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28 février 2015 6 28 /02 /février /2015 14:37

On se pose tous la question...

George ARION : Qui veut la peau d'Andreï Mladin ?

Se réveiller avec une tête aussi lourde qu'un autocuiseur après une bonne nuit bien arrosée, cela peut arriver à tout le monde. Mais se réveiller avec un mort à côté de soi, ce l'est moins. Surtout lorsque la trogne de ce cadavre vous dit quelques chose mais que vous êtes incapable de mettre un nom dessus.

Et Andreï Mladin, journaliste à Bucarest et accessoirement écrivain de romans policiers, ne trouve pas d'autre solution que de s'en débarrasser. Le plus urgent est de le transporter à la cave, seulement pour y accéder, il faut éviter certains pièges, dont celui inévitable constitué par l'omniprésence de madame Margareta qui, dès qu'elle entend un bruit, suspect ou non, se tient sur le pas de sa porte. Passons allègrement sur le fardeau, autant physique que psychique que doit endurer le journaliste, pour déposer son protégé derrière une porte du sous-sol, et revenons quelques temps en arrière afin de mieux comprendre pourquoi il était dans un tel état d'ébriété la veille au point de ne se souvenir de rien.

 

Tout commence lorsque chargé de rédiger un entretien avec la belle Mihaela, violoniste réputée, il rencontre la jeune femme chez ses parents, le docteur Comnoiu et sa femme. L'entrevue entre le journaliste et la violoniste s'engage sous d'heureux auspices, surtout pour Mladin qui tombe sous le charme de Mihaela. Faut avouer que la musicienne ne manque pas de beauté, d'élégance et d'avantages en nature qu'elle sait exploiter :

Elle était grande, ondulait gracieusement une taille de guêpe, tout en arborant des hanches capables de faire renoncer un régiment entier à sa solde. Son jean soulignait la longueur de ses jambes, sûrement capables de parcourir en moins d'une heure les soixante kilomètres Bucarest-Ploieşti. Son chemisier blanc et sans froufrou était, à un endroit précis, tout aussi bombé que la voile d'une frégate en pleine course.

Si le docteur Comnoiu n'apprécie guère le rapprochement manifeste entre sa fille et le journaliste, d'autres personnes semblent ne pas être d'accord sur les amours naissantes et parfois houleuses, ça arrive à tout le monde, entre les deux tourtereaux.

Le pare-brise de la voiture de Mladin en fait les frais par quatre fois, il reçoit des lettres anonymes, et se fait même agresser. Ses soupçons se porte sur le père revêche, mais surtout sur Marian Sulcer, le Don Juan de service, le bellâtre de feu, et il l'apprendra peu après de Ion Parfenie, l'ingénieur en électronique mais surtout le fiancé évincé. Et peut-être d'autres personnes à qui il pourrait faire de l'ombre, allez savoir.

Revenons à notre cadavre qui est un peu trop encombrant. A cause d'une fuite d'eau et des pompiers présents, Mladin est tout en eau, et en sueur car la chaleur sévit sur Bucarest. Alors il décide de transporter le cadavre, tout en se méfiant des yeux inquisiteurs et presque ubiquistes de madame Margareta. Il l'enveloppe dans un tapis, une solution très souvent utilisée dans un roman policier mais on n'a pas encore trouvé mieux que la malle plus lourde à transporter, et le dépose dans un chantier. Enfin il reconnait en ce corps baladeur celui de Valentin, un serviteur du docteur Comnoiu, et Maria, sa femme, est aux abois de ne pas retrouver son mari. Elle informe Mladin qu'elle possède des renseignements, qu'elle veut les lui communiquer, et doit se présenter chez lui. Zut, un coup de fil de Mihaela lui donne rendez-vous dans un café, c'est urgent et pressé. Tellement pressé qu'il poireaute pendant plus d'une heure, que Mihaela ne se pointe pas au rendez-vous mais qu'il découvre à son retour Maria allongée chez lui, sous la garde de son chat Mécène, et ce n'est pas pour faire la sieste.

 

George Arion prend le prétexte du roman policier pour décrire la Roumanie telle quelle est lorsqu'il rédige son roman, c'est-à-dire sous la tutelle de Ceaucescu. Ce n'est pas un roman politiquement engagé, mais George Arion griffe avec dérision et ironie les événements et surtout les privations que subissent les Roumains.

Ainsi la fouineuse Margareta a assisté de sa fenêtre l'algarade entre Mladin et deux inconnus. Seulement je n'ai pas réussi à voir grand chose. Ils étaient à la hauteur du lampadaire dont on a enlevé l'ampoule pour faire des économies d'énergie. Mais pour autant le pays pense à la sécurité de ses concitoyens, et s'il faut procéder à des restrictions pour économiser l'énergie, il faut également penser aux rentrées d'argent : D'autant [que ma voiture] a un flair incroyable pour dépister les radars. Y'a pas à dire, elle est comme son maître ! Elle aime respecter la loi !

Et la loi est représentée pour le plus grand bonheur de Mladin par Buduru, un policier qu'il connait bien et tous deux se portent une estime réciproque. Mais lorsque Buduru s'invite chez Mladin pour enquêter sur la disparition de Valentin, puisque celui-ci a été vu pour la dernière fois raccompagnant le journaliste, bourré, de bonnes intentions entre autres, chez lui. C'est à dire la veille au soir où l'on fait la connaissance de Mladin avec sa tête en autocuiseur. Mais l'adjoint de Buduru joue, comme dans tout bon duo de flic qui se respecte, au vilain policier, hargneux, mutique, mais n'en pensant pas moins et lorsqu'il ouvre la bouche, ce n'est pas pour proférer des gentillesses.

 

Poète George Mladin l'est aussi et sait peindre les saisons. Les quatre saisons : Sentir le bruit des feuilles sous nos pas en automne, entendre le bruit sourd de la neige en hiver, faire une bataille de fleurs au printemps, et l'été, recevoir une belle fiente de pigeon dans les cheveux ! Existe-t-il bonheur plus grand ?

Qui veut la peau d'Andreï Mladin est construit comme un roman policier classique, dont l'épilogue est en forme de tiroirs mais ne respecte pas vraiment l'une des règles fondamentales édictées par S.S. Van Dine, plus particulièrement la règle numéro 10, mais c'est ce qui fait le charme de ce roman en plus de son humour constant.

 

George ARION : Qui veut la peau d'Andreï Mladin ? (1983 - Traduction de Sylvain Audet-Gӑinar). Genèse éditions. Parution 12 février 2015. 216 pages. 22,50€.

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28 février 2015 6 28 /02 /février /2015 13:31
Michael CAREY : Un poulet à frire

Mais auparavant il faut le plumer !

Michael CAREY : Un poulet à frire

L'inspecteur George Bithell traque sans relâche les auteurs de loteries clandestines, entre autre Guido Cintio.

Pour arriver à ses fins, il s'adjoint les services de Lévy Itzik, un petit bookmaker, et espère obtenir de cet indicateur des éléments pour mettre fin à la carrière de Cintio. Lors d'une perquisition il prend sur le fait quelques membres de la bande de Cintio mais ceux-ci, dont Ravitz l'homme de main, sont rapidement libérés sous caution.

Bithell s'intéresse de près à la secrétaire-comptable de Cintio, la jeune Dulcie Hyde. D'après les renseignements fournis par Itzik, une partie de crap doit se dérouler dans un garage désaffecté. Bithell organise une rafle. Les joueurs dont Paddy Fleish dit Paddy le Porc, sont arrêtés. Cintio s'interpose, une arme à la main. Bithell n'a d'autre recours que de lui casser le poignet. Les journaux accusent le policier de brutalité tandis que Paddy le Porc soupçonne Cintio, ou l'un de ses hommes, d'avoir renseigné l'inspecteur.

Dulcie qui n'est autre que la nièce de Cintio, demande à Bithell de l'aider. Elle aurait détourné de l'argent appartenant au truand et le policier bon prince l'emmène dans une maison qu'il possède hors de la ville. Elle cache l'argent sous le parquet puis Cintio lui suggère de rejoindre l'Italie en compagnie de Russo dit la Poussette.

Bithell rencontre le sénateur Worth qui a fait acquitter Cintio vingt ans auparavant. Les démarches du policier gênent l'homme politique. Cintio obtient une entrevue avec le District-Attorney Symonds et accuse dans la presse Bithell de prévarication. Le sénateur Worth et Paddy le Porc engagent Slater afin de supprimer Cintio à la sortie d'un restaurant. Itzik, mis dans la confidence s'est arrangé pour que Bithell se trouve à proximité et l'inspecteur est soupçonné du meurtre.

Dulcie, contrairement à la lettre détenue par sa grand-mère, n'est pas en Europe. Ayant failli se faire violer par Russo, elle l'a piqué avec une épingle à chapeau le laissant pour mort. Bithell est inculpé d'homicide sur la personne de Cintio et il n'a guère confiance dans les méthodes de son avocat, Samuel Blau.

Si la collusion entre le sénateur Worth et Paddy le Porc ne fait aucun doute, il faut la prouver. Et la priorité est de retrouver Dulcie. Le secrétaire de Worth propose à Bithell de charger au maximum Paddy, Worth restant dans l'ombre. Mais le sénateur décède dans un attentat, sa voiture ayant été piégée. L'audience au tribunal commence sous de mauvais auspices, l'avocat ne faisant pas le poids face au District-Attorney.

 

Ce roman n'est pas sans rappeler l'atmosphère de la célèbre bande dessinée Dick Tracy, les truands possédant des surnoms évocateurs. D'ailleurs Cintio ne se prive pas de référer à ce héros mythique en déclarant avec mépris à Bithell : Pauvre Dick Tracy à la manque ! On ne fait pas de cinéma.

Quant aux scènes de tribunal, elles ne sont pas sans évoquer d'autres pages célèbres dues à Erle Stanley Gardner, Blau cependant n'atteignant pas la stature de Perry Mason.

 

Citation :

Le bien, c'était tout ce qu'on pouvait faire sans se laisser prendre. Le mal, c'était quand on était pris et qu'il fallait payer.

 

Michael CAREY : Un poulet à frire (Doomed - 1966. Traduction de Jean Rosenthal). Série Noire N°1020. Parution mars 1966. 192 pages.

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27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 13:30

Hommage à John Dickson Carr, décédé le 27 février 1977.

John Dickson CARR : Capitaine Coupe-Gorge

Août 1805. Dans les camps de Wimereux, d'Outreaux, du Portel, c'est l'effervescence.

Deux-cent-quarante mille hommes attendent avec impatience l'ordre de l'Empereur d'embarquer et d'envahir l'Angleterre. L'inaction leur pèse. C'est peut-être pour cela qu'un petit plaisantin tue la nuit des sentinelles, signant son forfait au moyen d'une carte épinglée sur les cadavres : Capitaine Coupe-Gorge.

Ce ne peut être que l'œuvre d'un espion anglais infiltré afin de démoraliser les troupes inactives, de semer la panique et la terreur. D'autant plus que tous les jours un navire anglais, la Méduse, vient narguer les soldats agglutinés sur les quais qui n'attendent qu'un mot d'ordre pour embarquer vers la perfide Albion.

Mais on ne tue pas les valeureux soldats de la Grande Armée comme ça, impunément.

Fouché, le ministre de la police, va remettre de l'ordre là-dedans et à malin, malin et demi. Il s'octroie les services d'un espion britannique pour contrecarrer les méfaits du premier.

 

Dans ce roman de John Dickson Carr, écrit en 1955, pas de mystère ou de crime en chambre close. D'ailleurs est-ce vraiment un roman policier dans un contexte historique, ou un roman historique avec un prétexte policier ?

En effet ce roman ne présente aucun des thèmes auxquels John Dickson Carr nous avait habitué : un doigt de fantastique et d'irréel allié à l'énigme pure.

Tout juste un semblant de mystification dans l'accomplissement des crimes envers les sentinelles, au vu et au sus de tous, mais une explication est rapidement fournie, vite fait comme ça en passant.

Ce roman ressemble plus à une récréation et en le lisant j'ai constamment eu à l'esprit les aventures du Mouron Rouge de la Baronne Orczy qui mettent en scène un gentilhomme anglais pendant les années révolutionnaires. Mais une autre figure s'est également imposée à moi, celle du Brigadier Gérard de Sir Arthur Conan Doyle.

Ce qui ne veut pas dire que ce roman est inintéressant ou parodique. Au contraire. C'est un peu le mariage du roman policier et celui de cape et d'épées, trop malheureusement délaissé et dont l'exploitation n'a pas exploré toutes les possibilités.

Les romans de John Dickson Carr se lisent avec toujours sautant de plaisir par ceux qui aiment les romans de mystères teintés de fantastique, et de tarabiscotages de neurones, ou tout simplement des romans d'aventures historiques.

John Dickson CARR : Capitaine Coupe-Gorge

John Dickson CARR : Capitaine Coupe-Gorge (captain cut-troath - 1954). Le Masque Jaune 2001. Parution mars 1990. 286 pages.

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27 février 2015 5 27 /02 /février /2015 09:13
Maxime DELAMARE : Quadrille aux Antilles.

C'est ce que l'on appelle le Square dense ?

Maxime DELAMARE : Quadrille aux Antilles.

Les disparitions successives du professeur Bonnard, un as parait-il du CNES (Centre National d'Etudes Spatiales), et de René Hammel, agent du SDECE surnommé La Calbombe, puis la découverte du cadavre d'Anita Lemarchand, considérée comme la fiancée de French Jordan, amènent le patron du SDECE à envoyer son meilleur agent, en l'occurrence Jordan, sur le terrain.

Celui-ci est stimulé, malgré le manque de renseignements en sa possession, par la mort de son amie et la mise en scène macabre constituée par l'ensachement de la tête décapitée de Hammel déposée auprès du corps d'Anita.

Au casino de Willenstad, Jordan retrouve Juliette une jeune femme qu'il a connu quinze ans auparavant alors qu'il était en poste en Yougoslavie. Depuis Juliette s'est épanouie, s'est mariée et installée au Venezuela. Jordan comprend que les événements précédents n'avaient pour unique but que de le faire venir lui, sur le terrain. Seulement les motifs de ce déplacement lui échappent complètement.

Selon toute vraisemblance l'installation de la fusée Diamant à Kourou pourrait expliquer la disparition du professeur Bonnard, mais celui-ci n'est pas en réalité la tête pensante qu'il se plaisait à le laisser supposer. D'après les renseignements en sa possession, Bonnard aurait été vu pour la dernière fois entrant dans une bijouterie tenue par un certain Henriquez. Or Juliette possède des factures établies par le bijoutier et ce pour un montant assez conséquent.

Jordan confie à Moreno, l'agent consulaire, le soin de retenir Henriquez un soir afin de s'introduire dans la villa du bijoutier. A son grand désappointement il ne trouve rien, doutant alors de son hypothèse selon laquelle on l'aurait lancé sur une piste, on pouvant s'appeler Juliette puisqu'elle lui a laissé tout loisir pour visiter son appartement.

Henriquez s'aperçoit que ses papiers ont été fouillés. La présence de Juliette avec qui il a noué des relations nocturnes et épidermiques, cependant le turlupine. Attaqué dans la rue Jordan se défait sans difficulté de ses agresseurs et parvient à leur soutirer des informations. Bonnard serait à Porto Rico et un avocat prénommé Miguel serait le commanditaire de son enlèvement.

A San Juan de Porto Rico, Jordan n'a aucun mal à repérer l'adresse de l'avocat. Il découvre le professeur batifolant avec une Martiniquaise. Effectivement Bonnard a été enlevé et depuis il est séquestré dans des conditions pour le moins agréables. De nouveaux indices tels que faux passeport et une conversation entre les ravisseurs interceptée par le professeur apportent de l'eau au moulin des suppositions de Jordan. Il a été manipulé mais les motifs lui échappent.

 

Jordan est loin de pouvoir être comparé à un Superman, héros mythique et invincible. Il lui arrive de se tromper, de se rebeller contre ses supérieurs, d'aimer et de posséder un semblant de vie privée et de tomber dans les travers du commun des mortels. Ainsi il boit, à l'occasion, mais à la différence de ses confrères, il en ressent les effets néfastes et ses facultés s'en trouvent diminuées. Moins sophistiqué que les James Bond, moins apologiques du système américain comme le furent à une certaine époque les romans d'espionnage français, les histoires de Maxime Delamare se révèlent de lecture agréable.

 

Curiosité :

Maxime Delamare utilise de nombreuses références littéraires. Ainsi Paul Valéry et surtout Gaston Bachelard avec son analyse sur la question des plans de connaissance superposés, servent à étayer ses propos.

Quelques expressions malencontreuses du type Les mômes goudron, chocolat et caramel, ou encore La fille Ovomaltine ou Nescafé feraient aujourd'hui bouillir, à juste raison, les antiracistes. Des expressions qui à l'époque ne se voulaient que bon enfant et imagées, mais s'avèrent malheureuses dans leur énoncé, malheureuses et choquantes.

 

Citation :

Vous ne lisez pas assez de romans d'espionnage mon Colonel.

 

Maxime DELAMARE : Quadrille aux Antilles. Série Noire N° 1016. Parution novembre 1965. 192 pages.

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26 février 2015 4 26 /02 /février /2015 09:01
E. V. CUNNIGHAM : Tu peux crever !

Rassurez-vous, ce n'est pas à vous que je m'adresse !

E. V. CUNNIGHAM : Tu peux crever !

Employée au service comptabilité d'une fabrique de produits plastiques, Shirley, vingt ans, se méfie des hommes, dont Morrow le directeur et Bergman le sous-directeur, les rabrouant vertement dans leurs entreprises de séduction.

Elle n'a qu'une amie, Cynthia, auprès de qui elle se confie volontiers. Un soir, deux hommes pénètrent chez elle et la kidnappent, vérifiant que leur otage ressemble bien à une jeune fille dont ils possèdent la photo. Elle provoque un accident de voiture et s'enfuit, les deux ravisseurs étant gravement blessés. Au commissariat où elle se présente, le lieutenant Burton a d'abord du mal à croire en son histoire, mais les faits parlent d'eux-mêmes. Burton croit la reconnaître sur la photo prélevée dans le portefeuille de l'un des tueurs, mais Shirley nie, ne se reconnaissant pas dans le portrait de jeune fille mélancolique qu'on lui montre.

Un homme l'importune au téléphone, l'appelant Carlotta, et Bergman lui apprend qu'un individu style matador s'est renseigné à son sujet. Rentrant chez elle, elle est assaillie par un inconnu, le fameux matador, qui joue nerveusement du couteau. Heureusement le lieutenant Burton la tire de ce mauvais pas en blessant son agresseur. Mais ses ennuis ne sont pas terminés pour autant.

Un jeune homme s'introduit chez elle et lui raconte une fable. Il serait le dernier descendant d'une petite principauté nichée entre l'Espagne et la France et que des tueurs sont à la poursuite de Shirley, la confondant avec sa cousine Carlotta, morte depuis des années. Shirley ne tombe pas dans le piège et Albert Soames, le jeune homme qui n'est autre qu'un acteur au chômage, emploie les grands moyens. Il l'oblige à quitter son appartement par les toits, des policiers veillant sur le trottoir.

En réalité elle est le sosie de Janet Stillman, fille d'un riche industriel, qui a quitté le foyer paternel et est morte depuis deux ans. Joey Santela, le secrétaire de Stillman, a imaginé un coup monté qu'il pense fructueux. Shirley endossera l'identité de Janet et Stillman le millionnaire qui, selon les médecins, n'a plus que quelques semaines à vivre lui lèguera la fortune qu'elle s'empressera de partager entre la bande. Mais il faut convaincre Shirley et surtout lui parfaire son éducation, ce qui s'avère une tâche ardue.

 

Shirley, dont le père est décédé un mois avant sa naissance et qui a perdu sa mère à l'âge de douze ans, est en butte avec la société. Possédant un quotient intellectuel élevé, elle cache une certaine timidité et une envie de faire son trou dans la société par une agressivité verbale. Sarcastique, insolente, elle n'a qu'un leitmotiv dont elle use abondamment et qui désarçonne ses interlocuteurs : Pouvez crever!

Et c'est ce personnage de petite fille perdue dans les vicissitudes de la vie, impertinente dans ses propos, désirant se montrer plus forte qu'elle est mais fragile au fond d'elle même, qui sauve ce roman un peu faible, nettement en-dessous de la production habituelles du grand Howard Fast alias E.V. Cunningham, le signataire de Mirage, de Sylvia ou encore de Spartacus.

Un roman qui ne manque pas de charme, ni d'humour, mais à la trame un peu mince. Si mince que l'enquêteur désigné, Burton, arrive presque à l'extinction des feux. Il a mené son enquête consciencieusement, lorsqu'il a été convaincu que Shirley ne le menait pas en bateau, mais tout le mérite revient toutefois à la jeune fille d'avoir su se tirer de ce mauvais pas en gardant son intégrité.

 

Curiosité :

Cynthia, l'amie de Shirley, est également le titre d'un roman de E.V. Cunningham qui fait partie de sa fameuse série des romans à prénoms.

 

Citation :

La plupart du temps, elle faisait la cuisine le soir, quand elle n'avait pas rendez-vous, car elle estimait qu'acheter de la charcuterie était l'indice d'un caractère sans énergie.

E. V. CUNNIGHAM : Tu peux crever !

E. V. CUNNIGHAM : Tu peux crever ! (Shirley - 1964. Traduction de C. Grégoire). Série Noire N°963. Parution août 1965. 256 pages. Réédition Folio Policier N°62. Parution avril 1999. 256 pages. 5,80€.

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25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 16:52

Il était une fois dans l'Ouest !

Jacques BABLON : Trait bleu.

Ce roman aurait pu s'intituler Fantasia chez les Ploucs, mais il n'existe aucun ressemblance dans l'histoire avec ce titre de Charles Williams. Il faudrait plutôt se diriger vers Jim Thompson et James Hadley Chase pour trouver une analogie pour l'ambiance, l'atmosphère, les personnages de ce récit atypique.

Tout commence, selon le narrateur anonyme, lorsque le cadavre de Julian McBridge a été retrouvé dans l'étang, avec un couteau de chasse dans le ventre. Cela se passait deux ans auparavant et les enquêteurs n'ont eu aucun mal à identifier le propriétaire du coutelas et c'est ainsi que le narrateur, que l'on appellera désormais John Doe en référence à l'expression américaine désignant une personne non-identifiée, s'est retrouvé en prison.

Né de père inconnu et d'une mère morte en couches, John Doe a bourlingué dans des familles d'accueil. Et il est devenu ami avec Iggy, ils était tout le temps ensemble, à la pêche ou pour voir les filles. Mais quand les policiers sont arrivés, Iggy était parti à la pêche aux filles délurées, et comme la Chevy a toujours eu du mal à démarrer, John Doe n'a pu s'esquiver. Et il a avoué bien volontiers avoir perdu son couteau dans le bide de McBridge. Une grosse perte. Pas McBridge, mais le couteau.

En tôle, John Doe a droit à une remise en forme de la part du psy.

En réalité c'est John Doe qui abasourdi le psy qui ne sait comment interpréter ses réponses. Par exemple à la question toute bête : Comment vous sentez vous, ce matin ? John Doe, qui n'est pas avare de métaphores, répond : Comme un jockey qui touche les pieds par terre.

Mais John Doe est encore plus abasourdi que son psy lorsqu'il apprend qu'un visiteur l'attend au parloir. Il pense à Iggy mais c'est une femme qui l'attend. Une certaine Whitney Harrison (qui ne vient pas de Houston) qui se présente comme visiteuse de prison. Cela lui convient fort bien, surtout quand elle lui propose de pouvoir le faire s'évader et lui remet un revolver en pièces détachées. Il n'a plus qu'à s'amuser avec son petit jeu de construction. Il est convoqué par le directeur et il emmène son arme, au cas où, mais une bonne et une mauvaise nouvelles lui sont signifiées.

D'abord, ce n'est pas lui qui a tué McBridge, l'homme a été abattu par balles. C'est Iggy qui tenait l'arme. Et Iggy s'est pendu.

John Doe est libre, mais c'est alors que ces ennuis commencent. Il était plus tranquille dans sa geôle, tandis que maintenant il a des individus louches et malfaisants à ses trousses. Heureusement il peut compter sur quelques appuis, Pete le motard, le petit frère d'Iggy et magicien en moteurs, toque de raton-laveur à la Davy Crockett sur la tête en guise de casque. Et Rose, la chanteuse de bar, mignonne à croquer, mais elle n'est pas la seule femme à tourner autour de lui. Big Jim aussi, architecte de son état et propriétaire d'une résidence construite de guingois, mais ça c'est son problème. Il s'intéresse fortement au bateau que John Doe veut vendre afin de se faire un peu d'argent. Et de l'argent il parait qu'il y en a, ce qui attire les individus louches et malfaisants évoqués ci-dessus.

Et le premier problème qui se présente à John Doe, lorsqu'il veut retourner son lopin de terre, c'est de se trouver nez à nez avec une paire de chaussures. Et au bout des chaussures un cadavre. Celui de Lindegren, le copain de McBridge. Heureusement il y en a qui se servent d'acide dans des fûts découpés, et les cochons sont vraiment des animaux domestiques sympathiques lorsqu'il s'agit d'aider les humains qui ne pensent qu'à les manger. A charge de revanche.

 

Avec une écriture bourrue, rugueuse, râpeuse, drue, Jacques Bablon nous entraîne avec énergie dans les pérégrinations de John Doe dans un langage savoureux, nerveux tout comme l'est son héros. Le comique côtoie le tragique, selon les circonstances. C'est violent et tendre à la fois, le double effet qui s'coue.

 

Jacques BABLON : Trait bleu. Collection Polar Jigal. Editions Jigal. Parution 15 février 2015. 152 pages. 17,00€.

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25 février 2015 3 25 /02 /février /2015 10:28
John WAINWRIGHT : Le bois de justice

Hommage à John Wainwright né le 25 février 1921.

John WAINWRIGHT : Le bois de justice

Ancien officier de police John Wainwright a débuté dans l'écriture en 1965 et a abordé, sous ce nom et celui de Jack Ripley, un peu tous les domaines : romans de détection, romans noirs et thrillers. Il est l'auteur notamment de A table (Série Noire N°1774) que Claude Miller a porté à l'écran sous le titre de Garde à vue en 1981 avec Romy Schneider, Lino Ventura et Michel Serrault.

 

Rapidement j'ai été touché par une sérénité, un certain charme, une indéniable paix sylvestre dont tout le roman est nimbé. En le lisant, je ne pouvais m'empêcher aussi d'effectuer un rapprochement avec certains feuilletons du 19e siècle, Féval et Zevaco en ce qui concerne quelques situations machiavéliques, l'ère victorienne, Le Chambrion de Ponson du Terrail pour l'ambiance et l'atmosphère pastorale, une pointe de George Sand, des situations familiales ambigües.

L'explication en est simple : la complexité de quelques situations, les pièges employés pour faire trébucher l'adversaire, en l'occurrence un demi-frère, dans des chausse-trappes, et un amour impossible, de même qu'une relation, une communion de pensées, de paroles avec la nature, faune et flore, que l'on retrouve moins souvent et avec moins de force chez certains écologistes convaincus. Livre plus gris que noir avec des touches de couleurs, parfois rouges, souvent vertes.

 

Deux demi-frères issus du même père, l'un légèrement bancal, solitaire, aîné de la famille, l'autre jaloux, bien portant et le préféré de la famille, vont s'entredéchirer. L'un pour garder un minimum vieillesse et la tranquillité, l'autre afin d'obtenir en sus un titre nobiliaire. Là-dessus se greffe une étrange histoire d'amour, rassurez-vous, en tout bien tout honneur.

 

Un roman que je qualifierai de calme, de reposant, de rafraîchissant, mais qui ne manque ni de mystères, ni d'actions, ni de rebondissements, ni une bonne dose de noirceur dans certaines descriptions. Cette réussite est peut-être due à la sensibilité de la traductrice.

 

Un délicieux bonbon anglais acidulé fourré à la chlorophylle.

 

John WAINWRIGHT : Le bois de justice (The Forest - 1984. Traduction Isabelle Delord-Philippe). Série Noire N°2019. Parution octobre 1985. 288 pages.

 

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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 13:17

La peinture à l'huile c'est bien difficile

Mais c'est bien plus beau que la peinture à l'eau !

Marie DEVOIS : La jeune fille au marteau.

S'appeler Velàsquez, c'est bien, mais en être l'arrière-arrière-arrière (et j'en passe) petite-fille, ce serait mieux.

Toute petite, à l'âge de sept ans, lorsqu'elle avait remarqué sur un magazine consacré à l'art cette analogie patronymique, Inès avait laissé courir son imagination et donc ce n'est pas par hasard si elle possède un double master en art et en droit, et travaille dans un cabinet d'avocats spécialisé dont la clientèle est composée de collectionneurs d'œuvres d'art ou d'acquéreurs déçus. Ils sont chargés de vérifier la provenance des ouvres et la régularité des transactions. Mais son rêve est de devenir un jour commissaire-priseur.

L'une de ses passions est de consulter en ligne les catalogues d'enchères et une vente à Hendaye a attiré son attention. Il s'agit de procéder à la vente des toiles et objets ayant appartenu à Ambrosio Fernandez, dont la notoriété n'a guère dépassé les milieux professionnels, et qui était réputé pour peindre à la manière de Velàsquez et en offrant des copies de bonne facture. Dans la dépendance où a été assassiné Fernandez dix ans auparavant, de nombreux lots sont mis aux enchères, dont une toile défraichie, pour ne pas dire une serpillière qui aurait servie à essuyer des coulées de peinture, mais aux dimensions assez impressionnantes. L'unique grand format de la vente qui mesurait à vue d'œil plus de deux mètres de large sur quatre de haute. On l'avait sauvagement clouée au mur. Les bords découpés en vagues s'effilochaient et la presque totalité du tiers inférieur  avait disparu sous une croûte brunâtre. Un véritable coup de cœur.

Elle obtient cette toile malgré les enchères d'un concurrent pour un prix raisonnable. La toile possède un attrait indéfinissable et en l'examinant avec attention, relève certains détails, dont une inscription, qui lui titillent l'esprit et de vagues souvenirs. Deux mots situés presqu'en bas du tableau : Eliminatos foeliciter

Elle vérifie dans ses notes, auprès d'un conservateur du Prado, et surtout, grâce à la propriétaire d'ne somptueuse résidence dont dépendait l'atelier et le logis du peintre, qui lui met à disposition une malle renfermant de vieux papiers, qu'elle est bien en présence d'une toile de Velàsquez portée disparue depuis l'incendie de l'Alcazar en 1734 : L'Expulsion des Morisques.

Mais elle est suivie, son appartement est fouillé, or la toile ne semble pas intéresser ses visiteurs. Et Mijanou Etchebarne, la charmante vieille dame propriétaire du manoir et de la dépendance est elle aussi importunée et même séquestrée. Que recherchent donc ces individus ? Cerca Trova. Deux mots qui figurent derrière la toile et qui résonnent comme un mantra. Cerca trova : cherche trouve.

 

Après Van Gogh et ses juges, Marie Devois nous propose une nouvelle plongée dans l'art pictural. L'ombre de Velàsquez se profile derrière chaque page mais l'histoire se déroule bien de nos jours, même si en incrustation le lecteur assiste à l'incendie de l'Alcazar dans la nuit du 24 décembre 1734 et aux efforts des moines résidant dans le couvent voisin pour sauver les toiles du maître. Toiles qui étaient destinées au seigneur du lieu et que personne ne pouvait admirer, sauf les amis et les invités. Pouvez-vous imaginer ce que devait être un monde sans musée ?

 

Une double enquête est proposée dans ce roman. Enquête physique avec celle concernant l'assassinat de Fernandez, rapidement avortée par manque de preuves concrètes, et peut-être le laxisme des autorités policières et judiciaires de l'époque lors de la découverte du cadavre en 2003, et réouverture du dossier, puis enquête intellectuelle dix ans plus tard par la recherche sur l'origine de la toile et le décryptage des documents. Inès bénéficie de l'aide précieuse de son ami Damien qui grâce aux techniques modernes peut vérifier l'authenticité du tableau.

 

Marie Devois évite de tomber dans le piège du pédantisme, construisant son intrigue policière dans un contexte historique avec pour toile de fond la figure du grand peintre espagnol.

Marie DEVOIS : La jeune fille au marteau. Collection Artnoir. Editions Cohen & Cohen. Parution 12 février 2015. 238 pages. 19,00€.

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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 09:01
A.S. FLEISCHMAN : Gardez-vous à Gauche !

Aucun rapport avec la politique actuelle !

A.S. FLEISCHMAN : Gardez-vous à Gauche !

Se produisant comme prestidigitateur au luxueux Hôtel des Mers de Chine, à Macao, Bruce Flemish est contacté par Donna Van Deerlin, une Américaine qui lui donne rendez-vous dans sa chambre.

Dans le même temps, le Señor Gonsalves lui demande un petit service : il doit grâce à ses dons d'illusionniste glisser une liasse de billets de dollars dans la poche d'un client lors de sa prochaine représentation. Flemish accepte, mais au dernier moment n'accomplit pas le geste pour lequel il a été payé. Cette affaire ne lui plait guère. Il reçoit des menaces et un inconnu tente de l'étrangler avec un fil de fer. Jordan, le personnage à qui il doit remettre subrepticement l'argent, n'est autre que le compagnon de la jeune femme.

Intrigué, il se rend dans la chambre de Donna qui en réalité s'appelle Chandler. Son père, assassiné, enquêtait à Macao et elle sollicite Flemish de se rendre à Hong-Kong et remettre le rapport paternel caché dans un pétard.

Flemish, dont l'argent en sa possession lui brûle les doigts, tente sa chance au jeu mais les billets s'avèrent faux. Le Señor Gonsalves, à qui il manque les deux pouces à la suite d'un enlèvement survenu six mois auparavant, est fort mécontent de la prestation manquée de son artiste. De plus il est au courant de son entretien avec Donna grâce à un enregistrement.

De nombreuses personnes sont à la recherche du dossier compromettant. Jordan, tout d'abord, en qui Donna n'a guère confiance. Le Señor Gonsalves et son bras droit Nakov. Quant à Wilkerson, un Américain propriétaire d'une fabrique de pétards, Flemish le trouve trop souvent sur son chemin à son goût.

Avec la complicité de Phébé, une stripteaseuse, Nakov et Gonsalves tentent d'imputer le meurtre de Jordan à l'illusionniste. Flemish se réfugie en compagnie de Donna dans une chambre dans le quartier des prostituées. Alors qu'il enquête dans la ville, Donna est enlevée, leur trace ayant été dévoilée par un prêtre qui pensait bien faire. Parmi les microfilms dissimulés dans le pétard, Flemish trouve un plan des catacombes de la Basilique Saint-Paul. Un souterrain relierait l'édifice religieux à un cimetière chinois, juste de l'autre côté de la frontière. Supposant que la jeune femme y est détenue, Flemish requiert les services d'un pirate, les autres marins refusant de sortir du port à cause d'un typhon prévu par la météo.

 

Roman d'espionnage tout autant que d'aventures, Gardez-vous à Gauche est plaisant à lire, malgré les quelques attaques anti-communistes. Il serait intéressant à ce titre de lire le texte original et de comparer les apports du traducteur, sachant que ce roman a été écrit en 1952 et édité en France en 1965, le contexte international ayant évolué. Mais il vrai qu'à l'époque où a été écrit ce roman, le maccarthysme était dans sa phase de pic, et la chasse aux sorcières rouges virulente. D'ailleurs de nombreux écrivains, dont Dashiell Hammett et Howard Fast, en furent les principales victimes, ainsi que des chanteurs et acteurs, dont Danny Kaye et Jean Seberg et des musiciens de jazz, Artie Shaw par exemple.

A.S. Fleischman ne dénonce pas les Chinois dans leur trafic de drogue. Il en rejette toute la responsabilité sur les Occidentaux, rappelant si besoin est que les Britanniques et les Américains avaient à l'origine imposé l'opium aux Chinois en échange des soieries, du thé et du jade. Par un juste retour des choses, les Chinois ayant besoin des devises américaines pour acheter médicaments et carburants exportent les stupéfiants afin de combler une demande.

 

Curiosité :

Les éditions Fleuve Noir ont édité dans leur collection Espionnage Train d'enfer (N°71 - 1955) dû à Sid Fleischman qui n'est autre que A.S. Fleischman. Un anachronisme dans cette collection vouée aux auteurs français.

 

Citation :

Le tapis d'Orient, de couleur jaune, était si épais qu'on aurait presque cru nécessaire de le passer à la tondeuse à gazon.

 

A.S. FLEISCHMAN : Gardez-vous à Gauche ! (Look behind you, Lady - 1952. Traduction de Georges Geoffroy). Série Noire N° 949. Parution juin 1965. 256 pages.

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23 février 2015 1 23 /02 /février /2015 13:36

L'histoire en marche effectue souvent des retours en arrière, préjudiciables à tous.

Agnès LAROCHE : Marjane et le sultan.

Entrez dans l'univers magique d'un conte qui pourrait être extrait des Mille et une nuits.

Entrez dans la réalité d'une histoire qui pourrait se dérouler de nos jours, mais en sens inverse.

Marjane est une jeune tisseuse dont les tapis sont fort appréciés des riches notables du Sultanat d'Aroum, pourtant elle n'a que dix-sept ans. Elle dessine les motifs, choisit les couleurs, et surveille les ouvrières dans la petite pièce qui sert d'atelier. Elle a repris les rênes de sa mère, décédée deux ans auparavant, et son père est fort malade. Elle envisage de continuer l'activité de tissage, seulement son père refroidit sa légitime ambition en l'informant qu'il existe des règles strictes en matière de succession.

Si elle veut garder la maison et l'atelier, elle doit se marier. La loi est ainsi faite que seuls les fils peuvent hériter. On ne juge pas les femmes capables de disposer avec bon sens des biens familiaux. A la mort de leurs parents, le Sultan en devient propriétaire. Une loi inique selon Marjane et elle s'indigne, et ne veut pas entendre parler d'épousailles arrangées. Elle décide de rencontrer directement le sultan Bahman et de plaider sa cause. Elle est courageuse Marjane et intrépide aussi, alors elle surmonte les difficultés et parvient à obtenir un entretien.

Le sultan Bahman, qui est monté sur le trône deux ans auparavant, est un jeune homme gracieux, mais pas facile à manier. Et il confirme la loi ancestrale :

Cette loi est juste et vous n'y échapperez pas, lâche-t-il froidement. Les femmes n'ont pas les qualités requises pour gérer des biens ou de l'argent en toute indépendance ! Elles s'occupent de leur foyer, de leurs enfants, travaillent parfois, mais il serait vain de leur en demander davantage, elles n'en sont tout simplement pas capables ! Sans parler de la frivolité et de l'inconséquence de certaines qui dilapideraient en bien peu de temps leur héritage.

Une fin de non recevoir qui ne réjouit pas Marjane, indignée par de tels propos. Alors elle persiste, s'entête et décide d'écrire une missive dans laquelle elle met les choses au point, non sans un humour caustique. Mais elle ne l'envoie pas. Le Sultan aurait-il ressenti du remord devant la pugnacité de la jeune fille, il se peut car il se présente incognito, lui tendant un des dessins qu'elle avait omis de reprendre lorsqu'elle s'était présentée à lui. Il lit la lettre qui lui était destinée, ce qui le met en colère, et il lui lance un défi : elle doit confectionner un tapis volant.

Marjane qui ne veut absolument pas se marier avec l'un des prétendants que lui présente son père, décide de relever le défi sachant pertinemment qu'elle ne pourra accéder à la demande du Sultan mais cherche une parade.

 

Marjane incarne la féministe décidée et entreprenante dans son combat pour l'égalité des sexes, la reconnaissance des qualités dont ses consœurs sont dotées tout en démontrant que les hommes peuvent parfois se conduire comme ce que le Sultan reproche à la femme en général. Et elle va démontrer aux cours des aventures qu'elle va partager en compagnie d'Adi, puisque le Sultan souhaite qu'elle l'appelle ainsi, qu'elle n'est pas timorée, mais au contraire capable d'aller jusqu'au bout de ses forces dans les situations délicates et capable de prendre les décisions adéquates.

Cette histoire se déroule en 1898, or si l'Orient s'ouvrait au modernisme, il existait de nombreuses lacunes sociétales. Tout cela allait changer jusqu'à ce que des extrémistes religieux, des fanatiques, dénoncent le grand bouleversement dans la vie quotidienne, familiale, professionnelle, culturelle des femmes, remettant en cause leur émancipation.

Agnès Laroche n'évoque pas ces transformations, ces régressions, mais bien entendu cela est sous-entendu. Si le livre est destiné à une couche juvénile de la population, nul doute que les adultes doivent lire ce court roman, et en expliquer les arcanes à leur progéniture.

 

Agnès LAROCHE : Marjane et le sultan. Editions Talents hauts. Parution le 19 février. 144 pages. 8,00€.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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