De 1952 à 1959, le couple Borel-Rosny a fourni dans diverses collections chez Ferenczi vingt-quatre romans policiers qui furent salués favorablement par les critiques de l’époque, notamment par Maurice-Bernard Endrèbe dans Détective, et Igor Maslowski dans Mystère Magazine. Après la disparition des éditions Ferenczi, plus rien. Fin d’un mythe, d’une époque, d’une conception de l’édition, fin des fascicules populaires.
Mais qui étaient R. & R. Borel-Rosny ?
Raymonde Jardé, épouse Borel-Rosny, née le 29 mars 1907 à Sèvres (Hauts de Seine), fut la secrétaire de Rosny Aîné de 1937 à 1940, tache qu’effectuera durant quelques mois son futur mari en remplacement de Marie Borel décédée en 1936 et qui appartenait à une famille d’éditeurs. Auparavant elle collabora dès 1933 dans diverses revues telles que Marianne, Ciné-France, Ciné-Miroir… produisant contes, nouvelles, chroniques. Elle fut également un temps secrétaire de Madame Frédéric Joliot-Curie dans le cadre de l’Amitié Franco-polonaise. Et elle appartint aux Brigades internationales durant la Guerre d’Espagne.
Robert Borel-Rosny est né le 18 janvier 1912 à Epinay-sur-Seine (Seine-Saint-Denis), de son vrai nom Zdislas Henri Robert de Kalinowski. Son père était un architecte polonais. Il prend le pseudonyme de Borel-Rosny en hommage à sa grand-mère dont le nom de jeune fille était Borel, et à son grand-père Rosny aîné qui s’appelait en réalité Henri Boex. Petit-fils donc de Rosny aîné, il fut recueilli par celui-ci en 1914 et demeura auprès de lui jusqu’à son décès en 1940, tout en travaillant comme pigiste à Hebdo, Le Journal de la Femme, La Semaine à Paris, La Revue belge. Rosny aîné reste d’ailleurs très présent dans le souvenir de Robert Borel-Rosny qui le définit comme le plus merveilleux des grands-pères, et auquel il doit son initiation littéraire. A Paris, rue de Rennes, du vivant de ses grands-parents il côtoie des personnages de renom, les physiciens Paul Langevin et Jean Perrin, le mathématicien Emile Borel, des hommes de lettres comme Roland Dorgelès ou Jean Rostand.
Raymonde et Robert se sont mariés le 6 novembre 1937 à Paris, dans le 6ème arrondissement, avec pour témoin Jean Perrin, Président de l’Académie des Sciences et Prix Nobel de physique en 1926.
En 1952, parution du premier roman signé R. & R. Borel-Rosny Demandez la dernière sportive, dans la collection Le Verrou. M.B. Endrèbe écrivait alors dans Détective : les Borel-Rosny ont un sens du dialogue qui est certainement leur meilleur atout. Suivra La mort se fait les ongles, toujours dans la collection Le Verrou, accueilli par M.B. Endrèbe comme suit : La verve et l’originalité de ces auteurs nous avaient frappé dans Demandez la dernière sportive. Nous les avons retrouvées inchangées dans ce romans. En 1959 parution de Ma haine pour toi, leur dernier livre, dans la collection Feux Rouges.
Entre temps, outre la production romanesque, ils se livrent à quelques participations pour des pièces radiophoniques dont Une place au cimetière, diffusée le 26 juin 1953 dans le cadre de l’émission Le jeu du mystère et de l’aventure et en 1958 La fin des hommes, inspirée du roman fantastique La mort de la Terre de Rosny Aîné. De 1960 à 1975 ils écrivent des scénarios de bandes dessinées, des adaptations de nombreux romans de J.H. Rosny aîné ainsi que des romans-photos et des bandes filmées. Raymonde Borel-Rosny signe également des romans sentimentaux sous son nom de jeune fille.
Depuis leur installation en 1977 dans le bocage bas-normand, entre Bayeux et Saint-Lô, Robert Borel -Rosny donne annuellement des conférences, qu’il nomme pudiquement des causeries, à la Société des arts, sciences et belles-lettres, dont il est vice-président, fournissant parfois également des contes, nouvelles, aux journaux locaux et revues diverses.
La production romanesque du couple Borel-Rosny se compose essentiellement de romans noirs, question de tempérament précisent-ils, dont la rédaction est surtout élaborée par Raymonde. Robert Borel-Rosny signale d’ailleurs que leur collaboration a été aussi libre que possible. Il ajoute : le plus grand mérite en revient à mon épouse. Seule maître d’œuvre en ce qui concernait la rédaction et le développement de l’intrigue. Je jouais le rôle de critique ou de conseiller, mais jamais d’arbitre. Je n’avais pas à trancher. L’ouvrage devait se fabriquer selon son inspiration personnelle. Nous pensons qu’écrire un roman noir ou policier exige un seul rédacteur. Le reste, c’est une question de détails.
Certains des personnages reviennent dans plusieurs romans. Notamment l’inspecteur Tiburce et son inséparable ami Fredy dont les traits et attitudes ont été empruntés par Raymonde à un journaliste que le couple connut avant la seconde guerre mondiale.
Plus prolixe sur les autres que sur lui-même, Robert Borel-Rosny met l’accent sur les travaux littéraires effectués par sa femme, et devient intarissable lorsqu’il parle de son grand-père, ou des nombreux journalistes et écrivains qu’il a fréquentés avec sa femme avant et après la guerre. Une liste non exhaustive qui va de Francis Carco à Philippe Bouvard en passant par Collette, Jean Dutourd, Simenon, Sartre, Elsa Triolet, Jean Cocteau, Auguste le Breton, Boris Vian… Il faut dire qu’habitant le Quartier Latin et le café de Flore n’étant pas loin, certaines de ces rencontres étaient inévitables et inexorables.
Cet article est une version enrichie de celui publié en juillet/aout 1987 dans la revue Encrage N° 14 et écrit après de longues heures de discussions et papotages avec Robert et Raymonde Borel-Rosny dans leur petite maison appelée La Caverne du Félin géant.
Raymonde Jardé est décédée le 1er mars 1993 au Tronquay (Calvados) et Robert Borel-Rosny le 11 aout 1998 à Carentan (Manche).
Bibliographie :
Contes et nouvelles :
Une place au cimetière (Mystère Magazine N°65. Juin 1953)
Sous le vieux Pont-Neuf (Fiction N°76. Mars 1960)
Romans : tous publiés chez Ferenczi.
Demandez la dernière sportive(Le Verrou N°35. 1952)
La mort se fait les ongles (Le Verrou N°52. 1952)
La mort a les mains propres (Mon roman Policier N°269. 1953)
La borne au diable (Le Verrou N° 61. 1953)
T’as vu ça d’ta fenêtre(Le Verrou N°69. 1953)
Bonjour toubib de mon cœur (Le Verrou N°77. 1953)
La mort se fait la paire (Le Verrou N°83. 1954)
On te coupera la tête (Le Verrou N°93. 1954)
La peau d’un autre (Le Verrou N°100. 1954)
Un sacré turbin (Le Fantôme N° 20. 1954)
Fameux alibi (Police & Mystère N°73. 1954)
La rouquine se met la ceinture (Le Verrou N°124. 1955)
Ces demoiselles de bonne famille (Le Verrou N°127. 1955)
Ne riez pas mesdames (Police & Mystère N°78. 1955)
C’est pour ce soir (Police & Mystère N°93. 1956)
La mort est dans les cartes (Police & Mystère N° 97. 1956)
Si vous passez par là (Le Verrou N° 142. 1956)
Mort aux mariées (Police & Mystère N°104. 1957)
Dix millions comme un sou (Le Verrou N°160. 1957)
La mort gagne le gros lot (Le Verrou N°178. 1957)
Qui les tuait ? (Le Verrou N)192. 1958)
La rouquine au tapis (Feux Rouges N°8. 1958)
Poison pour tous (Feux Rouges N°24. 1959)
Ma haine pour toi (Feux Rouges N°38. 1959)