Les sept cavaliers de l’Apocalypse entourés de leurs mentors ont frappé !
L’apocalypse, qui à l’origine signifiait révélation ou dévoilement, a pris au fil des siècles une connotation de catastrophe rapide et violente. C’est donc ce contexte que les responsables du concours ImaJn’ère ont incité les participants à un concours de nouvelles à développer. Et tous ont pris à leur compte une vision basée sur des faits réels, ou par le biais de la politique-fiction ont décrits des événements qui pourraient nous tomber sur le râble un jour.
Les sept gagnants dont certains ne sont pas à leur coup d’essai délivrent par leurs textes un message qui n’est guère à l’honneur, la plupart du temps, des dirigeants gouvernementaux.
Et le petit train qu’ils composent en autant de wagons brinquebalant sur des rails de l’incertitude est entraîné par une locomotive habituée à conduire les voyageurs-lecteurs dans des chemins escarpés. Jean-Bernard Pouy, puisque c’est de lui dont il s’agit, s’est posé la question de savoir dans Scato intégriste comment pourrait évoluer la société si l’Eglise catholique, qui déjà se montre homophobe, lançait une croisade tout en défendant le mariage.
Avec Le goût amer des empanadas, Julien Heylbroeck, qui a déjà fourni quelques nouvelles dans des anthologies publiées par Rivière Blanche, reviens sur trois journées décisives dans l’histoire du Chili. Le 9 septembre 1973, l’inspecteur Caballero ainsi que son adjoint Casares sont amenés à enquêter sur le meurtre de Junio Vidal, le grand patron d’une entreprise de transport. Les camionneurs sont en grève, la veuve est éplorée et mondaine, et l’armée s’agite. La junte militaire s’apprête à renverser le président chilien.
Les oubliés de Vincent Herbillon s’inscrit dans l’après-cataclysme apocalyptique, dans un pays non défini mais qui affecte toute la planète. Et les Oubliés sont tous ceux qui sont rejetés, parqués, recherchant une maigre nourriture parmi les détritus. Ils sont surveillés par des miliciens qui n’hésitent pas à tirer sur ceux qui veulent fuir leur condition. Les gros, les hommes politiques, les financiers jouissent quant à eux d’une aisance obscène.
Jilali Hamham avec 93 panthers imagine une révolte des habitants d’origine arabe de la banlieue parisienne et plus précisément les habitants du 9.3. Houriad Jawad, la Marianne au keffieh comme elle a été surnommée, et ses trois compagnons remontent une avenue proche des Champs Elysées à bord d’un fourgon. Elle est communication avec d’autres véhicules qui ont quitté le département de la Seine Saint-Denis, exacerbés par l’ostracisme qui y règne. Ils ont mitonné un feu d’artifice à leur manière et essaient de ne pas se faire remarquer par les motards de la police qui sillonnent l’avenue.
Emeute d’Eric Lainé extrapole sur l’explosion de haine qui s’est déclarée dans des quartiers parisiens suite à un banal fait divers comme il en arrive parfois. Une voiture volée, une course poursuite avec un véhicule de la Bac, des policiers qui ne se maitrisent pas et un coup de feu tiré en l’air atteignant un gamin jouant sur une terrasse d’un quatrième étage. L’engrenage de la violence et des habitants se prennent pour des résistants, devenant des miliciens presque pour le plaisir, se croyant dans un jeu de rôle.
Yuri, crâne rasé et couturé de cicatrices, le personnage principal de Extrasystole, de Jérôme Verschueren, est l’homme de main de Paul, un homme secret, riche, le dirigeant d’une société de clearing. Yuri a des problèmes de cœur, pourtant il a toujours vécu sainement, même en tôle : vodka bio, à profusion. Ce jour-là, 21 décembre 2012, il sait qu’il n’a plus que quelques heures à vivre, mais auparavant il faut qu’il termine un boulot.
Samedi 12 décembre a également inspiré Jean-Hugues Villacampa, l’instigateur de ce concours, dans Samedi noir. Des policiers en armure et des membres d’un Service d’ordre anar s’affrontent boulevard Voltaire à Paris. Le chômage vient de dépasser les cinq millions de personnes et encore tout le monde n’est pas compté. Des familles entières sont jetées à la rue. Dans ce contexte Arnaud est au four et au moulin, et ce n’est pas de la galette.
On se revoit à la Saint-Truphème propose Robert Darvel, le créateur des éditions du Carnoplaste. Trois meurtriers, les assassins de la malheureuse Gabrielle deRhuys, ont un problème. Que faire du corps ? Ils entreprennent de le découper en trois et chacun de leur côté d’en emmener un morceau, et de s’en débarrasser, selon leur inspiration. Et de revoir à la Saint-Truphème pour échanger leur façon de procéder.
Nouvelle qui vous rappellera sans aucun doute votre enfance, Tir aux pigeons de Dominique Delahaye. Gamin, Jean-Pierre a reçu en étrennes un tir aux pigeons, un mobile sur lequel sont juchés des volatiles en carton et qu’il faut abattre d’une flèche munie d’une ventouse. Son copain Philippe était très fort à ce jeu-là tandis que Jean-Pierre peinait. C’était dans une ville où les hauts-fourneaux ne chômaient pas. Pas encore. Bien des années plus tard, les hauts-fourneaux s’éteignent et Jean-Pierre a entrepris de réaliser une action d’éclat.
Le thème récurrent est bien la rébellion, l’émeute, l’insurrection, menées par des factions intégristes, par des rejetés de la société, des bandes organisées ou des particuliers. Ce qui se traduit soit par des actes isolés soit par des opérations mûrement réfléchies qui entrainent des faits divers qui pourraient passer inaperçus ou mettent la société en danger.
Chaque auteur a développé selon son inspiration, son envie, sa vision d’un monde en déliquescence, ce thème qui était l’objet d’un concours de nouvelles lancé par l’association ImaJn’ère. Le sujet retenu était plus précisément : Apocalypse sociétale : Notre société n’a jamais attendu les prévisions apocalyptiques des fins-du-mondistes de tout poil pour concocter les pires atteintes aux droits fondamentaux de l’Homme et l’imagination diabolique des hommes de pouvoir surprend chaque jour un peu plus le commun des mortels. La notion d’apocalypse ou de fin du monde se décline sous les formes les plus divers selon sa propre perception du cataclysme ultime.
Et vraiment les auteurs s’en sont donné à cœur joie pour imaginer ce qui pour eux est le symbole du cataclysme, de l’apocalypse. Souvent dans un déchaînement de violence, parfois avec un humour noir très prononcé, ils se sont dépatouillés avec brio de ce qui n’était pas au départ un thème évident, et surtout ils ont su le renouveler.
L’association ImaJn’ère sous la houlette de Jean-Hugues Villacampa édite également deux fanzines, La Tête en l’ére et La Tête en rêve, que vous pouvez télécharger en visitant le site de PhénomèneJ, une bouquinerie basée à Angers et qui édite également le plus vieux fanzine français La Tête en Noir dirigé de main de maître par Jean-Paul Guéry, le préfacier de l’ouvrage et son petit frère La Tête en Rose dont l’unique rédacteur est Michel Amelin. ou celui de ImaJn'ère.
Contact par courrier à Phénomène J : 3 rue Montault ; 49100 Angers.
Total Chaos : Recueil collectif. Editions ImaJn’ére. 192 pages. 14,00€.