Bon anniversaire à Serge Brussolo né le 31 mai 1951.
Cinq années interminables viennent de s'écouler dans ce pensionnat de la banlieue parisienne où Julien a été placé à l'aube de la Seconde Guerre Mondiale. Cinq longues années au cours desquelles il n'a reçu que de brèves et épisodiques lettres de sa mère Claire, ou de pesantes missives de son grand-père surnommé l'Amiral.
Aujourd'hui, alors que le débarquement est proche, Julien apprend que l'Amiral vient de décéder, victime d'une mine, et par testament l'a nommé seul héritier de sa propriété familiale sise sur la côte normande. Ce sont les retrouvailles avec sa mère, des retrouvailles teintées de défiance.
Elle n'est plus comme dans son souvenir, elle a changé physiquement et moralement. Ils sont obligés de vivre dans une cabane à la lisière de la propriété: une bombe anglaise non désamorcée est fichée dans le toit de la maison et le champ dit "Pré aux corbeaux" est truffé de mines allemandes.
Tandis qu'ils apprennent les rudiments du jardinage, Julien sent planer les ailes du mystère. Son père est mort dans d'étranges conditions, son grand-père aussi. Les révélations de Gorget, un adolescent qu'il a connu avant ses années d'internat, et de Bruze, le sculpteur alcoolique chronique, le troublent.
Est-il le fils de son père ou de son grand-père? Sa mère a-t-elle assassiné son père? D'ailleurs son père est-t-il vraiment mort? Et a qui appartient ce regard qu'il sent peser sur ses épaules, traversant les fourrés épais de la forêt?
Serge Brussolo est surtout connu pour ses romans fantastiques, ses thrillers angoissants, et ses romans policiers, ses premières amours qu'il retrouve aujourd'hui. Il a tâté également du roman historique mais avec La moisson d'hiver, cet étrange conteur de l'étrange nous propose un roman tout court. Bien sûr La moisson de l'hiver possède les ingrédients qui marquent l'œuvre de Serge Brussolo et en font son originalité, mais d'une manière plus feutrée, plus latente, plus insidieuse. Brussolo démontre que les supputations, les suppositions que l'on échafaude, ne sont bien souvent qu'un petit cinéma intérieur dont on est le metteur en scène et le seul spectateur. Brussolo est-il un compromis entre les adultes et les enfants? Ecrit-il pour les adultes ou pour les enfants?
Comme dans L'île au trésor de Stevenson, le héros est un enfant perdu dans un monde d'adultes, mature avant l'heure par bien des points. Et comme il écrit page 332 de l'édition originale : Avec les adultes on ne savait jamais si les mots étaient vraiment vides de sens, comme ils en avaient l'air, ou s'il sortaient d'un code secret interdit aux enfants.
A lire également de Serge Brussolo : Ceux d'en bas et Le Manoir des sortilèges.
Serge BRUSSOLO : La moisson d'hiver. Première édition Denoël novembre 1994. Réédition Folio N° 2861. Parution Août 1996. 400 pages.