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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 08:56
Michel LAMBESC : La horse.

Des sachets... très prisés !

Michel LAMBESC : La horse.

Dans le gabion qui lui sert de planque pour la chasse au canards, Auguste, cultivateur de soixante-dix ans, découvre quelques paquets de poudre blanche.

Il fait le guet afin de connaître l'identité de celui qui se sert impunément du refuge pour entreposer de la drogue. Il s'agit de son petit-fils Henri qui travaille à bord du France comme garçon de sonnerie. Une sonnerie de plus à mettre à son actif !

Quinze jours plus tard, lors d'une nouvelle escale du paquebot, Auguste attend Henri, le petit-fils en question, au débarquement et le suit. Henri est accompagné de Loulou, une petite frappe locale et de Wunder, fils de bourgeois. Les trois compères se rendent au gabion mais Auguste les a devancés et a confisqué les paquets entreposés qu'Henri devait convoyer. Il enferme les deux hommes dans le gabion toute la nuit tandis qu'il fait la morale à son petit-fils.

Au petit matin, il libère ses prisonniers qui ne demandent pas leur reste. Wunder alerte les truands parisiens qui organisent une virée punitive. Tandis qu'un groupe tente de violer Mathilde, la fille aînée d'Auguste, Mario et Loulou fouillent la maisonnette de l'éleveur. Loulou en fourgonnant dans l'armoire glisse son bras dans un piège et Auguste met en fuite Mario. Mais rancunier et désireux de retrouver les paquets d'héroïne, Mario n'en reste pas là. Wunder, qui s'était accoquiné avec les truands à la suite de déceptions matrimoniales, décède dans un accident de voiture.

Une grange proche de la ferme d'Auguste est incendiée et sa maison est fouillée de fond en comble. Auguste n'est pas au bout de ses peines. Mario et ses acolytes le relancent jusque chez lui et lui donnent rendez-vous dans un bar du Havre. Les truands l'attendent de pied ferme mais Auguste devance leur velléité de le molester. Il balance les paquets de drogue et l'héroïne s'échappe des sachets préalablement fendus. La confusion est totale et quelques tueurs, dont Mario, en aspirent des bouffées qui les indisposent. Deux soldats américains en bordée achèvent la débâcle des bandits. Auguste n'est pas passé inaperçu dans sa deux-chevaux et son long manteau d'autrefois. Mario et ses complices repartent à Paris évitant un barrage de gendarmerie.

 

Michel Lambesc met aux prises une bande de truands parisiens originaires du Midi et confiants en leurs capacités et un paysan normand rusé, retors et matois. L'éternel conflit entre les citadins et les ruraux, les uns prenant les autres pour des arriérés. Cet antagonisme est accentué en toile de fond par le développement inéluctable de la vie moderne aux dépens d'une tradition séculaire campagnarde.

La construction de raffineries, de routes, ne peut être réalisée qu'au détriment des agriculteurs, des éleveurs qui se sentent grugés, spoliés dans leurs biens.

Un aperçu écologique discret dans un roman qui ne manque pas d'humour et nous ne sommes pas loin parfois des farces normandes et des contes à la Maupassant. Cohabitation réussie entre deux parlers populaires, l'argot parisien mêlé d'expressions méditerranéennes des truands et le patois cauchois employé par Auguste lorsqu'il préfère jouer à l'imbécile devant ses interlocuteurs.

 

Si ma tante en avait, elle serait mon oncle.

Michel LAMBESC : La horse.

Curiosités :

La Horse est le nom donné aussi bien par Auguste que par les truands, à l'héroïne. Ce mot n'est toutefois pas recensé par Jean-Paul Colin dans son dictionnaire de l'argot (Larousse - 1990).

La horse a été adapté au cinéma par Pierre Granier-Deferre en 1969 avec pour interprètes principaux Jean Gabin, un rôle qui lui sied comme un gant, Marc Porel, Eléonore Hirt, Christian Barbier, Julien Guiomar, Pierre Dux, sur une musique de Serge Gainsbourg et Michel Colombier.

 

Michel LAMBESC : La horse. Série Noire N°1208. Parution juin 1968. 192 pages.

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15 mars 2015 7 15 /03 /mars /2015 09:52
Jean AMILA : Le pigeon du faubourg.

Hommage à Jean Amila décédé le 15 mars 1995*.

Jean AMILA : Le pigeon du faubourg.

Depuis quelque temps Marceau, décorateur dans le Faubourg Saint Antoine, est sujet à des étourdissements.

Il impute ses malaises à la fatigue mais Francis, un ami ébéniste qui traficote avec lui dans le meuble ancien, et sa femme sont plus réservés quant aux causes. Ils pensent que Monique, la légitime de Marceau, pourrait l'empoisonner tout doucement par jalousie. Marceau en effet entretient une relation avec une jeune vendeuse prénommée Zette qui lui a donné deux fillettes. Une prise de sang, une cicatrice qui se referme mal, un diagnostic : Marceau est devenu hémophile.

Zette est attaquée un soir, alors qu'elle rentre du travail, par un olibrius qui lui tire en plein visage des chevrotines. Legoff, un inspecteur commis à l'enquête, émet quelques suppositions que Marceau ne partage pas, dans un premier temps. Le coupable pourrait être la femme de Marceau, ou encore Vincent, le premier petit ami de Zette, mis en prison à cause du témoignage de la jeune femme lors d'une affaire quelques années auparavant et qui a oublié de regagner sa geôle lors d'une permission. Zette recevait chez elle Manoël, le mari d'une collègue, un Portugais, et Legoff découvre que l'appartement de la jeune femme, acheté par Marceau, a servi à plusieurs transactions. Zette étonnée dit ne pas être au courant de ces reventes fictives, mais Legoff découvre néanmoins chez elle un passeport et un billet de transport pour le Brésil.

Curieuse coïncidence puisque Manoel, le soir de l'agression se trouvait justement dans un avion se dirigeant vers l'Amérique du Sud. Zette essaie de se souvenir de son agresseur et principalement de la façon dont il l'a abordée. Legoff soupçonne Marceau d'être à l'origine de cette volée de plombs mais il abandonne cette thèse par manque de preuves et de cohérence. La femme de Marceau rejoint sa famille à Bayeux, soi-disant à cause d'un décès et Alain, le fils, magistrat à Caen, rend une visite à son père. Entre les deux hommes ce n'est pas l'entente cordiale, l'entrevue se termine comme d'habitude par une dispute.

Lors d'une incursion chez Zette il se rend compte que la jeune femme l'empoisonnait tout doucement, le produit étant mélangé au paprika dont elle le servait abondamment pour lui éviter une défaillance de sa virilité. Marceau, étonné apprend que sa femme est au courant de sa liaison.

 

Après ses diatribes envers les Services Secrets (SN N°1559 : Terminus Iéna et SN N°1683 : A qui ai-je l'honneur) Jean Amila nous entraîne dans une histoire plus classique, plus terre à terre, plus proche des préoccupations, des problèmes du prolétaire moyen : le quidam enferré dans les amours adultérines et qui croit que sa femme est trop bête ou naïve pour se rendre compte de son infortune.

L'amitié virile comble la défection familiale ou à l'esprit supposé retors de la femme. Jean Amila honore ses saints comme il les aime, c'est à dire qu'il les oublie purement et simplement. Antoine et les autres perdent leur auréole dans les noms de lieux ou d'édifices.

 

*Curiosité :

Le site Wikipedia, dont je n'ai qu'une confiance limitée dans les informations,  et le Dilipo de Claude Mesplède & Co avancent la date du 7 mars, tandis que l'ouvrage Les auteurs de la Série Noire, du même Claude Mesplède and Co indique le 15 mars. Si j'ai préféré cette dernière date pour un hommage à Jean Amila, ce n'est pas pour convenances personnelles mais ainsi Jean Amila sera resté huit jours de plus parmi nous.

Ultime concession aux passions révolutionnaires de vieux enfants du Faubourg Antoine, ils n'étaient pas inscrits sur les listes électorales et balançaient tous les politiques dans la même poubelle, à commencer par l'Armée et le Bon Dieu.

Jean AMILA : Le pigeon du faubourg. Série Noire N°1844. Parution octobre 1981. 192 pages. 4,00€.

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 13:40

Au Nord, vais-je...

Didier JUNG : Le chant des baleines.

Drôle d'idée de cadeau qu'ont eue pour son départ en retraite les collègues d'Ange Morazzani. Ils lui ont offert une croisière au Spitzberg. Au moins, comme il se le dit in petto - il pratique plusieurs langues - il échappe à la canicule qui sévit sur Paris.

Sexagénaire, célibataire, cet ancien commissaire de police qui compte quarante ans de carrière dont les dix dernières années au 36 Quai des Orfèvres, il possède un défaut qui en même temps est une qualité. C'est un curieux et dans l'aéroport d'Oslo où il attend d'embarquer pour le port de Tromsø il scrute les passagers, les écoute parler, dissèque leur personnalité, cherchant à reconnaître parmi la foule ceux qui sont susceptibles de voyager avec lui sur l'Isbjørn.

Au soir du 3 août, la croisière peut commencer. Avant toute chose il faut procéder au traditionnel exercice de sauvetage, une opération dirigée par la commissaire de bord, une belle et grande femme âgée entre trente et quarante ans, et au physique typiquement nordique. La grande majorité des croisiéristes sont Norvégiens, un club de retraités qui monopolisent les tables, les mieux placées évidemment, la loi du nombre prévaut. Les autres voyageurs, se sentent un peu isolés et se regroupent. Morazzani fait donc la connaissance de ses compagnons, les retraités Norvégiens comptant pour du beurre, préférant se regrouper pour mieux parler de leur passé.

Les autres sont viennent d'horizons divers. Luca et sa compagne Francesca sont de Florence. Il a l'air d'un gigolo accroché aux basques d'une femme plus âgée que lui d'une vingtaine d'année mais richissime. D'ailleurs elle n'hésite pas à montrer ses bijoux à ses voisins de table. Jeremy Dawkins, Anglais installé en Dordogne, consacre la plus grande partie de ses loisirs à la défense des sans-papiers. Anna Moser est une Allemande que Morazzani a repéré à l'aéroport. Ce soir elle est seule, son amie Laura ayant le mal de mer a préféré rester dans sa cabine. Si Dawkins ne tente pas de séduire la belle Teutonne, c'est qu'il a compris qu'il avait près de lui une lesbienne. Font également partie de la tablée un Danois, Sven Pedersen, un solitaire, et un jeune étudiant Norvégien, Halvard Lund, guère plus loquace.

Entre Tromsø et l'île aux Ours, leur première destination, la mer de Barents en colère et sans aucun doute Morazzani n'est pas le seul à rester éveillé car de sa cabine il entend du bruit au milieu de la nuit dans la coursive. Le lendemain, dans la matinée, l'ex-policier surprend une conversation qui ne le concerne en rien et donc à laquelle il ne participe pas. Jawad Afridi, d'origine pakistanaise mais bien intégré comme commerçant à Trondheim, d'ailleurs il possède un passeport norvégien, est au centre de la discussion entre Dawkins et Halvard Lund. Lund est membre du parti d'extrême droite et se montre plutôt virulent, proférant l'anathème envers les islamistes.

Au cours de la soirée du lundi 4 août, une petite fête est organisée et sur la piste de danse Brit Larsen, la commissaire de bord, ayant dédaigné sa tenue de fonction et ayant revêtu une robe des plus seyante et provocante, ne manque pas de prétendants pour l'inviter à danser. Le premier à se mettre sur les rangs est Lund, mais il se montre un peu trop entreprenant, et elle le lâche pour se tourner vers Afridi, qui semble tout petit, d'ailleurs il l'est, dans les bras de sa partenaire.

Au cours de la nuit, Pedersen est seul sur le pont à l'avant du bateau. Il est muni de jumelles et sa passion, ce sont les baleines, ou plutôt le chant des baleines qu'il espère bien pouvoir entendre dans la nuit étoilée. A un certain moment, il entend un cri à l'arrière du navire. Il se précipite mais il est trop tard. Afridi est dans l'eau et il est impossible de le sauver de la noyade. Cela Morazzani ne l'apprendra que le lendemain matin. Accident ? Suicide ? Ou assassinat. Rien ne peut faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre.

Plus tard il apprendra également le décès de Laura, la compagne d'Anna Moser dans des circonstances mal définies.

Le capitaine Jacobsen est fort embêté et lors de l'escale à Longyearbyen, une petite bourgade, le commissaire de la ville, Godtfried Berg, interroge quelques membres d'équipage sur la noyade de Jafridi. Peu à peu il lie connaissance avec Morazzani, les deux hommes s'estiment et l'ancien policier français va apporter sa contribution aux enquêtes du Norvégien. Car un autre drame va bientôt perturber la croisière.

 

De facture classique, ce roman est articulé comme un huis-clos en pleine mer. Tout se déroule sur le bâtiment, les escales n'étant là que pour le décor. Et cette histoire sent bon, non le hareng fumé prodigué à profusion lors des repas et surtout au petit déjeuner, mais des réminiscences à des œuvres d'Agatha Christie et Patricia Highsmith. Je ne vous dévoilerai pas les titres de ces romans, ce serait trop facile, mais sachez qu'ils comportent quelques mots en commun. Mais si Didier Jung use du même principe de construction pour son énigme, il a écrit une œuvre personnelle qui ne doit rien à ses grands-mères en littérature.

Sans s'embarrasser de détails inutiles, sans tergiverser, sans prendre des chemins détournés, Didier Jung construit son intrigue sans faille, et nous décrit en même temps le paysage et l'historique de certaines escales dont la ville minière de Barentsburg, située sur l'île du Spitzberg, dont la principale activité est l'extraction du charbon par une compagnie russe depuis 1932.

Les personnages sont campés en peu de mots, mais tout de suite on les a sous les yeux et surtout on connait leur profil psychologique et leur mentalité. Lund par exemple est particulièrement odieux, mais il n'est pas une exception et si vous avez la possibilité d'effectuer des croisières, ou de simples voyages en car par exemple, nul doute que vous avez déjà rencontré ce genre de personnage qui gâche vos vacances.

L'ex-commissaire Morazzani me fait un peu penser à Jules Maigret, par son côté calme, réfléchi, intéressé par les individus qu'il côtoie. Il est curieux mais pas indiscret. Cette curiosité qu'il professe à leur encontre n'étant pas indécente mais celle d'un être humain qui s'intéresse à ses congénères, un peu comme un psychologue et surtout, profession oblige, comme un profileur.

 

Didier JUNG : Le chant des baleines. Collection Borderline. Editions Territoires Témoins. Parution 21 février 2015. 168 pages. 16,00€.

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14 mars 2015 6 14 /03 /mars /2015 10:54
Patrick O'HARA : J'ai pas de frangin

Et une soeur ?

Patrick O'HARA : J'ai pas de frangin

A dix-sept ans, déserteur de la Marine, Paddy O'Hara, Irlandais de Liverpool, traîne ses guêtres entre Hyde Park et Piccadilly.

Il a faim et pas une tune en poche. En quête d'une bonne fortune, il se fait draguer par des homosexuels. Malgré son jeune âge, Paddy n'est pas né de la dernière pluie et le coup des allumettes comme travaux d'approche, il connaît.

Il accepte toutefois l'offre d'un verre de bière de la part d'un homme qui croit trouver en Paddy une proie facile. Mais l'Irlandingue ne mange pas de ce pain là. Il préfère les femmes et met les points sur les I à son interlocuteur, en toute courtoisie. Une femme aux cuisses généreusement découvertes l'invite à bord de son véhicule et lui propose de venir finir la soirée chez elle. Du moins dans un appartement que lui ont prêté des amis. La jeune femme s'éclipse et peu après apparaît un homme, nullement étonné de voir Paddy installé dans la pièce et qu'il appelle Chéri. Paddy s'enfuit non sans avoir salué son hôte d'un coup de poing rageur.

Alors qu'il détale dans les rues noires, quelqu'un lance le cri de ralliement des commères à l'affût et des policiers : Au voleur, arrêtez-le ! Arraisonné par les flics, Paddy commence le parcours initiatique de tout petit délinquant confronté à la justice.

Nuit dans la geôle d'un commissariat, signature obligatoire d'une déposition honteusement erronée, passage devant le juge puis incarcération à la prison de Wormwood Scrubs dans le quartier dit de Borstal, quartier pénitentiaire réservé au régime de redressement destiné aux délinquants âgés de moins de vingt et un ans.

En véritable Titi, Paddy ne perd pas sa gouaille, son sens de la répartie, ses insolences vis à vis des matons, devant les brimades exercées aussi bien par certains de ses compagnons de détention que des gardiens. Entre des repas qui n'ont de repas que le nom, et les tentatives de suicide de ses codétenus, le temps passe à effectuer de petits travaux, histoire de se monter un petit pécule pour s'acheter des cigarettes.

La rébellion est sanctionnée par le mitard et des motifs de révolte, Paddy n'en manque pas. Il s'insurge, vitupère, laisse éclater sa colère, mais il ne peut rien faire contre la loi et ses représentants. La maladie et les petits bobos ne sont que douleurs supplémentaires car il ne faut pas compter sur le docteur pour soulager ses maux.

 

Malgré un épilogue en queue de poisson, ce roman est agréable à lire et nous change de la production habituelle relatant l'univers carcéral ou la vie d'un petit délinquant.

Un roman écrit un peu comme une autobiographie et qui ne manque pas d'humour malgré la noirceur de certaines scènes. Le lecteur devient complice et partage les vicissitudes, les avatars de cet adolescent qui ne veut se plier à aucune règle édictée, sinon la sienne, et revendique de penser, de se conduire en homme libre et non assujetti, non asservi à une loi que des policiers ou des gardiens de prison exécutent sans discernement, la détournant parfois eux-mêmes.

Ecrit de façon argotique mais néanmoins lisible, le style de ce roman fait un peu penser à Peter Randa alias André Duquesne.

 

Curiosité :

Paddy, lors du premier chapitre, a la curieuse et fâcheuse habitude de clore ses réflexions personnelles par Si vous voyez ce que je veux dire, ce qui à la longue devient un peu lassant, si vous voyez ce que je veux dire.

 

Citation :

A la voir marcher, en jouant de la croupe, on croirait un sac de chats qu'on va jeter à la rivière, tant ça frétille et ça tortille là-dedans !

 

Patrick O'HARA : J'ai pas de frangin (I got no brother - 1967. Traduction de Raoul Amblard). Série Noire N°1202. Parution mai 1968. 256 pages.

 

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13 mars 2015 5 13 /03 /mars /2015 10:39
Ross THOMAS : Suicidez-moi !

On dit S'il vous plait !

Ross THOMAS : Suicidez-moi !

Propriétaire d'un bar-restaurant à Washington, Mc Corkle reçoit des nouvelles de son associé Padillo après des mois de silence.

Padillo a été touché d'un coup de couteau par deux inconnus en voulant défendre Mush, un homme de main de Hardman, un Noir bookmaker et racketteur. Hardman propose en échange ses services, ce qui tombe fort  propos car Padillo a une mission à exécuter. Il doit assassiner Van Zandt le premier ministre d'une petite république sud-africaine qui veut se libérer du joug de la couronne britannique.

Ce meurtre est commandité par Van Zandt lui-même qui, à quatre-vingt-deux ans et atteint d'un cancer, veut profiter de son voyage aux Etats-Unis pour déstabiliser l'opinion publique et renforcer l'apartheid.

Fredl, la femme Mc Corkle, est enlevée et ne sera relâchée saine et sauve que si Padillo accomplit son contrat et ne prévient ni la police ni le FBI. Mc Corkle sait pertinemment que ce ne sont que vaines promesses. Padillo demande à une ex-amie de son père de lui retrouver Dymec, un Polonais, Price, un Anglais, et Magda, Hongro-Syrienne, qui ont une dette envers lui, afin de compléter l'effectif prêté par Hardman.

A leur hôtel les attend Evelyn Underhill, professeur et ex-membre du parlement qui veut empêcher Padillo l'assassinat de son premier ministre. Sa mission tourne court, une voiture lui passe dessus. Pour Padillo et Mc Corkle, il y a un peu trop de monde au courant de ce suicide sur commande. Ils rencontrent les trois agents secrets, agents-doubles en réalité, mais leur confiance est limitée.

Padillo, surveillé depuis son retour d'Afrique par des agents du FBI, en profite pour les utiliser comme gardes du corps à leur insu. Une jeune fille le suit en voiture. Il s'agit de la fille d'Underhill qui est chargée d'inciter Padillo à ne pas remplir sa mission. Padillo et Mc Corkle rencontrent Boggs et Darragh, les deux ministres qui ont enlevé Fredl. Ils acceptent la proposition de Padillo, Dymec devant tuer VanZandt à sa place et permettent à Mc Corkle de prendre des nouvelles de sa femme.

 

Annoncé comme roman d'espionnage, Suicidez-moi ! s'inscrit dans la tendance thriller politique, sauce farce macabre, avec toutefois une dénonciation de régime de l'apartheid sud africain. Une mécanique parfaitement huilée, orchestrée de main de maître par deux amis qui même s'ils ne se voient pas souvent contredisent l'adage : Loin des yeux, loin du cœur.

Ross Thomas développe une intrigue serrée, minutieuse, ne laissant rien au hasard, proche du roman noir et baignant dans un certain humour. Il s'élève contre le racisme, même s'il ne l'écrit pas en toutes lettres. Ses personnages parlent pour lui, agissent de même, par touches subtiles, ce qui apporte plus de force à cette dénonciation.

Baroudeurs, Padillo et Mc Corkle possèdent un sens de l'honneur et l'enlèvement de Fredl ne fait que renforcer leur détermination, conforter leurs positions. Mush, policier Noir des Stups, infiltré dans la bande à Hardman, est converti à la religion musulmane. Son anonymat éventé par la relation des faits dans les journaux, relation ayant toutefois une certaine censure, il ne lui reste plus qu'à s'engager plus implicitement chez les Blacks Muslims.

 

Curiosité :

Initiative intéressante et qui devrait être plus souvent utilisée : une liste des personnages est dressée au début du roman, ce qui permet au lecteur de s'y retrouver.

 

Citation :

Son sourire est aussi cordial que le cinquième rappel du percepteur.

 

Ross THOMAS : Suicidez-moi ! (Cast a yellow shadow - 1967. Traduction de André Bénat). Série Noire n°1198. Parution mai 1968. 256 pages.

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12 mars 2015 4 12 /03 /mars /2015 12:00
Jean-Bernard POUY : Tout doit disparaître.

Bientôt en Pléiade ?

Jean-Bernard POUY : Tout doit disparaître.

Regroupant cinq romans de Jean-Bernard Pouy parus dans les années 1980, ce fort volume serait-il le premier d'une nouvelle forme éditoriale de la Série Noire, un peu dans la mouvance des éditions Omnibus ou de la collection Bouquins chez Robert Laffont ?

Pourquoi pas, une première tentative de proposer plusieurs titres d'un même auteur sous le nom de Bibliothèque Noire ayant été abordée entre 1988 et 1992. Ces ouvrages étaient consacrés à des auteurs phares de la collection Série Noire, Chester Himes, David Goodis, Raymond Chandler, James Hadley Chase, Dashiell Hammett, Jim Thompson ou encore Jérôme Charyn. Et Pouy représente ce renouveau de roman noir "militant" français tout comme Thierry Jonquet et quelques autres.

 

Avec ce recueil consacré à Jean-Bernard Pouy - espérons donc qu'il y aura d'autres élus - nous découvrons l'auteur qui dès ses débuts frappait fort et faisait une entrée fracassante à la Série Noire, pour ce qui n'était que les débuts d'un romancier franc-tireur qui n'hésitait pas, et le fait encore, à fournir des romans ou recueils de nouvelles à de jeunes éditeurs afin de les aider à s'imposer, mais ne furent pas toujours des entreprises qui furent suivies d'une véritable consécration.

 

Cinq romans donc qui ont pour titre :

Nous avons brûlé une sainte (Série Noire N° 1968. Juillet 1984).

La pêche aux anges (Série Noire N° 2042. Février 1986)

L'homme à l'oreille croquée (Série Noire N°2098. Mai 1987)

Le cinéma de papa (Série Noire N°2199. Octobre 1989)

RN 86 (Série Noire N°2377. Mars 1995. Réédition des éditions Clô - 1992)

 

Afin de ne pas vous infliger cinq résumés j'ai décidé de présenter uniquement celui que je préfère, en toute objectivité cela va de soi : Le cinéma de papa

Jean-Bernard POUY : Tout doit disparaître.

Alors qu'il travaille pour le compte de l'Alliance Française, au Brésil, Bertrand Bernat apprend que sa mère vient de mourir. Elle est même enterrée.

Tant pis, il bazarde toutes ses affaires et revient en France pour se recueillir sur la tombe encore fraîche et effectuer un pèlerinage dans la maison familiale.

Selon la police sa mère a été assassinée par des voleurs qui se sont contentés d'un service de table en argent. Mise en scène oui !

C'était bien autre chose que les voleurs désiraient. Un négatif de film 16mm, un vieux film au nitrate appartenant à son père, décédé depuis de longues années, a disparu. Son père qui était collectionneur et gardait des archives cinématographiques au grenier. Un film qui a été dérobé pour sa valeur intrinsèque par un amateur peu scrupuleux, ou pour ce qui figurait sur la pellicule ?

D'abord il faudrait savoir à quoi correspondait ce film et s'il peut servir à un chantage ou dissimuler des preuves compromettantes. Bernard se lance tête baissée dans la mêlée avec pour toute arme une malika, canne basque de bois dur qui lorsqu'on la dévisse s'avère être une arme redoutable et acérée.

Un véritable retour aux sources, à la recherches d'indices, en fouillant la passé trouble de son père dans une époque non moins trouble, les années qui ont précédé la deuxième guerre mondiale.

 

Ce roman est empreint de tendresse bourrue et la conclusion, le final, un peu faible peut-être, est moins important que l'atmosphère de cette histoire. Un tourbillon, un maelström qui emmène le lecteur du Brésil à Belle-Île via Paris et la Corse.

Après s'être fait l'apologue dans ses premiers romans du philosophe Wittgenstein, Jean-Bernard Pouy place son récit sous les doubles parrainages de Biga, poète obscur et obscur poète, ainsi que, plus inattendu, de l'auteur de Voyage dans les Cévennes avec un âne, Robert Louis Stevenson. Et comme tendresse n'exclut pas facétie, Jean-Bernard Pouy conclut en un énorme pied de nez.

 

Monsieur Gallimard vous incite à faire une cure de Pouy, car cela ne nuit pas grave à la santé ! Il est même conseillé d'en user et en abuser !

 

Jean-Bernard POUY : Tout doit disparaître. Série Noire. Editions Gallimard. Préface de Caryl Ferey. Parution 5 mars 2015. 720 pages. 24,50€.

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11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 16:05

Un roman qui jette un froid et donne le frisson !

James SCOTT : Retour à Watersbridge

Le retour à la maison, après quelques semaines d'absence, n'est pas celui auquel s'attendait Elspeth Howell. Cela fait quatre mois qu'elle est partie exercer la profession de sage-femme et elle revient avec dans son cabas quelques bricoles achetée à la ville afin de les offrir à ses enfants, dont elle possède la liste, et à son mari.

Amos, quatorze ans, Caleb, douze ans, Jesse dix ans, Mary quinze ans et Emma six ans. Seulement après avoir longuement marché dans la neige et qu'elle parvient enfin à la ferme isolée où tous habitent, elle ne peut que constater le désastre.

Ses enfants ont été tués, abattus par des coups de fusil, de même que Jora son époux. Soudain un coup de feu retentit. Elle est touchée et perd connaissance. Lorsqu'elle se réveille péniblement, de longues heures après, son fils Caleb est penché sur elle et la soigne, extirpant les chevrotines parsemées un peu partout avec la pointe d'un couteau. Caleb qui lui a tiré dessus, croyant au retour des trois hommes munis d'un foulard rouge qui ont décimé la famille. Il était, lorsque les meurtriers sont arrivés, caché dans la grange, avec les animaux. Car Caleb est un solitaire, depuis qu'il a aperçu son père commettre un acte répréhensible. Son père qui ne s'exprimait que par versets ou citations de la Bible qu'il connaissait par cœur.

Elspeth la pécheresse, c'est ainsi qu'elle se définit intérieurement, se remet doucement Caleb l'ayant enveloppée dans des couvertures de fortune pour la protéger du froid. Puis, alors qu'elle peut à peine marcher, ils partent vers la ville laissant derrière eux un champ de ruines. Caleb, à cause de la neige et du gel, n'a pu offrir une tombe décente à son père et à sa fratrie, aussi il les a incinérés. Le feu s'est propagé aux bâtiments rapidement. Mais ils sont loin de tout. Ils arrivent d'abord dans une autre ferme où vit un vieux couple qui les héberge un certain temps, lui offrant vivres et vêtements. Puis il repartent pour Watersbridge, la grande ville minière située sur le lac Erié, au nord de l'état de New-York.

Elspeth est habillée en homme et Caleb la présente comme son père à l'hôtel où ils trouvent une chambre. Elle trouve un emploi à La Glacière, un vaste entrepôt de blocs de glace extraits des rives du lac. Le travail est dur, épuisant mais ils travaillent en binôme. Caleb se fait embaucher dans un tripot comme garçon à tout faire, surtout pour laver les draps que les jeunes filles ou femmes qui montent dans les chambres salissent consciencieusement avec les hommes qui les paient pour s'occuper de leur virilité. Car Caleb est toujours à la recherche des trois hommes aux foulards rouges. A la recherche d'autre chose aussi, sa véritable identité. Car il a compris peu à peu, Elspeth parlant parfois par énigmes, de même que Jora, qu'il n'est pas vraiment l'enfant du couple. D'ailleurs il ne ressemble ni physiquement, ni mentalement à ses frères et sœurs.

Car c'est bien tout le secret d'Elspeth qui se rendait à la ville, parfois pour plusieurs mois, employée comme sage-femme ou infirmière.

 

Ce roman à tendance plus naturaliste et sociale que policier, n'est pas sans rappeler à certains moments Zola, Dickens et Hector Malot. Par la violence de la terre et de ceux qui y vivent, par la misère pas seulement financière des protagonistes, et ces enfants qui triment, orphelins ou non et se retrouvent dans des situations ambigües qui les font devenir adultes avant l'heure. C'est également un roman réaliste dû à la plume d'un jeune auteur qui met en pratique ce qu'écrivait Guy de Maupassant dans la préface à Pierre et Jean : Le réaliste, s'il est artiste, cherchera, non pas à nous donner une photographie banale de la vie, mais à nous donner la vision la plus complète, plus saisissante, plus probante que la réalité même.

Un réalisme qui se décline aussi bien dans la narration de la découverte des corps par Elspeth, par l'intervention malheureuse de Caleb, dans sa façon de se débarrasser des corps et l'incendie qui s'ensuit, dans leur longue marche dans la neige, chez le couple qui vit avec leurs fantômes, puis à Watersbridge, où tout tourne autour de La Glacière alors qu'Elspeth travaille comme elle peut essayant de donner le change sur son sexe, et L'Orme où Caleb découvre la vie tronquée. Watersbridge où l'on peut acheter sans barguigner une arme à feu, même à crédit, Caleb en profite. Car il a besoin d'une arme pour réaliser sa vengeance, même s'il promène à longueur de temps ou presque son Ithaca, celui dont il s'est servi contre sa mère par inadvertance mais qui est un peu encombrant.

Le roman de la vie, de la mort, de la quête du père, de l'identité, de la vérité enfouie dans tous les mensonges dont Caleb a été abreuvé durant sa jeunesse, mensonges appuyés par la Bible dont Jora faisait abondamment usage. Peu à peu d'autres secrets se révèlent au jour, éclatent comme des bulles nauséeuses, et l'auteur distille avec un malin plaisir ses révélations au fur et à mesure que le récit avance, les lâchant au compte-gouttes souvent par insinuations.

L'histoire se passe en 1897, cela n'est pas précisé dans le roman, mais page 219 il est question du président McKinley et des problèmes avec l'Espagne, ce qui permet de dater l'intrigue.

Un roman qui aurait pu trouver sa place dans la collection Cadre Vert en compagnie de Ron Rash et Tim Gautreaux.

 

James SCOTT : Retour à Watersbridge (The Kept - 2014. Traduction d'Isabelle Maillet). Collection Policiers Seuil. Editions du Seuil. Parution le 5 février 2015. 400 pages. 21,50€.

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11 mars 2015 3 11 /03 /mars /2015 09:32
Jean DELION : Chérie froide.

Pas pratique pour se réchauffer les pieds la nuit...

Jean DELION : Chérie froide.

Femme d'un haut fonctionnaire du Ministère de l'Intérieur, Hélène empoisonne à l'aide d'un compte-gouttes contenant du cyanure, Puertarossa le play-boy, au cours d'un cocktail.

Ce n'est que le premier d'une série, une sorte de répétition. Seulement son geste n'est pas passé inaperçu de Jean Quous, romancier à l'imagination débridée, mythomane et mégalomane. Il l'invite à partager avec lui son flacon de poison, sinon il l'a dénonce.

Le docteur Marcieux, chez qui elle s'est procuré la fiole, la soupçonne et lui aussi a droit au breuvage mortel. Ensuite c'est au tour de Maître Cassidis, l'avocat bien connu, qui au cours d'une conférence décède grâce aux bons soins d'Hélène.

Le commissaire Durin, assisté de Finet, a dégagé sur une liste une quarantaine de personnes susceptibles de supprimer ceux qu'il nomme les locomotives de la vie parisienne. Hélène figure dans son fichier en bonne place en compagnie d'autres personnalités du monde des arts, du spectacle et de la politique.

Jean Quous prend la relève et distille son poison dans le verre de Saltareff, animateur d'un trust de presse. Obligé de se débarrasser de son vaporisateur, il le glisse dans la blague à tabac d'un metteur en scène, Médéo. Celui-ci décède en portant à sa bouche sa pipe. Si les soupçons policiers convergent un moment sur le cinéaste, d'autres morts se succèdent à porter à l'actif d'Hélène et de Jean Quous.

L'une des victimes n'est autre que Marc Saint-Marc, le couturier. Hélène avait un contentieux à régler avec lui mais ses premières victimes n'étaient qu'un trompe-l'œil. Frigide, elle possède cependant un grand nombre d'amants, selon l'axiome qui stipule qu'une femme vertueuse sert les intérêts de son mari. Et les hommes qui couchent avec elle ont autant de plaisir qu'en copulant avec un congélateur.

Un troisième personnage, qui se nomme pompeusement Le Grand Epurateur, revendique par voie de presse tous ces décès et d'ailleurs il en a provoqué au moins un. Jean Quous et Hélène continuent leur œuvre. Le romancier échoue auprès d'un émir qui ne le dénonce pas, et Hélène est privée du restant de son poison par son mari qui a tout compris ou presque. Un explorateur aventurier lui ayant reproché sa passivité au lit, elle s'arrange pour le tuer, utilisant une mygale que l'impertinent possédait.

 

Roman humoristique et amoral, Chérie Froide s'inscrit dans la veine des œuvres dans lesquelles les criminels détiennent le beau rôle. Jean Delion égratigne gaillardement le gratin parisien et le lecteur peut reconnaître (du moins lors de la parution du roman) certains personnages célèbres par leur description ou altération de leur nom.

Billie Berkley, industriel du disque très connu, Salatreff, pontife de la presse écrite, ou encore Philippe Revard, qui dirige la page parisienne dans un grand journal. Il passait pour avoir le tempérament le plus perfide de la Terre. On le craignait, on le détestait, on le courtisait. Il avait trente cinq ans, une tête ronde et bouclée...

Un roman un peu en marge de la production de la Série Noire, mais alerte et plaisant à lire. Une véritable satire du monde huppé de la capitale dans laquelle l'auteur pressent le rôle important dévolu quelques années plus tard aux ordinateurs.

 

Curiosité :

Seuls les premiers et derniers chapitres sont écrits à la première personne, Hélène étant la narratrice.

 

Citation :

Le tutoiement est un signe de familiarité. On l'emploie avec une femme qui a couché avec vous, ce qui n'implique souvent aucun rapprochement réel.

 

Jean DELION : Chérie froide. Série Noire N°1145. Parution août 1967. 256 pages.

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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 14:21

Avis aux futurs habitants d'un lotissement en construction...

Patrick S. VAST : Requiescant.

Les joies d'un lotissement tranquille dans une petite ville du Nord de la France. Seulement à Villeneuve-sur Deûle, commune située à une dizaine de kilomètres de Lille, la chaleur sévit, tout comme sur le reste du pays d'ailleurs.

Une canicule que n'avait pas connu Gilles Lévêque depuis 1976.

A force de se retourner dans son lit sans pouvoir trouver le sommeil, il décide de se lever, de s'enfiler une bonne bière bien fraîche, même s'il n'est que quatre heure du matin, et de se promener en compagnie de son chien. Malgré l'interdiction de laisser un représentant de la race canine vagabonder, Gilles Lévêque n'en a cure. Il fait nuit, il est tous seul, pas de voisins à l'horizon, alors un peu de liberté, cela ne se refuse pas. Sauf que les vigiles qui patrouillent ne l'entendent pas de cette oreille et voient d'un mauvais œil l'aimable animal se balader sans laisse. Premier avertissement.

Seulement lorsque les deux hommes, un jeune et un vieux, c'est bon pour les statistiques, reviennent sur le train communal, c'est pour apercevoir l'homme couché à terre, apparemment sans vie. Plus surprenant des flammèches, comme des bougies d'anniversaire, jouent la sarabande sur le corps.

Les policiers sont aussitôt prévenus et le capitaine Franck Lemon, un gars plutôt acide, effectue les premières constatations et prend quelques renseignements auprès de voisins réveillés ou alertés par le boucan et les gyrophares. Arrive ensuite le maire, Martial Delorme, l'air très martial, qui ne badine pas avec la sécurité. S'il n'est pas à l'origine de ce lotissement, c'est lui qui en a entrepris la reconstruction après la tornade de 1999. Et il a édicté un cahier des charges très précis concernant la sécurité.

Il est en conflit avec son voisin le maire de Rontignies, lequel, malgré ses objurgations laisse les immeubles de la Cité en bordure du terrain communal se délabrer. C'est le repaire des marginaux et des étrangers, deux engeances que Martial Delorme voue aux gémonies. D'ailleurs son souhait est de réunifier les deux communes qui seraient alors sous sa coupe. La cité est donc le point de mire de tous, et il est envisagé une sorte d'action punitive.

 

Parmi les habitants du lotissement la famille Lefort, qui ne déroge pas à la règle sécuritaire. Pour Joël Lefort nul doute que la racaille d'en face constitue le problème majeur, et que des moyens radicaux doivent être mis en place. Il est directeur des stocks dans la grande surface de Villeneuve sur Deûle, et sa femme Lydie responsable des caisses. Et comme le supermarché appartient au frère du maire, on peut penser qu'il est conditionné. La famille Lefort a juste un petit problème qui se nomme Martha, sept ans. Elle affirme recevoir la nuit la visite d'un petit garçon nommé Brian. D'ailleurs ils l'entendent parler dans sa chambre, mais n'ont jamais aperçu de gamin, Brian ou autre. Ils commencent à se demander si Martha ne serait pas atteinte d'une maladie mais ils ne disent rien, ils interdisent même à Martha d'en parler à l'école, leur réputation et leur place de cadres sont en jeu.

La tension monte, des vigiles sont appelés en renfort, ils sont armés d'armes de guerre, et le secret enterré dans ce lotissement va éclater comme une bulle nauséabonde.

 

C'est dans une ambiance délétère et légèrement fantastique que ce déroule cette histoire axée sur la sécurité à outrance et la gestion d'un lotissement conçu par un maire qui s'érige en petit dictateur de province. Et tout le monde est à sa botte, ou devrait l'être, car parfois cela renâcle. Mais un lourd secret plane sur ce lotissement reconstruit sur des ruines. Gilles Lévêque, le mort aux chandelles est dans la confidence, mais trois ou quatre autres le sont aussi, et les feux follets pourraient très bien orner leurs corps. L'enquête de Franck Lemon ne sera pas sans surprise d'autant qu'il ne s'agit pas de petites gens qui sont en cause mais des édiles. Alors que l'on voudrait faire porter le chapeau à des marginaux qui vivent non loin dans une cité promise à l'éradication.

Alors cette fiction, qui d'ailleurs n'est pas revendiquée en tant que telle, n'est que le reflet de ce qui se passe avec plus ou moins de force dans certaines villes et ce qui pourrait devenir un lieu commun si l'on n'y remédie pas. Les mauvaises habitudes, les mauvaises pensées, les mauvaises action, le sectarisme, le trafic d'influence et l'abus d'autorité deviennent monnaie courante, insidieusement.

Le trait est forcé, les situations décrites sont peut-être exagérées, mais c'est justement le propos de Patrick S. Vast de mettre en garde. Ce n'est que lorsque des scènes identiques éclatent au grand jour que l'on se rend compte que tout était latent. Le principe de précaution se doit d'être appliquer et pas uniquement dans des cas d'épidémie, mais cela pourrait en être une psychiquement, afin de ne pas tomber des nues lorsque l'on se trouve en face de ce genre de problème. Et ce n'est pas forcément des habitants des cités que vient le mal.

 

L'hommage à Robert Bloch n'est pas anodin, car il existe une petite analogie entre ce roman et Un serpent au Paradis dû à l'auteur de Psychose. Si le thème n'est pas à proprement parler le même, des vétérans dans un lotissement aménagé pour des retraités aisés, c'est bien la dérive sécuritaire qui en est le fondement. Et si selon l'ombre menaçante de Stephen King n'est jamais bien loin, comme le précise la quatrième de couverture, ce roman possède un avantage sur ceux de l'Américain, dès le premier chapitre le lecteur entre dans le vif du sujet et n'en sort plus jusqu'au mot fin.

Patrick S. VAST : Requiescant. Editions Fleur Sauvage. Parution 10 février 2015. 240 pages. 16,80€.

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10 mars 2015 2 10 /03 /mars /2015 11:48

Bon anniversaire à Hubert Haddad, né le 10 mars 1947.

Hugo HORST : Les cendres de l’amante asiatique.

Ayant rapidement bouclé son enquête sur le meurtre de l’écrivain Jérôme Carné, Schlomo sauve de la noyade Lin, une jeune Chinoise correctrice dans des maisons d’éditions.

Lorsqu’il veut la rencontrer à l’hôpital, elle est déjà sortie. Tandis que fleurit sur des panneaux d’affichage le portrait de Jean Tinglet, un parfait inconnu, Schlomo retrouve à la terrasse d’un café Lin qui lui déclare que selon une coutume ancestrale, elle lui doit la vie, donc que sa vie lui appartient.

Ce qui n’est plus le cas de Varjac de la Chevrière, académicien fort connu pour sa saga romanesque de La Symphonie atlantique, qui est découvert embroché chez lui, son épée au travers du corps. Schlomo et Lin se rencontrent plusieurs fois, dans des réunions littéraires, des signatures, comme par hasard. Ainsi lors de la sortie du livre d’un certain Marcel Bourrichon, qui signe un pamphlet Le nègre se rebiffe, et dont le carton d’invitation a été retrouvé dans une corbeille à papier de Varjac.

Schlomo converse avec Bourrichon, nègre d’un Narcisse, mais l’auteur caché nie avoir envoyé l’invitation, accusant un collaborateur occasionnel. L’arrestation de l’assassin présumé de Varjac clôt l’affaire provisoirement. Lors de l’enterrement de l’académicien, Schlomo est abordé par Arnolphe Hortense, agent littéraire accompagné d’une sorte de gnome. Hortense accuse Bourrichon, le nègre de Varjac, d’avoir assassiné celui-ci, preuve à l’appui. Un feuillet anonyme imprimé sur une presse antique révélant la collusion de la famille Varjac avec l’occupant nazi.

Zoe Aubiern, une poivrote qui écrit des romans à l’eau de rosse, est découverte assassinée chez elle. Les indices abondent et le meurtrier est rapidement appréhendé. Lin écrit à Schlomo, lui révélant qu’un agent de la Surveillance du Territoire l’oblige à le surveiller, un permis de séjour étant en jeu.

 

Sous l’enquête proprement dite, Hugo Horst propose une satire des milieux éditoriaux. Il distille de petites phrases qui percutent, genre c’est toujours le maître de maison qu’on félicite du dîner. Jamais le cuisinier, en référence aux nègres de littérature, même s’ils sont reconnus comme La Rolls des nègres.

Quant à Schlomo, personnage éminemment sympathique, il promène une sorte de désabusement dans un Paris qu’il redécouvre à chaque pas, perdu dans ses pensées qui vont à sa mère internée et à Lin, la petite Asiatique, et méditant sur les effets secondaires de l’alcool.

 

Hugo HORST : Les cendres de l’amante asiatique. Collection Quatre-Bis. Editions Zulma. Parution Octobre 2002. 122 pages. 10,70€. Disponible !

 

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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