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26 décembre 2013 4 26 /12 /décembre /2013 16:13

 Truands and Co

 

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Dans la cour de l'école, nous jouions volontiers aux gendarmes et aux voleurs, mais peu de mes camarades émettaient le désir d'être dans le camp des représentants de la loi. Moi le premier. Pourquoi cette attirance à vouloir figurer dans les bandes des hors-la-loi ? Je ne saurais trop dire. Peut-être l'attrait de l'aventure, du goût du risque, l'envie de défier la maréchaussée qui représentait la rigidité de l'éducation parentale et celle des instituteurs et d'assumer un côté rebelle, de se prendre pour Robin des Bois, Cartouche, Mandrin, Arsène Lupin et autres héros des romans populaires qui exerçaient sur notre imaginaire une véritable empathie sans que nous sachions vraiment qui étaient ces personnages de cinéma et pour nous de fiction.

Patrick Caujolle narre la vie des quelques-uns de ceux qui ont été désignés comme des Ennemis publics N°1 en détruisant le mythe qui avait été forgé par des romanciers, tel Jules de Grandpré, ou des acteurs comme Belmondo. Les bonnes actions, supposées, masquaient les délits et les crimes dont ces personnages se sont rendus coupables, alimentant souvent la presse friande d'actions d'éclats, et dont les lecteurs souvent se régalaient en lisant leurs prouesses.

Des légendes se sont créées autour de certains de ces malfaiteurs et pourtant, dans un style sec et rigoureux, Patrick Caujolle démontre que Cartouche et Mandrin n'étaient pas de si charmants héros de littérature que ça. Leurs exploits n'entraient pas, ou peu, dans la défense de la veuve et de l'orphelin, dans le désir de spolier les riches afin de donner aux pauvres. Leurs exactions firent de nombreuses victimes, et surtout les crimes de sang étaient perpétrés dans la violence. Même si pour certains les victimes étaient choisies. Adieu le mythe, place à la réalité.

ennemis.jpgMais tous n'ont pas acquis l'aura de Cartouche ou Mandrin. Les Chauffeurs de la Drôme par exemple. Les Chauffeurs de pâturons ou Brûleurs de pieds, sont apparus peu après la Révolution et ils s'introduisaient souvent de nuit chez des gens, leur brûlant les pied afin de leur faire avouer où le magot était caché, lorsqu'il y en avait un. Autre personnage dont l'histoire est narrée dans cet ouvrage, puisque j'évoque le feu, c'est bien évidemment Landru, alias le Sire de Gambais ou encore le Barbe-Bleu de Gambais, village situé non loin de Houdan, et qui s'était forgé une spécialité culinaire au feu de bois.

 


Toujours dans la catégorie des malfaisants qui attirent la sympathie, Alexandre Jacob qui a servi de modèle à Maurice Leblanc pour créer son personnage d'Arsène Lupin. Ce n'est pas forcément en lisant les ouvrages de Jules Verne qu'il va forger son destin, mais ils lui offrent le goût des voyages, des grands espaces. Et c'est ainsi que vivant à Marseille et après avoir obtenu à l'âge de dix ans son certificat d'études, un diplôme prestigieux pour l'époque, que son père lui présente le capitaine d'armement d'un navire. Il embarque comme mousse mais la vie est dure à bord et à treize ans il déserte pour embarquer sur une baleinière qui n'est autre qu'un bateau pirate. Abordages, pillages, massacres, constituent son lot de navigation et il déserte à nouveau. A seize ans revenu à Marseille, il enchaine les petits boulots, et commence à fréquenter les milieux libertaires. Distribution de tracts anarchistes, lancer de boules puantes dans les églises durant les offices, et l'apprentissage de la fabrication des engins explosifs. Dénoncé, il purge une peine de six mois de prison et à sa sortie il trouve du travail chez un imprimeur comme typographe. Il donne toute satisfaction à son employeur jusqu'au jour où des policiers avertissent son patron et le font congédier. Ce que veut la police est simple : qu'il devienne un mouchard, un indic. Une proposition qu'il n'accepte pas et ce sera le début véritable de sa carrière de voleur. Comme quoi la police peut manquer parfois de psychologie et jette dans le ruisseau ceux qui désiraient en sortir.

Mais si on s'identifiait facilement à quelques truands de haut vol, jamais nous ne serions devenus tueurs de vieille dames, comme Thierry Paulin. Il a commis ses nombreux forfaits dans les années quatre-vingts, soit trente ans après nos jeux innocents et juvéniles. Des vieilles dames âgées entre soixante et quatre-vingt-dix ans, qu'il tuait pour les dépouiller de leurs maigres économies, souvent pour des clopinettes.

Dans un autre registre, Emile Buisson, né en 1902 en Bourgogne, n'est pas gâté par la nature du côté parental. Son père alcoolique rentre souvent bourré le soir et pour se défouler de sa journée de travail il tape sur sa femme à bras raccourcis. Ce qui n'empêche pas la brave épouse d'être enceinte à dix reprises, accouchant toujours dans la cuisine, Emile et son frère Nuss s'improvisant sages-femmes. Le premier chapardage d'Emile a lieu lorsqu'il a sept ans, un vol de poule, il faut bien manger. Puis viennent les petits vols de tiroirs-caisses chez les commerçants, les premières condamnations et la roue tourne, toujours dans le mauvais sens.

En tout vingt-deux personnages, considérés comme Ennemis publics N°1, sont passés à la moulinette de Patrick Caujolle, qui connait bien le métier d'enquêteur puisque lui-même est policier. Vingt-deux textes que l'on lit comme on regarderait des courts-métrages, l'accent étant mis sur certains épisodes, d'autres étant rapidement esquissés. Et l'on aurait aimé que ces textes, quitte à ce qu'ils soient moins nombreux, bénéficient d'une plus grande analyse et d'une biographie plus riche.

Malgré la rigueur de la narration, j'ai relevé une petite phrase dans le récit consacré à Emile Buisson, phrase qui, si elle figurerait dans un rapport de police, permettrait à un avocat même débutant de souligner un vice de procédure : Pas de chance, Maurice Yves s'est tué d'une balle dans le dos. Dans quelle condition ceci est arrivé, je vous laisse le soin de la découvrir.


Patrick CAUJOLLE : Ennemis publics N°1. Ces Français que le monde entier a traqués. Préface de Claude Cancès, ancien patron du 36 du Quai des Orfèvres. Le Papillon Rouge éditeur. 288 pages.20,50€.

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commentaires

L
Ça ne l'est pas...terminé. Je continue à jouer heu...à m'intéresser aux amérindiens.<br /> Le Papou
Répondre
O
<br /> <br /> Qui sont dans la plupart des cas d'amers Indiens<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
L
Intéressant ! Moi je jouais au cow-boys et aux indiens et je voulais être Sioux ou Commanche.<br /> Le Papou
Répondre
O
<br /> <br /> et Commanche ça c'est terminé ?<br /> <br /> <br /> Moi ça me fait rire quant on parle des policiers vindicatifs, en les traitant de cow-boys. Car cela ne veut-il point dire garçons vachers ?<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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