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20 mars 2015 5 20 /03 /mars /2015 13:07

Correspondance... Terminus...

Brigitte GUILHOT : J'ailleurs.

N'ayant jamais rencontré Hafed Benotman, n'ayant lu de lui qu'une seul roman, catégorie Adolescent chez Syros, Garde à vie, j'ai préféré, quoi que ce ne soit pas dans mes habitudes, laisser l'éditeur présenter ce texte inédit :

Lupa, dans un texte intime et bouleversant, raconte ses dernières visites à Murdos.

« Tu me donnes tant, Lupa. Je ne sais pas ce que je pourrais t’offrir pour équilibrer la Terre afin qu’elle ne bascule pas ; un cadeau qui pèse autant que l’enfant dans les bras de la Vierge Marie ou de sainte Brighid. Je ne sais pas ce que tu auras dans ta pochette surprise. Peut-être un cadavre qu’il te sera donné à faire revivre. Je serai peut-être posthume pour toi. »

L’écrivain Hafed Benotman a fait son ultime envolée le 20 février 2015 à l’hôpital Georges Pompidou, à l’âge de 54 ans. Pendant les journées qui ont suivi sa mort, l’écrivain Brigitte Guilhot a adressé une dernière lettre à l'homme qui l'appelait Lupa et qu'elle appelait Murdos. Lupa et Murdos, alors que ce dernier était emprisonné à Fresnes, avaient échangé durant de longs mois une correspondance lumineuse malgré les murs. Cette correspondance fait l’objet d’une publication sous le titre La peau sur les Mots

 

Après la présentation de l'éditeur, l'avis du lecteur :

 

Cette missive est une offrande, la dernière de Lupa à Murdos, un message hors du temps, un dialogue épistolaire à une voix. Les souvenirs affleurent, en même temps que la visite à la maison funéraire est un passage obligé pour un dernier au revoir. La gare Montparnasse, le parc Montsouris, autant de réminiscences qui reviennent en images insolubles derrière les pleurs.

Des semaines auparavant, la dernière fois peut-être qu'ils se sont vus, Lupa apporte le manuscrit de La Peau sur les mots. Il avait déclaré : Il faut pouvoir se promener dedans comme dans un recueil de poésie.

Les jours se suivent, la rédaction de la lettre est entamée un dimanche, jour où Lupa rend une dernière visite à Hafed sur son lit mortuaire, se poursuit inlassablement, le lundi, le mardi... Hafed est toujours présent dans l'esprit, dans le cœur, dans les yeux. Son visage est partout, la Toile retient ses traits, il n'est pas mort, juste parti pour un J'ailleurs.

Des mots empreints de tristesse, bien sûr, de souvenances d'un autre temps, de celui d'avant, de paroles qu'eux seuls pouvaient comprendre, la complicité est bonne traductrice. Un long poème qui se décline, sous la houlette de Paul Eluard et de Raymond Queneau, d'Antonin Artaud et d'Arthur Rimbaud... Une longue conversation pour un hommage tout en douceur et en douleur, une tristesse apaisante, un déni de la mort car la mémoire sera toujours plus forte que la Faucheuse. Une façon de préserver l'essentiel : l'amitié.

 

Difficile de parler d'un texte si beau, si poignant, si personnel, et je préfère m'effacer derrière ces deux répliques entre Lupa et Hafed :

 

Rien n'est plus érotique et puissant qu'une vraie relation d'écriture », je disais. « Oui, la plus grande rivale d'une femme, c'est l'Écriture. Elle peut développer tous ses arguments de séduction, elle ne sera jamais à la hauteur d'une rencontre liée à l'Écriture », tu répondais.

 

En avril paraitra La Peau sur les mots, ne le manquez pas...

En avril paraitra La Peau sur les mots, ne le manquez pas...

Brigitte GUILHOT : J'ailleurs. Collection Mélange. Editions SKA. Parution mars 2015. environ 114 pages. 2,99€.

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20 mars 2015 5 20 /03 /mars /2015 09:21
Jack WEEKS : On caracole aux Caraïbes

Et les carats collent aussi ?

Jack WEEKS : On caracole aux Caraïbes

Financier, Noir, Jasper Trilling doit sa position sociale élevée après avoir détroussé un noyé trente six ans auparavant.

A cinquante-deux ans, c'est un homme au statut en marge, dont les avis sont écoutés, dans cette île des Caraïbes dirigée par des Blancs. Ses meilleurs amis sont Alvin Hatch, un Blanc ancien de la Navy, King Cat, jeune danseur de limbo, et Crosscut qui vit retiré dans la campagne avec ses trois fils.

La mainmise américaine sur le tourisme local et celle de la Mafia sur le casino de Treasure Beach l'irritent et il décide de spolier les envahisseurs en forçant le coffre-fort de l'établissement de jeux. Dion Blake, le détective de l'hôtel dans lequel est installé le casino se méfie de cet homme affable qui sait encaisser les coups, surtout les paroles blessantes proférées à son encontre. Courtois, Trilling veut et exige que des emplois soient réservés à ses compatriotes noirs, que les Américains n'apprécient guère.

Alvin est chargé d'entraîner physiquement les fils de Crosscut tandis que Margie, une jeune femme aux charmes épanouis, ex-strip-teaseuse et propriétaire d'un petit hôtel, doit détourner l'attention de Blake.

Le grand soir est arrivé. Une fête est organisée sur une petite île voisine, et, pendant que King Cat monopolise l'attention des touristes, Jasper Trilling rejoint Treasure Beach. En compagnie de Hatch il grimpe à l'aide d'un grappin jusqu'au casino installé sous une terrasse contigüe à l'hôtel et neutralise assez facilement le directeur de la salle de jeux, le propriétaire de l'hôtel et l'encaisseur de la Mafia. Sous la menace de leur faire sauter la cervelle, Jasper Trilling et Hatch obtiennent rapidement la combinaison du coffre. Tandis que les fils Crosscut investissent la salle de jeux et dépouillent les joueurs, Crosscut crée une diversion en faisant exploser des pétards en divers endroits.

Trilling rejoint la petite île au moment où Cat ayant terminé son numéro de limbo jette ses brandons en l'air. Le mini incendie qui se déclare, allié au bruit des pétards, provoque un début de panique chez les touristes. Panique que Blake a du mal à canaliser. Le détective est persuadé que Trilling est à l'origine du hold-up mais il ne peut le prouver.

 

Au travers de cette histoire de hold-up préjudiciable à la Mafia, menée rondement et avec un certain humour, Jack Weeks, comme incidemment et innocemment, met le doigt sur le problème racial. Les Blancs et les Américains qui gouvernent cette île placée sous la dépendance de la Couronne Britannique, considèrent les Noirs comme une race inférieure, paresseuse, et ne veulent pas leur confier certains travaux.

Jasper Trilling dont la position sociale peut lui permettre de poser ses conditions, le fait avec courtoise mais autorité. il défend ses frères de couleur, et s'il semble céder sous les arguments de ses interlocuteurs, c'est pour mieux les contrer par la suite.

Les touristes de sexe féminin sont attirées par la couleur de la peau de Trilling et sont excitées par Cat et son numéro de limbo, atteignant parfois l'orgasme au cours du spectacle.

 

Malgré les prétentions au cosmopolitisme de Miami, la vieille mentalité du Sud était encore bien vivace, et un Blanc et un Noir voyageant ensemble, à cette heure-ci, avec des bagages, ne manqueraient pas d'éveiller la curiosité d'un chauffeur de taxi qui pourrait même estimer devoir alerter les flics.

 

Curiosité :

Crosscut a prénommé ses fils respectivement Roosevelt, Marshall et Stimson, dédaignant les noms d'Eisenhower et de Mac Arthur, ce qui amène Hatch à formuler cette déclaration : Un homme remarquable, homme plein de discernement.

 

Jack WEEKS : On caracole aux Caraïbes (The limbo touch - 1968. Traduction de Janine Hérisson). Série Noire N°1314. Parution décembre 1969. 256 pages.

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19 mars 2015 4 19 /03 /mars /2015 15:15

De quoi vous rendre chèvre !

Daniel MARTINANGE : Tu seras une femme, mon pote

Lantoufique, vous connaissez ? Moi non plus, mais le narrateur est en villégiature dans cette station balnéaire de la côte Atlantique. Il vente, la pluie va dégringoler bientôt, alors il décide de couper par la crique afin de regagner son hôtel.

Et stupéfait autant qu'étonné il aperçoit un homme en slip, malgré le froid, brandissant un long fouet, tel Zorro, vers une dizaine de chèvres. Il essaie en vain de faire monter ses biquettes sur une table, et le fouet caressant leur dos n'y fait rien. Ah si, une des chèvres se dévoue à grimper et elle reçoit en échange un morceau de pain que l'homme extirpe de son slip. Doit avoir du goût le quignon rassis car aussitôt les congénères de la première l'imitent. L'homme est content car c'est la première fois qu'elles obéissent et le dresseur de chèvres est tout content et affirme que c'est grâce au narrateur si elles ont réussi ce tout de force. Pourquoi pas !

Dans cette station balnéaire, qui doit son nom à ses deux promoteurs immobiliers, c'est baignade obligatoire. Pourtant notre narrateur est attiré par une boutique de vêtements, ou plutôt sa propriétaire. Une grande blonde habillée stricte, genre bonne sœur pour la partie supérieure, col de chemisier fermé ras du col et coiffure Mireille Matthieu, et jeune femme délurée sur sa partie inférieure, mini-jupe ultra-courte, mais je n'entre pas dans les détails même si ceux-ci peuvent éventuellement vous intéresser. Il l'a aperçue depuis la terrasse d'un bar mais le temps qu'il finisse son godet, la belle blonde est au volant d'un véhicule décapotable.

Il la retrouve sur la plage, en train de jouer au ballon avec des gamins. Or le football, c'est sa passion au narrateur, son péché mignon, son viagra. D'ailleurs c'est ce qui l'avait attiré chez Solange, sa copine. Enfin son ex-copine.

 

Le narrateur revoit le dompteur de chèvres, et Kriss aussi. Tous les deux ont en commun une histoire qui se nomme Aïcha mais le narrateur partage un point commun avec ses deux interlocuteurs : le football.

 

Moins déjanté ou décalé que son roman L'ouragan, Tu seras une femme mon pote tourne autour du ballon rond, c'est un fait, mais aussi de la liberté de la femme arabe, de son indépendance, de son émancipation, de son autonomie, de sa liberté, par rapport aux diktats masculins, religieux, ou tout simplement sportifs. Et l'influence qui peut s'exercer sur chacun de nous ne provient pas forcément des belles paroles politiques ou autres, mais d'un état inné que les animaux détectent mieux que les être humains.

Une parabole tout en douceur et en nuance, tout en pudeur aussi. Et si les personnages paraissent un peu décalés de la vie quotidienne, c'est une bouffée de fraîcheur.

 

 

Daniel MARTINANGE : Tu seras une femme, mon pote. Nouvelle. Collection Hors Format. E.Fractions Editions. 0,99€.

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19 mars 2015 4 19 /03 /mars /2015 13:08

Hélas, il n'a pas su la garder...

Abdel Hafed BENOTMAN : Garde à vie.

Comme je l’ai souligné à plusieurs reprises, les romans pour adolescents peuvent être lus sans vergogne par les adultes et ce titre d’Abdel Hafed Benotman ne déroge pas à la règle.

Garde à vie, titre jeu de mot, nous entraine dans l’univers carcéral auquel sont confrontés les mineurs pour des délits qui pourraient être considérés comme mineurs justement, par rapport à d’autres crimes avérés dont la révélation puis les procédures judiciaires trainent en longueur car dissimulés pour de sombres prétextes financiers ou politiques. Mais revenons à nos moutons comme disait le Petit Prince.

Hugues, adolescent de quinze ans, a eu la mauvaise idée d’accompagner un copain qui s’est emparé d’une voiture sans l’accord de son propriétaire puis effectuer un rodéo mécanique dans les rues de la ville. Seulement comme souvent dans ce genre d’exercice impromptu et mal organisé, l’accident se produit contre un abribus. Ils roulaient vite, c’est un fait, mais à leur décharge il faut préciser que des policiers s’étaient invités dans leur petit jeu, toutes sirènes hurlantes. Le conducteur courageux prend la poudre d’escampette. Hugues aurait bien aimé le suivre mais coincé à cause de sa ceinture il est recueilli par les forces dites de la paix et placé en garde à vue.

Les conséquences de cet acte irréfléchi ne se font pas attendre, malgré les pleurs et lamentations de sa mère qui suit une chimiothérapie. Hugues, après une garde à vue est emprisonné dans une cellule où réside déjà Jean, un peu plus âgé que lui mais habitué des lieux. Et dans ce studio sobrement meublé, Hugues doit se soumettre à la loi édictée par son colocataire. Des règles non écrites mais appliquées avec rigueur et vigueur. Jean se montre intraitable envers cet importun et les brimades, vexations, humiliations subies par Hugues lui démontrent que la force est plus souvent du côté des malfaisants, tandis que les matons appliquent un régime d’oppression géré par les pots de vin, les maltraitances, le mépris. La preuve qu’il est plus facile de mater les faibles que ceux qui aboient.

Hugues subit ses tourments parfois en se rebellant, parfois en se remémorant son enfance, ses lectures juvéniles, Alice, Peter Pan et autres.

 

Abdel Hafed Benotman use d’un procédé littéraire souvent utilisé et qui a fait ses preuves, je n’en dirai pas plus afin de ne pas dévoiler le ressort même de l’histoire, et les références littéraires ne sont pas avancées par hasard.

Cette description des conditions d’enfermement dans des cellules, dans des prisons surpeuplées, les exactions exercées par des détenus envers des bizuts, les avilissements dont font preuve les matons ne sont pas décrites par complaisance. L’auteur a connu, subi ces traitements, il en parle en connaissance de cause. Mais il sait aussi que la rédemption existe, que le bout du tunnel n’est pas forcément une impasse, à condition que la justice, les hommes politiques humanistes puissent leur donner une chance.

Actuellement la répression et la garde à vue à outrance sont le cheval de bataille de la part de ceux qui nous gouvernent mais que voulez-vous dire contre des personnes bornées, même si Bruxelles qui pour une fois oublie sa conception capitaliste et se montre sévère envers la France, a décrété que notre pays bafouait les droits de l’homme.

 

Abdel Hafed BENOTMAN : Garde à vie. Collection Rat Noir, éditions Syros. Parution le 20 janvier 2011. 106 pages. 11,00€.

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19 mars 2015 4 19 /03 /mars /2015 09:09
Dick FRANCIS : Forfaits

Et le faible ne fait pas ?

Dick FRANCIS : Forfaits

Chroniqueur hippique au Sunday Blaze, hebdomadaire dont le cheval de bataille réside en la dénonciation de scandales, Tyrone est contacté pour écrire un papier pour un journal concurrent.

Son rédacteur en chef, pour une fois généreux, lui accorde son feu vert. Son ami Bert Checkov, qu'il raccompagne chez lui fin saoul, décède en passant par la fenêtre de son appartement. Dans la tête de Tyrone trottent les derniers mots de Bert: Ils commencent par vous acheter, et après ils vous font chanter.

Afin d'étoffer son article, Tyrone décide de rendre visite à quelques petits propriétaires de chevaux engagés dans le Lamplighter. Chez l'un de ceux-ci il fait la connaissance de Gail, une jeune modéliste qui n'a pas aux yeux, et leur entretien se termine par un corps à corps amoureux. Tyrone est frustré sexuellement car sa femme est allongée depuis des années en permanence, paralysée après une poliomyélite et elle survit grâce à un appareil respiratoire.

Chez Roncey il apprend que le cheval engagé, Tiddely Pom, est favori chez les bookmakers, à la suite d'un papier rédigé par Bert, à la grande stupéfaction du propriétaire. Un autre propriétaire lui dévoile que depuis un certain temps les chevaux recommandés par Bert et dont la cote avait baissé étaient systématiquement forfaits la veille de la course pour laquelle ils étaient inscrits. Les parieurs perdant de ce fait leur mise.

Tyrone pressent une magouille et tout en rédigeant son article, il enquête pour le compte du Blaze. Un propriétaire d'un cheval retiré au dernier moment lui avoue qu'un homme en Rolls avait fait pression en le menaçant de violer sa fille. De retour d'un hippodrome Tyrone est tabassé dans le train par deux inconnus. Un témoin lui précise que ses agresseurs sont de Birmingham à la solde de Charlie Boston, un bookmaker. Tyrone décide de mettre à l'abri la femme et les enfants de Roncey ainsi que Tiddely Pom.

Il rencontre Gail à plusieurs reprises, brodant sur son ménage, et lui faisant croire que sa femme est riche. Ils prennent même une chambre d'hôtel inscrits sous le nom de Monsieur et Madame Tyrone, avant un voyage du journaliste à Newcastle. A son retour il est enlevé par deux gros bras qui lui demandent de révéler où est caché le cheval. Dans le cas d'un refus, ils préviendront sa femme, la note d'hôtel étant un excellent moyen de pression. Tyrone se demande si on l'a suivi ou si Gail est de mèche avec ses ravisseurs qui en savent un peu trop sur compte mais sont en possession de renseignement erronés.

 

Dans Forfaits, Dick Francis, fidèle à son thème de prédilection et à un univers qu'il connait bien, pour cause, relate une sordide histoire de magouilles sur les paris. Un avatar qui ne peut que se dérouler en Grande-Bretagne, puisque les enjeux sont gérés par les bookmakers et que les paris sur les chevaux peuvent être pris plusieurs jours, voire plusieurs semaines à l'avance. Et si un cheval est retiré de la course au dernier moment les sommes mises en jeu ne sont pas remboursées.

L'action, parfois spectaculaire, prime dans ce roman ce qui n'exclue pas certaines pages empreintes de sensibilité, notamment les relations entre Tyrone et sa femme paralytique.

 

Le plagiat est une forme de flatterie la plus sincère qui soit.

 

Curiosité :

Une recette plus ou moins efficace pour dessaouler: dans un verre versez une bonne dose de sel et diluez dans un faible volume d'eau. Réaction vomitive immédiate, mais encore faut-il posséder tous ses esprits pour penser à préparer cette mixture. D'où peut-être l'origine de cette expression L'esprit de sel...

Dick FRANCIS : Forfaits (Forfeit - 1968. Traduction de Gérard Gardin). Série Noire N°. Parution juillet 1969. 256 pages.

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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 14:22

Comme un ouragan, chantait Stéphanie de …

Daniel MARTINANGE : L’ouragan.

Fils d’un immigré espagnol devenu agriculteur à Saint Julien, Antoine affiche sa cinquantaine en solitaire. Il n’est pas malheureux mais pas heureux non plus. Il vit.

Le décès accidentel de ses parents lui fournit l’occasion de participer à un voyage organisé aux Baléares. C’est là qu’il rencontre Bahia, chanteuse dans un boui-boui attrape-nigauds à touristes.

Il ramène la quadragénaire à la peau sombre et au corps avenant dans ses malles et l’installe à la ferme, fier de cette extraterrestre (pour les villageois) salvatrice (pour lui) qui lui fait goûter à la féminité, la vraie, pas la frelatée ou la succédanée par encore épanouie. Mais il largue la terre pour celle moins ferme d’un bar.

Bahia est née sous X en Patagonie et elle en a gardé des souvenirs. Un beau jour un inconnu pénètre dans le Modern’bar (qui ne l’est plus guère). Bahia et lui se connaissent, et Antoine les surprend dans leur chambre, installés sur le lit, avec des lingots et des dollars étalés entre eux. Antoine n’est pas content de les voir s’embrasser (goulument ?) et la colère lui brouillant les idées, il abat de deux coups de revolver, héritage de son père, l’homme, et injecte avec une seringue de l’air dans le bras de Bahia. Et après ?

Il prend ses valises, sa voiture, et part n’ayant pas oublié de mettre dans ses bagages l’argent qui n’a plus de propriétaires officiels. En cours de route il prend en stop la belle Hélène (qui ne le prend pas pour une poire), lui montre son magot, autre chose aussi qui relève de la vie privée et charnelle, puis pense à se rendre en Argentine.

A vingt ans Hélène est friande de la vie et de produits nocifs. Tandis qu’Antoine change d’apparence, obtient auprès d’un prêtre de nouvelles pièces d’identité, et place son magot dans un établissement bancaire, Hélène sort en boite. Elle se fait violer en voiture et s’évanouit. Lorsqu’elle reprend ses esprits, une jeune femme lui demande l’heure (Le genre de question qui permet de nouer un dialogue) et avoue ne pas savoir où dormir. Elle prend Patricia, ainsi se nomme l’albinos, sous sa coupe et au petit matin Antoine est tout étonné de se retrouver avec deux représentantes du sexe féminin sur les bras.

Patricia est du Wyoming (ce qui n’est pas rédhibitoire) et tient à rentrer chez elle avec Hélène qui est quelque peu perturbée depuis sa coucherie forcée sur la banquette d’une bagnole allemande. Antoine décide de les accompagner, d’autant qu’il a aperçu dans la rue l’homme qu’il a assassiné, ou cru assassiner.

 

Direction les Etats-Unis, le Wyoming, Pacific-City. Tandis qu’Hélène est toujours traumatisée par son architecte violeur qui a déconstruit sa vie et son corps, Antoine est obnubilé par le souvenir de Bahia. Ce qui ne l’empêche pas de rencontrer des individus sortant de l’ordinaire comme un Indien (Amérindien je précise), un fakir (véritable Indien), de s’adonner à l’élevage de zébus, de jouer de la trompette, de se promener à cheval avec son appaloosa qui lui parle, et autres joyeusetés qui promènent le lecteur dans des aventures insensées grâce à des phrases hachées, dégraissées, coupées en lanière comme ces morceaux de viande mastiqués par les boucaniers.

 

L’auteur nous entraine dans un cirque littéraire peuplé de personnages burlesques, se mouvant dans des situations tout aussi loufoques, mais endossant le rôle de clowns tristes. Des situations tragiques et de petits moments d’attendrissement comme dans ces bons vieux films muets dans lesquels les acteurs bougent, se démènent, se frictionnent, se castagnent, mais s’émeuvent devant une pâquerette seulabre qui pousse sur le bord du chemin.

 

Daniel MARTINANGE : L’ouragan. (Première édition Stéphane Million Editeur - mai 2012). Réédition Pocket. Parution le 6 mars 2015. 150 pages. 5,80€.

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18 mars 2015 3 18 /03 /mars /2015 13:23
Paul W. FAIRMAN : L'échelle de verre

Il faut une bonne assurance pour grimper à ce genre d'échelle..

Paul W. FAIRMAN : L'échelle de verre

Le meurtre d'un inconnu et dans ses bagages un album empli de coupures de presse font remonter à la surface une histoire vieille de cinq ans.

Un vol de bijoux pour lequel Mike Duryea est actuellement incarcéré au pénitencier de Joliet. Rick Mason, détective privé en contrat avec la Global Indemnity ne travaillait pas encore à l'époque pour la compagnie d'assurances. Cela n'empêche pas Garrity, flic de la Criminelle, de lui rendre visite.

Duryea doit être libéré prochainement et l'émeraude Rajah n'a pas été retrouvée. La Global a dû indemniser la firme de diamantaires pour une somme de 75 000 dollars et comme prévu Rick est chargé de retrouver la pierre précieuse. Il demande à Alma Tate, la petite amie de Duryea, une entrevue mais il se fait rembarrer sèchement. Slézak, le détective de l'hôtel où elle vit, affirme connaître Rick du temps où ils travaillaient tous deux dans la police. Après réflexion Alma décide de recevoir Rick mais l'entretien tourne court, assez long cependant pour que Rick aperçoive un manteau de fourrure. Rick sollicite auprès de la vendeuse quelques renseignements puis apprend qu'Alma vient de déménager : elle réside à la morgue.

Un malfrat attend Rick à la sortie de son bureau et lui propose dans un parc une transaction sur la pierre précieuse. Les flics emmenés par Garrity ont suivi la voiture conduite par Rick et le tueur anonyme est abattu. Garrity soupçonne Rick du meurtre d'Alma mais Slézak le dédouane en affirmant avoir vu la jeune fille sortir après le départ du détective. Le manteau de fourrure a été vendu par une firme du nom de Luther et Matthews, firme qui a encaissé l'argent de l'assurance.

Wava Massey, la fille du garçon de course qui transportait le Rajah le jour du vol lui propose un rendez-vous. Son père a fondé depuis les événements une église et depuis quelques mois il reçoit des lettres anonymes de menaces, lettres qu'il a détruites. Si Luther de la firme Luther et Matthews est parti en Californie, Matthews accepte de recevoir Rick. Il avoue qu'Alma le faisait chanter puis s'enfermant dans un cabinet de toilettes, il se suicide. Arrêté, Rick séjourne en prison. Knute Frain, chef de la Brigade Criminelle, lui impute les deux meurtres et la disparition du manteau de fourrure.

Le tueur du parc a été identifié sous plusieurs pseudonymes. Libéré, Rick rend visite à Massey dans son église. Une homme qui aime les poissons rouges. Un homme serein malgré les menaces qui pleuvent sur lui. Une rencontre insolite dans la rue amène Rick vers Slézak qui avait subtilisé le manteau de fourrure et l'avait offert à une pouffiasse. Il apprend par la même occasion qu'il a bénéficié d'un alibi monté de toutes pièces. Le jour de sa libération Duryea emménage dans une chambre d'hôtel retenue depuis des mois.

 

Un roman au ton humoristique et mené tambour battant. L'action prime et chaque page recèle son lot de rebondissements. Comme tous les privés ou presque, Rick Mason ne se résout pas toujours à partager avec les flics ses découvertes, ce qui l'amène à entretenir parfois avec les représentants des forces de l'ordre des relations tendues.

Ce petit cachotier oublie que s'il se montre quelquefois plus malin qu'eux, ceux-ci possèdent l'avantage du nombre. L'enquête est peut-être plus longue mais aboutit souvent au même résultat.

Autre fait intéressant à signaler, la sensibilité et l'humanisme dont font preuve certains policiers sous des dehors bourrus et caustiques. Ainsi Rick s'était étonné que l'homme qui avait tenté de l'enlever et avait péri sous les balles des policiers ne posséda pas un dollar dans son portefeuille. Il accuse Garrity de vol mais celui-ci explique son geste. Certains de ses collègues sont morts dans l'exercice de leur fonction, et en leur mémoire il détrousse ses victimes et verse l'argent ainsi prélevé à l'Œuvre des Veuves et Orphelins de la Police. Un acte pas très moral mais il a sa conscience pour lui.

Ils paient des impôts pour avoir une police, mais, le jour où ils ont besoin d'un service, ils vont chercher un mec qui ne dispose que d'une seul pistolet et d'une seule paire de jambes. C'est complètement idiot.

Paul W. FAIRMAN : L'échelle de verre (The Glass Lader - 1950. Traduction de Noël Chassériau). Série Noire N°1242. Parution décembre 1968. 256 pages.

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17 mars 2015 2 17 /03 /mars /2015 14:50

Je suis swing, je suis swing, zazou, zazou, zazou...

Jean MAZARIN : Zazou.

Etre Zazou, c'est une mode vestimentaire et musicale mais aussi un état d'esprit auxquels Paul Descamps s'est volontiers plié. Il est considéré comme le chef de la petite bande qui se réunit quasiment tous les jours au Pam Pam, un lieu branché près des Champs Elysées. En ce jour de printemps 1942, le disque de Johnny Hess, Ils sont zazous, tourne en boucle, grâce au barman qui remonte inlassablement la manivelle du gramophone. Mais Paul réserve une surprise à ses amis, notamment Gisèle et Luc. Il sort d'une pochette la toute dernière galette du Fou chantant, Charles Trenet qui interprète La poule zazou.

Pendant ce temps, non loin, au quartier général de la SS, le Gruppenführer Von der Bach Willembourg arrive au terme d'une petite virée dans la capitale après avoir atterri à l'aéroport du Bourget. Deux hommes attendent le véhicule et tirent, tuant le passager, et ils balancent deux grenades au-delà de la grille d'entrée. Puis ils s'enfuient, déposant au passage leurs armes dans la besace d'une jeune femme qui enfourche son vélo, échappant ainsi aux poursuivants. Elle se réfugie au Pam Pam attisant la curiosité par sa vêture qui contraste avec celle des habitués du lieu. Mais les Allemands contrôlent le quartier des Champs, et plus particulièrement les cafés.

Paul sent que la nouvelle venue n'est pas à son aise et elle avoue qu'elle n'a pas de papiers et pratique le marché noir. Afin de la soustraire aux Boches, il l'entraîne par une porte qui donne sur une cour, Luc remettant le verrou derrière eux, et il l'emmène chez lui à quelques dizaines de mètres. Alors qu'il va pour entrer, une femme en sort, maquillée, habillée d'un manteau de fourrure en panthère et d'un chapeau à voilette. Il s'agit de la grand-mère de Paul, une ancienne meneuse de revue du Moulin Rouge et qui vit toujours dans son monde. Son père n'est pas là, heureusement car il n'est pas de bonne compagnie. Il s'agit du commissaire Descamps, dirigeant une des Brigades Spéciales, sous la houlette de René Bousquet, et il traque impitoyablement Juifs et Communistes.

Anna Tronska promet à Paul de lui fournir des bas de soie, des bas résille pour sa grand-mère, ils vont se revoir, et la nature se chargeant de régler certains problèmes dont celui de l'amour, ils vont tomber amoureux l'un de l'autre.

Dans le même temps le commissaire Descamps, un personnage pour le moins antisémite, raciste, anticommuniste, adepte des idées vichystes, ne peut que constater la mort d'un de ses hommes, l'inspecteur Bekkham au faciès de Levantin. Cette apparence a donné l'idée à Descamps de l'installer dans une boutique de tissus afin de surveiller les agissements des Juifs et Communistes du quartier de la Nation. Il devait rendre compte mais son statut de boutiquier a été éventé et il git sur le trottoir. Il faut remonter les piste des meurtriers, des terroristes. Seulement Descamps n'est pas au bout de ses ennuis, car la Mondaine s'intéresse à un autre de ses hommes soupçonné de voler de riches veuves et il est en butte également avec un de ses collègues des Brigades Spéciales, Jean Hénoque.

Peu à peu Paul va s'intégrer dans la petite bande d'Anna. Il va l'aider à distribuer des tracts, des journaux ronéotypés dénonçant l'Occupant, s'impliquer à aider Edouard, Adam, les deux responsables de la mort du Gruppenführer Von der Bach Willembourg, et même participer à des attentats.

L'âge de l'insouciance est terminé, commence celui où la tension, la prise de responsabilités et de risques est en totale contradiction avec les idées de son père.

 

Avec ce roman noir Jean Mazarin retrouve sa verve de conteur, celle qui nous avait enchanté dans les années 1980 avec les aventures de Lucien Poirel ou de Max Bichon, mais surtout dans Collabo-song, Grand Prix de Littérature Policière 1982. Il reprend l'un de ses thèmes favori, la manipulation politique en temps de guerre, avec Résistants qu'alors on appelle Terroristes, et partisans du régime Nazi l'antisémitisme prévalant et ayant obtenu un exutoire avec la bénédiction des Allemands. Enfin on pouvait cracher sa haine en toute impunité.

Cette histoire s'inspire de faits réels, bien entendu transposés, et de personnages ayant réellement existés, l'un des plus connus, outre Bousquet et Hénoque, le collègue de Descamps, étant Mésange. Peut-être cet alias ne dira plus rien de nos jours, mais il est aussi connu sous son véritable patronyme d'Henri Krasucki. D'autres personnages évoluent dans ce roman, interprétant de petits rôles, ce que l'on appelle de la figuration intelligente, qui prononcent quelques phrases ou simplement quelques mots, ou tout simplement ne sont que des silhouettes sur lesquels la caméra-stylo de Jean Mazarin s'attarde à peine. Pour l'heure personne ne les connait mais ils sont appelés à un avenir brillant. Ils ont pour noms Boris Vian, Raymond Queneau, Simone Signoret, Jean Carmet, François Chaumette...

Par dessus ce roman noir plane l'insouciance d'une jeunesse qui prône le swing pour seul maîtresse, un défi à l'occupant, comme d'autres le firent, Marcel Carné par exemple qui tourne Les Visiteurs du Soir, film fantastique certes mais à clés, de même que Le Corbeau de Georges Clouzot qui engendra bien des polémiques.

Je ne voudrais pas l'affirmer mais il me semble que ce roman devait sortir en 2010 ou 2011 aux éditions Nuits Blanches, aujourd'hui défuntes, sous le titre Mutins Légitimes. Un roman auquel tenait particulièrement Jean Mazarin à cause justement des thèmes développés et qui vont plus loin qu'un roman de littérature policière ou un roman noir ordinaire. C'est toute une époque qui défile sous nos yeux par la magie de l'écriture de Jean Mazarin.

Jean MAZARIN : Zazou.

Jean MAZARIN : Zazou. Collection [39-45], éditions L'Atelier Mosesu. Parution le 9 mars 2015. 276 pages. 17,00€.

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17 mars 2015 2 17 /03 /mars /2015 09:54

Hommage à Richard Martin Stern, né le 17 mars 1915.

Richard Martin STERN : Sang pour sang

Génie en herbe et escroc déjà confirmé, Charley Harrington est retrouvé mort dans un fossé, un canal d'irrigation désaffecté.

Ce crime n'est pas dû au hasard. Ce n'est pas ce que l'on peut appeler un crime gratuit. Pensez-donc, Charley était un véritable génie de l'informatique. A quatorze ans, en jouant avec son ordinateur, il sème la pagaille dans une partie de la mémoire d'un labo scientifique en rapport avec le contrôle de la fusion nucléaire. Puis il entre dans un réseau bancaire, détournant à son profit les fonds de la banque.

A quinze ans il crée une société bidon. A vingt-deux ans il est retrouvé mort, assassiné.

Entre temps quelques histoires de viols, de délinquance et autres bricoles. Quant à ses parents, on ne peut pas dire qu'ils se désintéressent de la jeunesse de Charley, mais quand on est physicien de renommée mondiale, on a sûrement autre chose à faire pour s'occuper.

C'est Johnny Ortiz qui est chargé de l'enquête. Un policier d'origine mexico-indienne. Surtout indienne. Ortiz marche surtout à l'intuition, et lorsqu'il a un os à ronger, il ne le lâche pas facilement. Pour lui le meurtre a été perpétré par Cathcart, un riche négociant local.

Mais on n'arrête pas quelqu'un sur des soupçons, sur des présomptions. Il faut des preuves. Aidé par sa compagne Cassie, une jeune anthropologue, et par quelques rares personnes qui aimaient bien Charley malgré ses frasques, Johnny Ortiz flaire dans tous les coins.

 

De nombreux personnages marginaux gravitent dans ce roman. Lesbienne, Noire, Apache rendent ce roman attachant en opposition à une Amérique prude, indifférente et faux-cul.

Richard Martin Stern a déjà été publié en Série Noire, mais il y a longtemps, très longtemps. En 1959 très exactement avec son roman Une personne très déplacée sous le numéro 503. Mais il ne faut pas croire qu'entre temps il s'est reposé. Son roman The Tower, La Tour en français, est à l'origine du film La tour infernale. Quant à Sang pour sang, c'est un bon roman qui s'inscrit dans une tendance à la mode. L'attrait de l'exotisme américano-mexicain. Mais je lui reprocherai cependant un petit défaut, lui aussi à la mode : celui d'être un peu longuet, le délayage faisant perdre de la force à l'action.

 

Vous êtes ravissante quand vous souriez. On voit apparaître une sorte de beauté intérieure.

 

Richard Martin STERN : Sang pour sang (Tangled murders - 1988. Traduction de Madeleine Charvet). Série Noire N°2219. Parution février 1990. 256 pages. 7,80€.

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16 mars 2015 1 16 /03 /mars /2015 13:34

La curiosité n'est pas un défaut, c'est une qualité, surtout chez un journaliste...

Jean CONTRUCCI : L'affaire de La Soubeyranne.

Il suffit qu'un spectacle annoncé à grand renfort de publicité soit interdit par les autorités municipales et préfectorales pour que le public se presse pour assister à cette représentation devenue privée.

En cette fin d'après-midi du 20 mai 1909, et n'écoutant que son courage, Raoul Signoret se rend jusqu'à Palama afin d'assister dans l'enceinte du domaine de la Soubeyranne à cette exhibition prometteuse de sensations fortes. Car du courage il en faut pour grimper jusqu'à Château-Gombert en bicyclette puis d'affronter la masse compacte des curieux qui se pressent à la grille du château du sieur de Saint-Aubin. Heureusement il retrouve son vieux confrère Robert Bonnefon, l'ancien photographe du Petit Provençal devenu le correspondant du village où il est installé. Le Cirque romain comme si vous y étiez promet des sensations fortes, le combat entre des tigres de Sumatra et des taureaux du cru, importation directe d'Espagne. Passons rapidement sur cette galéjade, dans laquelle s'immisce Fourneron, le commissaire de police du quartier de la Rose venu avec ses estafiers expulser les privilégiés qui ont obtenu des places dans l'enceinte grâce à de bons gros billets émis par la banque de France, et arrêter l'imprésario et l'importateur de fauves, organisateurs du spectacle, malgré l'opposition de Saint-Aubin, le propriétaire des lieux, face aux forces de l'ordre et retrouvons-nous une semaine plus tard sur la route qui mène à la Baume Loubière.

En effet ce petit reportage a ravivé les souvenirs de Raoul Signoret, lorsque, enfant, il avait visité les grottes Loubière, non loin de Château-Gombert, en compagnie de son oncle le commissaire principal Eugène Baruteau qui suppléa son père décédé. En avant Simone et voilà donc la famille Signoret en promenade pour une balade pédagogique. Seulement lorsque Adèle et Thomas, les enfants, Cécile, l'épouse, arrivent en vue de l'entrée des fameuses grottes, elles sont murées. Et d'après Raoul, c'est tout récent, le ciment des joints étant encore à peine sec.

Raoul se renseigne auprès d'un horticulteur-restaurateur qui siège non loin. Effectivement la grotte a été bouchée un peu plus d'une dizaine d'années auparavant, suite à la découverte du corps d'une gamine violée puis assassinée. Raoul avait occulté cet épisode qui n'avait pas trouvé d'aboutissement mais le ciment frais l'intrigue. Il en informe Bonnefon et tous deux accompagnés du garde-champêtre descellent les briques et font une macabre découverte. Deux petits corps n'attendent plus les secours, vu qu'ils sont morts. Immédiatement ils établissent une corrélation avec l'affaire précédente, mais après autopsie, il s'avère que les points de ressemblance n'existent guère. Les deux gamins, garçon et fille, possèdent le type méditerranéen, ont les mains usées, et l'autopsie révèle qu'ils sont décédés d'une absorption de poison provenant de graines d'origine asiatique à effet foudroyant. Personne ne réclame les gamins, personne ne signale leur disparition, comme s'ils n'avaient jamais existé.

Raoul Signoret, fortement intéressé par ce drame assiste à l'enterrement des deux gamins. Bien entendu au premier rang de l'église, Saint-Aubin siège avec quelques compagnons, dont les prometteurs du spectacle avorté. Il a longtemps vécu en Cochinchine où il était diplomate et a magouillé d'où sa fortune. Mais sa femme est absente, d'ailleurs plus personne ne la voit depuis quelques temps. A la terrasse d'un café, Raoul assiste à l'expulsion d'un ivrogne, l'oncle de la première petite victime, qui profère des mots dont le journaliste ne comprendra la signification que plus tard. De même que le mot laissé dans son taudis lorsque le corps de l'homme est retrouvé pendu. Tout concourt à un suicide, mais on ne sait jamais. De même Raoul remarque une belle femme qui se trouve être la lavandière de Saint-Aubin, et qu'il sera amené à suivre lors d'une rencontre inopinée.

 

L'intrigue imaginée par Jean Contrucci n'aurait pas la même consistance, comme dans la plupart des œuvres d'imagination, si elle ne s'inscrivait pas dans des lieux précis et des événements réels ou transposés fictivement. Ainsi le tremblement de terre du 11 juin 1909 à Marseille, appelé aussi séisme de Lambesc, permet à Raoul Signoret de se trouver au bon moment sur le passage de la lingère de Saint-Aubin, un incident qui va favoriser son enquête en partie.

De même la prochaine tentative de Blériot de la traversée de la Manche en avion est évoquée, ainsi que la venue de Sarah-Bernhardt qui doit interpréter le rôle de l'Aiglon, dans la pièce de Jean Rostand, et qui donne lieu à un échange humoristique entre le chroniqueur théâtral et Raoul. Raoul s'esclaffe à l'idée que la comédienne de soixante et quelques années puisse jouer le rôle d'un jeune homme de vingt ans. Un peu comme si aujourd'hui un réalisateur de cinéma demandait à Gérard Depardieu de se mettre dans la peau de James Dean avant son accident de voiture.

Des faits historiques qui donnent du volume à l'histoire concoctée par Jean Contrucci. L'enquête menée par Raoul Signoret l'entraîne dans les milieux italiens, les Babbis, réfugiés napolitains mal intégrés la plupart du temps mais qui sauront s'imposer dans leur nouvelle patrie, s'insurgeant par la suite de l'arrivée d'autres étrangers, mais ceci est une autre histoire comme l'écrivait Rudyard Kipling. Et c'est surtout le rôle des enfants de ces réfugiés, ou importés directement de Naples, leurs familles pensant qu'ils étaient promis à un bel avenir, qui est le moteur de cette intrigue.

Les savonneries, les huileries, les usines de souffre, les filatures qui emploient de la main d'œuvre à très bon marché, des gamins importés d'Italie et réduits en esclavage, c'était ce qui prévalait à Marseille, mais dans d'autres régions françaises. Depuis, les industriels ont évolué et ont délocalisé leurs manières d'engranger de l'argent facilement et de nos jours, de nombreux pays d'Asie ont adopté cette économie de marché. Les patrons en veulent toujours plus, mais cela ne date pas d'aujourd'hui.

Jean CONTRUCCI : L'affaire de La Soubeyranne. Série Les nouveaux mystères de Marseille. Editions Jean-Claude Lattès. Parution le 4 mars 2015. 400 pages. 19,00€

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