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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 09:18

Un roman épicé !

Frédéric LENORMAND : Crimes et condiments.

Le seul inconvénient, mais il est de taille, quand on est comme René de Launay, gouverneur de la Bastille, s'est de se trouver enfermé comme les pensionnaires de haut lignage qu'il reçoit à sa table le soir pour souper. Il se sent autant prisonnier que ceux dont il a la charge, mais comme ceux-ci le lui font remarquer, c'est volontairement qu'il est à l'abri des murs de la forteresse royale. De plus il est importuné pendant son repas par quelques représentants du guet et le procureur Duval qui veulent rendre une visite inopinée au pensionnaire de la chambre 12. Un individu dont il ne connait ni le nom, ni le visage, et qui va être libéré pour perpétré un forfait. Et monsieur de Launay a peur pour la vie de Voltaire, un client qu'il aimerait bien accueillir, surtout que quelques volumes de traités philosophiques viennent d'être saisis, la censure passant par là.

Monsieur Voltaire est loin de se douter de ce qu'il se trame, occupé qu'il est à traficoter des épices, de la laine et autres produits en provenance notamment du Pérou. Après transformation, cette laine de vigogne ou cette paille repartent sous forme de chapeau en échange d'or. Et surtout il est obnubilé par son envie d'être élu à l'Académie Française, mais s'il participe à ce jeu des chaises musicales, il est toujours perdant. Il est vrai que ses Lettres philosophiques ne plaident pas en sa faveur. D'ailleurs ce volume imprimé à Rouen, ainsi qu'en Angleterre, n'est pas encore distribué.

Lors d'un repas chez madame de Lixen, accompagné de son amie et maîtresse Emilie, marquise du Châtelet, Voltaire se montre à son avantage en résolvant le mystère de la disparition des boucles d'oreilles de son hôtesse. Il échappe à un attentat dont je ne vous en dirais pas plus mais sachez toutefois que cet épisode du pigeonnier n'est pas sans rappeler un épisode des aventures de Tintin, titre sur lequel je ne m'étendrai pas davantage afin de ne pas déflorer l'intrigue et vous en laisser goûter toute la saveur. A tout le moins je peux vous dévoiler quelque plat du menu qui est servi dont des tétines de chevreuil, blanchies à l'eau, coupées en rondelles, frites au citron, cuites en ragoût, hachées, mises en omelette, façon rognons. Bon appétit !

Il fait également la connaissance de mademoiselle de Guise, qui à vingt-deux ans n'est toujours pas mariée. Ses parents aimeraient la garder près d'elle mais en même temps lui trouver un beau parti. C'est ainsi que Voltaire va s'improviser entremetteur, et arranger une rencontre entre la jeune fille et Armand Vignerot du Plessis, duc de Richelieu, qui ne possède pas l'aura de son lointain aïeul le cardinal premier ministre et mentor de Louis XIII. Car de ce mariage dépendent les intérêts de notre philosophe qui outre les arts littéraires ne dédaigne point les arts de la table ainsi que son confort financier.

Voltaire va embaucher un mendiant, qu'il trouve sympathique malgré ses airs de truand, comme garde du corps. De même il fait enlever un cuistot sortant par la porte arrière de chez ses employeurs afin de le prendre à son service. Et c'est ainsi qu'à Chantilly la recette de la fameuse crème sera conçue, dessert qui sera loué par la suite. Mais les dangers cernent le philosophe qui ne se laissera pas tenter par des tartes au cyanure et autres ragoûts malveillants. Il échappera même, grâce à la Providence, à un lancer de couteau, puis assistera en Bourgogne au mariage de Mademoiselle de Guise avec Armand qui, s'il n'a pas de papa, n'a pas de maman, possède de nombreuses maîtresses, une mauvaise habitude dont il lui faudra se séparer, tout au moins un certain temps pour respecter les convenances.

 

Un titre en parfaite adéquation pour ce roman qui marie plaisirs du palais et l'art d'occire son prochain avec élégance, ou presque. On suit les tribulations de François-Marie Arouet avec au coin des lèvres ce petit sourire de contentement, lié à l'humour qui se dégage de ces pages et ce foisonnement d'aventures dans la reconstitution d'une époque où la censure n'admettait pas les dérapages philosophiques. Mais Voltaire n'est pas tendre non plus envers ses confrères, se montrant parfois acerbe, mais d'une humeur facétieuse.

Parmi les personnages qui gravitent autour de Voltaire, je n'aurai garde d'oublier l'abbé Linant, gastronome mais pas en culotte courte puisque c'est un homme de robe, gourmet et gourmand, goinfre même, qui avale plus qu'il déguste les plats qui se présentent à lui, et n'est jamais rassasié.

Déjà à cette époque s'opposaient cuisine traditionnelle et cuisine nouvelle. Les maîtres-queux n'hésitaient pas à mettre leur imagination au service de la créativité culinaire en confectionnant des recettes innovantes.

Un roman à dévorer sans craindre l'indigestion liée aux nourritures terrestres parfois lourdes à assimiler et qui fait la part belle aux nourritures spirituelles, spirituelles étant à prendre dans les deux sens. A déguster comme un chaud-froid sucré-salé.

 

Frédéric LENORMAND : Crimes et condiments. Série Voltaire mène l'enquête. (Première édition Jean-Claude Lattès. 3 février 2014) Réédition Le Masque Poche N°55. Parution 4 février 2015. 350 pages. 7,50€.

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12 février 2015 4 12 /02 /février /2015 17:30

Clochemerle revisité par Marcel Pagnol et Didier Daeninckx !

Martine NOUGUÉ : Les Belges reconnaissants.

On a gagné ! on a gagné ! Nous ne sommes pas à la fin d'une match lorsque les supporters fêtent dignement avec quelques bières la victoire de leur équipe mais dans la petite ville de Castellac à la proclamation des résultats de l'élection municipale. Un résultat connu d'avance, mais la loi, c'est la loi, et il faut sacrifier aux obligations électorales afin de montrer son civisme à tous.

Depuis la fin de la guerre, la famille Galieni est maire de grand-père en petit-fils, appliquant le système du népotisme démocratique auprès des villageois, qui s'en contentent en très grande majorité. Les affidés de Ludovic Gallieni ne sont pas tendres envers ceux qui ont osé se présenter contre leur mentor. Principalement à l'encontre de Marianne Grangé, une écologiste arrivée depuis peu dans la cité et qui se bat contre l'implantation d'une décharge. Et comme pour bien lui prouver qu'elle est indésirable, quatre individus la suivent lorsqu'elle rentre chez elle et le meneur la viole. Mais elle préfère n'en parler à personne, sauf à Fred, un ami photographe qui l'aide dans ses démarches, sachant que de toute façon cela se retournerait contre elle.

Quelques semaines plus tard, le corps de Ludovic Galieni est retrouvé dans la garrigue. Chez Maurice, le cafetier, les rumeurs vont bon train. Tout le monde sait tout, surtout de la façon sont il est décédé. Certains parlent de deux coups de feu, d'autres quatre, mais ils sont loin de la vérité. Il aurait été retrouvé complètement dévêtu, à poil comme le précisent certains avinés, et il porterait autour du cou un collier, mais ça ce ne sera précisé que plus tard. Le commissariat de Sète est en charge de l'enquête, Castellac dépendant de sa juridiction, et l'inspecteur Pénélope Cissé se voit confier le dossier.

Elle a du caractère Pénélope et elle ne se laisse pas marcher sur les pieds. D'ailleurs si elle est en poste à Sète, c'est par mesure disciplinaire. Son passé de policière n'interfère en rien dans le récit, ni le fait qu'elle soit né au Sénégal et que sa petite fille vit au pays. Mais il est bon de le préciser. Et si sa condition de Noire ne la dessert pas, sa carte d'identité et surtout sa plaque de police aplanissent bien des velléités de moqueries et de paroles racistes blessantes. Elle trouve en un libraire de la cité portuaire un ami qui ne cherche pas à partager son lit mais ses lectures. Quelqu'un de bien !

En compagnie d'un jeune stagiaire (non, ce n'est pas une redondance puisque de nombreux "seniors" au chômage sont dirigés vers des voies de garage sous forme de stages en entreprise), Pénélope Cissé entame son enquête en interrogeant la famille et les proches du défunt. La femme de feu Ludovic Galieni n'est guère prolixe mais aurait sûrement beaucoup de choses à dire sur son époux. Quant à Vidal, il cumule les fonctions d'adjoint au maire et de beau-frère de Ludovic. Plus quelques autres dont je vous laisse le soin de découvrir les noms et les relations avec le maire homicidé.

Drôle de personnage que ce Ludovic ainsi que le fut son grand-père, descendant d'émigré italiens. La fortune du grand-père Galieni est apparue soudainement à la fin de la guerre, lorsqu'il a commencé à racheter toutes les parcelles de vignes. Mais, car il y a un mais, il en a fait profiter ses concitoyens en les leur offrant contre un loyer, une sorte de location-vente, et tout le monde était sorti gagnant de cette nouvelle forme métayage avec accession à la propriété. D'où cet engouement à l'élire comme maire, puis son fils dans la foulée et enfin le petit-fils. L'arrière petit-fils lui ne sera pas maire, père peut-être un jour, car il délaisse la terre pour les joies de la peinture. Une exposition est même prévue à Sète, c'est dire que la renommée n'a pas encore embouchée ses trompettes.

Malgré tout certaines personnes, même parmi les villageois, rechignent à tresser des louanges à la famille Galieni.

Et les Belges reconnaissants dans tout ça, me demanderez-vous avec juste raison. Bien simple. Durant la guerre, des familles juives belges, flamandes, se sont réfugiées à Castellac. Elles ont été bien accueillies et depuis les enfants et petits-enfants reviennent assez souvent, retrouver leurs camarades de jeux pour les plus jeunes durant les vacances scolaires. D'ailleurs Anita Vidal, épouse Galieni, a eu un flirt avec l'un des ces gamins lorsqu'elle était jeune. Un voie porte même le nom de rue des Belges et une statue a été édifiée portant la suscription Les Belges Reconnaissants.

 

Cette chronique villageoise met en avant tous les défauts des ruraux qui ont tendance à accuser d'étrangers tous ceux qui ne sont pas issus du village. Même ceux qui proviennent de villages distants de quelques kilomètres sont traités d'étrangers, de horsains en Normandie, alors lorsqu'ils proviennent du nord de la Loire, ce ne sont plus des étrangers mais des envahisseurs. Marianne Grangé, n'échappe pas à la vindicte populaire d'autant qu'elle est écologiste militante, une double tare difficile à porter. Et ce sont justement ceux dont les parents, issus d'Italie ou d'ailleurs, durent fuir leur pays souvent pour des raisons politiques qui se montrent les plus enragés.

Martine Nougué nous trousse quelques belles figures, des personnages atypiques, dont Pénélope Cissé qui ne mâche pas ses mots, surtout à l'encontre de ceux qui ignorant sa profession lui manquent de respect. Les relations avec son supérieur hiérarchique et le médecin légiste ne sont guère amènes. Seuls son ami libraire trouve grâce à ses yeux.

Les dialogues sont vifs, enlevés, truculents, comme dans une pièce de Marcel Pagnol. Tandis que la référence à Didier Daeninckx se rapporte à la guerre et l'immédiate après-guerre, aux magouilles qui ont entaché certains faits de guerre, le meilleur côtoyant le pire, et pourrait s'appliquer à de nombreux villages français. Et il ne faut pas oublier l'ombre tutélaire de Georges Brassens flottant au fil des pages.

Une fois de plus les éditions du Caïman démontrent que les petits éditeurs n'ont pas de leçons à recevoir des éditeurs germanopratins.

 

Il avait emmené Pénélope à travers les époques, sur les traces de Villon et des poètes maudits et lui avait donné les clés du royaume des mots. Elle lui avait conté les légendes de son enfance africaine, quand les griots n'étaient pas encore devenus des curiosités touristiques signalées sur les guides de routards.

 

Martine NOUGUÉ : Les Belges reconnaissants. Collection Polars en France. Editions du Caïman. Parution le 9 janvier 2015. 222 pages. 12,00€.

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12 février 2015 4 12 /02 /février /2015 10:01
Otis H. GAYLORD : La chute d'un caïd

Et plus dure sera la chute...

Otis H. GAYLORD : La chute d'un caïd

Petit malfrat ambitieux, Jack "Legs" Diamond rêve de se faire un nom et une place assisse parmi la grande confrérie de la truanderie.

Cynique il comprend rapidement que le vol de bijoux ne lui rapporte guère, le profit allant aux receleurs. De plus il est à la merci de la police lors de la moindre inculpation. Aussi il décide de s'élever dans l'échelle sociale du gangstérisme en s'attaquant à ceux-là même qui ne peuvent porter plainte : ses confrères dans le crime.

Il sollicite un emploi de garde du corps auprès d'une des grands patrons new-yorkais, Arnold Rothstein. Avant de l'embaucher, celui-ci demande à Diamond de faire ses preuves. P'tit Augie est impressionné par l'ingéniosité déployée pour approcher Rothstein. Il le prend dans son équipe d'encaisseurs. Lors d'une fusillade P'tit Augie est abattu et Diamond se retrouve à l'hôpital. Rothstein avoue à demi-mots être à l'origine de l'assassinat d'Augie car celui-ci empochait une partie des recettes.

Devenu célèbre mais pas populaire, Diamond engage son ancien sergent dans l'armée pour lui donner des cours de tir, de maniements d'armes et d'explosifs. Incorporé dans les troupes de Rothstein il continue sa progression dans la hiérarchie, rêvant toujours de devenir le caïd.

Il démontre ses capacités en s'octroyant le comté d'Harmon qui échappait au contrôle new-yorkais. Membre de la confrérie des bootleggers, il n'entent pas en rester là. Il s'affirme comme un prétendant au royaume de l'alcool de contrebande et des rackets de la région, même si certains truands ne reconnaissent pas Diamond comme leur égal, Dutch Schultz en particulier. Il assure ses arrières en écrivant dans de petits carnets noirs toutes les opérations auxquelles il a participé mais également celles des autres malfrats, les impliquant en qualité de témoins ou d'intervenants.

Dépensier, il est obligé d'emprunter de l'argent à Rothstein à un taux usuraire fort élevé. De plus il a le tort de vouloir coucher avec la maîtresse de celui-ci, la blonde Monica. C'est le début de la disgrâce, de la dégringolade pour Diamond.

 

La chute d'un caïd, dont l'action se déroule entre 1920 et 1930, relate la vie d'un truand aux yeux plus grands que le ventre et dont le tort fut de ne jamais aimer mais de toujours de se servir de ceux qui lui portaient une amitié sincère.

Grandeur et décadence pour ce truand ambitieux, cynique, ingénieux, arrogant et méprisant. En filigrane dans ce récit; la vie et la déchéance d'Alice Schiffer, seul personnage féminin qui voue un amour sincère mais bafoué à Diamond qui ne la contactera que lorsqu'il sera dans la mouise.

 

Curiosité :

En couverture de ce roman, une photographie, présentation qui n'aura pas de suite immédiate. Ce procédé sera repris quelques années plus tard avec la Super Noire et Série Noire lors d'un changement de présentation.

 

Citation :

Parfois, je me dis qu'il y a plus de brutes dans la police que dans le Milieu.

 

Otis H. GAYLORD : La chute d'un caïd (The Rise and Fall of Legs Diamond - 1960. Traduction d'André Bellac). Série Noire N° 720. Parution juin 1962. 256 pages.

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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 10:33

Et je dirais même mieux : Viscères ... au poing !

Mo HAYDER : Viscères

Depuis qu'il a subi une opération cardiaque, il a un caractère de cochon. Pas tout à fait, disons plutôt un cœur de cochon car Oliver Anchor-Ferrers vit maintenant avec des valves porcines à la place des siennes. Mais il lui faut quand même ingurgiter quelques médicament à heures fixes.

Lorsqu'il arrive aux Tourelles, une immense résidence campagnarde ressemblant à un manoir, d'où son nom, en compagnie de sa femme Matilda et de Lucia, sa fille âgée de trente ans, et de leur chienne Ourse, il pense enfin pouvoir se reposer et se remettre de son opération. Matilda s'occupe du jardin et Lucia passe son temps à écrire des poèmes et à dessiner ou lire des magazines. C'est une jeune fille boudeuse, ayant adopté une apparence gothique mais si cela gêne quelque peu ses parents, ils ne s'en offusquent pas à cause de son passé. Et il semblerait bien que ce passé se projette à nouveau laissant affluer des souvenirs pénibles.

Quinze ans auparavant Lucia sortait avec un adolescent de deux ans plus vieux qu'elle et elle pensait que ce serait pour la vie. Mais il l'avait délaissée pour une autre fille et elle les avait retrouvés sauvagement assassinés, mutilés, éviscérés dans un fourré au delà des jardins des Tourelles. Leurs entrailles avait été accrochés à des branchages, placés en forme de cœur. Et Matilda vient de discerner le même trophée à peu près au même endroit. De quoi les bouleverser et faire perdre la raison à Lucia. Ils pensent immédiatement à celui qui a été arrêté peu après et qui purge une longue peine de prison, méritée, mais aurait éventuellement bénéficié d'une remise de peine.

Deux hommes qui se prétendent être des policiers se présentent à eux, sous les noms de Honey et Molina. Mais bientôt ceux-ci ne se conduisent plus en policiers venus résoudre l'assassinat d'une voisine éloignée mais comme des individus acharnés à les séquestrer. Ils ne donnent aucune indication sur leurs motivations, se contentant d'humilier les trois résidents. Oliver, qui est un scientifique, un physicien spécialiste de la lumière, s'interroge et cherche à savoir s'il n'aurait pas failli à un certain moment, principalement dans le manuscrit, qu'il rédige en secret, et pourrait être un brûlot vis-à-vis de certaines personnes ou institutions.

 

Pendant ce temps le commissaire adjoint Jack Caffery est en proie a de violentes migraines. Lui aussi possède un passé douloureux, son frère Erwan, alors qu'il n'avait qu'une dizaine d'années, a disparu et n'a jamais plus donné de signe de vie. Un pédophile sévissait dans la région et il est actuellement écroué. D'autres membres ont aussi été arrêté, mais pas tous. Assistant à une commémoration à l'instigation d'une mère qui a décidé de faire construire un mémorial en l'honneur de sa fille victime d'un dérangé mental, Jack décide de reprendre son enquête. La femme qui est devenue alcoolique pleure sa fille, mais elle avait récupéré son corps tandis que Jack n'a jamais retrouvé celui de son frère.

En solitaire, aidé toutefois dans certaines démarches par des collègues ou des connaissances, il repart sur les traces de son enfance, interrogeant des témoins de l'époque, quémandant l'aide du Marcheur, un homme qui lui aussi peut lui apporter des éléments de réponse. Le Marcheur est accompagné d'un petit chien nommé Ourse, dont il ne connait pas la provenance. Si Ourse possède un collier, sous lequel était glissé un reliquat de papier avec la mention aidez-nous, aucune identification ne peut aider Jack Caffery à remonter aux propriétaires. Pourtant c'est bien grâce à la petite chienne que les deux affaires vont insensiblement converger.

 

Telle une sorcière qui ajouterait les condiments au fur et à mesure de la préparation d'une potion magique, Mo Hayder mitonne son suspense en incorporant petit à petit les ingrédients. Une grosse dose de terreur et une autre d'angoisse, assaisonné d'un suspense qui va grandissant et devient cauchemardesque.

Et lorsque la température désirée est atteinte dans la marmite de l'intrigue, les révélations éclatent à la surface comme des bulles pestilentielles.

Mo Hayder imbrique ces deux récits en laissant apparaître la vraie nature des personnages, principalement ceux de Honey et Molina, particulièrement retors, et lorsque l'on pense que tout est dit, des rebondissements surgissent sans crier gare. Mo Hayder manipule ses personnages et le lecteur, avec machiavélisme mais sans artifice qui pourrait laisser penser à des cachotteries. Tout est soigneusement amené, développé, et les protagonistes plongent dans le cauchemar alors qu'ils espéraient une rédemption.

Un roman étouffant, oppressant, et le lecteur ressent un sentiment contradictoire : il a hâte d'arriver à l'épilogue et en même temps il aimerait que cette histoire ne finisse jamais.

 

Mo HAYDER : Viscères (Wolf - 2014. Traduction de Jacques Martinache). Collection Sang d'encre. Editons Presses de la Cité. Parution le 15 janvier 2015. 448 pages. 22,00€.

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11 février 2015 3 11 /02 /février /2015 08:48
J. M. FLYNN : Ça sent le gaz

Faut fermer le robinet !

J. M. FLYNN : Ça sent le gaz

Même si l'on se présente aux policiers en avouant être coupable de meurtre assorti de viol sur la personne d'une jeune fille, l'on a droit à un avocat, souvent commis d'office.

Homme-grenouille dans la marine américaine, Carl Duwe est dans ce cas, et Fritz Hartmann, avocat que l'opinion publique situe comme à gauche du PC américain, est désigné comme son défenseur. Mais Hartmann n'est pas convaincu de la culpabilité de son client malgré ses aveux et engage son ami Burdis Gannon, détective privé, pour effectuer des recherches préliminaires.

La jeune morte, Rai Clement, une blonde platinée de dix-neuf ans, fille d'un riche industriel, n'en était pas à ses premières frasques. Mais ce n'est pas pour autant qu'elle méritait d'être assassinée.

D'après les premiers témoignages ou constatations, Rai aurait été consentante pour s'envoyer en l'air avec Carl. Durant les heures qui précédèrent son prétendu viol et son assassinat, elle batifolait sur la plage en compagnie de trois garçons et deux jeunes filles. Et lorsque Carl est arrivé, elle ne s'est plus occupée que de lui, abandonnant ses camarades. Les jeunes filles n'apportent guère de renseignements à Gannon. Auprès des garçons, les présentations sont plus musclées puisque le détective se fait agresser par Joe Neary, un impulsif, accompagné de Harry Wax et Jock Penney, des rôdeurs des plages.

Cette agression permet à Gannon de faire la connaissance de Terri, la sœur de Rai. Ensembles ils fouillent les affaires de la jeune morte, malgré un coup de matraque encaissé par Burdis Gannon en entrant dans l'appartement de celle-ci. En souvenir il garde une bosse et un morceau d'étoffe en jean provenant d'un pantalon. Une pièce pas assez fiable pour servir de preuve.

Selon une clause maternelle, chacune des deux sœurs doit recevoir une coquette somme à leurs vingt-cinq ans et, si elle se marient avant, leur époux bénéficiera en tout ou partie de l'héritage si le mariage a lie avant ou après leurs dix-huit ans. Grâce à des talons de chèques Gannon et Terri remontent une piste qui les entraine à Reno, Tijuana et San Diego. De leurs différentes démarches, ils apprennent non sans mal, qu'effectivement Rai s'était mariée avec un certain Foster.

 

Honnête roman, Ça sent le gaz vaut surtout pour la démonstration de cet aphorisme : Il ne faut pas se fier aux apparences. Et Hartmann, malgré les aveux de Carl Duwe, des aveux nuancés par la suite puisqu'il précisera qu'il s'était évanoui avant de mener à bien son coït, Hartmann s'accroche à une impression, sentiment partagé par son ami le détective Burdis Gannon.

Entre les deux sœurs, la différence de caractère est aussi grande qu'entre la nuit et le jour. Rai était une jeune fille délurée, ne rechignant jamais aux joies de la copulation, changeant souvent de partenaire malgré son état de femme mariée. Etat secrètement gardé il est vrai et qui lui pesait. Quant à Terri, jeune fille coincée, elle se montre horrifiée devant les joyeuses galipettes de sa sœur, quoique cela ne l'empêche pas de tomber sous le charme de Gannon et de l'inviter dans son lit.

 

Citation :

Mon appartement illustre assez bien le fait qu'un homme doit posséder un valet de chambre ou, à défaut, une épouse pour réparer le désordre qu'il laisse derrière lui.

 

J. M. FLYNN : Ça sent le gaz (On for the Death House - 1961. Traduction de Marcel Frère). Série Noire N°718. Parution juin 1962. 192 pages.

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 11:57

Bon anniversaire à Yves Bulteau né le 10 février 1955.

Yves BULTEAU  : Julie et Smaïn.

Dans le registre les adolescents sont les héros, voici un roman en forme de road-story qui démontre le malaise certain, et non un certain malaise, des jeunes en face de la dure réalité et de l’incompréhension parfois des adultes. Tant d’exemples nous sont donnés à travers les médias relatant les vicissitudes de la vie quotidienne.

Julie est une jeune fugueuse qui n’en est pas à son premier braquage de station service. Mais cette fois, elle se fait prendre la main dans le sac et le gérant, histoire de rigoler, lui propose un petit tour dans une pièce attenante, afin de goûter aux charmes de la belle chapardeuse. Elle brandit son pistolet, un jouet en plastique mais le pompiste en possède un vrai qu’il agite comme un dément.

Smaïn, son apprenti mécano beur, tente de détourner l’arme, mais coup part. Exit le garagiste. Smaïn et Julie ne voient plus qu’une solution à leur problème : la fuite. Ils prennent la fille de l’air et se réfugient dans une grotte aux confins du Massif Central. Tristan Desmarais, qui a déjà croisé à plusieurs reprises Julie, est sur leurs talons. Il veut comprendre pourquoi la jeune fille a brutalement lâché le cocon familial.

Quant à Max, le busard, il veille sur ses petits et faudrait pas venir le déranger.

 

Le racisme primaire, le rejet, la conviction des adultes de posséder la Vérité en face d’adolescents paumés, la solitude dans un monde qui ne parle que de communication, tels sont les thèmes majeurs de ce roman qui est aussi une ode à l’amour sans barrière, sans frontière, sans a priori. En insérant quelques touches d’humour par-ci, par-là, pour mieux relancer la mécanique, Yves Bulteau a construit un roman fort et tendre qui hante le lecteur la dernière page tournée.

 

Yves BULTEAU  : Julie et Smaïn. Collection Canaille/Revolver N°184, Editions Baleine. Parution février 2000. 140 pages. 8,00€.

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10 février 2015 2 10 /02 /février /2015 08:45
Jack ERLICH : Un moment de faiblesse

On en a tous...

Jack ERLICH : Un moment de faiblesse

Parole-officer, c'est à dire qu'il a en charge des prisonniers libérés sur parole, Fleck fait la connaissance d'une jeune femme dans une boîte de nuit, le club 21.

Liz le drague ouvertement cependant ce n'est ni une prostituée ni une nymphomane à la recherche du premier pantalon venu. Après avoir échangé quelques répliques blessantes, Fleck emmène la jeune femme désemparée chez lui. Le lendemain matin, après une nuit chaude et intense, chacun des deux amants se révèle à l'autre.

Fleck avoue sa profession, Liz Mc Kev être mariée et ne pas avoir fait l'amour depuis deux ans. Son mari est écroué à Sing Sing après avoir participé à un minable braquage. Liz frustrée depuis de longs mois vient de succomber pour la première fois à la suite d'un moment de faiblesse. Malgré tout les deux amants continuent de se revoir pendant un mois jusqu'au jour où Mc Kev sort de prison, libéré sur parole grâce à une remise de peine.

Petit marlou sans grande envergure Mc Kev est devenu en prison un être hargneux et vindicatif. Son retour au foyer conjugal ne se passe pas comme l'avait imaginé Liz. Il s'acoquine avec Al, un truand qui sait éviter les mailles du filet de la police. De plus il bat sa femme.

Liz appelle Fleck à la rescousse lui demandant de remettre en douceur son mari dans le droit chemin. Elle est partagée entre Fleck à qui elle voue un amour empreint de douceur, recherchant sa protection, et Mc Kev, envers qui elle ressent un amour quasi maternel et qui la satisfait physiquement malgré ses brutalités.

Averti par Liz que Mc Kev et son acolyte s'apprêtent à braquer un entrepôt afin de s'emparer de la paie des ouvriers, Fleck décide de jouer en solitaire.

 

Série noire mais également série rose puisque toute la trame de ce roman joue sur les sentiments entre Fleck et Liz, Un moment de faiblesse se veut l'apologie du métier de Parole Officer, ou agent de probation, vu du bon côté de la barricade. Le point de vue du truand est étudié d'une façon plus critique dans le roman-récit d'Edward Bunker dans Aucune bête aussi féroce (Rivages-Thriller - 1991).

Fleck se positionne en être intègre, aimant son métier, pensant avant tout à la reconversion des prisonniers libérés sur parole dont il a la charge. Ainsi, juste avant la sortie de prison de Mc Kev, il expose sa vie afin d'éviter à Brownie, un ancien repris de justice ayant pris en otage un policier qui l'empêchait d'entrer dans un stade, un passage à tabac musclé.

Aide-maçon, Brownie, au caractère violent, pensait en toute bonne foi que puisqu'il avait participé à la réalisation de l'édifice, il pouvait se permettre d'entrer gratuitement. Point de vue non partagé par le flic en faction.

De même les avis échangés entre Fleck et son ami Bowman, policier chargé de l'arrestation des délinquants sont édifiants.

Le personnage de Liz est particulièrement poignant, partagée qu'elle est entre ses sentiments pour les deux hommes de sa vie. Elle trouve protection et réconfort auprès de Fleck avec qui elle pense n'avoir qu'une relation passagère, mais en même elle tente de remettre son mari dans le droit chemin, aveuglée par sa passion.

Quant à Fleck, il retrouve la sérénité après une journée de travail en jouant du piano, dans sa maison située au bord de l'océan. Un roman pavé de bonnes intentions, mais cela reflète-t-il la réalité ?

 

Citation :

D'un revers de main, Fleck s'essuya la bouche et regarda la trace de rouge à lèvres laissée sur sa peau. C'est ça l'amour ! se dit-il amèrement. Une petite trace rouge et des souvenirs !

 

Jack ERLICH : Un moment de faiblesse (Parole - 1960. Traduction de G. Louedec). Série Noire N°688. Parution 1962.

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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 16:03

Un étrange détective de l'étrange...

Philippe PINON : Barry Barrison et l'héritage de Tarford Castle.

Composé de quatre longues nouvelles, ce recueil nous propose de découvrir Sir Barry Barrison, de son vivant, au moment de sa mort, puis sous sa nouvelle forme de spectre. Quatre épisodes qui s'enchaînent permettant de suivre Sir Barry Barrison sous ses différentes formes et lors de ses enquêtes aussi diverses que variées et qui induisent d'autres histoires qui pourraient être développées ultérieurement ayant pour titres alléchants et énigmatiques : L'Affaire du Cendrier du Collectionneur ou encore L'Étrange cas du Pendu Aveugle.

 

La partie italienne :

Confortablement installé dans le fiacre qui l'emmène à Regent Street, Barry Barrison relit la lettre émanant de son ami Sir Henry Oldtown. Celui-ci réclame son aide car depuis quelques temps il lui semble perdre la mémoire épisodiquement. Ainsi, des personnes l'auraient aperçu dans des endroits alors qu'il est persuadé ne pas y avoir mis les pieds. Sir Henry Oldtown vit seul en son château de Tarford, avec pour unique domestique le vieil Alfred, majordome, cuisinier et homme à tout faire.

Après avoir longuement décrit ses absences, supposées ou non de mémoire, Sir Henry propose à Barry de venir partager son repas le lendemain soir. Barry, qui a déjà sa petite idée, lui demande d'inviter le père Howard, qu'il connait depuis son enfance et auquel il rend visite afin de clarifier certains points. Le lendemain Barry est accueilli par l'inamovible Alfred. Sont déjà présents pour ce repas trois ou quatre personnes dont la comtesse Van Anglowen qui outre être une éminente ambassadrice de l'Autriche possède le don de médiumnité. Mais au cours du repas Sir Henry décède dans de mystérieuses conditions.

La solution réside dans un vieux thème souvent utilisé par les auteurs de romans policiers classiques mais qui avait été mis à l'index par S.S. Van Dine dans ses vingt règles à ne pas enfreindre. A noter que la partie italienne est une ouverture aux échecs, jeu d'esprit auxquels s'adonnent avec passion nos deux protagonistes.

 

La mort lui va si bien :

Un peu plus de quinze années se sont passés depuis l'épisode précédent. En cette année 1900 Barry Barrison est toujours un passionné du jeu d'échecs. Ce matin-là il a rendez-vous avec Arthur Fell, membre comme lui du club Queen's Pawn, afin de l'affronter dans une énième partie dont l'ouverture à l'italienne est immuable.

L'inspecteur principal Lipperstone, qui déguste en toute tranquillité son thé matinal, est subitement dérangé par son adjoint l'inspecteur Eddings. Et l'information que le policier lui délivre est d'importance et triste : Barry Barrison est décédé. Son corps vient d'être retrouvé, non sans mal, dans le cabinet où devait se dérouler la partie. En effet, l'invité ayant frappé et n'obtenant pas de réponse avait alerté le directeur du club qui avait pris la décision de forcer la porte qui était fermée de l'intérieur.

Lipperstone, sans oublier son adjoint, est effondré, car il vient de perdre un ami qui l'a aidé à maintes reprises à résoudre des affaires compliquées. Et celle qui se présente à Lipperstone avec le décès de Barry est quasiment irrésoluble : son ami a été assassiné dans une pièce close sans accès de sortie, ou d'entrée, pour le meurtrier. Alors Lipperstone décide de fouiller dans les affaires du défunt à Tarford Castle. Barry Barrison a en effet hérité du manoir depuis le décès de son précédent propriétaire, juste un point de détail pour justifier le titre du recueil. Et c'est ainsi qu'invoquant la disparition de son ami, se lamentant, il entend une voix rogue lui répondre. Ce n'est que le spectre de l'aristocrate, mais cela jette quand même un froid. L'homme et le fantôme, qui ne se souvient pas grand chose des événements qui ont conduit à sa mort, vont donc essayer de résoudre, et y parvenir, ce problème par la déduction.

 

Le joyau de la Tamise :

Gros bond en avant dans le temps puisque nous sommes au vingt et unième siècle, près de la Tamise. Terry et Angla, deux amis étudiants, viennent de prendre un bon repas et avant d'aller se coucher, ils vivent ensemble et se considèrent comme fiancés mais nous n'en saurons pas plus leurs activités sexuelles celles-ci n'interférant pas dans l'histoire, donc Terry et Angela se reposent sur un banc regardant la Tamise. Ils aperçoivent deux hommes sortir d'une voiture, ouvrir le coffre en extirper un corps qu'ils balancent à la baille. Les deux jeunes gens sont édifiés et aussitôt, n'écoutant que leur courage, ils se jettent à l'eau. Ils récupèrent avec difficulté une jeune fille qui, lorsqu'elle pourra s'exprimer leur apprend qu'elle se prénomme Maureen.

Ils préviennent leur ami Mark qui se charge de récupérer tout ce petit monde et les emmène chez lui à Tarford Castle. Le fameux manoir de Barry Barrison, un de ses ancêtres en ayant hérité après le décès tragique de son ancien propriétaire, comme nous l'avons lu dans l'épisode précédent. Or justement Barry Barrison se manifeste comme à son habitude, fumant tranquillement sa pipe et comme il s'ennuie il va aider les jeunes gens à découvrir les coupables, mais surtout le pourquoi. Car Maureen qui s'est laissé aller à quelques confidences ne semble pas leur avoir tout dit, et même menti. C'est pas bien de mentir quand sa vie est en jeu !

 

Le mystère de la femme qui marche :

Nous retrouvons nos quatre complices qui sont devenus nos amis par la même occasion, à Reims, la ville du champagne et des rois, ce qui n'a rien à voir mais fera sans aucun doute à Brice Tarvel, éminent romancier, mais je m'échappe encore du sujet. Mais auparavant, précisons pourquoi notre quatuor s'est rendu dans cette aimable ville qui regorge de nombreux mystères.

Angela et ses amis font partie d'une organisation, la MA-ED c'est-à dire en français l'Académie du Mystère - Division Anglaise, résolvant pour le compte de Scotland Yard des affaires non élucidées. Angela a visionné une vidéo représentant une maison, et plus particulièrement une fenêtre où apparait une femme. Rien de bien particulier sauf que la silhouette de cette femme ne se reflète pas dans la vitre. Pour Barry Barrison, aucun doute n'est permis, il s'agit d'un spectre. Et c'est ainsi qu'ils se rendent à Reims communicant avec l'aristocrate, ou plutôt son fantôme, grâce au don de Maureen qui est télépathe.

Philippe PINON : Barry Barrison et l'héritage de Tarford Castle.

Au fur et à mesure qu'il lit ces quatre nouvelles, le lecteur en apprend davantage sur Barry Barrison et ses nouveaux amis, les épisodes s'enchainant les uns aux autres tout en étant indépendants. Aventures, mystères, détections, et fantastique, angoisse et une pointe d'humour composent ce recueil qui augure un bel avenir pour une nouvelle plume fort intéressante.

 

Les amateurs de bandes dessinées petit format se souviennent peut-être avoir lu des aventures de cet aristocrate britannique qui a côtoyé Sherlock Holmes et en possède les vertus de déduction, d'analyse et surtout d'observation. C'était dans Spécial-Kiwi du numéro 85 au numéro 88, en 1982, signés Claudio Tiziano Fuzi pour les scenarii et Luciano Bernasconi pour les dessins. D'ailleurs certaines vignettes sont reproduites dans le présent recueil. Elles ont été rééditées dans le recueil Le Gladiateur de Bronze aux éditions Rivière Blanche.

Quant à Philippe Pinon, un auteur à suivre, vous pouvez retrouver deux de ses nouvelles dans les recueils Dimension Super-Héros et Dimension Super-Héros 2.

Philippe PINON : Barry Barrison et l'héritage de Tarford Castle. Collection Noire N° 71. Editions Rivière Blanche. Préface de David Baudet. Parution Janvier 2015. 244 pages. 17,00€.

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9 février 2015 1 09 /02 /février /2015 08:29
Day KEENE : Change pas de disque !

Fais attention quand même, il risque de se rayer...

Day KEENE : Change pas de disque !

En délicatesse avec le fisc, et à court d'argent, Johnny Aloha accepte de rencontrer sur les instances d'Yvonne Sainte-Jeanne, danseuse nue qui se prétend d'origine française, de rencontrer en prison Mulden, alias Tommy L'Homme.

Celui-ci est accusé du meurtre de May Archer, une journaliste qui prétendait faire des révélations sur les milieux de l'industrie du disque dans les colonnes de son journal. Tommy ne nie pas ces rendez-vous, ni même avoir eu des rapports sexuels avec la jeune femme, mais il conteste l'avoir violée puis tuée. Tommy, officiellement musicien de bastringue, truand à ses heures, était à la solde de Tod Hammer, propriétaire d'une petite maison de disques et ex-truand.

Aloha soupçonne Marty Amato, possesseur d'une marque concurrente, d'exercer un racket et d'avoir forcé la main à Tod Hammer en l'impliquant dans un meurtre. Le détective échappe à deux attentats, voiture piégée et coups de revolver. Il convainc Mabel Connors, chanteuse à la carrière ratée, de témoigner auprès du capitaine Hanson, malgré les réticences de son mari, pianiste ayant eu sa petite heure de gloire. Mabel devait confirmer coucher avec des animateurs et des fabricants de juke-box afin de promotionner ses disques et dénoncer par son témoignage le racket existant.

Dans l'échange des coups de feu Mabel est mortellement touchée tandis qu'Aloha pense avoir blessé son agresseur. Autre suspect sur la liste du détective, Jack Kelly, animateur de radio qui vient de prendre un participation de 51% dans une troisième maison de disques.

 

Si le début du roman est légèrement humoristique et joue avec la gaudriole, l'épilogue est totalement désabusé et pathétique. Comme si Day Keene avait essayé de changer de style avec son personnage de détective d'origine irlando-hawaïenne mais était vite retombé dans ses péchés mignons : la duplicité de la femme. May supposée rentrer de son travail réveillait son mari pour qu'il accomplisse le devoir conjugal alors qu'elle sortait des bras de son amant avec qui elle avait décidé de partir à Hawaï. Mais également sa propension à explorer les milieux, les couches sociales.

Day Keene ne se montre pas tendre envers les beatniks mais surtout il dénonce le chantage exercé par les maisons de disques envers leurs poulains, le racket existant dans cette industrie, et le paiement en nature exigé par certains animateurs radio pour promotionner un nouveau disque. Un roman qui date de 1960 mais les mœurs ont-elles véritablement changé depuis?

 

Curiosité :

Contrairement à bien des détectives de romans noirs, Johnny Aloha est encouragé par le capitaine Hanson à enquêter, non point tant pour disculper Muldeen que pour dénoncer la guérilla artistique. Le policier et le privé pour une des rares fois marchent main dans la main.

 

Citation :

En dépit des Sherlock Holmes des romans policiers et du petit écran, un privé qui n'est pas dans les bonnes grâce des défenseurs de l'ordre peut mettre son trench-coat au clou et s'inscrire au chômage.

Day KEENE : Change pas de disque ! (Payola - 1960. Traduction de France-Marie Watkins). Série Noire N°671. Parution octobre 1961. 256 pages.

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8 février 2015 7 08 /02 /février /2015 10:16

Une balade un peu Lourdes !

Pierre LATOUR : Accidenti !

Homme aux deux facettes, Sylvio Jordani, officiellement restaurateur et directeur de cercle de jeux mais truand à ses heures, charge ses compères Giaffino, Muffat, Gasmannini et Siri de dévaliser le coffre-fort du richissime Mihalesco.

Giaffino qui n'est autre que le majordome du millionnaire abat une fois les bijoux dérobés deux de ses complices. Nino, un jeune voyou, surprend le manège nocturne. Il prend en filature Giaffino qui se réfugie chez Louis le Gitan, cafetier de son état.

Nino met dans la confidence Carlo, le fils de Jordani, une petite frappe qui déçoit profondément son père, lequel rêvait pour sa progéniture un avenir de probité. Carlo, toujours à court d'argent, décide de récupérer la joaillerie pour son propre compte mais mal lui en prend. Il est abattu par le truand qui sait à présent que Jordani va le traquer impitoyablement.

Si Giaffino agit ainsi, c'est qu'il règle une vieille dette. Six ans auparavant, Jordani effectuait une croisière sur la Méditerranée. Une nuit, alors que dans le yacht ce n'était que partouzes et beuveries, Vicente Mattéoli, le pilote, ne peut éviter un pointu à bord duquel pêchent le père de Giaffino et son frère. Les deux hommes se noient, Jordani étant trop saoul pour aider au sauvetage. Bourré de remords Vicente raconte le drame à Giaffino qui mûrit sa vengeance et se fait embaucher par Jordani qui ensuite le place chez Mihalesco. La vendetta est entamée.

Giaffino se réfugie à Treillanes dans un cabanon appartenant à Vicente. Jordani, renseigné non sans mal par Nino, torture Louis le Gitan afin de connaître la cache du truand en cavale. Salement amoché le Gitan parvient toutefois à relater les événements aux policiers dirigés par l'inspecteur Benoît.

Pendant ce temps une famille d'Italiens a quitté le petit village de Torlone. A bord de l'Hispano la Mamma, ses deux fils, sa fille et son gendre. La Mamma, dont les jambes sont paralysées, entreprend un voyage à Lourdes espérant un miracle. Non seulement le miracle n'a pas lieu mais la Mamma décède. Affolés les Italiens rentrent chez eux précipitamment afin d'assurer une sépulture digne à la vieille dame dans son village. Et surtout pour ne pas encourir l'opprobre des villageois qui avaient déconseillé ce pèlerinage. Après des heures de route ils se reposent dans un petit bois près de Treillanes.

 

Avec cette histoire de vengeance longuement mûrie d'une vendetta corse, Pierre Latour a écrit un roman qui n'a pas vieilli. Il suffirait de le dépoussiérer quelque peu, en changeant quelques détails (marque de la voiture par exemple) pour la réactualiser.

Inscrit en filigrane le périple de la Mamma handicapée puis du transport sur la banquette arrière de son cadavre relèverait du gag, de la farce macabre, s'il ne s'imbriquait parfaitement dans le récit.

Pierre Latour ne s'est pas contenté de la relation d'une rencontre fortuite, mais a imaginé une histoire dans l'histoire dont le déroulement s'échelonne du vendredi au dimanche.

Un roman à l'écriture sobre et efficace à l'instar de la production de Pierre Latour.

 

Curiosité :

En page 4, on apprend avec intérêt que Pierre Latour a déjà eu un roman publié à la Série Noire : Le Dingue. Une façon comme une autre de lever le voile sur l'identité d'Arthur Minville, pseudonyme de Latour pour ce roman paru sous le numéro 610. Après une interruption de quelques années, il sera édité par le Fleuve Noir. Mais Pierre Latour a également été comédien jouant notamment le personnage d'Estragon dans En attendant Godot de Samuel Beckett, et acteur dans onze films dont La bataille du rail de René Clément en 1946, jouant le rôle d'un cheminot, et Si tous les gars du monde de Christian-Jaque, son dernier, en 1956.

 

Citation :

Vous êtes un des meilleurs inspecteurs de la brigade, mais vous avez une tendance certaine à jouer au cow-boy !

 

Pierre LATOUR : Accidenti ! Série Noire N°670. Parution octobre 1961. 192 pages.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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