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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 13:23

Hommage à Auguste Le Breton né le 18 février 1913.

Auguste Le BRETON : Ils ont dansé le Rififi.

Deux jeunes filles interprétant sur le trottoir de vieilles chansons d’avant-guerre, il n’en faut pas plus pour qu’Auguste Le Breton, assis à la terrasse d’un café de la place Blanche se plonge avec nostalgie dans son passé.

A dix-huit ans, les jeunes de cette époque étaient déjà largement émancipés, surtout ceux qui comme Le Breton avaient vécu une enfance difficile, pauvre, sans père ni mère pour les épauler, les choyer, les réconforter. Evadé de l’orphelinat, Le Breton se retrouve sur les pavés parisiens, arpentant les rues d’un trapèze montmartrois haut en couleurs : square des Epinettes, place Clichy, Pigalle, porte de Clignancourt. Cette partie Ouest du XVIIIe arrondissement de la capitale était le repaire des petites frappes et des caïds, nés à Paris ou en province.

A dix-huit ans, Auguste Le Breton navigue dans les eaux troubles de la petite délinquance en compagnie de son ami Dédé-la-Glace. Pour subsister, il effectue de petits boulots, tour-à-tour terrassier, docker, couvreur-zingueur, et même ouvrier dans une société d’ascenseurs. Un emploi qu’il ne garde pas longtemps, viré parce qu’il faisait équipe avec un syndicaliste ayant fomenté une grève. Plus souvent au chômage, il connaît le froid, la faim, la misère, heureux de pouvoir coucher de temps en temps dans de minables chambres d’hôtel.

Souvent il se réfugie au bas des marches du métro, coincé contre les grilles, recherchant un minimum de chaleur. Il organise des parties de bonneteau, jeu de trois cartes qui demande une extrême habileté manuelle et dans lesquelles se font plumer les gogos. Cela ne l’empêche pas de fréquenter les bals de quartier dans lesquels les jeunettes perdaient leur pucelage et se retrouvaient sur le trottoir par amour pour leurs barbeaux. Il y côtoie les maquereaux, les petits et grands truands, un pied de chaque côté de la frontière séparant le légal de l’illégal, au mieux avec Milo Jaquot, caïd légendaire de Saint-Ouen, et bien d’autres.

Les orchestres font florès et les accordéonistes, Gus Viseur en tête, connaissent leurs heures de gloire. C’est ainsi qu’il paie un sandwich à Edith Piaf, alors âgée de seize ans, qui poussait encore sa goualante dans les rues et les bastringues de quartier. Il suit de loin sa carrière, ses déboires, ses avatars amoureux, et sa perdition dans la drogue et l’alcool. Mais c’est surtout au Petit Jardin qu’il fait la rencontre de sa vie : Poulbot, une jeune fille promise elle aussi à un bel avenir de chanteuse mais qui sabre sa carrière par amour pour Le Breton. Un coup de foudre partagé sur l’air du Dénicheur. Et c’est la seule fois qu’il ne partage pas sa bonne fortune avec son ami Dédé-la-Glace. Tandis qu’Auguste Le Breton tente de sortir de l’ornière, Dédé lui s’y fera un trou.

Le Breton goûte également aux joies de la chasse dans les plaines de la Beauce avec ses potes Panafieu, Trintignon, Jo-la-Feuille, Dédé-la-Frotte, Adrien-le-Bique. Le Breton passe rapidement sur la période de la Seconde Guerre mondiale, avouant, presqu’à contrecœur, avoir fabriqué des faux papiers permettant ainsi à quelques juifs d’échapper aux nombreuse rafles de l’époque. Après c’est sa période sud-américaine, parcourant l’Argentine, la Colombie, le Venezuela, côtoyant de près ou de loin truands locaux et immigrés européens : l’ancien champion cycliste José Beyaert, vainqueur du premier tour de Colombie en 1951 ; Lincoln Montero, célèbre pour son Escadron de la Mort brésilien ; le Dr Joseph Mengele, bourreau d’Auschwitz ; Auguste Ricord, considéré comme le caïd de la « French Connection » ; et bien d’autres. Des voyages qui assouvissent sa soif d’aventures et lui fournissent des sujets pour ses romans. Poulbot est toujours présente, mais en pointillés.

Ses mémoires affluent un peu dans le désordre, pêle-mêle, surgissant au gré d’une ritournelle ou d’un souvenir évoqué par Didi, un ancien ami qu’il retrouve place Blanche. C’est également l’occasion pour évoquer Tino Rossi, chanteur débutant encouragé et soutenu par ses compatriotes corses ; Yves Montand échappant de peu aux balles d’un gestapiste français ; Jacques Prévert, l’éternel mégot coincé entre les lèvres. Des mémoires sur lesquelles plane la nostalgie.

Le Breton se fait fort de défendre ses amis les voyous, les truands qui respectaient un code de l’honneur qui n’existe plus aujourd’hui. Il cite volontiers ses livres autobiographiques, Les pégriots, Pour deux sous d’amour, Fortifs, La môme Piaf, Les hauts murs, etc., rappelant qu’il est le coauteur de certains mots comme « rififi » ou « valseur » — arrière-train féminin — …

Un encart central photographique complète cette biographie écrite un peu en l’honneur de la truanderie d’avant guerre.

 

Auguste Le BRETON : Ils ont dansé le Rififi. Mémoires. Editions du Rocher. Parution avril 1991. 364 pages.

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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 11:56
Kevin FITZGERALD : Un trône de baïonnettes

Mieux vaut ne pas s'assoir dessus...

Kevin FITZGERALD : Un trône de baïonnettes

Un message important, émanant d'un agent du nom de Bird, a disparu des Services Secrets, le coupable n'étant autre que Roydon employé au déchiffrage.

Jim Harrisson, chargé de retrouver ce document, écrit sur du papier pelure et susceptible de déclencher une nouvelle guerre mondiale, entame son enquête sous des auspices néfastes. Un tireur isolé embusqué sur un toit le rate de peu. Harrisson, plus connu sous l'alias d'Alexander Langton, se renseigne auprès de Joë, son indicateur habituel, au Singe Jaune, espèce de club privé et plaque tournante de la drogue, de recels et autres indélicatesses.

Roydon n'est pas un inconnu et la piste le conduit à un autre club malfamé, le Nid du ramier. Agressé Harrisson tient cependant un bout de piste. Il se rend dans la campagne anglaise sur les traces d'un certain Liffey. A Chenley, personne ne connait cet individu, mais tout porte à croire qu'il se dissimule sous les traits de l'énigmatique Dowson. Entré en fraude dans la propriété de Dawson, Harrisson ne doit son salut qu'à la présence providentielle de Bernard Feston, un ex-militaire, mathématicien, possesseur d'un chat, reconverti dans les enquêtes policières et lui-même sur les traces d'une bande de malfaiteurs, l'Émeraude verte, dirigée par une femme nommée Annie.

Ayant obtenu enfin un entretien du fameux Dowson, qui gravite illégalement dans les boîtes de nuit, Harrisson continue ses recherches dans de nouveaux bars londoniens. Il se fait éjecter, ses adversaires le croyant à la solde d'une bande rivale, Feston s'attachant à ses basques comme son ombre et arrivant toujours au moment propice pour le soutenir. Leurs pérégrinations les conduisent au Pays de Galles, où le papier aurait disparu, perdu par un malfrat lors de l'ascension d'une montagne.

Le document, protégé dans une blague à tabac, est découvert par deux excursionnistes adeptes de la grimpette qui le remettent à Harrisson, toujours accompagné de Feston. Malgré un guet-apens en haut de la montagne, Harrisson s'en sort et est enlevé alors qu'il redescendait tranquillement.

 

L'action, qui se déroule quelques années après la fin de la Seconde Guerre Mondiale, soulève déjà la possibilité et la probabilité d'une guerre froide entre le bloc de l'Ouest et le bloc de l'Est, sur fond d'intimidation et d'armes nucléaires élaborées.

Oscillant entre le roman d'espionnage et le roman noir, par le biais d'une guerre des gangs, la trame de cet ouvrage est particulièrement alambiquée. Le rôle de Feston est mal défini. Quant à Harrisson, malgré son succès, il se révèle comme un agent un peu timoré, ayant en horreur l'usage des armes à feu, et ne menant à bien sa mission que grâce à l'omniprésence de Feston.

 

Curiosité :

Le narrateur de cette histoire n'est autre que Harrisson lui-même mais incontestablement c'est Feston qui tient la vedette. Feston que l'on retrouve dans les numéros 762 (E pericoloso sorgersi) et 817 (Croisades sur les pointes) de la Série Noire.

 

Citation :

Vous avez pris un mauvais départ pour cette importante mission, Harrisson, me déclara-t-il. Mais je suppose que ce n'était pas votre faute.

 

Kevin FITZGERALD : Un trône de baïonnettes (A throne of bayonets - 1952. Traduction de Noël Chasseriau). Série Noire 787. Parution juin 1963. 256 pages.

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17 février 2015 2 17 /02 /février /2015 14:11

Comme chantait Sacha Distel : Oh quelle nuit !

Chevy STEVENS : Cette nuit-là

Faire de la publicité, c'est agiter un bâton dans l'auge à cochons disait George Orwell, l'auteur de 1984.

Et une fois de plus preuve est faite qu'il ne faut pas se fier aux petites phrases inscrites en première et quatrième de couvertes dues par des auteurs payés pour promotionner un ouvrage et qu'ils n'ont apparemment pas lu. Ainsi Harlan Coben affirme La tension monte à chaque page, tandis que Lee Child déclare Terriblement intense : une réussite.

Il faut attendre le chapitre 14, de la page 194 à la page 204, pour véritablement entrer dans l'histoire, le meurtre de Nicole, et l'arrestation de Tonie, sa sœur aînée et de Ryan, son petit ami. Le chapitre charnière de l'intrigue car auparavant Tonie, la narratrice et personnage principal du récit, entame un long processus de description de ses années d'adolescente parmi sa famille, ses condisciples, ses amours avec Ryan, ainsi que les longues années d'incarcération au pénitencier de Rockland à Vancouver puis dans le centre de réinsertion d'Echo Beach à Victoria, sur l'ile de Vancouver.

Le lecteur fait la connaissance de Tonie à sa sortie de la prison de Rockland alors qu'elle bénéficie d'un placement en centre de réinsertion. Elle a trente-quatre ans et a déjà passé pratiquement la moitié de sa vie enfermée. Tout ça parce qu'elle est devenue au collège la tête de Turc d'une soi-disant amie.

Tonie aurait pu être heureuse entourée d'un père débonnaire, dont le métier était de remettre en état de vieilles bâtisses. Sa mère, petite souris très énergique, qui achetait les maison que le père rénovait, tenait le ménage d'une main de fer et n'autorisait aucun manquement. Quant à Nicole, c'était la préférée. Du moins de la mère. Et bien entendu à l'adolescence les conflits mère-fille ont commencé à perturber les relations entre Tonie et sa mère. Tonie est indépendante et les études ne l'attirent pas trop.

Au collège elle se lie avec Shauna qui traîne derrière elle une petite cour d'admiratrices. Cathy, Kim et deux ou trois autres. Au début elle s'entendait bien avec Shauna, jusqu'au jour où celle-ci l'a accusée de lui avoir pris son petit copain et l'obliger à effectuer quelque chose dont Tonie deviendra la principale victime. La suite ne fut que harcèlement moral et physique. Shauna, belle petit gueule d'ange savait toujours retourner la situation en sa faveur, Tonie devenant la risée des autres élèves. Et puis Shauna vivait seule avec son père, Franck MacKinney, un policier local qui lui pardonnait tout.

Tonie est tombée amoureuse de Ryan, et le jeune homme ressentait les mêmes sentiments à son égard, au point d'envisager le mariage comme avenir. Mais il leur fallait être indépendants financièrement et pour cela Ryan a trouvé de petits boulots et Tonie a été engagée comme serveuse dans un petit restaurant. Mais Shauna lorsqu'elle avait quelqu'un dans le nez ne lâchait pas si facilement sa prise, toujours souriante, le regard noir et les propos acerbes, mensongers, sachant rester maîtresse de la situation.

Nicole prend de l'âge, commence à devenir jeune fille, se maquille, sort le soir, à l'insu des parents. Et rentre ivre parfois. Des médicaments disparaissent. Dans l'esprit de la mère c'est Tonie qui est fautive, ne voulant pas écouter les explications de son aînée, prenant toujours la défense de sa cadette. Et lorsque le drame arrive, la faute en incombe inexorablement à Tonie et dans une moindre mesure à Ryan, dans l'esprit de tous ou presque.

Au pénitencier où elle est enfermée, Tonie est en butte une fois de plus face à une meneuse qui régi toutes les prisonnières sous sa coupe, en véritable tyran. Tonie n'accepte pas cette dictature, se rebelle, se révolte. Des coups sont échangés, des agressions ont lieu dans les couloirs, et Tonie est la plupart du temps déclarée coupable. Mais elle arriv eà se faire respecter.

Enfin, lorsqu'elle peut sortir de cet enfer, Tonie revient chez elle, là où elle est née, mais pas chez ses parents. Elle s'installe sur un vieux bateau mis au rebut, travaille dans un refuge pour animaux, adopte un chien, un pit-bull couturé de partout qui lui témoigne son affection, et tout irait pour le mieux si un jour, malgré l'interdiction qui leur a été signalée, Ryan ne cherchait à la revoir.

 

Construit comme un récit autobiographique déstructuré, les chapitres s'imbriquant les uns dans les autres sans véritable suivi, Cette-nuit là est autant un documentaire-fiction sur les relations tumultueuse que peut entretenir une adolescente avec son entourage qu'un reportage dans l'univers carcéral. Comme c'est Tonie qui s'exprime, et que le lecteur ne possède que sa version, il est obligé de se fier à son témoignage. Et bien entendu lui aussi se révolte en lisant les sévices subis par la jeune fille. Pourtant une question demeure : pourquoi et surtout comment Shauna peut posséder une telle emprise, une telle aura, un tel charisme auprès des autres écolières, et ne jamais être prise en défaut ? Seule Tonie se rebelle et elle focalise sur elle tous les regards, tous les reproches, toutes les inimitiés.

Et comme justement ce roman se rapproche plus d'un reportage, intéressant certes, qu'une fiction dont l'angoisse serait savamment entretenue, il en perd sa force de persuasion et la tension n'est pas au rendez-vous. Autant les précédents romans de Chevy Stevens entretenaient la peur, la crainte, le frisson, l'envie du lecteur de poursuivre sans interruption le déroulement de l'histoire, ici on décroche souvent, à cause peut-être de l'accumulation des sévices et des rejets subis par Tonie. Et l'on se demande si au fond d'elle-même elle ne cache pas quelque chose de sa personnalité. Bref, à aucun moment je n'ai vibré devant l'accumulation de malheurs de Tonie, sauf peut-être au fameux chapitre 14 et vers la fin, lorsqu'enfin éclate la vérité.

 

Chevy STEVENS : Cette nuit-là (That Night - 2014. traduction de Sebastian Danchin). Editions de l'Archipel. Parution le 4 février 2015. 400 pages. 22,00€.

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17 février 2015 2 17 /02 /février /2015 09:15
Hillary WAUGH : Feu l'épouse de Monsieur

Un titre à la Georges Feydeau !

Hillary WAUGH : Feu l'épouse de Monsieur

Un billet anonyme, adressé à Warner, président du conseil municipal de Stocford, et suggérant que le décès de Célia Donaldson ne serait pas dû à des causes naturelles, incite le commissaire Fellows à enquêter sur cette mort suspecte au moins pour une personne.

Célia était la troisième femme du docteur Donaldson et ses deux précédentes épouses sont elles aussi décédées, de maladie. Lors de l'enquête préliminaire Donaldson réfute les arguments de l'accusation, soutenu par son assistante et infirmière Miss Barnes et sa servante Kathleen Durkin. Les deux femmes toutes dévouées au médecin jurent que les deux époux formaient un couple uni.

Burke, employé d'une compagnie d'assurances, réclame une autopsie que ne peut refuser Donaldson malgré les protestations de son avocat. La première autopsie ne révèle rien pour la simple raison que le cadavre n'est pas le bon. Il y a eu substitution avec le corps d'une autre défunte. Ni le directeur des pompes funèbres, ni aucuns de ceux ayant pu approcher le cadavre ne s'expliquent cette permutation.

Pendant que les spécialistes s'occupent du corps de Célia, retrouvé, Fellows poursuit ses investigations, surtout auprès de Kathleen Durkin et du mari de celle-ci, voyageur de commerce, dont elle vit séparée pour des commodités de travail.

L'autopsie pratiquée sur le cadavre de Célia démontre que la jeune femme n'est pas décédée d'une maladie de rein mais d'un empoisonnement au phosphore et que de plus elle avait avorté peu de semaines auparavant. Tout le monde semble abasourdi, aussi bien son mari que sa famille.

Célia aurait effectué un voyage fin janvier chez ses parents mais rien ne corrobore l'assertion du docteur. De plus lors de la maladie de sa femme, Donaldson aurait refusé aux parents de sa femme et à son frère tout droit de visite, ou alors à condition que ce membre soit accompagné et pour une durée restreinte.

Le pillage d'une chambre meublée chez un particulier louée par un certain Waterhouse permet à Fellows de découvrir des lettres signées Célia mettant en cause une dénommée Doris, jalouse de la liaison entre Célia et Waterhouse. L'enquête qui suit ne permet pas de retrouver ce témoin et seule une valise contenant quelques affaires appartenant à Waterhouse est retrouvée en mer. Des traces de sang laissent supposer que meurtre il y a eu. Fellows subodore un coup fourré, une mise en scène destinée à le lancer sur une fausse piste.

 

Le personnage de Donaldson est le prototype du Don Juan ensorceleur, usant et abusant de ses conquêtes féminines, sorte de gourou manipulant ses proches et s'en débarrassant lorsqu'il en a extirpé tout ce qui pouvait lui être profitable. La duplicité dont il fait preuve et son sens de la manipulation sont dissimulés sous une superficialité de bonhommie, d'intégrité, de naïveté, acceptant les coups du sort, et il est difficile à Fellows et ses hommes de lui arracher ce masque.

Le lecteur soupçonne dès le début le bon docteur d'être le meurtrier de sa femme, mais ce qui importe, c'est de dénouer les fils de l'intrigue et d'assister au déroulement de l'enquête.

Une fois de plus il est démontré que des présomptions ne sont pas des preuves et que la petite phrase, le petit fait insignifiant, perdus au milieu des déclarations et des témoignages se révèlent fondamentaux lorsque le puzzle prend place. Cependant l'une des déductions de Fellows, qui s'avère capitale, est battue en brèche par un journaliste et pimente l'épilogue.

 

Curiosité :

Si Lawrence Treat est à juste titre considéré comme le créateur du roman de procédure policière, Hillary Waugh est bien celui qui s'érige en maître, devenant le chef de file d'une école dont l'un des plus beaux fleuron se nomme Ed MacBain. Cependant ce roman est un compromis entre la procédure policière et une autre forme de narration, celle qui fit la renommée d'Erle Stanley Gardner, le retournement de situation lors des jugements et expositions des faits dans un tribunal.

 

Citation :

Donaldson faisait figure d'un député menant sa campagne électorale, plutôt que d'un assassin présumé.

 

Hillary WAUGH : Feu l'épouse de Monsieur (The late Mrs D. - 962. Traduction de C. Wourgaft). Série Noire N°748. Parution novembre 1962. 256 pages.

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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 13:07

La philosophie est la nourriture de l'esprit !

Alimentaire, mon cher Voltaire !

Frédéric LENORMAND : Elémentaire, mon cher Voltaire.

En l'an de grâce 1734, Voltaire ne pense pas encore à Mirabeau, mais il commençait à en avoir marre des mirabelles.

Il est exilé à Cirey, en Lorraine, dans un vieux château médiéval appartenant à son amie Madame Du Châtelet, Emilie pour les intimes. Et elle en a beaucoup. Voltaire en a ras l'estomac de manger des mirabelles à longueur de repas, et de plus il s'ennuie loin de la capitale. Une simple missive, émanant du comte d'Argental, lui donne l'occasion de fuir Cirey et de rejoindre sa belle, sa chambre et son ami-valet-secrétaire, l'abbé Linant.

La dame que vous savez est aujourd'hui est en grand péril
de tomber dans les bras de certain savant de votre connaissance.

Il n'en faut pas plus pour que la jalousie perfore le cœur du philosophe et immédiatement il prépare ses affaires, au grand désarroi de la maîtresse-queux qui lui mijote avec amour lapins et sangliers qu'il ne peut plus voir en peinture. Malgré l'interdiction qui lui a été signifiée, suite à la publication des Lettres Philosophiques, il regagne la capitale où il n'est attendu par personne ce qui le rend fort marri. Ses logeurs ont loué sa chambre, déménageant et ses affaires, et il retrouve l'abbé Linant en piteux état dans le grenier. Il est vrai que Voltaire a moins de mal à coucher ses idées sur le papier qu'à gérer sa bourse.

Effectivement la belle Emilie du Châtelet est fort embarrassée. Non point parce qu'elle recherche activement la présence de Maupertuis, académicien et physicien, sur lequel elle a jeté son dévolu, mais parce qu'elle a un cadavre dans le placard. Et ce n'est pas une figure de style. Elle a envoyé son personnel effectuer quelques emplettes, avec ordre de ne pas revenir avant deux heures, afin d'être tranquille en compagnie de Maupertuis. Ils s'adonnent à des expériences et ayant besoin d'ustensiles se rendent dans la cuisine. Ils découvrent dans un réduit, debout au milieu des jambons et d'objets de cuisine, le cadavre de Margoton. Et ils ne savent que faire de ce corps encombrant. Si Voltaire était là, il nous dirait quoi faire avoue Emilie. Seulement elle ne sait pas, encore, que son ami est aux prises avec son logeur et qu'il lui faut trouver un autre point de chute.

Une indiscrétion de la part d'un membre de son petit personnel, peuvent pas se taire ceux-là !, et bientôt toute la rue est au courant et la rumeur enfle jusqu'au Châtelet où le lieutenant général de la police, René Hérault, est immédiatement averti. Et comme ses mouches ont prévenu ses gens d'arme, Voltaire et Emilie se retrouvent ensembles dans la vieille bâtisse. Si Hérault n'apprécie pas Voltaire, Emilie ne lui est pas indifférente, et il charge son plus cher ennemi d'aider sa plus chère amie.

Et c'est ainsi que Voltaire, ou plutôt Tairvol ainsi qu'il se présente dans les différents endroits où il se rend, un pseudo comme un autre, prend l'affaire à bout de bras, tout en essayant de détourner Emilie de ceux de Maupertuis.

Margoton a été assassinée malencontreusement, car apparemment ce n'était pas elle qui était visée. Et il apparait que les jouets, dont une maison de poupée, qui encombrent la pièce destinée aux enfants, n'ont pas été livrés au bon destinataire. Alors, tout en se cachant des hommes de Hérault qui le suivent à la trace comme de bons chiens qu'ils sont, il va se rendre chez une modiste, un fabricant de jouets du nom de Gépétaud (tiens cela me dit quelque chose ce nom, mais j'ai du nez, je trouverai !) ou encore chez un fabricant d'automates.

 

Pauvre Voltaire qui à cause d'écrits jugés tendancieux est contraint de se cacher, de s'exiler et de voir sa belle amie tomber dans les bras d'un concurrent et dans le même temps chargé par un haut représentant de la police d'enquêter tout en étant pourchassé. C'est vraiment à n'y rien comprendre, d'autant qu'il doit enquêter dans des lieux de perdition chez les couturières, les modistes, les fabricants de jouets, et même se déguiser en femme pour passer inaperçu, ou encore se réfugier sous un pont dans la boue. Pourtant il est reconnu de tous ou presque, sauf d'une vieille connaissance à la vue basse et un air, pas plus bête qu'un autre, puisqu'il s'agit de madame du Deffant, également épistolière. Il imagine stratagèmes sur ruses et matoiseries. Mais le chemin de Voltaire sera encombré de cadavres qu'il sèmera malgré lui sur son chemin tel un Petit Poucet. Et à voir Voltaire se démener, se montrer grognon, sautiller, l'image de Louis de Funès s'est imposée à moi.

 

Ah, si à l'école, on nous avait appris la philosophie avec l'humour de Voltaire, involontaire parfois mais corrosif souvent, et bien aidé par son biographe, nul doute que ce cela nous eut plus captivé.

Par exemple disserter sur cette affirmation voltairienne : Cher monsieur, les femmes ne mentent pas, elles voient la réalité différemment !

Un voyage dans l'histoire qui ne nous prend pas pour des pantins ou des poupées de chiffons, peut-être pour de grands gosses qui aiment les contes vivants, enlevés, enjoués, troussés, humoristiques, avec une belle intrigue à la clé (pour remonter les boîtes à musique pare exemple) et, je n'oserai pas aller jusqu'à déclarer pédagogique mais au moins instructive.

Frédéric LENORMAND : Elémentaire, mon cher Voltaire. Série Voltaire mène l'enquête. Editions Jean Claude Lattès. Parution 4 février 2015. 318 pages.

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16 février 2015 1 16 /02 /février /2015 09:23
Robert SHECKLEY : Chauds, les secrets !

Ne vous brûlez pas les mains surtout....

Robert SHECKLEY : Chauds, les secrets !

Marin et trafiquant de drogue, Carlos assiste à une scène qu'il juge pour le moins bizarre et incongrue.

Des infirmiers, genre gardes du corps, enfournent dans une ambulance un malade qui lance muettement un S.O.S. à Carlos. Le trafiquant s'empare d'un porte-documents tenu par l'un des infirmiers. Grande est sa déception lorsqu'il procède à l'ouverture de l'objet volé. Celui-ci ne contient ni argent, ni bijoux, mais des documents top-secret.

Stephen Dain, agent américain accrédité par la CIA assiste à l'interrogatoire de Susan Bellowes, témoin des faits. Pendant ce temps Czettner et Bardief, les agents russes dépossédés du butin qu'ils avaient eux-mêmes subtilisés aux Américains, se lancent à la poursuite de Carlos.

Le trafiquant espère monnayer les documents en s'adressant à son contact habituel de la drogue. Mais celui-ci est à la solde des Soviétiques et le dénonce. Ce qui ne lui portera pas bonheur.

Grâce aux indications de Susan Bellowes, Stephen Dain remonte la piste Carlos en compagnie de la jeune femme. S'ensuit un chassé-croisé entre l'agent américain et Susan qui se pique au jeu d'une part, et les agents soviétiques d'autre part. Carlos entraînera ce petit groupe de Londres à la frontière austro-tchécoslovaque en passant par Amsterdam, Paris et Vienne. Tout ce petit monde se retrouvera dans un champ de manœuvres militaires.

 

Narrée avec humour, cette histoire est une parodie de roman d'espionnage avec un final complètement farfelu et loufoque digne d'un dessin animé.

Dain et Susan Bellowes, au volant d'une petite Triumph décapotable s'attaquent à Czettner et Bardief qui conduisent un char Sherman rescapé de la Seconde Guerre Mondiale. Tel le taon aiguillonnant le taureau, le petite Triumph virevolte autour du char dans lequel Czettner s'escrime avec un canon de 75.

Malgré quelques longueurs, ce roman se lit avec plaisir mais nous sommes loin de la rigueur des maîtres du roman d'espionnage. Et l'on ne manquera pas de mettre en parallèle ce titre avec celui du roman de Ian Fleming Chaud les glaçons (Série Noire N°402, novembre 1957) réédité sous celui plus fidèle de Les Diamants sont éternels en 1973, titre éponyme également du film .

 

Curiosité :

Robert Sheckley est plus connu pour ses romans de science-fiction, dans lesquels il s'amuse à brocarder par l'absurde et la dérision le mode de vie des Américains et les clichés de la littérature d'anticipation ou, comme dans ce roman, ceux de l'espionnage. Il a été surnommé le Voltaire de la S.F.

 

Citation :

Les diplomates, quel que soit leur grade, doivent apprendre à vivre sous les feux souvent désagréables des projecteurs que braquent les braves gens dont ils dirigent la destinée.

 

Robert SHECKLEY : Chauds, les secrets ! (Dead Run - 1961. Traduction de Jean Debruz). Série Noire N°739. Parution octobre 1962. 192 pages.

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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 14:01

Je suis tombé par terre, c’est la faute à Voltaire…

Frédéric LENORMAND : Le Diable s’habille en Voltaire.

Franchement, retrouver un cadavre dans une église est pour le moins déplacé, surtout lorsque l’assassinat a eu lieu sur place, accompagné par le tintamarre des touches de l’orgue malmené. Le père Pollet, vicaire de Saint-Nicolas du Chardonnet en a été perturbé durant sa prière. Et sa perruche aussi, mais ce n’est pas elle qui est au cœur de l’histoire, même si son appui favori est l’épaule du prêtre. Le père Lestard, le maitre de scolastique, a été assassiné, pour preuve l’échancrure sanglante dans le dos de sa soutane. Une odeur de soufre plane dans l’édifice et les dictionnaires et traités anciens, jetés au sol, portent des empreintes de chèvre. Nul doute, le Diable est passé par là commettant son forfait. Pourquoi, la question est pour le moment sans réponse.

En ce temps-là, comme il est écrit dans la Bible, mais nous sommes en 1733, François-Marie Arouet dit Voltaire a décidé de se faire monter un bain. C’est un événement ! Après des préparatifs longs et laborieux, Voltaire peut enfin se glisser dans son bac d’eau chaude. Seulement l’eau lui semble grise et il en fait la remarque au porteur de bain. Celui-ci se défend, elle n’a servi qu’une fois, selon lui, et encore à une duchesse. Dans ce cas ! Assis dans le baquet, en chemise et bonnet, il s’adonne aux joies du pataugeage, comme un gamin, lorsque lors d’une chasse sous-marine, il ramène un doigt de pied. Emilie le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, qui vient lui rendre visite inopinément, lui apprend que l’organe appartenait à une femme, puisque l’ongle est recouvert d’un vernis et que la dame auquel appartenait l’orteil n’était ou n’est plus de toute fraîcheur. Mais Voltaire a aussi des projets en tête. Par exemple montrer sa nouvelle tragédie Adelaïde du Guesclin aux Comédiens-Français et leur demander, leur imposer même de jouer sa pièce. Selon Emilie il lui faut un nouveau domestique pour suppléer Linant, abbé, secrétaire, homme de ménage et homme à tout faire qui est en voyage dans sa famille.

Emilie emmène son ami embaucher un valet susceptible de convenir aux besoins du philosophe. Alors qu’ils traversent le parvis devant l’Hôtel-Dieu, ils manquent d’être renversés par un carrosse mené par deux chevaux. Ils trouvent toutefois le candidat idéal, un nommé Lefèvre, au passé de poète pauvre, ce qui n’est guère étonnant.

Il faut habiller Lefèvre afin qu’il puisse tenir avec prestance sa condition de valet, et après s’être rendu chez un fripier, il est enlevé, cagoulé et transporté en un lieu qu’il reconnait au son de cloche. Le ravisseur n’est autre que le père Pollet qui requiert les services de Voltaire. Si l’homme d’église n’est point habitué à frayer avec le diable, Voltaire lui pourra éventuellement résoudre l’énigme du meurtre de son maitre de scolastique. Des hommes du lieutenant général de la Police René Hérault frappent à la porte de l’édifice, prévenus on ne sait comment. Vite il faut cacher le cadavre, remettre tout en place, afin que les serviteurs de l’état ne trouvent rien de louche. Et Voltaire dans tout ça ? Il part par une sortie dérobée. Car comme le déclare le père Pollet : Nos pieuses communautés ont toujours deux entrées. Comme les maisons closes pense in-petto Voltaire.

En compagnie d’Emilie, Voltaire enquête auprès de l’Hôtel-Dieu, car le quartier est affolé par les cavalcades du carrosse funèbre, comme si c’était un véhicule loué par le diable. Une nouvelle surprise les attend. La servante d’une dame qui vient de décéder a aperçu avec stupéfaction sa patronne traverser l’Hôtel-Dieu, sur ses deux jambes, telle une personne valide. Plus bizarre, cette femme portait les vêtements avec lesquels elle avait été inhumée. Encore plus bizarre, cette personne qui avait pour profession jupière, était administrée par le père Lestard, le défunt. Comme il n’est jamais Lestard pour bien faire (désolé), Voltaire et Emilie décident de se rendre nuitamment en cet endroit réservé pour le repos des âmes, où ils font une curieuse rencontre. Un chevalier qui dit se nommer Krakenberg se dresse sur leur chemin, et lorsqu’ils veulent le faire arrêter pas les soldats du guet, celui-ci leur montre un sauf-conduit salvateur.

 

On retiendra de ce roman quelques scènes qui ne sont pas piquées des vers. Celle de la visite nocturne du cimetière, refuge de ces charmants lombrics, et qui plonge le lecteur dans les prémisses d’un roman d’épouvante. Mais aussi celle qui se déroule à la Comédie-Française où doit se jouer la nouvelle pièce de théâtre de Voltaire, en vers (et apparemment contre tous), lequel devient metteur en scène montrant aux comédiens comment il faut jouer, c’est-à dire selon ses souhaits, et non selon les habitudes héritées du temps de Corneille. Mais d’autres moments épiques sont proposés au lecteur. Par exemple lorsque le philosophe et sa compagne se rendent dans un cercle de jeux clandestin accueillant le gratin de la gent parisienne. L’intrusion de la maréchaussée alerte immédiatement les employés et les joueurs, et l’immeuble prend aussitôt l’aspect d’un club honnête fréquenté par la noblesse et autres personnalités. Emilie et Voltaire n’ont d’autre ressource que de s’enfuir par une porte dérobée et déambuler dans les souterrains des anciennes carrières de la capitale.

On apprend également que les os à moelle peuvent servir de moyen de transport idéal pour transmettre des messages, que Voltaire était adepte des lentilles, les légumineuses cela va de soi, et que son acrimonie envers les Jansénistes ne connait pas de repos.

Frédéric Lenormand s’est immergé dans ce qui a été surnommé le Siècle des Lumières avec bonheur, délectation même, et il nous livre un roman historique vivant, et une intrigue assez tarabiscotée pour entretenir l’intérêt du lecteur. Les déductions d’Emilie le Tonnelier nous ramènent à celles de Zadig dans le conte Le Chien et le cheval, lorsqu’il décrit l’allure des deux animaux d’après les quelques traces relevées à terre, déductions reprises par la suite par Conan Doyle pour ses aventures de Sherlock Holmes. L’auteur nous livre quelques digressions fort bien venues qui, au lieu d’alourdir le texte, l’allègent et lui permettent d’étoffer le personnage de Voltaire tout en décrivant une époque charnière située entre la fin du règne de Louis XIV et les prémices de la Révolution, alors que Diderot, D’Alembert, Rousseau, et Voltaire renouvelaient la littérature.

Voltaire se plaint parfois de ne pas être compris par ses contemporains. La belle Emilie le réconforte en lui déclarant : Tout écrivain doit se faire détester par une poignée d’imbéciles, sans quoi il manquerait quelque chose à sa réussite. Etonnant, non ?

 

Frédéric LENORMAND : Le Diable s’habille en Voltaire. Série Voltaire mène l’enquête. (Première édition Jean-Claude Lattès. 2013). Réédition Le Masque Poche N°39. Parution 12 février 2014. 340 pages. 6,60€.

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15 février 2015 7 15 /02 /février /2015 09:41
Henry KANE : Amis à Miami

Avoir un bon copain...

Henry KANE : Amis à Miami

Célibataire, timide et réservé, Oscar Blinney passe quelques jours de congés à Miami. Beau gosse il n'a pas à se tracasser pour sa vie sexuelle, les bonnes fortunes ne lui manquant pas.

Il pense trouver l'âme sœur en Evangeline Ashley, hôtesse dans un salon de thé. Belle, jeune et plantureuse, Evangeline possède un lourd passé d'expériences sexuelles. Plus souvent dans le lit des réalisateurs que vedette dans les quelques films qu'elle a tournés, elle se trouve à Miami sur une voie de garage. Amante de Bill Grant, un petit malfrat, elle est aussi la maîtresse de Senor qui dirige une boîte de nuit contrôlée par le pontife local de la Maffia, Mike Columbo, le beau-père de Senor. Mais la liaison entre Senor et Evangeline ne plait pas à Mike, l'honneur de sa fille étant bafoué.

Bill Grant tue Petit-Dé, frère de Senor, et se réfugie au Mexique, attendant des jours meilleurs. Quant à Evangeline, elle se débarrasse de Senor à l'aide d'un tesson de bouteille. Elle est innocentée grâce à une judicieuse mise en scène, simulacre d'une tentative de viol. Indésirable en Floride, elle tombe dans les bras d'Oscar qui la ramène chez lui à Mount Vernon dans ses bagages.

Le mariage révèle une autre facette de la personnalité d'Evangeline. La douce, pure et réservée jeune fille qu'avait approchée Oscar à Miami se transforme en alcoolique dépravée à Mount Vernon. Et celui-ci a eu le tort de lui confier qu'à la banque, tous les jeudis, il préparait l'argent de la paie de quelques sociétés, pour un montant de 250 000$.

Les frasques de sa femme indisposent de plus en plus Oscar qui noue des relations de plus en plus intimes avec Adrienne Moore, une artiste-peintre qu'il a connue lors d'une soirée à Miami, alors qu'elle était accompagnée d'un collègue d'Oscar. Evangeline fait croire à son mari qu'elle est enceinte et il est obligé de prélever sur sa cagnotte afin qu'elle puisse avorter au Mexique. Ce n'était qu'un prétexte et Evangeline revient au bercail accompagnée de Bill Grant son ex-amant avec qui elle renoue.

Grant se propose de dévaliser la banque le jour où Oscar manipule les billets. Il met dans la confidence l'employé lui mettant en main le marché : Oscar se laisse dévaliser et Grant le débarrasse d'Evangeline avant de changer d'identité et de s'enfuir en Angleterre.

 

Amis à ami se décompose en deux parties. La première se déroule à Miami et conte la découverte de l'amour sentimental par Oscar, lui qui jusqu'à présent se contentait de relations physiques, quoi qu'étant tout le contraire d'un play-boy. La seconde partie met ce jeune homme en face d'une cruelle désillusion sur les joies du mariage, révélant la duplicité de sa jeune épouse. Il ne fait que profiter d'une situation imaginée par Grant, le retournant en se faveur.

Sans être nommé, Hitchcock fait ce que l'on pourrait appeler de la figuration intelligente aux côtés d'Evangeline : Elle se trouva par un matin de plomb et de gueule de bois dans le gigantesque lit drapé de soie d'un metteur en scène gigantesque, obèse, célèbre et maître du suspense.

 

Curiosité :

Oscar travaille comme caissier à la First National Mercantile Bank, ce qui fait rêver lorsque l'on se réfère à la définition moderne (fin du 18e siècle) du mot français mercantile.

 

Citation :

Même le dernier des lâches a besoin de se défendre un jour ou l'autre.

 

Henry KANE : Amis à Miami (My darlin' Evangeline - 1961. Traduction de Marie-France Watkins). Série Noire N°729. Parution aout 1962. 256 pages.

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14 février 2015 6 14 /02 /février /2015 10:56
Dick FRANCIS : A la cravache !.

Hommage à Dick Francis, décédé le 14 février 2010

Dick FRANCIS : A la cravache !.

A la suite d'un accident, Sid Halley a perdu l'usage de sa main gauche, remplacée par une prothèse.

Le métier de jockey étant fini pour lui, il s'est reconverti comme détective privé, tout en évoluant dans son milieu de prédilection, les champs de course. Rosemary Caspar lui demande d'enquêter sur une louche épidémie qui s'abat sur les meilleurs deux-ans qu'entraine son mari. Trois chevaux dont l'avenir semblait prometteur sont devenus de véritables tocards atteints d'un souffle au cœur, et elle ne veut pas que le champion en devenir qu'est Tri-Nitro contracte cette "maladie". Ses proches pensent que Rosemary affabule.

Lord Friarly, actionnaire dans un syndicat de propriétaire de chevaux est persuadé qu'au sein de ce syndicat quelqu'un manipule la façon dont doivent courir les animaux. Wainwright, directeur de la sécurité du Jockey Club, pense que Keith, son adjoint, ex-policier, serait coupable de corruption. Comme si cela ne suffisait pas, Charles, ex beau-père de Sid, lui demande de sortir Jenny du bourbier dans lequel elle est plongée à cause d'un escroc.

Sid s'attelle à ces différentes enquêtes avec son ami Chico. Il rencontre Caspar sur les champs de course en compagnie d'un bookmaker nommé Deansgate. Sid se méfie de l'homme et il a raison car Deansgate, assisté de deux sbires, l'enlève et lui fait promettre de s'éloigner quelques jours, le temps que Tri-Nitro participe à la course dans laquelle il est engagé, sinon la main valide de Sid sera réduite en bouillie. Sid accepte la mort dans l'âme , se rend en France et lorsqu'il revient, Rosemary furieuse lui apprend que le cheval est arrivé bon dernier.

Il enquête sur l'amant escroc de Jenny et retrouve sa trace grâce à deux indices : Louise, colocataire et amie de Jenny, détient un livre appartenant à John Viking qui s'avère être le cousin de l'indélicat. Puis en épluchant les lettres circulaires à l'en-tête d'une fausse œuvre caritative envoyées à des abonnés d'une revue d'antiquités, Sid apprend sa nouvelle adresse. Simultanément Sid s'intéresse aux autres affaires qui lui sont confiées.

Wainwright lui fournit le nom du promoteur des syndicats de propriétaire, un maquignon nommé Rammileese. Sid, accompagné de Chico, décide de lui rendre visite mais ils ne trouvent sur place que la femme du promoteur, assommée par une chute de cheval et son fils Mark. Les trois chevaux, entrainés à l'origine par Caspar et vivant désormais chez leurs propriétaires décèdent d'une déficience cardiaque et une autopsie démontre qu'au moins l'un d'eux est décédé d'une maladie rare qui généralement n'affecte pas les chevaux. D'après le vétérinaire on leur a inoculé le vaccin de l'érysipèle porcin.

 

Dans ce roman Dick Francis oblige son héros à mener quatre enquêtes simultanément, ce qui en soi est déjà un tour de force, mais pour corser la difficulté, ces enquêtes ne se rejoignent pas pour aboutir à une seule conclusion comme cela arrive parfois. Quelques scènes hautes en couleur, telle le voyage en ballon, et les précisions concernant les maladies équines, le maniement d'une prothèse électrique, apportent à ce roman le petit plus qui fait défaut à certains romans. Sid Halley, s'il est courageux, ne se montre pas téméraire. C'est un homme avec ses qualités, ses défauts, ses faiblesses, et l'on se sent plus proche de lui qu'auprès de détectives impersonnels, froids et méthodiques.

 

Curiosité :

Si quasiment tous les romans de Dick Francis ont pour thèmes le cheval et le monde des courses hippiques, ce n'est pas par hasard. Après avoir été pilote de chasse et de bombardier durant la guerre, il fut jockey, tout comme son père, de steeple-chase, portant pendant quatre ans les couleurs de la Reine. Et tout comme son héros, il abandonne le métier à la suite d'une chute, se tourne ver les chroniques hippiques et naturellement devient écrivain.

 

Citation :

Il connait le nom et le pedigree de chacun des quelques cent vingt chevaux de son écurie, et il est capable de les identifier à cent pas sous une averse, ce qui est pratiquement impossible. Quant aux quarante lads qui travaillent pour lui, ils les appelle tous Tommy parce qu'il est incapable de les reconnaître les uns des autres.

 

Dick FRANCIS : A la cravache !. (Whip hand - 1979. Traduit de l'anglais par Jacques Hall). Série Noire N°1778. Parution juin 1980. 288 pages.

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13 février 2015 5 13 /02 /février /2015 14:34
Philippe CONIL : Le treizième môme.

Hommage à Philippe Conil né le 13 février 1955

Philippe CONIL : Le treizième môme.

1985 fut incontestablement l'année de la Série Noire. Quarante ans d'existence, parution du numéro 2000 (La Bête et la Belle de Thierry Jonquet), nombreux films adaptés des romans de cette collection sans oublier les téléfilms mensuels portant son nom.

La Série Noire qui progresse, qui retrouve un second souffle, une nouvelle jeunesse, un regain d'intérêt après avoir subi un léger passage à vide. Cette jeunesse, ce second souffle se trouvent confirmés par l'intrusion en force de jeunes auteurs Français, assez dissemblables dans la forme mais qui se rejoignent dans le fond : Esprit Série Noire toujours présent.

La noirceur de la vie, la grisaille des villes, les perdants, les désespérés, les angoissés, les révoltés, les drogués illuminés ou non, de toute cette boue, cette sanie, de ce remugle; ils sont devenus les chantres, les déballeurs de sacs poubelles plastique. Ils éventrent allègrement ces poches, laissant couler au grand jour, sur la place publique, ces étranges coulées noirâtres auxquelles on voudrait pouvoir tourner le dos : regarder la vie ne face n'est pas toujours facile.

Et ce qui rejoint ces auteurs, les relie, les met en parallèle, c'est leur "travail" d'écrivain au style différent mais non prolifique. Leur sujet est travaillé, fouillé, malaxé, trituré, et parfois la débauche d'horreur est telle que l'on peut sentir un frisson s'emparer de tout son être, sentir ses boyaux se contracter, son estomac se révulser.

 

Sueur froide sur front moite.

 

Au sommet de ce paroxysme, sans aucune contestation possible, je mettrais le roman de Philippe Conil Le treizième môme.

Dans une banlieue nord de Paris, la cité du Sérail. Des immigrés, beaucoup, de toutes nationalités. Des enfants, perdus, se raccrochant à eux-mêmes, en bande, ne trouvant une certaine motivation à la vie qu'au contact de Mobylettes et de la drogue. Des mômes de douze à quinze ans. A quelques centaines de mètres de la cité du Sérail, une maison abandonnée. Leur lieu de refuge, leur havre de paix, leur paradis. Un jour cette maison abandonnée est investie par une jeune femme qui se réclame d'Adrian, leur seul copain adulte, désormais en prison pour avoir tué un cafetier. Surveillant tout ce petit monde, un flic en butte aux tracasseries de ses collègues, tous des véreux. Il se met en relation avec Cat, la jeune femme, et lui propose un marché. Machination habilement décrite, soigneusement montée, pas toujours comprise de ces participants au cerveau embrumé.

 

Livre du désespoir, aux rapports ambigus, psychologiquement complexe, aux relations épidermiques inassouvies, c'est le roman le plus dur qu'avait écrit à ce jour Philippe Conil. Ce quatrième roman démontrait une maturité qui se dégageait déjà l'année précédente dans La queue du lézard (Série Noire 1972).

 

Philippe Conil, grand jeune homme dégingandé, à l'aspect frêle et fragile, au regard timide, presqu'apeuré, s'éclatait dans l'écriture, dans les situations, dans la présentation des personnages. Il devient fort, percutant, agressif; seule la tendresse, surtout envers les enfants et malgré eux, surnage, bouillonne, explose au long du récit. Un adulte qui regarde, examine, dissèque, avec des yeux d'enfant des enfants adultes avant l'âge.

 

Philippe Conil, peu prolifique, quatre romans à la Série Noire et une adaptation de Navarro pour Les Presses de la Cité, avait de qui tenir. Il était le fils de Jean-Emmanuel Conil, plus connu sous son pseudonyme littéraire d'Alain Page. Il avait effectué de nombreux petits boulots, l'écriture n'étant qu'un dérivatif et il s'est éteint le 23 novembre 2013.

Philippe CONIL : Le treizième môme. Série Noire N° 2017. Parution août 1985. 256 pages. 5,55€ (disponible).

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