Tout commence en 1999, lorsque le père, malade, du journaliste Jean Pandolfi-Crozier, confie à son fils quelques objets contenus dans une vieille malle. Un étui à violon, deux curieuses pierres et quelques livres. Dans l’étui de l’instrument à cordes, une clé à laquelle est accrochée une étiquette portant comme suscription Serra. Parmi les volumes poussiéreux, quelques aventures du détective britannique Sherlock Holmes datant de la fin du XIXème siècle, quelques exemplaires de la nouvelle de Maupassant Le Horla, ainsi qu’un guide, Richesses géologiques et minières de l’île de Corse, écrit par l’ingénieur et géologue Ugo Pandolfi, un arrière grand-oncle paternel. Quelques mois plus tard, Jean Pandolfi-Crozier hérite d’une maison de village en Corse du Sud. Et en réhabilitant cette bâtisse, l’entrepreneur à qui les travaux ont été confiés découvre un coffre. A l’intérieur quatre carnets ayant été écrits par Ugo Pandolfi, quatre manuscrits dont la teneur est pour le moins surprenante et qu’il nous délivre ici :
En novembre 1893, Ugo Pandolfi se trouve à Montpellier suite à une convocation signée Sigerson. Il est intrigué par cette missive qui fait référence à Guy de Maupassant, l’écrivain décédé quelques mois auparavant et ami du géologue. Sous l’alias de Sigerson, se cache le célèbre détective Sherlock Holmes, qui n’est pas décédé lors d’une chute à Reichenbach en Suisse mais depuis se déplace sous un autre pseudonyme. Or si Sherlock Holmes demande l’aide de Pandolfi, c’est bien à cause, ou grâce, à l’amitié commune qui les liait à l’auteur du Horla. Et pour une affaire qui requiert les connaissances insulaires de l’île de Beauté de Pandolfi. Lors d’une réunion à laquelle assistent quelques membres éminents de la criminologie française, Bertillon, Lacassagne et autres, réunion placée sous la houlette du commissaire Le Villard, Pandolfi apprend que Sherlock et les services de police sont sur les traces des frères Moriartini qui sont activement recherchés. Et que l’un d’eux ne serait autre que le célèbre et malfaisant professeur James Moriarty.
C’est ainsi que Pandolfi se trouve embringué dans une aventure épique au cours de laquelle il apprend à mieux connaître le détective écossais et à tisser des liens amicaux avec lui. Lors du voyage maritime qui l’emmène du continent vers Ajaccio, Pandolfi a bien du mal à reconnaître Sherlock qui use à nouveau de déguisements sophistiqués. Moriarty a été repéré par des policiers français et britanniques, et il semblerait qu’il soit au cœur d’une entreprise d’escroquerie immobilière. Des notaires se rendent très souvent dans l’une ou l’autre de ses résidences, l’une située au nord de l’île, l’autre au sud. Or Moriarty semble posséder un moyen de locomotion extrêmement rapide, car il se déplace d’un point à un autre sans que les forces de police puissent le suivre. Il apparait puis disparait sans laisser de traces, ce qui est pour le moins étonnant.
Sherlock et Pandolfi s’installent, en compagnie de policiers dont Ors’Anto et O’Near chargés de les épauler et les ravitailler, à Cauria où réside l’un des Moriartini. Cachés sous un dolmen préhistorique ils peuvent à loisir surveiller le domaine qui s’apparente à une ferme. Un trafic de moutons semble organisé sous la responsabilité notamment d’un Annamite. Le point culminant, et non point d’orgue comme disent si volontiers quelques journalistes, puisqu’un point d’orgue est une note prolongée, le point culminant de cette affaire se déroulera les 24 et 25 décembre 1893.
De nombreux personnages évoluent dans ce roman qui crée un lien entre la disparition de Sherlock Holmes puis sa réapparition officielle, apportant une saveur particulière. Outre les parties de pêche et les balades maritimes de Pandolfi en compagnie de Maupassant, sont évoquées les figures de Zola et de Réouven, tandis que miss Bell, la fille du professeur Bell qui servi à Conan Doyle de référence pour camper son personnage, subjugue Pandolfi. On découvre un Sherlock Holmes gourmet et même gourmand, s’intéressant particulièrement à la gastronomie locale ainsi qu’au travail des apiculteurs. Un homme curieux, désireux de développer ses connaissances mais pas d’un abord aussi froid qu’on pourrait le croire.
Les nombreuses notes en bas de pages imbriquant des épisodes concrets qui se sont déroulés, des références littéraires, géographiques ou historiques, avec des explications fournies par le petit-neveu concernant les écrits d’Ugo Pandolfi, et astucieusement délivrées font que ce roman n’est ni une parodie, ni un pastiche, ni un roman apocryphe, mais comme le testament d’une aventure réellement vécue écrite sous forme de journal. Et le lecteur habitué à retrouver les dessins de Jean-Pierre Cagnat dans le Monde, L’Express, VSD et autres magazines, se délectera à ces respirations en noir et blanc.
Ugo PANDOLFI : La vendetta de Sherlock Holmes. Dessins de Jean-Pierre Cagnat. Editions Albiana. 256 pages. 14,50€.