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4 mars 2013 1 04 /03 /mars /2013 17:12

double-visage-du-dr-karl-roos.jpg


En 1871, après la débâcle de l’armée française face aux troupes prussiennes, l’Alsace et la Lorraine sont annexées à la Prusse qui deviendra par la suite l’Allemagne. La défaite de l’Allemagne lors de la guerre 14/18 permit à la France de récupérer ces deux provinces. Seulement, les autochtones se sentaient plus Allemands que Français, surtout ceux nés après 1870, des affinités entretenues par la langue alsacienne. En effet le parler alsacien est beaucoup proche de l’allemand que du français. Après la signature de l’armistice, de nombreux Alsaciens réclamèrent l’autonomie et l’indépendance. Or l’état français commit de très graves erreurs qui encouragèrent cette mouvance.

Ainsi selon leurs origines parentales, les Alsaciens-Lorrains sont munis de cartes, sortes de cartes d’identité, qui leur permettent ou non d’exercer certains métiers tels que fonctionnaires, et surtout d’être considérés comme bons Français.

De la carte A, délivrée aux Alsaciens-Lorrains dont les parents et grands-parents sont nés en France ou en Alsace-Lorraine, donc catalogués comme bons Français, en passant par les cartes B et C jusqu’à la carte D, attribuée à ceux qui ont des ancêtres allemands, autrichiens, hongrois, les différences sont fondamentales. Les porteurs de la carte D, les maudits, même nés en Alsace, sont considérés comme des étrangers.

Petit aparté. Depuis la loi Sarkozy sur les cartes d’identité françaises, un Français né à l’étranger doit prouver sa filiation et la nationalité française de son père, ce qui est pour certains un véritable casse-tête. Je le sais, j’ai été concerné et ai dû attendre trois mois pour obtenir ma nouvelle carte d’identité, sur l’ancienne figurait pourtant la mention Nationalité française, comment voulez-vous que bon nombre de jeunes des banlieues confrontés à ce problème se sentent profondément attachés à la France. Fin de l’aparté.

C’est donc dans ce contexte malsain, que de nombreux Alsaciens s’érigent en dissidents et se réfugient en Suisse ou en Allemagne. Et forcément ils sont des proies faciles attirées par la suite par les discours hitlériens. Ils complotent afin que d’autres Alsaciens-Lorrains les suivent dans leur entreprise, et c’est ainsi que le Docteur Karl Roos est amené à rejoindre leur association.

Pour cela il doit faire ses preuves, démontrer sa bonne foi, son engagement. Lors d’une réunion à Berlin, en avril 1920, il déclare à ses hôtes, Robert Ernst qui prépare une thèse sur l’insertion des Alsaciens-Lorrains exilés dans la vie économique allemande, et Liselotte Meyer, qu’il aime l’Allemagne ainsi qu’au colonel Haushofer qui participe à cette soirée. Il a quarante-deux ans, est Alsacien, son père était instituteur, il est docteur en linguistique et a ouvert une école privée de commerce. Il a servi sous les couleurs allemandes, comme la majorité des Alsaciens, et a été décoré de la Croix de fer allemande de 1ère classe. Et il en est fier déclare-t-il à Robert Ersnt qui toutefois se méfie. Le colonel plaide sa cause, affirmant que Roos écrit très bien. Mais Ernst n’est toujours pas convaincu, lui demandant : Si vous jouez double-jeu avec les Français, pourquoi ne serait-ce pas pareil avec nous ?

Mais Roos possède des arguments : Depuis [la fin de la guerre], le ressentiment ne fait qu’enfler contre le gouvernement français. Il faut dire que tout nous sépare des Français, la religion, la langue et même notre manière de vivre est différente. Le peuple a faim, il en a contre la bourgeoisie. Et il enchaîne les récriminations contre le gouvernement français.

Il est prié de cacher son jeu, afin de pouvoir obtenir un poste élevé à l’intérieur de l’appareil français, et se montrer plus stratégique. Peu après Roos fonde l’institut des Alsaciens-Lorrains, rattaché à l’université de Francfort, et surtout, deux ans après son inauguration, il crée un service de presse d’Alsace-Lorraine et une revue mensuelle, Heimatstimmen, qui est lue dans toute l’Alsace.

Peu à peu il devient une figure politique en Alsace, et adopte un programme désirant rallier tous les autonomistes, qu’ils soient Flamands, Corses, Bretons… Ce qui débouche sur le procès de Colmar, mais ayant fui à Bâle il est condamné par contumace. Il obtient un procès en révision puis est élu au conseil municipal de Strasbourg.

Mais ce n’est pas fini, et Viviane Janoui-Benanti retrace méticuleusement ce parcours, insérant dans son récit le parcours et l’action du docteur Joseph Weil, chef de clinique à la faculté de Strasbourg. Il a lu Mein Kampf attentivement et met en garde ses compatriotes contre les dérives des propos et des écrits nazis. Il organise une résistance juive et accueille avec la complicité de Lazare Blum et de la communauté juive strasbourgeoise les réfugiés qui affluent en France. Il est à l’origine également au début des années trente d’un institut des Etudes Juives.

En coordination avec les services secrets français, il met en place un réseau de renseignements, sorte de contre-espionnage, qui aboutira à l’arrestation d’espions nazis.

roos.jpgC’est toute cette période d’entre-deux guerres qui est reconstituée, une période de troubles, de doutes, de guerre larvée durant laquelle les Alsaciens seront partagés entre deux systèmes, mais qui révèlera des hommes nobles, ne cédant pas aux chants des sirènes nazies. Seulement, aujourd’hui encore, des nostalgiques d’un régime font encore parler d’eux, dans différents domaines, surtout par haine du Juif. L’antisémitisme n’a jamais été éradiqué. Et il est difficilement compréhensible qu’un site dédié à Karl Roos puisse exister, en l’exposant comme un martyr car il reste une figure célébrée par les autonomistes.

Un livre à lire afin de se faire une idée précise sur cette époque, mais aussi sur les erreurs gouvernementales, erreurs qui se reproduisent dans les domaines de l’intégration par exemple, mais dont on ne remarque les conséquences que bien plus tard, lorsque le mal est fait.

 

A lire également de Viviane Janouin-Benanti  : Les diaboliques de Waldighoffen ainsi que La séquestrée de Poitiers.


Viviane JANOUIN-BENANTI : Le double visage du Dr Karl Roos. Nids d’espions en Alsace-Lorraine. Editions L’Àpart. 320 pages. 20€.

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commentaires

J
Viviane Janouin-Benanti précise bien sur son site qu'il s'agit d'un roman historique. Un roman, c'est-à-dire un exercice littéraire dans lequel l'auteur est entièrement libre et n'a pas à se justifier ni à donner ses sources. Et c'est bien à un exercice littéraire qu'on a affaire ici. Ce qui est tragique, c'est que ce livre sert de référence, même, par exemple, sur la page Wikipedia de Karl Roos. Or, en aucun cas un historien sérieux ne peut s'appuyer sur un roman pour raconter l'histoire.<br /> Ce qui me rend infiniment triste, car Karl Roos était un authentique démocrate qui, au sein de son parti, a lutté contre les jeunes qui s'enthousiasmaient pour la politique national-socialiste. Et ce sont eux qui l'ont balancé à la police française pour se débarrasser de lui. Il est aujourd'hui avéré qu'ils étaient des espions au service de l'Allemagne, Roos, lui, a servi de lampiste. Son procès, devant une cour militaire, après le décret de 1938 qui ordonnait qu'en matière d'espionnage, c'était à l'accusé de prouver son innocence et non à la cour de prouver sa culpabilité, a été une véritable farce, une honte absolue pour une démocratie. C'est Hitler lui-même qui a suggéré de glorifier le défunt Roos non pas en tant qu'autonomiste alsacien (ce qu'il était véritablement), mais en "combattant de la grande Allemagne" (sous-entendu : national-socialiste), ce qu'il n'a jamais été.<br /> Je recommande vivement la lecture de la biographie de Karl Roos qui sort en septembre 2020 : Karl Roos, un autre Dreyfus alsacien, chez Yoran Embanner https://www.yoran-embanner.com/<br /> Pour ceux qui préfèrent les vidéos, en voici une que j'ai réalisée il y a quelques années :<br /> https://www.youtube.com/watch?v=H340vSgGhGU<br /> Merci de m'avoir lu jusqu'ici.
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H
c'est Hansi, qui était un dangereux espion français
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O
Bonjour et merci pour vos précisions.
H
Roos était un patriote allemand, défenseur de l'Alsace germanophone
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A
J'ai bien aimé ton aparté.
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O
<br /> <br /> Merci Alex, mais je ne suis pas le seul à avoir été concerné et j'en garde toujours une certaine acrimonie envers ces lois ou décrets qui font plus de mal que de bien et attisent les haines. Il<br /> ne faut pas chercher bien loin pour découvrir l'origine de certains ressentiments...<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br />  <br /> <br /> <br /> <br />
L
Un sujet intéressant pour les historiens, les alsaciens et les p'tits vieux comme moi.<br /> Amitiés<br /> Le Papou
Répondre
O
<br /> <br /> ou comme moi... Mais cette rétrospective est intéressante à plus d'un titre et dévoile une face cachée de l'histoire qui explique beaucoup de problèmes que nos élus n'ont toujours pas compris<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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