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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 12:27

Un cerf-volant n'est pas le renne du Père Noël !

Philippe GEORGET : Le paradoxe du cerf-volant.

Vingt-sept ans, toutes ses dents, mais les yeux tuméfiés, les muscles endoloris, le corps meurtri, Pierre Couture vient d’encaisser une flopée de coups et une nouvelle défaite. Un combat de boxe qui a tourné à son désavantage, une leçon donnée par un adversaire, plus jeune il est vrai, mais surtout mieux préparé.

Pourtant Pierre lors de ses débuts pugilistiques était promis à un fort bel avenir, mais les aléas de la vie et du cœur en ont décidé autrement. Son amie, son amour, Sarah est partie, et Pierre est orphelin. Son père diplomate est décédé dans un accident et sa mère s’est suicidée peu après. Du moins c’est ce qu’il affirme, et il en est persuadé. Il a vécu dans des familles d’accueil. Arrivé aux portes de la gloire, il a négligé les entraînements et l’entretien de sa forme physique. Et ce soir-là Emile, son entraîneur, pense que Pierre vient de livrer son dernier combat.

Il ne lui reste plus qu’un métier qu’il exerce à mi-temps, serveur dans le bar de Josy et René. Son ami Sergueï, plus âgé que Pierre, d’origine croate et chauffeur de taxi, lui propose un petit boulot dans ses cordes : devenir l’un des gros bras de Lazlo, lequel prête de l’argent, à un taux usuraire, à des personnes en difficultés passagères et qui oublient parfois de rembourser l’avance largement augmentée des intérêts. Il pratique également le racket. Accompagnant un dénommé La Fouine, Pierre se rend donc chez un certain monsieur Arnoult lequel rechigne à débourser, et ose même vouloir s’emparer d’une arme dans un tiroir. Mal lui en prend, Pierre plus vif se sert de ses deux mains, l’une pour asséner un coup de poing, l’autre pour subtiliser l’arme par le canon, et la donner à La Fouine qui la prend délicatement avec un mouchoir.

Mais Pierre n’est pas satisfait de la tournure des événements, ce n’est pas un emploi pour lui, et il commence à faire la tournée des troquets. Il termine sa soirée sur un banc du parc des Buttes-Chaumont et se réveille pas très frais le lendemain matin. Deux inspecteurs de la Criminelle lui rendent une petite visite dans le café où il travaille, mais ce n’est pas pour consommer. Lazlo a été découvert assassiné, après avoir été torturé, et évidemment comme les empreintes de Pierre figurent sur l’arme du crime, il devient le principal suspect. Mis en garde à vue, notre boxeur barman nie l’évidence et affirme ne pas connaître Lazlo. De la fierté de sa part, car il regrette son acte chez Arnoult, mais aussi parce qu’il a, durant son adolescence, eu maille à partir avec la justice. Normalement ses incartades auraient dû être effacées de son casier judiciaire, seulement les services de police sont en possession de ses antécédents et surtout de ses empreintes.

Ses souvenirs sont confus, malgré tout dans son cerveau embrouillé surgit une image. Il possède un alibi, tout ce qu’il y a de plus officiel. Durant l’heure présumée du meurtre il a arraché des mains d’une Pervenche, ex-Aubergine, son carnet à souches de procès-verbaux et l’a balancé dans le caniveau. D’ailleurs la policière reconnait cet incident et celui qui l’a provoqué. Les flics de la Criminelle ne peuvent qu’encaisser cet affront, mais en vérité ils se doutaient qu’ils faisaient fausse route et que la procédure n’avait pas été respectée. Remis en liberté, Pierre se rend compte qu’il est filé par deux individus qui pourraient être originaires d’ex-Yougoslavie. La Fouine est retrouvé égorgé et un commissaire, Cyril Lefèvre du service de coopération internationale, apprend à Pierre qu’il enquête à l’instigation de la police croate.

Les deux individus louches, les Dupont-Dupond comme les a surnommés Pierre, sont dans le collimateur des services de police, mais plus surprenant, Lefèvre reprend l’enquête concernant la mort soi-disant accidentelle du père et de la jeune sœur de Pierre. Diplomate, en poste longtemps en Amérique latine, il avait terminé précocement sa carrière dans les Balkans en 1993. Et cette piste qui conduit aux pays éclatés de la Yougoslavie, les dissensions, et plus, entre la Croatie et la Serbie, touche apparemment de près Pierre, puisque son ami Sergueï a disparu dans la nature.

Pierre Couture, après un mauvais passage à vide a décidé de reprendre la boxe avec sérieux, détermination et conscience, justement pour s’en redonner une bonne, d’autant qu’il retrouve la fliquette aux P.V., Julie, courant dans le parc des Buttes-Chaumont. Débute entre les deux jeunes gens un sentiment d’amitié, mais cela ne fait pas oublier à Pierre ses devoirs. Découvrir ce qui se cache dans ce sac de nœuds dans lequel son père semble impliqué, le meurtre de Lazlo et celui de La Fouine, la disparition de Lazlo, et autres événements et personnages, auxquels il doit faire face alors qu’il est complètement paumé dans cet imbroglio. Il doit penser au passé, mais également à son avenir pugilistique, un promoteur de combats de boxe ayant décidé d’organiser un combat entre lui et l’étoile montante de ce noble sport.

Entre le passé et l’avenir s’immisce le quotidien, c’est-à-dire gérer ses relations avec Julie et échapper à des gros bras issus de la légion étrangère qui tourbillonnent autour de lui. Dans un panachage comprenant passé historique, action, émotion, humour sobre, plus quelques autres ingrédients utiles à la rédaction du roman passionnant en tout point, cette histoire se décline en trois rencontres de douze rounds chacun. Le personnage de Pierre Couture, essayant de surmonter ses problèmes familiaux, affectifs, professionnels, est attachant et le lecteur, s’il ne peut s’identifier à lui, vibre en même temps que lui au cours des différents obstacles qu’il doit surmonter. Et chantonner les chansons françaises que Pierre apprécie, un héritage parental, des interprètes comme Ferré, Lavilliers, Brel, Michel Berger, Piaf, et bien d’autres. Hors le contexte géopolitique, des exactions entre Serbes et Croates, des conflits interethniques, des rivalités religieuses, des ravages, des haines et des antagonismes de toutes sortes et de toutes origines qui forment la trame de l’histoire, la déchéance et la résurrection possible du boxeur entretiennent également le suspense et font penser à ces vieux films en noir et blanc qui mettaient en scène des boxeurs sur le déclin en proie à l’alcoolisme et aux mafieux.

C’était beau, mais c’était triste ! Un boxeur pleurait dans ses gants.

C’est fou comme la tiédeur d’un soir peut réveiller les odeurs. Elle les soulève, les détache, les fait roter de bonheur. Les parfums, c’est comme le vin, il faut qu’ils soient chambrés pour exhaler leur âme.

J’ai choisi d’adopter la tactique des hommes politiques corrompus et des cyclistes dopés : nier malgré les évidences.

Un hôtel de police, finalement, c’est plus bruyant qu’un hôtel de passe.

Philippe GEORGET : Le paradoxe du cerf-volant.

Philippe GEORGET : Le paradoxe du cerf-volant. (Première édition Collection Polar, éditions Jigal. Février 2011). Réédition Pocket N° 16372. Parution 15 mai 2015. 468 pages. 7,70€.

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22 mai 2015 5 22 /05 /mai /2015 07:39
Max Allan COLLINS : Le grand patron a eu la trouille.

Mais il s'en est remis...

Max Allan COLLINS : Le grand patron a eu la trouille.

Après l'affaire Dillinger, et les miettes de la prime que les policiers lui ont octroyées, le détective Nate Heller n'a guère plus de travail.

Aussi quand un fermier vient lui demander de rechercher sa fille disparue depuis des années, saute-t-il sur l'occasion. Seulement Louise est abouchée avec un malfrat du nom de Candy Walker. Il demande à Frank Nitti de l'aider lequel lui propose d'endosser l'identité de Jimmy Lawrence (cf SN 2045) et de contacter Ma Barker, dont les fils sont tristement célèbres. Il emmène la vieille dame dans le Wisconsin, là où ses garçons sont momentanément sur la touche. L'ambiance n'est pas au beau fixe.

Candy Walker vient de décéder en avalant sa langue, alors qu'il devait subir une intervention chirurgicale devant lui donner un nouveau visage. Doc Moran jure n'y être pour rien, mais il est abattu d'un coup de pelle et enterré en compagnie de Candy. Louise est effondrée et les autres truands, Doc Barker, Fred son frère, Baby Face Nelson, Creepy Karpis, leurs femmes et les fermiers qui les hébergent conseillent à Heller de s'en occuper. Le lendemain ils cohabitent dans le même lit. La petite troupe se rend à Aurora où les rejoint Pretty Boy Floyd. Ils doivent organiser un kidnapping, et Heller est convié à se joindre à la bande. Il s'agit d'enlever Edgar J. Hoover, le grand patron des agents fédéraux.

Karpis explique son plan. Hoover sera kidnappé devant le Banker's Building, siège du procureur de Chicago. Utilisant une voiture sosie de celle du procureur, la véritable étant mise hors de service, ils procéderont à un nouvel échange de véhicule dans un camion. Tout est pensé, calculé, minuté. Puis il demanderont une rançon énorme. Le but étant de discréditer le grand patron. Chacun des hommes a son attribution bien définie et Heller doit servir de gardien du harem. Sullivan, l'homme de main de Pretty Floyd, reconnait Heller et le détective identifie le truand comme John Howard, ou plutôt comme Dillinger (cf SN 2045). Surpris les deux hommes ne se dénoncent pas mutuellement. Ils ont trop à y gagner ou à perdre, Dillinger étant le commanditaire de ce rapt.

Prenant pour prétexte l'achat de provisions, Heller laisse les femmes sous la garde de Ma Barker, et conduit Louise à son bureau. Il ne révèle qu'une partie de l'affaire à la jeune femme. Ensuite il se rend à pied au Banker's Building. Cowley lui apprend que Hoover et Purvis viennent de descendre. Les deux hommes avertissent in extremis Purvis et son patron. Une fusillade s'engage entre les truands et les fédéraux. Heller prend soin à ne pas se montrer. L'opération kidnapping est avortée.

 

Le livre se clôt par un récapitulatif de tous les personnages, réels ou imaginaires, et ce qu'il deviendront pas la suite.

Max Allan Collins ne s'arrêtera pas en si bon chemin dans sa saga truandesque des années 1930 - les années qui suivirent la prohibition et la grande dépression économique - puisqu'il mettra en scène Elliot Ness. Des histoires qui ne manquent pas d'humour, utilisant avec bonheur un fond véridique. Le personnage d'Edgar J. Hoover ne se montre pas particulièrement à son avantage dans les scènes qui lui sont consacrées : lâche mais apte à s'approprier les faits d'arme de ses hommes; une auréole de gloriole sur une baudruche.

 

Je la connaissais depuis moins de vingt quatre heures et elle se pendait à mon bras comme si la vie était un navire qui sombrait et moi un bout de bois flottant.

Curiosité :

Ma Barker se délecte pendant le voyage qui les conduit, elle et Heller, dans le refuge des truands, à la lecture des publicités pour une crème à raser, sur les panneaux disséminés le long de la route. Et ne connaît qu'une seule sorte de musique, le Hill-Billy.

 

Max Allan COLLINS : Le grand patron a eu la trouille. (Faisans et malfaisants IV). (True Crime - 1984. Traduction de F. M. Watkins). Série Noire N°2046. Parution avril 1986. 256 pages.

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21 mai 2015 4 21 /05 /mai /2015 16:39

En ce temps-là, il ne faisait pas bon être transformiste...

Phil BECKER : Le Lycan blanc.

Dans les bois de la Karanza vivent Corcinos et Esteban, deux jeunes adolescents d'à peine quinze ans. Si tous deux possèdent la particularité de pouvoir se transformer d'être humain en loup, et inversement, Corcinos se distingue par ses yeux rouges et ses poils blancs. Il est albinos.

A l'heure où nous faisons leur connaissance, ils se dirigent vers l'auberge de Manta, entre Perpinya et Barcelona, où se croisent Katalans, Kastillans et Maurisques. Ils doivent ramener quelques pièces d'or à Maître Zoan, le vieillard d'origine asiatique qui les élevés depuis une dizaine d'années. Pour ce faire ils n'ont qu'un moyen, affronter en combat singulier l'un des nombreux voyageurs qui s'arrêtent dans l'établissement. Les paris sont lancés, Corcinos affronte un Franc et gagne son combat. Seulement il est attiré par la petite serveuse qui l'observe alors qu'un homme en noir lance à la cantonade : c'est un loup-garou.

Obligés de décamper rapidement ils sont poursuivis par la foule en délire et en colère. Esteban est loin, Corcinos a trop traîné et il est rattrapé. L'homme à la cape noire l'a poursuivi et même dépassé. Il se présente comme étant Achôris, mage d'Egyptis. Puis il ameute les chasseurs en leur signalant l'emplacement du métamorphe. Corcinos est sauvé par Esteban qui le prend sur son dos et les deux adolescents parviennent à échapper à la meute.

Lorsqu'il se réveille, Corcinos est allongé dans la caverne de Zoan. Lequel n'est pas satisfait de la prestation de ses deux élèves. Esteban est parti du côté du Canigó afin d'acheter des simples, des plantes médicinales pour hâter la guérison de Corcinos. Le mage noir, Achôris, est présent et si auparavant Zoan et lui avaient combattu ensemble, il est évident pour Corcinos que l'entente n'est pas, n'est plus, parfaite. Ce qui fait croasser le goelak royal, condensé de corbeau, de vautour et autre volatile. Selon Achôris, Zoan serait en mesure de dévoiler enfin la vérité sur la naissance de Corcinos, de lui révéler qui sont ses parents.

Car Corcinos cauchemarde quasiment toutes les nuits, à la recherche du secret de son enfance. Des images défilent, se projettent dans son esprit, toujours les mêmes. Un enclos, une gamine, et d'autres visions, des ressentis. Esteban est enfin de retour, mais brûlé à cause des salamandres qu'il a dû affronter au cours de son périple.

Les mercenaires débusquent Corcinos et ses compagnons. Zoan reste sur le carreau à cause des flèches. Le mystère de la naissance de Corcinos et d'Esteban risque bien de rester secret, seul le goelak pourrait l'aider dans la recherche de ses souvenirs. Seulement, Corcinos est trop gourmand. Il avale en entier le cerveau du volatile au lieu de le déguster à la petite cuiller. Le résultat n'est pas à la hauteur de l'effet escompté. Esteban et Corcinos restent seuls à vivoter. Mais l'albinos pense à la jeune serveuse qui l'a aidé lors de la confrontation à l'auberge de Manta. Il la retrouve, c'est le début de l'amour entre les deux jeunes adolescents, seulement Corcinos ne parvient pas à se contrôler. Il mute, le loup devient prédateur et il griffe, blesse, la perd.

Il ne lui reste plus qu'à partir, fuir vers son destin qui l'emmène vers Kotlliure, guidé par un berger, un guide Vasq. Ce ne sera pas une partie de plaisir, loin de là. Esteban est mordu par une vipère de Barcelona, et sa vie est en danger. Enfin ils arrivent au fort Snek demandant l'aide de guérisseurs. Corcinos reconnait en Venceslau, le seigneur du lieu, un personnage qui hante ses rêves. Quant à Venceslau, il se contente de déclarer voyant le blanc et le brun, Corcinos et Esteban : Je me doutais bien que vous alliez me revenir...

Le chemin de la mémoire est long à gravir, à défricher, à débroussailler, et après Kotlliure, Corcinos se rendra à Perpinya, les embûches s'accumulant sur lui comme autant de nuages d'orage.

 

Ce roman qui s'ancre, et s'encre, avec délectation dans le Merveilleux héroïque (heroic fantasy pour les anglophones) nous emmène au temps des Kathars, entre Pays d'Ock et royaume Franc. En filigrane se profile la silhouette de Simon de Malfort. Le lecteur est plongé dans un monde parallèle à celui que nous connaissons, d'après les livres d'histoire quand cette discipline était encore enseignée à l'école, la religion cathare défiant l'église catholique, le roi de France profitant de ce schisme pour étendre sa domination sur le Languedoc et l'Aquitaine. Mais partant d'une page d'histoire réelle, Phil Becker et les auteurs des deux premiers volumes de Xavi El Valent, intègrent leurs personnages issus d'une imagination débridée.

Les combats entre vipères, sangliers, salamandres et autres animaux provenant d'un bestiaire fantastique ou mythologique, sont détaillés avec vivacité, brutalité, réalisme, un côté sanglant, comme les hommes de cette époques et leurs prédécesseurs devaient se défendre contre des animaux sauvages sans les moyens actuels de la vénerie. Coricinos va combattre notamment un Minotaure, un homme à tête de taureau. Et c'est ainsi que les prémices de la corrida vont être établis, sans règles définies, sauf celle de vaincre à tout prix.

La magie n'est pas en reste, dans cet univers de bruit, de fureur, de sang, et d'amour juvéniles. Des amours qui se passent mal, à cause de Corcinos et de son état de métamorphe mais également par la rouerie d'une femme qui en veut toujours plus et qui aime être lacérée, qui s'adonne à la scarification pour un plaisir malsain.

Mais ce qui mène cet adolescent bipolaire, mi-homme mi-loup, consiste en cette quête effrénée à la recherche de ses géniteurs, de son origine, des éléments perturbants agissant sur le psychisme. Savoir d'où on vient est plus important que de savoir où on va.

Phil Becker, une nouvelle plume à l'avenir prometteur !

 

Pour commander cet ouvrage, et d'autres, une seule adresse :

Phil BECKER : Le Lycan blanc. Le Monde de Xavi El Valent. Collection Blanche. Editions Rivière Blanche. Parution mai 2015. 228 pages. 17,00€.

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21 mai 2015 4 21 /05 /mai /2015 12:05
Clifton ADAMS : Un foutu métier.

Et un métier de foutu...

Clifton ADAMS : Un foutu métier.

Une partie de la Légion Etrangère, placée sous la houlette du maréchal Bazaine, est basée à Monterrey pour aider le roi Maximilien à repousser les assauts de Juarez le rebelle.

Mais Monterrey sert également de point de ralliement aux Confédérés, les perdants de la guerre de Sécession. William Olive, l'un de ces légionnaires, est contacté par Trent, un détective privé chasseur de primes à la poursuite de Cameron, responsable du meurtre d'un notable américain. Le légionnaire soudoie un officier recruteur grâce à l'argent remis par Trent et retrouve la trace de Cameron dans une église.

Mais un des officiers, imbu de ses prérogatives et qui applique à la lettre le règlement de la Légion lui en fait voir de toutes les couleurs, le brutalisant, l'avilissant. Olive s'en débarrasse et il n'a plus qu'une solution, déserter. Cependant l'argent remis par Trent ne lui suffit plus et il augmente ses exigences.

Cameron capturé, le trio remonte vers la frontière des Etats-Unis. Devenu gourmand et désirant s'approprier en totalité la prime offerte pour ramener Cameron en Louisiane, Olive supprime Trent d'une balle dans la tête et s'empare de ses vêtements et de ses pièces d'identité. La frontière franchie, Olive et son prisonnier sont accueillis par un coup de feu en provenance d'une maison en torchis partiellement détruite. Kate, l'auteur de cette réception belliqueuse est une jeune veuve dont le mari a succombé lors de la débâcle. Elleavait pris les deux hommes pour des collecteurs d'impôts revenus à la charge après une première tentative avortée d'intimidation. Dans l'échauffourée Olive est atteint sérieusement à l'épaule.

Laissant le déserteur sur place, Cameron et la jeune femme entament une longue traversée du Texas vers le Nouveau-Mexique. Kate pense trouver de l'aide auprès d'une famille avec laquelle son mari traitait des affaires avant la guerre. Mais les temps ont changé, et les Bernson, alléchés par la prime, retiennent la jeune femme prisonnière. Cameron, qui n'a pu se résoudre à laissé Kate seule, prévoyant l'état d'esprit des Bernson, délivre la jeune femme et de nouveau c'est l'infernale randonnée.

 

Dans le cadre de la révolution mexicaine et après la défaite des Confédérés dont bon nombre ont trouvé refuge au Mexique, Clifton Adams nous brosse un portrait de la mentalité qui s'est instaurée après les ravages de la guerre et de l'animosité entre les différents clans.

La cupidité prévaut sur l'entraide et l'amitié devient valeur abolie.

Si William Olive, le légionnaire baroudeur à l'esprit imprégné de ses précédentes campagnes de pacification (?!) en Algérie, est un véritable assassin, Cameron, lui, est recherché pour un homicide de légitime défense.

Les collecteurs d'impôts sont devenus de véritables pillards, et il a eu le malheur de tuer une fripouille agissant sous le couvert d'un notable faussement respectable.


Quand on est mort, c'est pour la vie.

Clifton ADAMS : Un foutu métier. (The most dangerous profession - 1967. Traduction de M. Elfvik). Série Noire N°1267. Parution avril 1969. 256 pages.

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 16:17

Otage, oh désespoir...

Sébastien DEVILLERS : Otage.

En 1987 FR3 Normandie lançait la troisième édition de son concours qui consistait en l'attribution du Prix Polar au meilleur manuscrit de roman policier. Ce prix n'aura vécu que trois saisons.

 

Voici la chronique effectuée sur les ondes de Radio-Manche en décembre 1987 dans le cadre de mon émission Le Polar fait la Manche.

 

C'est le roman Otage qui s'est vu couronné cette année, premier roman d'un jeune écrivain qui aimerait bien d'ailleurs pouvoir continuer dans cette voie. Otage, comme le titre du roman l'indique, est une histoire de prise d'otage.

Louis Dommage, héros bien malgré lui de ce fait divers, est pris en otage lors du braquage d'une banque. Pourtant c'était un matin comme les autres tranquille. Louis venait de retirer un peu d'argent lorsqu'il est témoin d'un hold-up. Le caissier fait du zèle blessant l'un des agresseurs. Pour assurer leurs arrières, les complices du blessé prennent Louis en otage et c'est la cavalcade de Paris jusqu'en Suisse.

Plus qu'un roman noir, c'est un roman de suspense, psychologique, analysant les rapports qui s'établissent entre les ravisseurs et l'otage. Rapports plus ou moins ambigus entre deux jeunes gens, un jeune homme et une jeune femme, qui ont perpétré ce hold-up, et ce peintre en lettre de cinquante-quatre ans qui a une furieuse envie de vivre, de vivre libre.

Rapports dans lesquels une certaine sympathie peut se glisser entre deux éclats et l'otage ressentir envers ses geôliers une attirance mêlée de haine.

Sébastien DEVILLERS : Otage. Collection Mascaret Noir. Editions Le Mascaret. Parution le 1er décembre 1987. 190 pages.

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20 mai 2015 3 20 /05 /mai /2015 15:13
Carter BROWN : La vipère du Manoir

Une Fleur à Malibu...

Carter BROWN : La vipère du Manoir

Fleur Falaise, qui connut son heure de gloire dans quelques seconds rôles puis après une ascension irrésistible, et une dégringolade non moins vertigineuse consécutive à un mariage avec Théo Altman surnommé Le Flagellateur en raison de ses répliques acides et mordantes, Fleur Falaise est au creux de la vague.

Après avoir été victime d'une dépression nerveuse, elle s'est réfugiée dans une maison à Malibu en compagnie de son unique amie Arlène Donner. Un soir elle a tenté de se suicider, ou on l'a poussée, du haut d'un précipice. Un photographe, à la présence inspirée, a réussi à prendre des photos qu'il a monnayées auprès de George Bloom le découvreur et producteur de Fleur. Bloom demande à Rick Holman de découvrir les raisons de ce geste suicidaire ou pseudo-suicidaire.

Lorsque Holman se présente chez l'actrice déchue, Altman est déjà là. Le détective sait lui aussi se servir de sa langue et le remet en place. Arlène lui montre l'endroit où a eu lieu l'accident et narre quelques incidents qui se sont déroulés la semaine précédente. Dont les trois semaines de vacances que Fleur a brusquement décidé de s'octroyer et des coups de téléphone quotidiens qui ont cessé du jour au lendemain.

Par la secrétaire de Bloom, Holman apprend que celui-ci doit tourner un film sur la biographie de Fleur. En cas de décès de l'actrice, seul Altman détient les droits de fixer sur la pellicule la mémoire de Fleur. Elle lui révèle également l'adresse de Harvey Linderman qui a succédé à Altman dans le cœur de Fleur.

Denis Strauberg, le bras de Linderman, reçoit Holman. Sous couvert du secret, il confie qu'en réalité Linderman jouait le rôle du chancelier, ou de paravant, afin de cacher la liaison de Fleur avec Linderman junior : Michael. Michael n'est qu'un dépravé, sans scrupules, et en compagnie de son ami Sean, il a réussi à violer l'intimité de Fleur, enregistrant sur un magnétophone ses souvenirs, ses prouesses amoureuses principalement, le nom de ses partenaires, mais également le remords de Fleur persuadée d'avoir laisser mourir son premier mari. Linderman père ayant appris les agissements malhonnêtes de son fils avait pris en quelque sorte Fleur sous son aile.

En soudoyant habilement le portier Holman apprend que Linderman Senior et Strauberg ne sont qu'une seule et même personne. A l'aide d'arguments frappants, Holman obtient auprès de Sean l'adresse du photographe. En pure perte, car l'homme de l'art est mort depuis quelques temps. Soupçonnant les deux compères de s'être débarrassés de leur acolyte, Holman requiert l'aide de Linderman Senior qui doit les prévenir qu'un détective est à leurs trousses et possède des preuves de leur culpabilité. Le piège fonctionne.

 

De cet imbroglio à deux ou trois personnages, Holman se sort une fois de plus à son avantage, et sans trop de casse. Chevaleresque, il travestit la

vérité afin que les coupables, il est vrai par accident, ne soient pas inquiétés par la police.

Une enquête banale mais ficelée en professionnel et qui ne vaut que par la curiosité ci-dessous :

Pauline, la jeune et rouée secrétaire de Bloom, tient à garder sous son influence son patron amateur d'amours juvéniles. Mais elle se montre naïve en voulant mettre en pratique l'une des figures techniques préconisée par Holman. Une figure libre du Lustre. Cette position, non recensée par le Kâma-Sûtra, et les avatars qui s'ensuivent, sont développés pendant environ un cinquième du roman. Ce que l'on pourrait définir par l'expression : allonger la sauce.

Je trouve rassurant de voir ces vieux films et de se dire que les acteurs sont encore en vie.

Je le soupçonne de se servir des femmes comme d'autres d'une lame de rasoir. Quand elle commence à s'émousser, on la jette et on en prend une autre.

Carter BROWN : La vipère du Manoir (The Flagellator - 1969 Traduction de France-Marie Watkins). Série Noire N°1311. Parution décembre 1969. 192 pages.

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 15:31

Embarquement immédiat même si vous n'avez pas le pied marin !

Jean-Luc BANNALEC : Etrange printemps aux Glénan

Trois cadavres sur une plage, cela dénote un esprit de laisser-aller qui pourrait faire fuir les éventuels touristes. Heureusement ils ont été déposés probablement par la marée, sur une plage abandonnée, et pour l'heure tout concorde à un décès accidentel, les seules marques visibles étant les lacérations provoquées par la rencontre des corps contre des rochers.

C'est un Anglais qui a aperçu de son kayak les trois cadavres, deux côte à côte et l'autre un peu plus loin, sur une plage de l'île du Loc'h, l'un des îlots qui compose l'archipel des Glénan, au large de Concarneau.

Le commissaire Dupin se rend immédiatement sur les lieux. Il aurait préféré emprunté un hélicoptère mais il est obligé d'embarquer à bord d'un bateau de la gendarmerie maritime, ce qui lui vaut quelques désagréments. En attendant la venue du légiste, le docteur Savoir, un homme qu'il n'apprécie guère, Dupin effectue les premières constatations en compagnie de Goulch, capitaine de gendarmerie, et de ses hommes. A première vue, les cadavres auraient été apportés par la marée. Durant la nuit une tempête avait agité les flots et les vagues ont fait le reste.

Nolwenn, sa fidèle et très précieuse secrétaire, l'appelle pour l'informer qu'il doit appeler le préfet, Guenneugues, un homme qu'il n'apprécie guère non plus. N'ayant plus grand chose à faire sur l'île Loc'h, Dupin demande à ce qu'on l'emmène sur celle de Saint-Nicolas, la métropole locale des Glénan. Il a un besoin urgent de café, de toute façon il ne carbure qu'au café. Et c'est du café-restaurant des Quatre-vents qu'il va diriger son enquête, avec Le Ber et Labat, ses deux adjoints, qui se démènent comme ils peuvent, devançant même parfois ses désirs.

Nolwenn l'informe que Guenneugues, qui participe à une réunion à Guernesey, va se mettre en contact avec lui. Un de ses amis, Yannig Konan, entrepreneur et investisseur, a disparu en compagnie d'un copain avec lequel il était sorti naviguer. Dupin sent que les ennuis s'accumulent comme les nuages avant l'orage. Ce qui ne l'empêche pas de déguster un homard aux Quatre-vents. L'établissement, tenu par Solenn Nuz secondée par ses deux filles, va devenir le temps de l'enquête le quartier général de Dupin. Il interroge les clients habituels, ou il délègue à ses adjoints le soin de le faire, prenant notes sur notes dans son petit carnet rouge qui ne le quitte jamais.

Yannig Konan est, était plutôt car il s'agit bien de l'un des cadavres, un homme à la réputation sulfureuse, mais peu connu dans la région. Les deux autres le sont un peu plus, dont Lefort, une célébrité régionale. Et d'après les éléments recueillis à gauche et à droite, auprès de la directrice de l'école de voile ou celle du centre de plongée, auprès de divers intervenants, il semblerait que plusieurs pistes se dessinent, des affaires plus ou moins louches dans lesquels tous les trois seraient plus ou moins impliqués. Cela va d'un centre de recherches de biologie marine, qui dispenserait des brevets auprès de laboratoires, à la légende toujours active de trésors enfouis dans les passes qui séparent les îles de l'archipel et qui seraient le cimetière de nombreux navires. En passant par la folie des grandeurs de Lefort qui envisageait des travaux afin de transformer les Glénan en vaste complexe touristique.

Dupin est constamment dérangé au téléphone par le préfet qui veut, exige des résultats le plus rapidement possible. Aussi il s'arrange pour être le plus souvent dans un endroit où la réception est difficile, voire nulle. Mais Dupin ne ménage pas son portable, ayant besoin de confier des recherches de renseignements auprès de Nolwenn, qui se met en quatre pour le servir et lui apporter les réponses à ses questions. Et puis il y a sa mère qui doit quitter Paris pour venir le voir, elle qui considère que sortie de Paris elle est en terrain étranger et dangereux, non civilisé. Sans oublier Claire, une femme du passé;

 

On ne peut s'empêcher d'accoler la silhouette de Maigret ainsi que celle de Columbo à Georges Dupin, le commissaire qui porte d'ailleurs le prénom de Simenon. Mais à surtout sa façon de travailler, ses tics, ses pensées qui font des va-et-vient en jouant au coq-à-l'âne.

Dupin était mécontent. Cette affaire avançait trop lentement à son goût.

Nolwenn connait son patron, peut-être mieux que lui-même se connait, et anticipe souvent ses désirs lors de ses enquêtes.

Nolwenn savait que chaque enquête du commissaire comptait un moment précis où il flairait une piste - parfois diffuse, parfois quasi inconsciemment mais à chaque fois il devenait alors comme obsessionnel : il lui fallait suivre son inspiration, si fantaisiste puisse-t-elle paraître. Tout le reste devenait secondaire - ce qu'il exprimait parfois avec entêtement, voire grossièreté.

Tout comme Columbo il possède une voiture hors d'âge.

Sa vieille Citroën XM l'attendait devant la porte. Il était attaché à cette voiture particulièrement laide au point de refuser, malgré les innombrables injonctions du préfet, de la remplacer par un véhicule de fonction plus moderne.

Dupin, souvent en conflit avec le préfet, se cabre devant d'autres hommes politiques dans cette enquête. Notamment avec du Marhallac'h, le maire de Fouesnant, commune dont dépendent les Glénan.

Dupin ne détestait rien autant que les hommes politiques. Lisses comme des anguilles, versatiles et sans scrupules, ils savaient à merveille faire leur petit show rhétorique pour cacher autre chose, généralement leurs intérêts propres, tout en traçant impeccablement leur route.

Des dialogues parfois surréalistes émaillent ce roman lui apportant une touche d'humour, une légèreté, une vivacité de bon aloi. Et le commissaire Dupin avec ses quelques défauts, un peu bourru, proche des autochtones malgré l'étiquette d'étranger qui lui est accolée, ayant longtemps vécu à Paris et n'étant en place que depuis quelques années, se montre sympathique et fréquentable.

Jean-Luc BANNALEC : Etrange printemps aux Glénan (Bretonische Brandung - 2013. Traduction de Amélie de Maupéou). Editions Presses de la Cité. Parution le 23 avril 2015. 432 pages. 21,00€.

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19 mai 2015 2 19 /05 /mai /2015 08:39
Max Allan COLLINS : Un flingue peut en cacher un autre.

Chicago au temps de Dillinger, comme si vous y étiez !

Max Allan COLLINS : Un flingue peut en cacher un autre.

Amant de la belle Sally Rand, une strip-teaseuse qui se produit dans l'enceinte de l'Exposition Universelle de Chicago, Nathan Heller, ex-flic légèrement véreux reconverti comme détective privé, est prié par John Howard, représentant de commerce, d'enquêter sur sa jeune femme Polly dont la vertu lui semble élastique.

Nate Heller reconnait en Polly une prostituée avec qui il a couché une fois et qui travaille dans un bar. Elle a des relations avec un certain Jimmy Lawrence et serait divorcée depuis quelques mois. Anna Sage, proxénète et amie de Polly, confie à Heller que Lawrence pourrait être Dillinger, l'ennemi public n° 1, lequel s'est récemment évadé de prison. La ressemblance n'est pas frappante mais la chirurgie plastique serait passée par là.

N'étant pas en odeur de sainteté auprès de Stege, de la Brigade Criminelle et des policiers en général, Heller décide de s'adresser à Cowley, un agent fédéral, de préférence à Purvis, autre agent spécial, son ami Eliot Ness le méprisant. Il indique toutefois à Purvis qu'il pense être sur la piste de Dillinger. Le sergent Zarkovitch, d'East Chicago dans l'Indiana et ami d'Anna Sage, lui aussi préconise à Heller de se manifester auprès des fédéraux. Mais le détective sent le coup fourré. On veut trop qu'il s'occupe du présumé Dillinger. Sally Rand est de son avis. Selon elle, Heller sert de mouche du coche, alors qu'un appel téléphonique aurait été aussi efficace.

Cowley apprend au détective que l'avocat de Dillinger s'appelle Piquett, lequel aurait conseillé à Howard de s'adresser à Heller. L'avocat ne se rappelle pas l'avoir recommandé à qui que ce soit et le dénommé Howard n'existe pas. Frank Nitti, l'ancien associé d'Al Capone, demande à Heller de ne pas aller plus loin dans ses investigations. Deux gros bras attendent le détective à son bureau et le tabassent à coups de tuyaux de caoutchouc. Heller est persuadé qu'il s'agit de flics envoyés par Zarkovitch.

La chasse à courre est lancée et seul Heller est persuadé que Dillinger ne se cache pas sous les traits de Lawrence. Un guet-apens est organisé à la sortie du cinéma Biograph où Lawrence doit se rendre en compagnie de Polly et Anna Sage. Celle-ci est habillée d'une robe rouge, très voyante, afin que les policiers ne puissent louper leur proie. Heller assiste de loin à la curée. Cowley et Purvis sont sur place ainsi que Zarkovitch et son capitaine O'Neil, et d'autre policiers. Zarkovitch et O'Neil tirent dans le dos de Lawrence et tout le monde est d'accord pour affirmer qu'il s'agit bien de Dillinger. D'ailleurs il a un revolver à la main.

 

Prenant pour base des faits et des personnages réels, Max Allan Collins raconte la saga des truands de Chicago, mine inépuisable s'il en est. Mais il n'écrit pas un reportage ou un documentaire. Il construit une véritable histoire avec des personnages attachants et narre avec vivacité cette enquête dans laquelle Nathan Heller est un peu le pigeon de la farce, démontrant que les véritables truands se cachent parfois derrière un uniforme.

La reconstitution de la ville de Chicago, et de son atmosphère, est très réaliste et le détective mis en scène est dépeint avec ses faiblesses, mais également une dose d'humanisme, le tout empreint d'un certain humour.

Les symptômes de la peur et de la passion sont les mêmes.

Max Allan COLLINS : Un flingue peut en cacher un autre. (Faisans et malfaisants 3) (True Crime - 1984. Traduction de F. M. Watkins). Série Noire N°2045. Parution avril 1986. 320 pages.

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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 15:49

L'humour n'est pas l'épée mais le bouclier...

J.J. MURPHY : Le cercle des plumes assassines

C'est ce que déclare Dorothy Parker au capitaine Church qui lui reproche ses singeries et ses clowneries journalistiques, ou tout simplement dans ses réparties incisives avec ses interlocuteurs.

Mais pourquoi Dorothy Parker s'exprime-t-elle ainsi face à un policier ? Pour trois fois rien, juste un cadavre sous une table.

En effet, alors que la célèbre journaliste et poétesse s'apprête à s'installer à la table où elle déjeune tous les midis en compagnie de confrères et amis (?), elle découvre des pieds qui dépassent de sous la nappe. Les pieds appartiennent à un inconnu qui ne s'est pas enivré, qui ne dort pas non plus, mais qui est mort.

Pour une fois qu'elle pensait être en avance Dorothy Parker est dans de beaux draps, ou plutôt de belles nappes. Mais où sont les autres convives habituels ? se demande-t-elle à juste raison. Dans le hall de l'hôtel Algonquin, où elle réside, c'est l'effervescence. Alors qu'elle aperçoit Robert Benchley, qui travaille également en tant que journaliste comme elle au Vanity Fair, le seul des compagnons qu'elle apprécie vraiment, un jeune homme l'aborde. Il se prétend écrivain, venant du Mississippi, et lui demande humblement de bien vouloir jeter un œil, et même les deux, sur une poignée de feuilles qu'il lui tend. Il se nomme William Faulkner et est tout tremblant, d'abord de pouvoir enfin rencontrer la célèbre journaliste, ensuite parce qu'il a une envie pressante.

Dorothy Parker narre son aventure à Benchley, sa découverte de l'inconnu assassiné à l'aide d'une stylo-plume planté en plein cœur. Les autres participants au gueuleton quotidien, Dorothy en général se contente d'un œuf dur, arrivent peu à peu, et elle les présente à son nouveau protégé. Sherwood, qui travaille lui-aussi à Vanity Fair, Woollcot, critique d'art au New York Times, Benchley en profite pour signaler qu'il préfère qu'on l'appelle Woolcoït, petite digression de ma part mais qui démontre l'esprit facétieux qui anime Miss Parker et Mister Benchley, puis les autres, que l'on retrouvera d'ailleurs tout au long du roman. Enfin surgit l'inspecteur O'Rannigan, rapidement surnommé Ouragan, et autres petits surnoms tout autant agréables, qui veut connaître l'identité de tous ceux qui siègent dans le hall. Faulkner est présenté comme William Teckel, alias qui ne le quittera pas ou presque.

Seulement William Faulker, déambulant dans le hall en attendant la chroniqueuse, a attiré l'attention d'un serveur, et l'inspecteur O'Rannigan soupçonne immédiatement le futur Prix Nobel de Littérature d'être un possible coupable. Benchley reconnait en le défunt Leland Mayflower, journaliste et chroniqueur de théâtre au Knickerbocker News. Un journal à scandales fort peu prisé des journalistes mais apprécié du peuple qui trouve dans ses colonnes pâture à alimenter les rumeurs. Battersby, le directeur et propriétaire du Knickerbocker, prend la relève de son collaborateur, et est toujours fourré entre les jambes (c'est une image) des membres de la petite troupe.

Commence alors une sorte de chassé-croisé entre Dorothy Parker, qui a pris sous son aile le jeune Faulkner alias Teckel pour tous, et Benchley, d'une part, et O'Rannigan et le capitaine Church d'autre part, et, voyageant comme une bille de flipper entre les uns et les autres, Battersby toujours à l'affût d'une information croustillante.

 

Cavales en taxi, jeu de cache-cache, descente non contrôlée d'alcool dans un speakeasy, et tentatives d'assassinat ponctuent ce roman course-poursuite contre le temps. D'ailleurs on le sait, pour les journalistes c'est toujours la corde raide avec le bouclage des journaux.

Le lecteur suit toutes ces péripéties avec l'impression d'être dans un film au rythme échevelé, noir et blanc bien entendu, mais pas muet, car les bons mots fusent même dans les cas les plus graves, voire dramatiques.

La reconstitution d'une époque, celle de la prohibition ce qui n'empêche pas les protagonistes de déguster des liquides illicites, soit dans les bars pas forcément clandestins soit grâce aux flasques qu'ils trimballent en permanence dans leurs poches. Et l'on rencontre au détour d'un ascenseur des personnages connus, Jack Dempsey par exemple. Quant au final, il restera... imprimé sur les rétines des lecteurs !

 

Les bons mots, qui souvent ne sont que des répliques acrimonieuses enveloppées d'humour, se télescopent, grâce à la verve de Dorothy Parker et de son complice Benchley, et que souvent l'inspecteur O'Rannigan ne comprend pas. Mais il est vrai qu'il est quelque peu limité culturellement. Et derrière tout ça, règne encore le spectre de la guerre de 14-18, que quelques personnages ont connu pour y avoir participer sur le front européen.

Les rendez-vous quotidiens à la Table Ronde de l'hôtel Algonquin, le Cercle des Vicieux comme aime à surnommer ces réunions Dorothy Parker dans l'ouvrage, se sont réellement déroulés, mais pas dans les conditions décrites par l'auteur, comme d'ailleurs cela est précisé en postface. La plupart des protagonistes ont eux aussi réellement existés et l'amitié et les antagonismes prévalaient comme dans toute bonne assemblée qui se fait concurrence. Cet ensemble d'actions parfois surréalistes, farfelues, dangereuses, possède un petit air suranné que l'on ne trouve plus guère dans les romans de littérature policière de nos jours, et c'est dommage, et souvent j'ai eu l'impression d'être plongé dans un roman de P.G. Wodehouse, avec un petit côté Incorruptibles.

 

- Et ne cessez pas de lire. Moi, en tant qu'écrivain, j'adore ça.
- Moi aussi. Qu'aimez-vous lire en particulier ?
- Une signature au bas d'un chèque. Dommage que ça n'arrive pas plus souvent.

Je ne supporte pas les librairies, disait-il toujours avec une grimace qui tirait vers le bas les pointes de sa moustache. Ces milliers de volumes aux jaquettes éclatantes, chacun enserrant hermétiquement les rêves, espoirs et passions de leurs auteurs comme autant de petites momies dans leur sarcophage, attendant qu'on vienne les libérer... Brrr...

J.J. MURPHY : Le cercle des plumes assassines (Murder your darlings - 2011. Traduction de Hélène Collon). Editions Baker Street. Parution le 02 avril 2015.

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18 mai 2015 1 18 /05 /mai /2015 08:57
Paul KINNET : La Tour, prends garde !

La tour infernale !

Paul KINNET : La Tour, prends garde !

Arrivés en ordre dispersés, à 9 heure du matin le 18 juin 1985, au 17ème étage de la tour Montparnasse, Lorraine, chef du commando, Albert, Isidore, Samuel, Tonton et Anicet se rendent maîtres des lieux.

Ils prennent en otage près de deux cents personnes et bloquent les ascenseurs desservant respectivement les locaux situés entre le 1er et le 30ème étage. Puis n'ayant gardé que deux lignes téléphonique, une intérieure et une extérieure, ils contactent le gardien de l'immeuble. Le commissaire du 15ème arrondissement, Parpant, après un moment de doute, envoi sur place quelques policiers. La colère gronde, principalement parmi les patrons des différentes sociétés siégeant dans la tour.

Bédoré, sous directeur de la gestion quotidienne de l'immeuble, prend les choses en main. Il calme les esprits. Seul Gaspéri ne veut pas suivre les consignes et déboule par les escaliers. Il est abattu sans pitié. De même, aux derniers étages et à la terrasse, deux gardiens, Pétraz et Viella, membres du commando infiltrés sur place refluent les visiteurs. L'un d'eux, un peu trop curieux, reçoit deux balles dans la tête.

Une cellule de crise est constituée et le Préfet de police est prié de dénouer la situation. Leripinsec, chef de la Brigade de Répression du Banditisme, se substituant à celui-ci, téléphone à Lorraine qui lui fixe ses conditions : deux cents millions de francs en lingots d'or et deux hélicoptères. Tandis que ses subordonnés en dépouillant les dossiers concernant les truands et les preneurs d'otages recensés, pensent que les frères Astaba - Isidore et Albert - feraient partie du commando, Leripinsec par l'indiscrétion d'un des ravisseurs au téléphone, apprend le prénom de Lorraine. Bientôt l'identité d'icelle n'est plus un secret, vu ses antécédents.

Marc Laffrey, le fils d'un de ses collègues des Moeurs, travaille dans la tour ainsi que de nombreux employés coincés entre le 18ème étage et le 56ème. Leripinsec lui demande de se rendre sur la terrasse afin de le renseigner sur le nombre de truands pouvant s'y être installés. Le jeune homme monte du 19ème étage jusqu'à la terrasse à pied. Il rend compte à Leripinsec de la présence des deux gardiens, c'est tout, mais il se fait piéger par les deux hommes et est fait prisonnier. Le GIGN arrive en renfort. Bédoré connaît bien les lieux et propose une solution : l'un des membres du commando, ancien employé dans un cirque, grimpe le long des câbles de l'un des ascenseurs jusqu'au 17ème et déroule une échelle de corde. Il est rejoint par ses collègues qui investissent l'étage.

Pendant ce temps Lorraine est légèrement débordée par ses otages.

 

Après avoir été édité dans de nombreuses collections, dont le Masque, Paul Kinnet, auteur belge, fait son apparition à la Série Noire, après quelques années de silence. Ce sera d'ailleurs son seul roman à paraître dans cette collection.

 

Il décrit d'une façon très précise, très détaillée, et fort documentée, cette prise d'otages gigantesque qui se déroule de 09h00 à 13h37. L'humour ne figure qu'épisodiquement, avec parcimonie. Il dénonce l'habileté des hommes politiques et des hauts fonctionnaires à proclamer des déclarations rassurantes, mais lorsqu'il s'agit de prendre des responsabilités, de prendre des décisions, cela redescend en cascade, le pékin se trouvant souvent seul confronté à résoudre les problèmes.

Il y a des attachés-cases discrets, pour P.-D.G, où l'on peut enfermer quelques minces documents confidentiels, et des attachés-cases pour les tâcherons qui doivent emporter du travail chez eux tous les soirs s'ils veulent se faire bien voir.

Curiosité :

Paul Kinnet a traduit pour les éditions Marabout Le Mystère d'Edwin Drood de Charles Dickens et écrit la fin de ce roman inachevé, sous le pseudonyme de Paul Maury.

Paul Kinnet est issu de l’agence Maréchal qui proposa des auteurs belges aux débuts du Fleuve Noir. Des auteurs belges qui se nommaient José-André Lacour, (plus connus sous le pseudonyme de Paul Kenny), et Paul Kinnet. D'ailleurs Jean Libert, Gaston Van den Panhuise et Paul Kinnet ont rédigé ensemble des romans pour la collection Rouge et Noire, plus connue sous l'appellation La Flamme. Il n'est donc pas interdit de penser que le pseudonyme de Paul Kenny, sous lequel se cachaient Jean Libert, Gaston Van den Panhuise, est un hommage en verlan à Paul Kinnet.

Paul KINNET : La Tour, prends garde ! Série Noire N°2037. Parution février 1986. 224 pages. 5,55€ disponible sur le site de la Série Noire.

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Présentation

  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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