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21 juin 2015 7 21 /06 /juin /2015 11:29

Bon anniversaire à Elena Arseneva, née le 21 juin 1958.

Elena ARSENEVA : La fourche du Diable.

En cette fin de l’an de grâce 1073, la petite ville de Kremni s’apprête à fêter Noël tout en sacrifiant avec joie aux rites païens qui se traduisent par un carnaval masqué auquel tous les habitants participent, quelle que soit leur condition et leur rang dans la société.

Un qui ne pourra partager cette liesse populaire, c’est bien Procope, le fils aîné d’Olaf, le richissime seigneur du lieu. Il est retrouvé dans une clairière, au lieu dit la Fourche du Diable, affreusement mutilé. Mais s’il a eu la main tranchée et a été énucléé, une estafilade à la poitrine un coup de poignard au cœur, il semble que le décès soit dû à un empoisonnement.

Toutefois la mise en scène est signée : il ne peut s’agir que d’un meurtre perpétré par les Drégoves, de dangereux païens installés dans la forêt proche. Olaf requiert auprès du prince Vladimir de dépêcher sur les lieux son meilleur enquêteur.

Artem, puisque c’est de lui qu’il s’agit, arrive en compagnie de son fils adoptif, Philippos, et de ses deux fidèles Varlets, Mitko et Vassili.

Un étrange personnage habite non loin du lieu du meurtre. Il s’agit du Passeur, reconnu comme sorcier et vivant en ermite, que les habitants de Krimni considèrent comme une brebis galeuse, capable de tous les maux mais qu’ils ne dédaignent pas consulter à l’occasion, pour se procurer quelque potion magique.

Au château la tension règne. Natalia, la jeune veuve est sur la corde raide, car sans enfant, elle ne pourra rester longtemps et devra se trouver un autre mari. Olaf songe à convoler une nouvelle fois ce qui n’est pas du goût de ses autres enfants, Stepan et Ipate, les garçons, et Alia, turbulente jeune fille qui ne s’en laisse pas conter.

Mais Artem et ses acolytes côtoient également Titos, le médecin grec, un érudit dont ils se demandent pourquoi il s’est installé dans une petite bourgade comme Krimni. Et puis il y a aussi leur logeuse, Varvara, la belle et jeune veuve qui a eu un garçon du fruit de ses amours éphémères avec Stépan. D’autres décès se succèdent, d’autres meurtres, signés plus ou moins de la même manière, et sur lesquels plane l’ombre du liéchy, le démon tout puissant qui règne sur les bois et les forêts.

 

Nimbé d’une aura de sorcellerie, de superstitions, dans une ambiance de fêtes païennes et de religion orthodoxe, de carnaval et des cérémonies proches de la Nativité, ce roman d’Elena Arseneva nous propose une incursion dans le moyen âge de la Russie, période méconnue de l’histoire mais qui se révèle riche et moins obscurantiste que l’on pourrait le croire. Le commerce et la culture intellectuelle sont en plein épanouissement, avant de sombrer dans des siècles de régression avec l’invasion des Koumans ou Tatars.

Elena Arseneva nous livre un roman qui éclaire d’une façon particulièrement vivante une époque et une contrée secrètes et mystérieuses. Un plongeon vivifiant, exotique, historique, à la limite du fantastique, mais en aucun cas rébarbatif.

 

Elena ARSENEVA : La fourche du Diable. Collection Grands Détectives N° 3412, éditions 10/18. Parution mai 2002. 320 pages. 7,50€

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21 juin 2015 7 21 /06 /juin /2015 09:21
Laurent FETIS : Le mal du double-bang.

Pourrait être le Big-bang...

Laurent FETIS : Le mal du double-bang.

Rico, propriétaire d’un garage à Béroir, la capitale du Midi, est habillé été comme hiver d’une chemise jaune héliotrope, artistiquement froissée, et d’un costume italien couleur bleu cobalt.

Un chapeau mou de même couleur et des chaussures blanches complètent sa tenue vestimentaire. Avec son œil gauche qui clignote de manière incontrôlée, il ressemble à un gangster. Au gangster qu’il est d’ailleurs, car son garage n’est qu’une couverture. Mais ce n’est qu’un minable petit malfrat, tenu pour quantité négligeable par les truands de la ville, les vrais, les durs, les pros.

Sa femme Bélinda est responsable de la bonne tenue d’un trio de gagneuses zaïroises. Quant à son frère Gus, vingt ans, il se came, exécutant à la lettre les ordres de son frère. Trafics d’autoradios, de bagnoles, de faux-papiers, assurent de confortables revenus.

Mais Rico est ambitieux. Il veut devenir le caïd de Béroir et il n’hésite pas à s’attaquer à la Baleine et au Kabyle qui se partagent la ville. C’est Gus, qui enfermé dans un asile psychiatrique, nous raconte cette épopée épique, parfois haute en couleurs et assaisonnée à la sauce du double-bang, une drogue spéciale concoctée par Arthur Hylgon, le chimiste bidouilleur de came et bras droit de la Baleine. Les autres personnages qui complètent la galerie de portraits peints pas Laurent Fétis oscillent entre farce et attrape.

Si cette histoire de tentative d’ascension par un petit malfrat dans la coterie huppée du grand banditisme ne manque pas d’humour, versant parfois dans la caricature grandguignolesque, le côté apothéose de la came me laisse dubitatif et un rien songeur. Il faut soigner le mal par le mal parait-il, soit, mais il est difficile d’accrocher à cette attirance.

Mais ce n’est que le simple avis d’un lecteur lambda et sexagénaire qui ne comprend pas cette attirance à la drogue.

Laurent FETIS : Le mal du double-bang.

Laurent FETIS : Le mal du double-bang. Série Noire n° 2305. Parution octobre 1992. 272 pages. Réédition Collection Baleine Noire. Editions Baleine. Parution décembre 2009. 326 pages.

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20 juin 2015 6 20 /06 /juin /2015 10:59
Olivier THIEBAUT : L'enfant de cœur.

N'en était pas un !

Olivier THIEBAUT : L'enfant de cœur.

Féru de poésie et rimailleur à ses heures, Benoît, dix sept ans, tue sa mère à coups de couteau, et aux policiers qu'il a appelé, dénonce Antoine Lacaze, l'amant de sa génitrice, comme le meurtrier.

Au commissaire qui prend sa déposition, qui l'invite au restaurant et le fait parler, il raconte sa version édulcorée des faits. La jeunesse de Benoît n'a pas été toujours rose. Le divorce de ses parents, l'alcoolisme de sa mère et sa fringale sexuelle ont quelque peu perturbé son enfance.

L'amour des vers est un héritage paternel et il se plonge avec délice dans Rimbaud. Il revit les scènes qui l'ont marqué enfant, des scènes de violences entre ses parents, leur séparation, les algarades entre Antoine et sa mère, les moments au cours desquels sa mère recherchait une affection sexuelle auprès de lui, et il y incorpore ses rêves.

Des rêves de conquêtes féminines auprès de jeunes filles et qui se terminent toujours par des accidents. Antoine Lacaze se défend d'être le meurtrier mais Benoît ne démord pas de sa déposition. Ce jour là, Antoine a effectivement rendu visite à sa mère, lui a fait l'amour, d'ailleurs des traces de sperme l'attestent, puis il a essayé de renverser Benoît en fonçant en voiture sur lui.

Sa mère lui ayant fait une confidence, Benoît l'a tuée et il recherche auprès du commissaire confirmation. Benoît se rend auprès du cadavre à la morgue où il jette la perturbation parmi les corps qui gisent dans les tiroirs. Sa mère n'était pas enceinte comme elle le lui avait annoncé. Le commissaire confie Benoît à son père qui malgré tout aime son fils, mais Benoît l'accuse d'avoir été à l'origine de la déchéance de sa mère, de la multiplicité de ses amants, de son alcoolisme.

 

Olivier Thiébaut fait partie de cette nouvelle génération d'auteurs qui renouvellent le roman noir français, en lui apportant une dose d'intimisme, de sensibilité qui jusqu'alors n'apparaissait qu'en filigrane.

Le déroulement de cette histoire n'est que le prétexte à mettre en scène un personnage d'adolescent perturbé dans ses relations familiales, et principalement maternelles. Cette graine d'homme est engluée dans ses souvenirs, dans ses rêves, ses cauchemars, dans son ressentiment envers son père qui n'a pas su assumer son rôle de pater familias.

La poésie contribue pour une bonne part à l'atmosphère glauque, pernicieuse qui se dégage de ce roman. Quant à l'épilogue il est assez déroutant, logique et perturbant.

 

Ça vous arrive d'avoir à faire à des assassins sympathiques ?

Olivier THIEBAUT : L'enfant de cœur. Série Noire N°2332. Parution novembre 1993. 176 pages. 6,65€. Disponible sur le site de la Série Noire

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 12:30

Elles sont îles...

Léopold TURGOT : Si loin des îles....

En ce temps là, les textos n'existaient pas, et pour communiquer en famille, le papier et le stylo étaient de mise.

Et quel plaisir pour la famille, proche ou séparée par l'Atlantique, de recevoir des nouvelles de personnes éloignées ou dont le destin est suspendu par la guerre.

Ainsi lorsqu'une missive écrite pendant la Seconde Guerre mondiale est redécouverte dans des affaires de famille, il est intéressant de retrouver trace de ceux qui aujourd'hui sont disparus. D'autant qu'il s'agit d'un témoignage poignant écrit, ou plutôt tapé à la machine, narrant les vicissitudes de l'expéditeur et de ses proches sur vingt-trois pages en petits caractères, les mots les uns à la suite des autres, sans interligne, et qu'il faut déchiffrer avec une règle à la main, ou presque.

Rédigé entre le 24 novembre 1940 et le 1er janvier 1945, l'expéditeur, Léopold Turgot, originaire de Saint-Pierre et Miquelon, narre les pérégrinations qui le conduisent, lui et sa famille, de Brest et l'arrivée des Allemands dans la ville portuaire jusqu'à la Libération du Huelgoat, et les conditions de vie durant l'occupation.

Une lettre qui aura beaucoup voyagé, de Brest à Saint-Pierre et Miquelon, retrouvée dans les papiers familiaux quelques trente années plus tard puis retransmise en Bretagne et atterrissant enfin au domicile d'Hervé Jaouen, apparenté par sa femme à l'expéditeur.

Léopold narre la vie quotidienne lors de son arrivée à Brest, les premières difficultés de ravitaillement tandis que les avions allemands bombardent la ville et qu'il a dû quitter Déolen le 17 juin 1940 au matin afin de rejoindre Saint-Pierre-Quilbignon en catastrophe, tous les tracas subit par de nombreuses familles en perdition. Pourtant Léopold Turgot ne se plaint pas. Il travaillait au Cable et il se retrouve sans emploi, vivant dans une ferme accueillante. Emmanuel (son frère) et moi sommes sans emploi, mais nous ne nous plaignons pas car il en est de plus malheureux que nous. Il faut boucher les fenêtres avec du carton, et pour pallier le manque de beurre (en Bretagne !) il ramasse des mûres pour les confitures.

Les mois passent, et le 23 mars 1941 Léopold écrit : Le gaz a fait sa réapparition à Brest. Mais ce n'est pas encore le cas dans les villages environnants, et il faut se débrouiller autrement. La solution reste le charbon pour la cuisson des aliments, une distribution de deux sacs de cinquante kilos. Ce n'est guère et il faut économiser. Avec le poussier au fond des sacs, j'ai moulé des pâtés dans de vieux journaux. Ils macèrent dans l'eau pendant quelque temps, et une fois secs nous donnent des petits briquettes qui permettent de faire durer le charbon.

En mai 1944, alors que le débarquement est proche, les Allemands sont sur les dents. Notre curé a été arrêté une deuxième fois et enfermé à Brest pendant un mois. A son retour, il nous a un peu décrit le régime des prisons allemandes. On ne peut pas se faire à l'idée qu'il existe encore de tels sauvages. Je ne puis pas vous raconter ici les actes de barbarie exercés sur les civils, cela n'en finirait plus.

Beaucoup de pudeur de la part du narrateur, tout comme ceux qui ont vécu cette période trouble, qui ne se vantaient pas, gardant pour eux la plupart du temps les misères endurées, sauf bien entendu les résistants de la dernière heure qui voulaient cacher leur collusion par des actes de bravoure fictifs et des histoires inventées de toute pièce.

 

Dans un long, tout est relatif, mais fort utile prologue, Hervé Jaouen nous présente les pérégrinations de cette missive et les tribulations des membres de sa famille par alliance. Famille qu'il a déjà eu le plaisir de mettre en scène dans L'Adieu aux îles. Et il fait œuvre pie en publiant ce texte, en permettant de découvrir le quotidien d'un homme et de sa famille pendant la guerre.

Un homme qui a rédigé ce texte destiné à ses proches avec pour seule ambition de décrire ce qu'il voyait, ressentait, sans emphase, sans vouloir se montrer historien, simplement un témoin.

De nombreuses photographies complètent ce témoignage, dont trente-trois dans un encart, qui montrent les représentants de la famille à Saint-Pierre et Miquelon, quelques ruines brestoises et l'arrivée des Américains. Un livre tout en pudeur à lire avec attendrissement, en pensant que vos parents, grands-parents, ou autres membres de votre famille, ont peut-être vécu les mêmes drames, les mêmes petites joies ou grandes douleurs, mais sans en parler ou avec réserve.

 

Léopold TURGOT : Si loin des îles.... De Brest bombardé à Huelgoat libéré. Présenté et édité par Hervé JAOUEN. Carnet central iconographique de seize pages. Editions Locus Solus. Parution 24 avril 2015. 96 pages. 13,00€.

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 09:52

Bon anniversaire à Paul Halter né le 19 juin 1956.

Paul HALTER : Meurtre dans un manoir anglais.

Invités par un mystérieux Docteur Lenoir, Mlle Rose, Mme Leblanc, Mme Pervenche, le docteur Olive, le professeur Violet et le colonel Moutarde font connaissance en attendant leur hôte.

Celui-ci est absent, mais a laissé un message à leur intention. Il ne saurait tarder selon la missive. Il leur propose afin de passer le temps d’échanger leurs souvenirs concernant des affaires criminelles auxquelles ils ont tous été plus ou moins impliqués, et de se restaurer. Des indices ont été disposés dans les pièces de l’imposante bâtisse.

C’est mademoiselle Rose qui entame les débats en découvrant dans la bibliothèque un poignard. Elle narre comment son oncle et tuteur a été tué dans une bibliothèque alors qu’il était enfermé avec Philipp le prétendant de la jeune femme. Naturellement Philipp est accusé du meurtre pourtant il jure ses grands dieux n’y être pour rien. Cette énigme sera résolue peu après et le mystère de la chambre close se dénouera d’heureuse façon.

Comme entracte le docteur Lenoir a proposé une séance de tir au pistolet dans le jardin avant que sa propre histoire soit lue par le docteur Olive. Puis c’est au tour des autres de se vider chacun la conscience, en attendant l’arrivée de cet hôte fantôme. Seulement l’un d’eux a menti et le drame couve parmi cette assemblée.

 

Délicieusement rétro cette histoire de Paul Halter, fervent admirateur de John Dickson Carr, est un moment de détente dans une production de plus en plus noire.

L’ingéniosité et l’humour présents dans ce petit livre en font une récréation agréable et les historiettes en forme de nouvelles sont liées par l’emprunt des personnages du célèbre jeu de Cluedo.

Paul Halter sans faire de remous, sans que son nom soit souvent cité comme aspirant dans les trophées, s’avère comme le maître actuel de ce genre un peu désuet qui garde ses fervents admirateurs, et l’on ne peut que saluer son sens de l’intrigue, son habileté à construire ses énigmes, le tout allié à une solide écriture qui nous change des romans bâclés annoncés comme l’essence de la littérature moderne.

 

Paul HALTER : Meurtre dans un manoir anglais. Le Masque Jaune N°2409. Editions des Champs Elysées. Parution 16 septembre 1998. 156 pages.

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19 juin 2015 5 19 /06 /juin /2015 08:11
Tonino BENACQUISTA : Trois carrés rouges sur fond noir.

Pas facile de jouer au billard avec des boulées carrées !

Tonino BENACQUISTA : Trois carrés rouges sur fond noir.

Le jour, Antoine travaille dans une galerie d'Art moderne, accrochant les tableaux, disposant les œuvres à l'aide de marteaux et de crochets nés sous X.

Mais pour lui, un vernissage n'est que l'occasion, le lieu de rencontre de vieux tableaux et de jeunes cadres. Et même s'il côtoie des huiles, Antoine a l'impression de gouacher sa jeunesse.

Aussi, à dix-huit heure, il s'éclipse et sa joie de vivre, son évasion, il les trouve sur un bout de pré, moquette verte ou paissent deux boules d'ivoire et une rouge sang qu'il manie à la baguette.

Son univers, c'est le billard dans une salle enfumée.

C'est lors de l'exposition consacrée à Morand, virtuose du noir, que son avenir bascule, comme la statue qui lui tombe dessus. Une toile anachronique disparait et Antoine se réveille à l'hôpital, mais pas sur un billard.

Dès lors, en marge de la police, Antoine mène son enquête personnelle, à la force du poignet.

 

Tonino Benacquista puise allègrement dans ses souvenirs et ses expériences pour écrire ses romans. Rappelez-vous Epinglé comme une pin-up dans un placard de G.I. dans lequel un jeune émigré italien partait à la découverte de l'Amérique et du monde des jeux. Ou encore La Maldonne des sleepings, roman ferroviaire entre Paris et Venise en compagnie d'un couchettiste de wagon-lit.

Dans ce nouveau roman, il nous entraîne dans les mondes interlopes de la peinture et des joueurs de billard. Et disons tout net, en tranchant dans le vif que l'enquête conduite par son héros pathétique ne sera justement pas du billard.

Il ne se contente pas d'esquisser mais peint à grands coups de pinceaux une étude de mœurs joyeusement féroce, à l'aide d'une palette où prédominent le rouge et le noir.

Tonino BENACQUISTA : Trois carrés rouges sur fond noir.

Tonino BENACQUISTA : Trois carrés rouges sur fond noir. Série Noire N°2218. Parution 1990. Réédition Folio Policier N°49. Parution mai 1999. 240 pages. 6,40€. Disponible sur le site de la Série Noire.

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18 juin 2015 4 18 /06 /juin /2015 09:41
Joseph BIALOT : La nuit du souvenir.

Et le souvenir ne nuit pas... Quoique...

Joseph BIALOT : La nuit du souvenir.

L’enlèvement de son petit-fils Julien, la veille du Jour de l’An et sa reconstitution contre une énorme rançon n’abat pas Lucien Perrain. Au contraire, il se charge de remettre lui-même l’argent réclamé aux ravisseurs, dans la banlieue parisienne près d’Etampes.

Hélas la neige qui recouvre la campagne environnante d’un blanc linceul transformera cette nuit de fête en tragédie. Pour Lucien c’est un retour en arrière qui s’effectue. Les souvenirs affluent. Des souvenirs vieux de quarante cinq ans, la déportation, la vie, si l’on peut appeler ainsi l’existence larvaire dans le camp de concentration de Bonne Espérance.

Des images qui s’impriment en surimpression, lui faisant perdre les esprits, la notion du temps. Et c’est le drame.

Lucien Perrain abat les deux truands chargés de la transaction. Un geste irréfléchi, impulsif, subordonné à des souvenirs poignants. Le fil ténu qui pouvait le mener à son petit-fils semble irrémédiablement cassé.

 

Dans ce roman, Joseph Bialot puise dans ses souvenirs personnels tout en adaptant ce qui pourrait être un fait-divers.

L’humour qui imprégnait son précédent roman, Un violon pour Mozart n’est plus de mise. Ici, c’est le combat âpre d’un homme seul contre les éléments, contre l’adversité, contre lui-même : « Lucien Perrain vivait ainsi, tiraillé entre la nausée et cette passion féroce de respirer, de marcher, de chanter, de jouir qu’il connaissait si bien depuis quarante-cinq ans ».

Un roman qui s’inscrit directement dans la définition que Joseph Bialot donne du roman policier : « Le roman policier représente la tragédie moderne au quotidien. C’est une littérature qui permet d’explorer un univers où les situations individuelles sont poussées au paroxysme. Il y a dans tout roman noir un moment, un seul où tout bascule, où tout le code social, où tout le corps social, se trouve confronté avec sa logique à une situation affective. Et c’est le clash ». Une excellente réédition à ne pas manquer.

Joseph BIALOT : La nuit du souvenir.

Joseph BIALOT : La nuit du souvenir. Série Noire N°2215. Parution février 1990. 224 pages. Réédition Folio Policier N°603. Parution le 16 décembre 2010. 240 pages. 7,00€. Disponible sur le site de la Série Noire

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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 16:37

Pas loin de chez vous ?

Benjamin GUERIF : Là où se cache le diable.

Adam, jeune adolescent, croit aux monstres, ceux qui figurent dans les légendes et superstitions des différentes régions qu'il a parcouru depuis sa tendre enfance.

Car Adam est un grand voyageur, par la force des choses, ses parents déménageant souvent pour leur travail. Depuis quelques semaines, il habite une vieille ferme que ses parents ont acheté au fin fond de la Dordogne, et il prend le car pour se rendre au lycée et vice-versa. Ce soir-là il a décidé de couper à travers bois, son âme d'explorateur l'invitant à découvrir d'autres chemins, d'autres paysages, malgré les avertissements du chauffeur du car scolaire.

Il s'enfonce donc dans les bois, se demandant toutefois s'il va retrouver le chemin menant jusque chez ses parents, qui comme d'habitude travaillent et rentrent tard. Il ressent des anomalies, des tremblotements, quelque chose d'anormal qui l'entoure, comme si des bêtes invisibles, ou des êtres maléfiques, le suivaient à la trace ou le précédaient. Ce ne sont que de simples fourmis, des milliers de fourmis qui vaquent à leurs petites affaires. Plus inquiétant, c'est la lueur qu'il aperçoit au loin. Illusion, magie ? Il y repense lorsque rentré chez lui il joue une partie de Roi des elfes sur sa console. Il ressort la nuit tombée, muni d'un coutelas, entend un bruit de cavalcade et décide de rentrer. Il a eu assez d'émotions pour ce jour là.

Toutefois ces phénomènes étranges le tarabustent, même si sa chambre est truffée de dinosaures, de trucs comme dit sa mère, sur la préhistoire, une affiche du Léviathan, et ses jeux de rôles empruntés à la Fantasy. C'est son univers, il s'y sent bien, mais cette forêt qui semble recéler des secrets, il lui faut l'explorer et découvrir ce qui ne va pas.

Il arpente les bois, se trouve nez à nez avec un bélier et sans barguigner lui assène un coup entre les yeux avec son coutelas en forme de glaive. L'animal apeuré s'enfuit. Il découvre un trou, comme un gouffre qu'il se promet d'explorer plus tard, et d'où sortent des émanations nauséabondes. Au fond du vallon s'élève une maisonnette, une pancarte indique qu'il s'agit du Clos de la Sorcière, habitée par une jeune femme. Elle lui apprend que le vallon se nomme l'Antre du Diable. Ils discutent mais sa curiosité n'est pas assouvie.

Alors il parcourt les livres de la bibliothèque, des ouvrages, guère nombreux, consacrés aux légendes de la région, aux châteaux-forts. Heureusement le bibliothécaire s'intéresse à ses recherches et le conseille, lui proposant de rencontrer certaines personnes du village susceptibles de lui fournir des renseignements. Le mystère rôde, entretenu par ces disparitions inquiétantes d'animaux et de personnes.

 

Dans une ambiance semi fantastique, Benjamin Guérif, pour une fois en solo, construit une histoire gentillette destinée aux adolescents. Les adultes ne se laisseront pas mener par le bout du nez dans certaines circonstances, par exemple par cette lueur fantomatique.

Adam ira de surprises en révélations, bien décidé à comprendre ces phénomènes diaboliques.

Comme bien souvent dans ce genre d'histoire, ce sont les à-côtés qui donnent de la saveur à l'intrigue. Par exemple monsieur Julien, le bibliothécaire, qui déclare à Adam : L'erreur d'interprétation, c'est le piège qui guette tout historien ! Trouver un renseignement fiable est une chose, comprendre ce qu'il signifie réellement en est une autre. Mais lorsque l'on sait que Benjamin Guérif est docteur en histoire, ceci explique cela. Un précepte qui devrait être appliqué parfois plus rigoureusement de la part de certains journalistes, juges ou procureurs.

Autre sujet abordé incidemment, par madame Riklho l'habitante de la maison dans le vallon, c'est celui des grandes entreprises. Elle vitupère contre ces grandes machines qui finissent par produire du fric toutes seules, comme en pilote automatique. Dès lors, peu importe qui est aux commandes, il suffit de connaitre un minimum son sujet et de ne pas faire de conneries. Plus loin, elle ajoute : Mais parfois, il y en a qui font des conneries. Ça met la firme en difficulté, et il faut réagir. Dans la précipitation, on a droit à toutes les énormités possibles. Moi, j'ai vu débarquer des gens insupportables. Des donneurs de conseils, qui ne savent rien faire d'utile. Qui brassent du vent en prétendant "élaborer des stratégies". Or ce genre d'entreprises, cela ne manque pas, surtout en ce moment et on se demande parfois comment une entreprise florissante peut être amenée à réduire ses effectifs pour renflouer ses finances. Et ce sont toujours les ouvriers qui trinquent et les donneurs d'ordre, souvent les patrons, qui repartent munis d'un parachute doré.

Un roman pour adolescent plus profond qu'il y parait, suffit juste de mettre les yeux au bon endroit et d'analyser son contenu.

Benjamin GUERIF : Là où se cache le diable. Collection Rat noir. Editions Syros. Parution le 7 mai 2015. 160 pages. 13,50€.

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17 juin 2015 3 17 /06 /juin /2015 12:21
Daniel PICOULY : NEC.

Plus ultra... ?

Daniel PICOULY : NEC.

Lorsque le destin est lié à la reproduction sur carte postale d'une fresque italienne d'une peinture du XVe siècle, lorsqu'un commissaire est dirigé sur l'enquête de la crémation d'un diplomate Sud-Africain parce qu'on le juge trop nul pour réussir, lorsque des attachés d'ambassade désirent que cette enquête avorte, lorsqu'une pellicule photo joue au pigeon voyageur et lorsque plusieurs personnages ne pensent qu'à se tirer dans les pattes, cela donne un roman bizarre, aux formules à l'emporte-pièce, aux phrases oniriques et à l'action quelque peu embrouillée.

Mais Daniel Picouly avait-il envie d'écrire un roman à la trame littéraires ? Non. Il jongle avec les mots, et ses phrases courtes sont autant de déchirures figures de style.

Qu'il s'agisse de NEC? le héros-meurtrier, du commissaire Lomron, de Scoop le journaliste, de Météo l'arroseur de neige, de Béa l'accueillante, de Hondo, l'enfant fasciné par les allumettes, chacun vit avec ses souvenirs, ses allégories, ses envies accrochés à ses basques comme une colonie de pucerons sur une tige de rosier. L'humour et la mort rôdent, s'entrechoquent, et tout n'est que manipulations et images délétères.

Déroutant au premier abord NEC vaut plus par la description des personnages et leurs pulsions que pour l'intrigue faire-valoir. Si l'on a du mal à s'immiscer dans l'histoire labyrinthique, plus on approche de la sortie plus on est absorbé dans une description d'un délire apocalyptique, d'une chasse à l'homme nocturne dans des décors naturels issus d'un film noir et blanc impressionniste.

La Série Noire a accueilli par le passé d'autres romans qui sortaient d'un cadre bien défini et ce livre difficilement classable, à l'atmosphère sulfureuse et à l'écriture râpeuse, joue plus sur le concept surréaliste que sur une intrigue sortie d'un moule à la structure rigide.

 

Daniel PICOULY : NEC.

Daniel PICOULY : NEC. Série Noire N°2297. Première parution mai 1992. Nouvelle édition août 2003. 224 pages. 7,65€. Disponible sur le site de la Série Noire.

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16 juin 2015 2 16 /06 /juin /2015 12:48

Et des crosses, il n'en manque pas Tyler !

Fabien NURY & BRÜNO : Tyler Cross.

Contacté par Di Pietro, un truand multicartes, Tylor Cross doit intercepter une cargaison de mexicaine brune. Vingt kilos à dérober pour une prime de cent cinquante mille dollars. De quoi vivre sans soucis pendant plusieurs années.

L'homme qui gère le trafic n'est autre que Tony Scarfo, le fils d'un ami de Di Pietro, et accessoirement son filleul. Un petit con gominé selon le vieil homme qui désire lui démontrer que malgré son âge il est toujours dans le coup.

Tyler Cross s'adjoint la complicité de ses amis, sa maîtresse C.J. et le géant Ike. La première opération consiste pour C.J. à approcher Tony Scarfo, le subjuguer et il ne reste plus à Tyler Cross et Ike à le faire parler en employant les moyens appropriés, c'est à dire la manière forte. Munis des renseignements concernant la livraison, Tyler monte une embuscade afin de dévaliser les transporteur mexicains qui doivent franchir la frontière de nuit. Seulement l'opération ne se déroule pas comme Tyler l'aurait souhaité. Outre les Mexicains, C.J. et Ike restent sur les cailloux du désert. Après avoir effectué une légère mise en scène afin que sa trace ne soit pas éventée, Tyler se rend à pied son baluchon de mexicaine brune sur le dos jusqu'à la cité voisine.

A l'entrée de la petite ville, il demande à un vieux garagiste de lui louer un véhicule mais pour cela il lui faut de l'agent. Alors il téléphone à son avocat à Galveston et lui demande de le dépanner à l'aide d'un mandat télégraphique. Mais la banque ferme avec une heure d'avance, car une cérémonie est prévue. Le mariage de Stella, la fille du garagiste, avec William, l'un des fils Pragg. Alors non seulement Tyler n'a pas son argent immédiatement, de plus il apprend que Di Prieto vient de décéder.

Black Rock city est le fief de la famille Pragg. Le père est un richissime propriétaire de mines pétrolifères, et les fils sont respectivement maire, shérif et banquier, des postes clés qui leur permettent de tenir les habitants dans leurs grosses menottes.

Une indiscrétion recueillie par la famille Pragg grâce au postier qui a écouté la conversation téléphonique, met en péril la vie de Tyler Cross. D'autant qu'il s'intéresse au cas de Stella qui se marie de force.

 

Résolument ancrée dans cet Ouest sauvage, l'action se déroule dans le Texas. Le scénario lorgne du côté des grands auteurs américains de romans noirs, et l'on pense surtout à Jim Thompson, l'auteur de Le démon dans ma peau, Nuit de fureur, Un nid de crotales et surtout le célèbre 1275 âmes, mais également à William Riley Burnett ou des petits maîtres que furent Clifton Adams et Ray Hogan. Des histoires qui mettent en scène la plupart du temps des sociopathes, d'ailleurs l'un des protagonistes possède un serpent. Une histoire emplie de bruit (qu'on imagine), de fureur et de violence, dans laquelle Tyler Cross le mauvais garçon devient presque le chevalier blanc de la veuve et de l'orpheline.

 

N'étant pas un lecteur assidu de Bandes Dessinées, je ne peux me substituer aux spécialistes de cette discipline mais exprimer simplement mon ressenti à la découverte de cet ouvrage.

Le dessin, stylisé, épuré, et pourtant très expressif, est en adéquation avec l'écriture, texte et dialogues, directe, simple, incisive, rugueuse, le maximum étant raconté en un minimum de mots. Le style béhavioriste initié par Dashiell Hammett, pour une histoire qui s'inscrit dans les années cinquante. Une intrigue sombre servie également par la colorisation bleu nuit, jaune, bistre, ocre, en abondance, avec des éclats verdâtre ou de rouge, de Laurence Croix.

 

Et inscrivez dès maintenant sur votre agenda la date du 28 aout 2015, date de sortie du second (ou deuxième) tome de cette nouvelle série très prometteuse.

Fabien NURY & BRÜNO : Tyler Cross. Couleur de Laurence Croix. Editions Dargaud. Parution le 23 aout 2013. 96 pages. 16,95€.

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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