Des sachets... très prisés !
Dans le gabion qui lui sert de planque pour la chasse au canards, Auguste, cultivateur de soixante-dix ans, découvre quelques paquets de poudre blanche.
Il fait le guet afin de connaître l'identité de celui qui se sert impunément du refuge pour entreposer de la drogue. Il s'agit de son petit-fils Henri qui travaille à bord du France comme garçon de sonnerie. Une sonnerie de plus à mettre à son actif !
Quinze jours plus tard, lors d'une nouvelle escale du paquebot, Auguste attend Henri, le petit-fils en question, au débarquement et le suit. Henri est accompagné de Loulou, une petite frappe locale et de Wunder, fils de bourgeois. Les trois compères se rendent au gabion mais Auguste les a devancés et a confisqué les paquets entreposés qu'Henri devait convoyer. Il enferme les deux hommes dans le gabion toute la nuit tandis qu'il fait la morale à son petit-fils.
Au petit matin, il libère ses prisonniers qui ne demandent pas leur reste. Wunder alerte les truands parisiens qui organisent une virée punitive. Tandis qu'un groupe tente de violer Mathilde, la fille aînée d'Auguste, Mario et Loulou fouillent la maisonnette de l'éleveur. Loulou en fourgonnant dans l'armoire glisse son bras dans un piège et Auguste met en fuite Mario. Mais rancunier et désireux de retrouver les paquets d'héroïne, Mario n'en reste pas là. Wunder, qui s'était accoquiné avec les truands à la suite de déceptions matrimoniales, décède dans un accident de voiture.
Une grange proche de la ferme d'Auguste est incendiée et sa maison est fouillée de fond en comble. Auguste n'est pas au bout de ses peines. Mario et ses acolytes le relancent jusque chez lui et lui donnent rendez-vous dans un bar du Havre. Les truands l'attendent de pied ferme mais Auguste devance leur velléité de le molester. Il balance les paquets de drogue et l'héroïne s'échappe des sachets préalablement fendus. La confusion est totale et quelques tueurs, dont Mario, en aspirent des bouffées qui les indisposent. Deux soldats américains en bordée achèvent la débâcle des bandits. Auguste n'est pas passé inaperçu dans sa deux-chevaux et son long manteau d'autrefois. Mario et ses complices repartent à Paris évitant un barrage de gendarmerie.
Michel Lambesc met aux prises une bande de truands parisiens originaires du Midi et confiants en leurs capacités et un paysan normand rusé, retors et matois. L'éternel conflit entre les citadins et les ruraux, les uns prenant les autres pour des arriérés. Cet antagonisme est accentué en toile de fond par le développement inéluctable de la vie moderne aux dépens d'une tradition séculaire campagnarde.
La construction de raffineries, de routes, ne peut être réalisée qu'au détriment des agriculteurs, des éleveurs qui se sentent grugés, spoliés dans leurs biens.
Un aperçu écologique discret dans un roman qui ne manque pas d'humour et nous ne sommes pas loin parfois des farces normandes et des contes à la Maupassant. Cohabitation réussie entre deux parlers populaires, l'argot parisien mêlé d'expressions méditerranéennes des truands et le patois cauchois employé par Auguste lorsqu'il préfère jouer à l'imbécile devant ses interlocuteurs.
Si ma tante en avait, elle serait mon oncle.
Curiosités :
La Horse est le nom donné aussi bien par Auguste que par les truands, à l'héroïne. Ce mot n'est toutefois pas recensé par Jean-Paul Colin dans son dictionnaire de l'argot (Larousse - 1990).
La horse a été adapté au cinéma par Pierre Granier-Deferre en 1969 avec pour interprètes principaux Jean Gabin, un rôle qui lui sied comme un gant, Marc Porel, Eléonore Hirt, Christian Barbier, Julien Guiomar, Pierre Dux, sur une musique de Serge Gainsbourg et Michel Colombier.
Michel LAMBESC : La horse. Série Noire N°1208. Parution juin 1968. 192 pages.