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25 juillet 2013 4 25 /07 /juillet /2013 12:26

Petiot de nom, Petiot dans la conscience !

 

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Lorsqu’en ce mois d’avril 1946, le jeune gardien de prison Pierre entame sa première nuit de garde, il est fier et intimidé. Il a été affecté au quartier 7 et plus particulièrement à la surveillance de la cellule 7. Cela ne fait qu’un an qu’il est devenu surveillant et il n’a pas bénéficié de formation à proprement dit. Il a appris sur le tas, or la tâche qui l’attend n’est pas vraiment de tout repos. Le prisonnier dont il est en charge est promis à la guillotine et il serait mal venu qu’il s’échappât ou se suicidât.

Ce prisonnier qui fait l’objet d’autant d’attention n’est autre que le docteur Petiot. Soir après soir s’engage entre les deux hommes un dialogue et Pierre est fortement intéressé par ce que lui narre le célèbre toubib accusé de vingt-six assassinats mais qui en revendique soixante-trois.

Petiot n’est pas du tout d’accord avec les juges et les journalistes, se défendant d’avoir perpétré des meurtres sur des innocents. Il affirme avoir servi dans la Résistance en créant son propre réseau et ses victimes n’étaient que des nazis ou des collaborateurs. Pierre écoute les déclarations du médecin, cherchant à démêler le vrai du faux mais surtout il est fasciné par cette logorrhée. En effet Petiot ne se contente pas de se défendre, il entreprend de raconter quelques histoires mettant en cause des médicastres ayant eu maille à partir avec la justice aux XIXe siècle et début du XXe.

Parmi les mobiles récurrents des meurtriers, l’argent et l’amour arrivent en tête. Petiot connait les histoires de ses confrères meurtriers sur le bout de son scalpel et Pierre est stupéfait et captivé par ces récits, quémandant parfois des explications, ou s’insurgeant. La première affaire évoquée est celle du docteur Edmond de la Pommerais. L’homme de l’art est un envieux et il veut accéder le plus rapidement possible à la fortune et à la reconnaissance. C’est dans ce but qu’il se marie. La mère de la future épouse est réticente mais de la Pommerais produit devant le notaire des actions empruntées à un ami. Sa femme est fortunée, mais le patrimoine fond rapidement entre les mains du toubib qui a alors recourt à un système d’assurances-vie. Il prend en même temps une maîtresse. Commence alors un engrenage infernal et il accumule les assurances-vie et bien entendu les meurtres. Il empoissonne ses victimes à l’aide de produits qui sont théoriquement indétectables à l’époque et dont il connait les effets, étant homéopathe.

Pierre s’intéresse au cas Petiot en épluchant les journaux, et il démontre qu’il est au courant de tous les méfais dont son prisonnier est accusé. Il sait même que Petiot avait oublié de payer ses impôts. Ce qui lui vaut cette répartie : J’avais déclaré le dixième de ce que j’avais gagné, ce qui prouve que je suis français… J’allais tout de même pas être le seul con à ne pas frauder le fisc… Car Petiot est un cynique et il ne s’en cache pas.

Le docteur Palmer était un accro aux jeux et aux paris, les dettes s’ensuivent et le meilleur moyen de les honorer est d’envoyer ad patres les créanciers. Théodore Durant, un Canadien, ne vit que pour le sexe. Afin d’échapper à ses pulsions, il adhère aux idées rigoristes des baptistes et il est soumis à un régime sévère d’abstinence. Seulement il est nommé assistant à l’école du dimanche et il se retrouve environné d’une ribambelle de jeunes filles. Il succombe à la tentation et va assassiner peu à peu ses élèves ou leurs jeunes institutrices qui se débattent lorsqu’il veut leur démontrer sa virilité trop longtemps contenue.

Le docteur Bancal se suicide avec sa maîtresse par amour. Enfin, il essaie de tuer sa maîtresse et veut se suicider après. Mais son plan ne fonctionne pas comme il l’aurait souhaité. Le docteur Castaing s’amourache d’une veuve âgée de dix ans de plus que lui et qui possède déjà trois enfants. Comme il est jeune et plein d’allant il lui en fait deux autres. Seulement il est pauvre et il faut nourrir tout ce petit monde. Alors afin d’assainir ses finances il va empoisonner ses voisins, peut-être pas le père, la père et l’oncle qui seraient décédés de mort naturelle en quelques mois, mais le hasard fait bien les choses. Aussi il s’intéresse à l’héritage des deux fils et s’arrange pour le capter.

Petiot continue ainsi à narrer les méfaits de ses confrères meurtriers tout en digressant sur l’opportunité de fréquenter les prostituées, quoique Marthe Richard vient de décréter la fermeture des maisons closes. Car les prostituées, selon lui, sont plus enclines à assouvir les sens des hommes par des pratiques que les légitimes se refusent à effectuer.

Construit un peu sur le mode narratif des Mille et une nuits, treize histoires vraies concernant des médecins meurtriers sont enchâssées dans le récit du docteur Petiot à l’édification de son gardien. Treize histoires qui s’échelonnent au long des nuits au cours desquelles Pierre surveille son prisonnier et discute avec lui, le contredisant parfois. Ce qui nous change agréablement de l’habituelle succession sans lien des comptes-rendus d’affaires judiciaires sans âme. Le liant entre ces narrations permet de mieux aborder la face mystérieuse du docteur Petiot et de comprendre ses affabulations ou ce qu’il avance comme arguments pour établir sa défense.

Les titres des chapitres sont également savoureux et sont placés sous le signe de l’ornithologie : Le moineau et le grand-duc, Le geai paré de plumes de paon, Petit-à-petit l’oiseau fait son nid, Le ménage va mal quand la poule chante plus haut que le coq, On ne peut pas empêcher les oiseaux de malheur de voler au dessus de nos têtes, Coq en pâte, Vieux corbeaux… autant de références qui amènent à penser que Pierre, et le lecteur, ne sont pas des pigeons.


A lire du même auteur : Si ce sont des hommes... , Les empoisonneurs, 13 affaires criminelles, Les trains du crime.

Serge JANOUIN-BENANTI : 13 médecins criminels. Docteur Petiot et Cie. Editions L’Apart. 376 pages. 20,00€.

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