald Moreau, Frédéric Charpier et quelques autres dont je vous laisse découvrir les noms d’emprunt.

Jean-Pierre Galvan nous propose sa revue des autographes, avec des extraits de lettres ou des lettres entières signées Alexandre Dumas, Maurice Leblanc, Gaston Leroux, Boris Vian, Gustave Aimard ou Xavier de Montépin. Sans oublier les addenda de Patrick Ramseyer et autres informations capitales pour les amateurs de littérature populaire.

Mais ce numéro ne pouvait se clore sans une nouvelle, La Ronde sous les eaux, signé M. Delly, premier pseudonyme qui se réduisit en Delly tout court par la suite. Une nouvelle datée de 1895 et demeurée inédite jusqu’à cette parution.

Le Rocambole, la revue de référence pour tout amateur de littérature populaire.

 

Revue ROCAMBOLE n° 55/56 : L’œuvre de Delly. Parution Juin 2011. 352 pages. 27,00€.

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5 octobre 2014 7 05 /10 /octobre /2014 15:55

Les bonnets rouges sont de retour ?

Renaud MARHIC : Le dossier Bug le Gnome.

Un gamin en pyjama rouge, affublé d'un bonnet, en plein milieu de la Très Grande Cathédrale, cela dépasse les bornes ! Gaby, le veilleur de nuit depuis un demi-siècle n'avait encore jamais été confronté à une telle situation. Et malgré ses soixante-dix ans passés, il n'hésite pas à s'élancer sur les traces de ce trublion, quatre-cents marches à monter pour rejoindre la flèche. La flèche de la Très Grande Cathédrale, mais faut dire que le gamin c'est aussi une flèche. En fait de gamin, il s'agit d'un bonhomme qui le nargue, avec ses petits yeux ronds bleu acier sous de gros sourcils froncés et sur une moustache touffue.

Gaby fait sa déposition au commissariat de la Grande Cité, mais personne ne veut prendre en compte sa déclaration. Même pas Gustave Flicman, le jeune policier qui vient de se faire bousculer par un éléphant rose. Réflexion faite, ce n'est que la femme du commissaire Velu qui telle une furie culbute tout sur son passage. Une erreur de transmission de message, et un ménage qui capote. Velu avait écrit à sa chère et tendre : Poupoule (c'est un petit surnom aimable), as-tu pensé à acheter des merguez ? message qui, vous en conviendrez, n'est pas de nature à semer la semoule de couscous aux quatre vents de la discorde. Seulement cette impétueuse épouse aurait reçu la communication suivante : Bouboule, as-tu pensé à te jeter de la falaise ?, ce qui bien évidemment ne peut que mettre en boule la réceptrice de cette boulette de la communication. Et quand Gustave consulte sa montre, en fin de journée, à 17h00, celle-ci indique 04h00 du matin. Fuseau horaire de Vladivostok. Encore un patelin que Gustave est incapable de situer sur une carte.

Et tout va de mal en pis. Pourtant il avait été sermonné lors de sa première aventure (voir L'attaque du Pizz' Raptor) et il a bien appris sa leçon, il ne faut pas croire en l'existence des Lutins Urbains. Donc il n'y croit pas, pourtant les événements qui viennent de se dérouler et ceux qui vont suivre, que je n'évoquerai qu'avec parcimonie, vont l'inciter à changer d'opinion.

Une affichette apposée sur la vitrine d'un commerce, une boulangerie pour être précis, annonce la tenue d'une conférence à l'Université d'Onirie avec le Professeur B. en blouse blanche et Loligoth. Ou encore il aperçoit une silhouette ressemblant traits pour traits et couleur de bonnet identique, au personnage décrit par Gaby le veilleur. Les becs de gaz, qui ne sont plus à gaz mais électriques s'éteignent lors du passage du gnome, comme pour le saluer. Gustave le suit jusqu'à une décharge, pardon une déchetterie selon l'appellation officielle en vigueur, et le voit afficher un sourire béat à la vue de tous les frigos, postes de télévision, ordinateurs bons pour le recyclage car ayant atteints la fin de leur espérance de vie programmée. Sans oublier de parler du Troll ou du Supérieur Inconnu qui se déplace en moto. Et autres événements et épisodes auxquels notre jeune ami va être confronté et lui qui ne veut pas croire aux Lutins Urbains, va être servi.

Evidemment ceci est une extrapolation dans un monde féérique de notre monde actuel. Et ce court roman n'est pas uniquement destiné aux enfants comme le titre de la collection tendrait à nous le faire croire. Bug le Gnome (aurais-je oublié de vous le présenter ?) est une entité à laquelle nous sommes quotidiennement confrontés, dans notre vie professionnelle ou au cours de nos loisirs. Juste au moment ou vous alliez vous servir de vos téléphone portable, celui-ci refuse obstinément de fonctionner, de même que votre ordinateur, ou tout autre appareil moderne dont vous avez un besoin immédiat et qui est indispensable alors que lorsque vous ne le possédiez pas, vous le jugiez superflu. Et Bug le Gnome passe par là, et c'est le chambardement. Et il n'est pas le seul, car les Lutins Urbains, qui ne le sont pas toujours urbains ou policés, constituent votre environnement sans que vous le sachiez. La sorcellerie de nos ancêtres s'est adaptée au goût, mauvais goût, du jour.

Sous des dehors humoristiques, Renaud Marhic nous montre que nous sommes devenus esclaves du progrès, et que, comme nous ne pouvons le combattre, autant essayer de s'y adapter avec philosophie. Souriez, vous êtes peut-être espionné ! Ce n'est pas pour autant qu'il faut bouder votre plaisir de la lecture, au contraire, Bug le Gnome est un antidote à la morosité.

Renaud MARHIC : Le dossier Bug le Gnome.

Renaud MARHIC : Le dossier Bug le Gnome. Les Lutins urbains N°2. Editions P'tit Louis. Collection Romans Jeunesse. Parution le 1er octobre 2014. 136 pages. 8,50€.

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4 octobre 2014 6 04 /10 /octobre /2014 13:56

Et Freddy est Fannie ?

Marcus MALTE : Fannie et Freddy.

Après Les Harmoniques publié à la Série Noire en 2011,Marcus Malte s'était laissé gentiment oublié des lecteurs, publiant parcimonieusement quelques nouvelles ici où là. Mortes saisons aux éditions Le Bec en l'air ou Canisses chez In8 et cet été Les cow-boys dans la collection les Petits Polars du Monde. C'est peu ! Oserais-je même dire que ce n'est pas assez ? Peut-être a-t-il été perturbé, trop sollicité par les concerts littéraires Les Harmoniques et sa présence devenue indispensable dans de nombreux salons et festivals. Mesdames et messieurs les Organisateurs, s'il vous plait, laissez les écrivains s'adonner en paix à leur louable labeur : rédiger leurs œuvres, en toute sérénité, destinées à un lectorat impatient.

Alors découvrir un nouveau titre de Marcus Malte est toujours un plaisir même s'il est quelque peu gâché par le nombre restreint de pages, moi qui me plaint toujours que les romanciers en font trop ! Car ne vous y fiez pas, cet ouvrage qui comporte 160 pages recèle en son sein deux longues nouvelles, celle éponyme du recueil et la seconde, Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas, qui est la réédition de Plages des Sablettes, souvenirs d'épaves, titre publié en 2005 dans l'éphémère collection Noir Urbain, dirigée par Claude Mesplède aux éditions Autrement.

 

Fannie et Freddy : Fannie n'est pas une femme comme les autres. Si dans son service ses collègues l'ont surnommé Minerve, à cause de sa propension à tourner le buste en même temps que la tête; si elle a un œil de verre, un vrai pas une réplique en vulgaire plastique avec iris peint à la main; si malgré un léger embonpoint elle possède des seins à se faire damner un saint, aux aréoles en auréole; si elle vit seule à Bayonne, petite ville du New-Jersey près de New-York connue surtout pour être la ville de naissance du célèbre écrivain de Fantasy George R. R. Martin... ce n'est pas pour toutes ses raisons que Fannie n'est pas une femme comme les autres.

Elle a rendez-vous à New-York avec un jeune homme qui n'est même pas au courant de cette rencontre. De plus elle arrive avec une demi-heure d'avance dans le parking où doit avoir lieu la confrontation. Quand je vous dis que Fannie n'est pas une femme comme les autres ! Elle repère la voiture de l'homme qu'elle doit rencontrer, gare la sienne juste derrière afin de l'empêcher de sortir de son emplacement, sort le cric, fouille dans son sac à main, et attend. Des pas, un homme qui lui demande de se déplacer, le prétexte de sortir la roue de secours du coffre et vlan, c'est le coup de foudre. Enfin pas vraiment, mais une décharge électrique qu'il se ramasse sur la nuque, plongée du corps dans le coffre, et le voyage de noces peut commencer.

Autrefois à Bethléhem, les cheminées des aciéries crachaient le feu, mais depuis l'interdiction de fumer, la petite ville industrielle s'est recroquevillée. Et ce n'est pas la crise des subprimes qui va la réveiller. La crise des supprimes, cela plus adéquat.

Ce n'est pas pour rien si Fannie a sélectionné un jeune homme répondant au prénom de Freddy, car un esprit de revanche, de vengeance l'anime, et c'est peut-être aussi pour ça qu'elle n'est pas une femme comme les autres... J'écris ça, mais vous n'êtes pas obligé de me croire lorsque j'édicte cette dernière affirmation.

 

Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas, est pour Marcus Malte l'occasion de nous présenter La Seyne-sur-mer, sa ville de naissance, avant, quand les construction navales existaient encore. Le lieutenant Ingmar Perhsson, c'est quelqu'un. Il est policier et quand il le peut, il arpente les mille deux cents mètres de sable, pieds nus, jusqu'à ce bout de terre fin de parcours où s'agglomèrent varechs, infimes cailloux et coquillages. Là où il a vu Paul pour la dernière fois. C'était il y a vingt sept ans, mais il s'en souvient comme si c'était hier. Tous deux avaient quatorze ans et ils se connaissaient depuis tout jeunes. Ils n'étaient pas placés sur les mêmes barreaux de l'échelle sociale, mais peu importe le statut lorsque l'amitié prend le pas sur l'argent. Et puis il ya eu le drame, peut-être à cause de Tarzan, un vieux bonhomme estropié du travail. Une hélice qui lui était tombée sur une jambe, et depuis il s'envoyait en l'air dans les souvenirs d'une vieillesse abandonnée. Tarzan se faisait un peu d'argent en ramassant les bouteilles vides laissées sur la plage par les touristes et en encaissant la consigne. Tout comme Paul et Ingmar, mais ceux-ci avaient l'âge de la jeunesse pour eux, et leur récolte dépassaient souvent leurs espérances, laissant le menu fretin à Tarzan qui ne disait rien.

 

Marcus Malte aime les histoires intimistes, avec peu de personnages, et ce qu'il a à raconter s'inscrit dans le registre des drames personnels. Pour Ingmar Perhsson, dont les parents étaient Suédois, c'est la recherche du passé qui le motive, et qui l'a amené à devenir policier. Un drame qui a marqué son enfance et dont il n'a pas la clé, consciemment ou non. Quant à Fannie et Freddy, il s'agit d'un drame qui prend sa genèse dans les agissements néfastes des banques, qui ont touché largement les petits propriétaires immobiliers des Etats-Unis, lesquels ont cru au mirage bancaire en s'endettant.

 

Marcus MALTE : Fannie et Freddy. Suivi de Ceux qui construisent les bateaux ne les prennent pas. Editions Zulma. Parution le 2 octobre 2014. 160 pages. 15,50€.

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3 octobre 2014 5 03 /10 /octobre /2014 13:34

Entre avaler des couleuvres et avoir une langue de vipère, il faut savoir serpenter !

 

 

Patrick CAUJOLLE : Beau temps pour les couleuvres.

De nombreux auteurs de littérature policière ont débuté en écrivant de la poésie. Ce n'est pas un crime, demandez à Marc Villard ou Adam Saint-Moore par exemple. Cela leur a permis de peaufiner un style qui souvent imprègne leurs romans. Patrick Caujolle a donc emprunté cette voie, récoltant au passage quelques prix honorifiques. Mais la poésie est un art confidentiel et rares ceux qui actuellement se font un nom dans ce domaine pourtant exigeant. Et ce sens du rythme, de la description, du regard porté sur la nature ou les êtres humains s'en ressent, apportant une note plus souple dans la narration.

 

Alors qu'il se promet un week-end tranquille à pêcher la truite dans l'étang de Hers avec son copain Pierrot, le capitaine Gérard Escaude, attaché au commissariat de l'Ouest, quartier Saint-Cyprien à Toulouse, est arraché à ses idées vagabondes et halieutiques par le téléphone. Il n'avait plus que vingt minutes à tirer pour s'échapper du bureau, les plus longues, mais la substitut du procureur annihile ses volontés d'aller taquiner la truite pour lui proposer d'aller fouiner en eaux troubles.

Un homicide vient d'être signalé dans une rue calme, un homme qui aurait poignardé sa légitime épouse d'environ une trentaine de coups de couteau. La défunte n'a plus besoin de soins, sauf des analyses de la police scientifique et de l'autopsie réglementaire, tandis que son mari, Marcel Duval, retraité de la SNCF, découvert prostré, on le serait à moins, a été transféré dans un service médico-judiciaire. Le lendemain, affolement général, Duval a disparu. Il s'est simplement enfui de l'hosto mais est rapidement retrouvé.

Interrogé par Escaude et un inspecteur stagiaire, Victor, qui découvre la boutique, Marcel Duval ne nie pas les faits. D'abord il a été retrouvé sur les lieux du drame, un couteau ensanglanté près de lui. Marcel se déshabille, c'est une image, et raconte sa petite vie maritale. Lui contrôleur, elle secrétaire médicale, n'ayant plus grand chose en commun que l'art, la passion de la littérature pour elle, la peinture pour lui. Et puis les années passent et il s'est trouvé une maîtresse. C'est bon pour l'hygiène. Seulement un SMS malheureux lu par son épouse, le drame et puis voilà...

Pour Escaude, le genre d'enquête banale, rapidement bouclée, sauf que... D'après le légiste, si l'épouse de Marcel Duval n'aurait pu survivre à ses blessures, elle serait décédée de toute façon à cause des médicaments ingurgités, du Phénobarbital, en masse. Un médicament qui n'est plus délivré dans les pharmacies depuis des décennies. De plus, si les empreintes de Marcel Duval figurent en bonne place, une autre se révèle aux yeux exercés de la police scientifique, jetant un doute dans l'esprit des enquêteurs. Et lorsque Escaude et Victor se rendent chez la belle Marie-Jo Vigouroux, la jeune maîtresse présumée de Duval, elle en fait tout un pastis. D'accord, ils se connaissent, mais rien de plus que quelques papotages concernant la vie de famille, ou ce qu'il en restait, et la peinture.

Autre point qu'il convient d'éclaircir, c'est le rôle du fils Duval, Théo, qui est actuellement à Paris interné pour des problèmes de schizophrénie.

Tout comme les truites qui gobent les mouches artificielles utilisées par Escaude lors de ses parties de pêche, le capitaine devra avaler de nombreuses couleuvres durant son enquête, mais ce ne sont pas les premières qu'il déguste. Ses parcours, autant familial que professionnel, ont été chaotiques. Il aime son métier de flic mais n'apprécie pas sa hiérarchie. Ecoute, je vais pas me mettre un grelot autour du cou pour faire plaisir à des Le Nimir (son patron) de bas-quartier qui sont cons comme la lune. Et encore, avec la lune, il y a des éclipses. Lui et quelques autres seront toujours des exécuteurs des basses œuvres mais jamais des flics.

Tout comme la poésie sert d'auto psychanalyse, le roman lui aussi permet à des écrivains de pouvoir évacuer ce qui les perturbent dans leur travail. Ainsi Patrick Caujolle, qui a passé quinze ans à la Crim' du SRPJ de Toulouse, se sert de l'écriture d'un roman pour évacuer tout ce qui le mécontente, ce qu'il n'apprécie pas dans sa profession, ce qui le met en rogne et il s'en explique à plusieurs reprises via Escaude s'adressant à son stagiaire qui est encore tout feu, tout flamme. La politique du chiffre, les carriéristes, mais également les avocats, bref une analyse du mal-être par procuration. Et c'est ce que l'on peut reprocher à ce roman, les digressions qui ralentissent le rythme de l'enquête et de la lecture.

Le roman policier tend à servir d'exutoire à une corporation mal dans sa peau, et l'écriture à indiquer les rancœurs, l'incompréhension ressentis par les membres d'une corporation coincée entre politiques et public, le besoin d'empathie qui en découle, mais pas sûr que le lecteur adhère à ce déballage d'états d'âme.

Je terminerai par ce qui a échappé peut-être à bon nombre de lecteurs, à tout le moins à son éditeur. Ainsi la victime se prénomme Gisèle page 31 et Josette page 204. Comme le fait remarquer Escaude lors de la première prise de contact avec Marcel Duval, Ah, je vois que vous n'avez pas oublié son prénom, c'est la première fois que vous le citez. Mais le transcripteur, lui, a dû s'emmêler les pinceaux dans les touches de son clavier. Ce n'est pas grave en soi, mais cela pourrait sûrement avoir des conséquences lors d'un procès, un avocat futé pouvant demander le report pour vice de forme ou de procédure dans un dossier.

Parick Caujolle est également l'auteur de quelques ouvrages documentaires dont vous pouvez retrouver l'analyse sur ce blog. Il s'agit de Ennemis publics N°1 et Les casses du siècle.

 

Vous pouvez vous rendre sur le site de Pierre Faverolle : BlackNovel1  ainsi que sur celui de Claude Le Nocher, Action Suspense qui a décerné un coup de coeur à ce roman. 

 

Patrick CAUJOLLE : Beau temps pour les couleuvres. Editions du Caïman. Parution le 5 septembre 2014. 224 pages. 12,00€.

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3 octobre 2014 5 03 /10 /octobre /2014 09:41

La Veuve noire a régné ?

Michel QUINT : Veuve noire.

En cet après-midi du 11 novembre 1918, tandis que les rues de la capitale bruissent au son d'une victoire douloureusement acquise, une jeune femme s'habille, rangeant son corset au placard, enfilant juste sur son torse une camisole et des dentelles sous sa veste de tailleur. La liberté de l'esprit passe peut-être d'abord par celui du corps.

Léonie Rivière, jeune veuve de guerre d'à peine trente ans, son mari Antoine a été porté disparu dans les tranches du chemin des Dames en 1917, est journaliste pigiste à Paris. Elle rédige des articles sur les arts, les spectacles et la littérature, pour L'Excelsior ou L'Illustration sous le nom d'emprunt de Lys de Pessac. Son appartement de la rue de Rennes, dont elle a hérité, est quasiment vide. Il lui a fallu vendre une grande partie de ses meubles, l'argenterie, la vaisselle, pour éponger les dettes de son mari qui avait acheté de l'emprunt russe, pour l'entretien de l'appartement, et vivoter. Il lui reste toutefois quelques bouteilles de Pessac-Léognan, vin dont son mari était amateur, d'où son pseudonyme. Ses anciens amis lui tournent le dos, mais elle s'en est fait d'autres. Car entre Saint Germain et Montparnasse, qu'elle parcourt avec son maroquin sous le bras, contenant carnet, crayon et canif pour affûter son outils de travail, les peintres, les sculpteurs, les poètes et écrivains en devenir ne manquent pas.

A Odéon, elle entre dans un bar et tandis qu'elle tente de ravaler ses larmes, survenues comme ça d'un coup, peut-être à cause des conversations entendues au bar, un homme s'installe à sa table. Il se présente, Edgar Prouville, et offre à Léonie un cognac afin de la réconforter. Même si elles sont nombreuses dans son cas, veuve de guerre incite au respect. Et le joli cœur, il est vrai qu'il est fort avenant, débite quelques fadaises de carte postale avant de réprimer une grimace. Une blessure à l'aine, provoquée par un poignard-clou comme celui qu'il montre à sa voisine, le sien terminé par une tête de serpent, se réveille. Les confidences s'échangent, pas encore sur l'oreiller mais cela ne tardera pas, il travaillait comme chef de rang au Bal Bullier, avant son incorporation mais il a décidé de changer de tout au tout de travail et devenir marchand d'art, il possède déjà de sérieux contacts.

Le lendemain, mardi 12, Léonie assiste à la représentation générale de Phi-Phi de Christiné aux Bouffes-Parisiens. Edgar qui était au courant de cette sortie se présente à elle et ils s'installent au deuxième balcon, le meilleur endroit pour tout voir, la scène et ceux qui vont applaudir ou siffler cette comédie leste dont les comédiennes ne sont pas avares de leurs charmes, les représentants du monde des arts et de la littérature, et à la fin du spectacles deux clans se dressent, les invectives fusent, des bousculades se produisent, un photographe essaie de protéger son appareil. Edgar a disparu, Léonie le retrouve à la sortie, il est blessé, un inconnu lui a donné un coup de couteau semblable au sien. Elle l'emmène chez elle, le panse, elle est émue et comme il n'est pas égoïste, il lui prouve sa reconnaissance jusque dans son lit.

Le mercredi 13, ont lieu les obsèques de Guillaume Apollinaire, au Père-Lachaise, Léonie repère le photographe entrevu la veille au théâtre. Il se nomme Norbert Rameau et travaille à l'Excelsior mais également pour tout journal qui accepterait de prendre ses clichés. Edgar suggère à Léonie d'entreposer chez elle des tableaux, de rapins en devenir, oh les toiles ne valent pas grand chose, enfin pas encore, mais en les revendant au compte-goutte, cela ferait monter leur côte et elle toucherait un pourcentage sur les transactions. Aussitôt dit, aussitôt fait, les peintures sont déposées, Léonie en devient la gardienne, seulement Edgar disparait. Il ne donne plus signe de vie. Elle s'associe à Norbert, suggérant à leur patron des thèmes de reportages, celui sur les agences matrimoniales par exemple, qui prospèrent avec le désarroi des veuves de guerre qui aimeraient pouvoir refaire leur vie. Première étape Les Belles Alliances dont la patronne accepte de leur montrer son catalogue. Des photos d'hommes proposés à la clientèle féminine, des dames mûres qui peuvent rencontrer dans un cabinet celui qu'elle ont choisi sur papier noir et blanc, et si l'un des prétendants est indisponible, un substitut est désigné. Tout ce passe bien, jusqu'à ce qu'à la dernière page, Léonie interloquée voit son Edgar offert à la gent féminine. Ah non, ce n'est pas Edgar, la directrice des Belles Alliances est formelle, il s'appelle Arthur Séverin. Il figure également sur le catalogue d'autres agences, elles fleurissent en ces temps de crise, et Léonie est estomaquée. Norbert lui est soufflé, essoufflé, il a été gazé à Ypres et en garde des séquelles.

Commence alors une série d'enquêtes menées par Léonie et Norbert. Il faut absolument retrouver Edgar/Arthur, peut-être est-il mort, et que faire des tableaux qu'elle détient, il s'agit sans aucun doute d'un trafic, voir avec le commissaire Meissonnier, assisté de l'inspecteur Bonny, échanger avec lui des informations, continuer de rédiger des articles pour son journal, rechercher parmi les peintres ceux qui sont les auteurs des toiles, et soulever un voile qui s'étend sur le Chemin des Dames, un drame qui s'est déroulé en 1917 avec trois soldats et un lieutenant comme protagonistes, et si Antoine son mari n'était pas mort. Et cette toile, intitulée La femme à l'écharpe rouge est-elle vraiment de Modigliani, dit Modi tout simplement, la seule rescapée d'un incendie.

 

Léonie Rivière devient la Figure emblématique de l'émancipation de la femme, déclarant : Je veux être journaliste et maîtresse de ma vie, de mon corps et de mes idées... C'est fini la république des types ! Et le lecteur la suit dans sa quête, faisant au passage connaissance avec Gertrude Stein, André Breton, Jean Cocteau et son ami du moment Raymond Radiguet, Soutine, Jeanne Hébuterne et surtout Modigliani, et bien d'autres, mais également Clémenceau, qui échappe à un attentat sous l'œil de l'appareil photographique de Rameau et suit en filigrane une enquête sur des disparitions inexpliquées de femmes qui les mènent, Léonie et Norbert, à Gambais.

Michel QUINT : Veuve noire.

Michel Quint nous convie à la mixité d'événements et de personnages réels et fictifs, en intercalant dans son intrigues l'atmosphère qui régnait alors dans la capitale. La grippe espagnole et ses ravages, le désarroi des militaires, les tickets de ravitaillement, et l'espoir que cette guerre sera la dernière, la popularité de Clemenceau incarnant la droite face à Blum qui rêve d'un socialisme combattant le capitalisme naissant. Un contexte social entaché par la Conférence de la Paix à laquelle participe le président des Etats-Unis, Wilson, chacun des contributeurs ayant une opinion tranchée sur l'après-guerre et les dommages-intérêts à infliger à l'Allemagne, certains pensant déjà qu'il ne faut pas humilier le pays vaincu au risque de le voir un jour vouloir se rebeller.

 

Des phrases écrites comme s'il s'agissait de valses entrainantes et le lecteur se plonge dans un tourbillon de mots auxquels il ne peut échapper, lisant avec une sorte de frénésie, tournant les pages avec avidité.

 

Vous pouvez également retrouver quelques notices concernant des romans de Michel Quint en cliquant sur le ou les titres : Bella ciao; Cake Walk; Les Joyeuses; Les amants de Francfort.

 

Michel QUINT : Veuve noire. Editions Archipoche N°324 (réédition de l'Archipel, collection Cœur Noir; octobre 2013). Parution le 1er octobre 2014. 288 pages. 7,65€.

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2 octobre 2014 4 02 /10 /octobre /2014 12:21

Dans la vie de tout un chacun, ce ne sont pas les heures de travail qui comptent - ce sont celles que l'on peut consacrer à ses loisirs.

Agatha CHRISTIE : Hercule Poirot. Nouvelles complètes.

Le professeur Burton s'exprime ainsi à l'encontre d'Hercule Poirot qui songe à prendre sa retraite. Il enfonce le clou en comparant le loisir de jardiner son lopin de terre et la lecture. Pour lui, pas de doute (et pour le lecteur non plus d'ailleurs), la lecture est un loisir hautement recommandable. Par la lecture, vous remontez le temps...

Et c'est bien à cette aimable occupation que je vous convie en lisant, ou relisant, les quelques cinquante quatre nouvelles - en réalité cinquante deux - qui composent ce recueil. Cinquante deux plus le prologue au recueil des Travaux d'Hercule, dont sont extraites les deux citations ci-dessus, et deux versions de La Capture de Cerbère. La première version étant incluse dans le recueil Les travaux d'Hercule, le seconde figurant dans Les Carnets secrets d'Agatha Christie de John Curran, ouvrage indispensable à tous les amateurs d'Agatha Christie.

Le plaisir de retrouver tout Hercule Poirot, enfin toutes les nouvelles dans lesquelles il est amené à prouver son talent d'enquêteur, aussi bien dans la résolution des crimes de sang pourtant consciencieusement élaborés comme dans L'affaire du bal de la Victoire, que dans les vols de bijoux, Vol de bijoux à l'Hôtel Métropole par exemple, tout ceci grâce à une technique infaillible : la méthode. Et c'est bien ce qu'il reproche aux policiers, une lamentable absence de méthode. Mais la méthode ne serait rien sans la gestion de ses petites cellules grises, même si parfois il vient à déplorer n'avoir su faire fonctionner mes petites cellules grises ! Ce qui ne l'empêche pas de se montrer quelque peu suffisant : Moi qui ai, incontestablement, l'esprit le plus brillant d'Europe je pouvais me permettre d'être magnanime tout en recommandant à Hastings de le recadrer Lorsque [je] deviens trop vaniteux. Car au moins une fois dans sa vie d'inspecteur dans la police belge il a connu l'échec. Une histoire narrée dans La boîte de chocolats.

Des histoires qui peuvent paraître simplettes, au premier abord, surtout lorsque le lecteur arrive à la conclusion et que tout est éclairé. Mais si on réfléchit bien, Dame Agatha construisait des énigmes plus complexes qu'il y paraissait, et devait posséder au moins autant de petites cellules grises que le plus Anglais des Belges, sinon plus. Des petits bijoux de précision, d'ingéniosité, de malice et d'humour dont on ne se lasse pas. Y'a un truc comme disait Gérard Majax, le magicien prestidigitateur, mais encore faut-il l'imaginer et le mettre en scène sans que les spectateurs, et en l'occurrence les lecteurs, s'en aperçoivent. Agatha Christie excellait dans ses tours de passe-passe littéraire et l'enchantement opère toujours.

Petite précision à l'intention de ceux qui ne lisent guère : cette anthologie est composée de cinquante deux nouvelles, et à raison d'une nouvelle par semaine, théoriquement il vous durera un an. Mais vous arriverez rondement au bout du volume, car vous serez rapidement happé par ces historiettes et ne pourrez lâcher cet ouvrage.

Je regrette juste, et c'est dommage de terminer ce billet sur une note quelque peu négative, le manque d'appareil critique. Certes en fin de volume les nouvelles sont répertoriées avec leur appartenance à tel ou tel recueil paru précédemment, Le Bal de la Victoire, Les enquêtes d'Hercule Poirot, Christmas Pudding, Les travaux d'Hercule ou encore Marple, Poirot, Pyne... et les autres, Le miroir du mort, mais une petite présentation eut été la bienvenue.

 

Agatha CHRISTIE : Hercule Poirot. Nouvelles complètes. Editions Le Masque. Parution le 10 septembre 2014. 1102 pages. 24,90€.

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2 octobre 2014 4 02 /10 /octobre /2014 07:32

Un message effet mer !

Michel BUSSI : Gravé dans le sable.

Ce roman a paru pour la première fois en mars 2007 aux Editions des Falaises /PTC mars sous le titre de Omaha crimes. Depuis Michel Bussi a creusé son sillon dans le terreau fertile de la littérature policière, lui insufflant un ton nouveau et il s'est affirmé avec Nymphéas noirs et autres romans aux Presses de la Cité. Mais Gravé dans le sable ou Omaha Crimes reste le premier roman de l'auteur que j'ai eu le plaisir de lire, de chroniquer, d'en détecter aussi quelques maladresses. Je sentais que ce roman comportait alors de grands espoirs, regrettant même que celui-ci fut édité par un petit éditeur de province (Ce qui n'est pas intrinsèquement péjoratif) et dont la diffusion ne pouvait dépasser que difficilement les frontières du département. Après un autre roman qui mériterait lui aussi de retrouver un second souffle, une seconde jeunesse, Sang famille, Michel Bussi est enfin entré dans la cour des grands.

Michel Bussi explique la genèse de ce roman dans son avant-propos intitulé : Ce roman est né d'une illusion. Mais Michel Bussi à travers tous ses romans joue sur les illusions, une marque de fabrique qu'il impose et dont le lecteur ressort ébahi, heureux et content. Sauf les grincheux, évidemment, mais heureusement que ceux-ci existent, car ces détracteurs donnent par leurs déclarations encore plus de poids aux histoires qu'ils n'ont pas comprises et plus d'envie aux lecteurs intrigués. Si dans ma première chronique je regrettais quelques erreurs, géographiques notamment, je comprends mieux maintenant pourquoi Michel Bussi s'était fourvoyé grâce à ses explications. C'est aussi pourquoi il était normal que l'auteur retravaille son texte puisqu'il s'agit ici d'une version revue et corrigée. Et à ceux qui se demandent pourquoi les auteurs lors de rééditions remanient leurs textes, c'est tout simplement parce qu'ils appliquent cette maxime de Boileau pleine de bon sens : Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ! et pour être plus précis :

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,

Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage,

Polissez-le sans cesse, et le repolissez,

Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.

 

Mais peut-être est-il bon de s'intéresser à ce roman !

 

6 Juin 1944. 178 rangers, commandés par le lieutenant Dean, se lancent à l’assaut de la pointe Guillaume. Mais avant d’accéder à cette falaise, il leur faut pratiquer une brèche dans un mur construit sur la plage par les Allemands. Trois jours auparavant, un tirage au sort a été effectué, des numéros inscrits sur des bouts de papier, et celui qui se saisira du numéro un partira en premier, et ainsi de suite. La mort quasiment assurée pour les premiers soldats qui s’élanceront avec en prime une caisse d’explosifs à déposer au pied du mur.

Si Oscar Arlington a tiré le numéro 4, d’autres ont été plus chanceux, alors qu’il pensait bien échapper au mauvais sort. Tout ça à cause de sa mère, sénatrice, qui voulait absolument que son garçon participe à la guerre ! Ne serait-ce qu’en mémoire de son mari qui est mort des suites de la précédente. De nombreux rangers restent sur le terrain, en ce 6 juin. Alan Woe, lui, est rescapé et soigné par Lison, une jeune fille de la région.

Un mois plus tard, Alice Queen, en provenance des Etats-Unis, vient effectuer une sorte de pèlerinage, à la recherche de son amour disparu lors des combats du débarquement. Mais Lucky, le mal nommé en la circonstance, n’est plus. Au dernier moment, alors qu’elle reprend le car, Alan Woe l’aperçoit. Il pense la reconnaître mais c’est trop tard : la jeune femme est repartie, décidée à refaire sa vie ailleurs, en Australie. Vingt ans plus tard, Alan Woe quitte Lison et ce bout de terre qui est désormais sa patrie.

De temps à autre il recevait du courrier des Etats-Unis, mais jamais il n’a voulu se confier. Cela fait près de six mois qu’Alan a déserté le foyer normand lorsqu’Alice revient et se lie d’amitié avec Lison. Un groupe de vétérans venus pour commémorer le vingtième anniversaire du Débarquement, et s’ils ne reconnaissent pas immédiatement Alice, son nom leur rappelle des souvenirs. Notamment celui de Larry et de l’étrange marché passé avec Oscar Arlington. Oscar avait tiré le numéro 4, Larry le 148 et les deux hommes avaient inversé leur sortie de la péniche. Contre une forte somme d’argent. Argent qui n’aurait jamais été versé. Alice décide alors de renter aux USA et de retrouver Oscar et récupérer son dû. Pour cela elle requiert les services d’un détective privé. Mais les chausse-trappes s’accumulent et les morts aussi.

Michel BUSSI : Gravé dans le sable.

Michel Bussi nous entraîne en de multiples allers et retours de ce coin de Normandie, entre Isigny sur mer et Colleville, là où a été édifié le célèbre cimetière américain d’Omaha Beach, aux Etats-Unis, dans de petites villes dans une sorte de road-story, de 1945 à 1975 pour le principal de roman. Si au début j’ai pensé, malgré moi, à une nouvelle version de La Lune d’Omaha de Jean Amila, bien vite j’ai été rassuré, car en prenant pour base à peu près le même thème Michel Bussi a su le renouveler et l’exploiter différemment en l'enveloppant de suspense. Avec une tension qui ne cesse de croître, jouant avec les sentiments, ou ressentiments des personnages.

 

J'ai cru en Michel Bussi lorsque j'ai lu son premier roman, et je ressens quelque fierté, dû mon égo s'enfler telle la grenouille, en constatant que je ne m'étais pas trompé, lui prédisant un grand avenir, car depuis non seulement il a confirmé mais il s'est imposé comme le maître du roman en trompe l'œil !

 

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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 12:14

Pour preuve cette petite sélection de titres proposés dans la sélection d'octobre prélevée aussi bien dans la collection Noire Sœur que dans celle au nom explicite de Culissime :

Déesse SKA aime la littérature érotique mais pas que...

Dominique GUERIN : Zag-Zig : Ce n'est pas en mettant sa main sur le thorax que le sang s'arrêtera de couler, parsemant sa course comme autant de pointillés rougeâtres déposés par ce nouveau Petit Poucet. Il zigzague afin de rejoindre son wagon, celui qui accroché à la loco conduite par Marmine l'emmènera peut-être ailleurs. Et tout en courant il pense au père de Marmine qui avait pris ses doigts pour des saucisses et les avait carbonisés en jouant du chalumeau. Zag-Zig est blessé, tout ça à cause de disques, cd ou vinyle et accessoires à refourguer sur un site de revente en ligne. La faute à pas de chance et d'un vigile surpris. Dans sa tête résonne la musique, la sienne, celle qu'il aime, d'aujourd'hui.

Un texte qui clape comme du rap et est loin de jouer une petite musique de nuit. Pas trop mon truc, mais la musique est universelle et il en faut pour tout le monde. Un texte qui, à mon avis est plus destiné aux jeunes qu'aux vieux qu'on de l'âge comme moi.

Collection Noire Soeur. 1,49€.

Déesse SKA aime la littérature érotique mais pas que...

Pascal Jahouel : Just like a hobo. Le Havre sous la pluie, le vent, et le narrateur qui se bat contre les éléments déchainés. Dans les oreilles Just like a hobo de Little Bob. Il s'est aventuré sur les quais, pour la présentation avant-départ de la Jacques Vabre. Il n'en a rien à faire de course au goût de café amer. Il a, avait, tout pour être heureux, mais c'est un paumé de la vie. Il traîne sa déglingue sur les pontons, s'enfourne dans un bar, se remémore des souvenirs de vie familiale et fait la connaissance d'un officier de la marine marchande argentine.

Dans ce texte la musique est prégnante, comme dans le précédent, mais une musique que je comprends, qui m'a accompagnée, Little Bob Story, les Dogs, les imaginaires Stratocasters dont je tirais des sons avec la bouche comme si je savais en jouer. Mais c'est bien le syndrome de la cinquantaine qui englobe ce texte, et la liberté qui se rythme dans la tête est peut-être une utopie.

Collection Noire Soeur. 1,49€.

Déesse SKA aime la littérature érotique mais pas que...

Et pour justifier le titre de cette chronique passons à une autre sorte de musique.

 

Madame Solange : La turlute enchantée.

Madame Mado est une vieille prostituée qui a baladé ses guiboles un peu partout et ses veines s'en ressentent. Pourtant Guitte, une gamine de quinze ans montée en graine, les trouve belles ces jambes et elle le dit tout en aidant la péripatéticienne à enfiler ses bas. Tandis que Guitte complimente sa voisine, celle-ci lui propose d'apprendre à jouer de la flûte avec son petit copain, un timide, et revient sur son passé. La tendresse linguale dans un monde de brutes, la délicatesse d'une bouche accueillante au service des routiers dont la morphologie était en rapport avec leurs camions. Une décoincée de la glotte qui prodigue ses conseils à une Guitte extatique.

Madame Mado ne le sait pas, mais c'est une poétesse de l'amour. Et madame Solange sa fidèle transcriptrice.

Collection Culissime. 1;49€.

 

Vous pouvez commander ces textes en vous rendant sur le site

de la Librairie Ska. Vous êtes les bienvenus.

 

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1 octobre 2014 3 01 /10 /octobre /2014 07:56

Et regardez-moi bien face... !

François DARNAUDET et Pascal METGE : Le regard qui tue.

Drôle de journée, disons plutôt journée singulière et éprouvante pour Argus Bréhier, orthoptiste de son état. Son oncle, verbicruciste de renom, décède accidentellement dans une station de métro, un de ses patients recommence à avoir des troubles de la vision et c'est louche, des agents du S.T.P. (Service de Protection du Territoire) le sollicitent tandis qu’une nouvelle patiente, une certaine madame Tricastin, requiert ses services.

Argus suit donc un nommé Le Vigan qui l'attend devant chez lui, il est bien obligé, et alors qu'il pense se rendre à une destination inconnue, il est convié à monter l'escalier et entrer dans un appartement qui se trouve juste au dessus du sien. Il est reçu par trois individus, dont un borgne, un hypermétrope et le troisième, qui se présente comme le directeur adjoint du STP, s'injecte une sorte de collyre bleu dans les yeux. Argus n'en croit pas ses yeux, et ses oreilles, lorsqu'il apprend que son oncle émargeait à cette agence d'un genre particulier et qu'ils enquêtent sur sa mort.

Ils remettent à Argus une photo retrouvée dans l'attaché-case du défunt. Le cliché représente une scène de rue, prise dans une ville anonyme, avec en premier plan une jeune femme portant des lunettes noires s'apprêtant à traverser la rue. Au dos de l'épreuve quelques mots inscrit avec un marqueur : le regard qui tue. A quoi peut bien correspondre ce petit texte, Argus n'en sait rien, mais les quatre hommes partis en laissant leur numéro de téléphone, il congédie sa secrétaire, Iris, et songe à la patiente qui l'attend dans son cabinet. Et là, surprise, vision de sa part, la jeune femme n'est autre que la réplique en chair et en os de celle de la photo. Aussitôt il s'affole, veut téléphoner aux quatre individus mais il tombe sur une messagerie.

De toute façon elle est venue pour une auscultation, donc il procède ce pour quoi il est rémunéré, car il ne travaille pas à l'œil. Claire, c'est son prénom, possède des yeux vairons, un incident de parcours génétique, mais surtout elle travaille dans un laboratoire de recherche, et plus précisément sur les rayons lasers. Ces yeux il les trouve si beaux qu'il invite Claire à dîner et par la même occasion (non, je n'ai pas écrit que Claire était une occasion !) lui apprend que son oncle est décédé. Claire est émue car connaissait le tonton de vue. Bref au bout d'une conversation les yeux dans les yeux et la fourchette dans les mains, Claire l'invite chez à venir avec elle chez une certaine sœur Cécile. Ce n'est pas qu'il aurait dû y regarder à deux fois, mais comme il n'a pas le don de double vue, il sera surpris en rencontrant cette personne qui habite un domaine nommé le Cloître.

 

Dois-je préciser que sous des dehors vaguement scientifiques à connotation anticipative ce roman est hautement jouissif et que vos paupières ne se fermeront pas avant le mot fin. Et d'ailleurs vous ne resterez pas sur votre faim non plus car ce texte humoristique vous fera passer un excellent moment, pour peu que vous appréciez la cocasserie, la fantaisie, le burlesque parfois. Je soupçonne fort les auteurs de s'être amusés comme des petits fous lors de l'écriture de cette histoire, tout en ne perdant pas de vue ce bon vieux principe : un livre pour être apprécié ne doit pas être ennuyeux, pontifiant. Le regard qui tue en est tout le contraire et ne peut que contenter le lecteur désireux de passer un bon moment et même parfois d'avoir la larme à l'œil lors des moments de franche rigolades surtout dans les scènes supposées dramatiques.

 

Cet ouvrage comporte en outre une nouvelle titrée Quoi que vous voulez ?, d'une autobiographie fantastique de François Darnaudet, ainsi qu'une nouvelle signée Pascal Metge : La Patateuse.

François DARNAUDET et Pascal METGE : Le regard qui tue. Collection Blanche N°2008. Editions Rivière Blanche. 160 pages. 15,00€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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