La date du 11 septembre 2001 n’engendre pas le même traumatisme, ne remémore pas les mêmes souvenirs pour tous. Ainsi pour Pascal Langle, ancien assureur aujourd’hui reconvertit comme directeur de théâtre à Nice, le 11 septembre est une date bien personnelle. La journée où sa maîtresse est décédée d’un accident cardiaque en faisant l’amour.
Dix ans plus tard, il est convoqué chez un notaire parisien. La secrétaire grincheuse, et elle a de quoi l’être car son stage se termine dans de mauvaises conditions, lui remet sans explication un carnet noir qui avait été légué par un psychiatre. Ce carnet porte le numéro Onze. Langle connaissait l’existence de ce carnet, il en avait même lu quelques passages en catimini, du temps que Ludmilla, sa compagne, vivait encore. Cela suppose que dix autres cahiers similaires se baladent dans la nature ou chez le notaire attendant la remise à leurs destinataires. Se plonger dedans lui ravive les souvenirs ainsi que la douleur.
Joanna est une jeune fille d’une vingtaine d’années, ambitieuse, qui désire ardemment réussir dans la presse féminine. La fréquentation en nombre de visiteurs sur son blog devient de plus en plus intéressante et les éloges qui sont postés lui requinquent le moral. Elle est au chômage et il ne lui coûte rien de forcer la porte de la rédactrice en chef d’un magazine. Amusée de la façon dont la jeune fille s’y est prise, et étant dans un jour de bonté, celle-ci lui demande de faire ses preuves avec un sujet, n’importe lequel, du moment que cela soit personnel et, bien entendu, bien écrit, enlevé, troussé, humoristique et sortant des sentiers battus. Joanna est convoquée elle aussi chez le notaire et reçoit sans explications superflues le carnet numéro trois.
Langle est interloqué par les premières phrases écrites sur le carnet : Pascal Langle. Il porte le numéro onze, et me libère du numéro dix. Un peu plus loin : J’ai vingt-sept ans demain et je pense à mon enfant… Quel enfant ? Alors Langle décide de retourner voir le notaire et de lui demander les adresses, les coordonnées des différents destinataires des confessions de Ludmilla. Le tabellion refuse mais, compréhensif, prétexte une affaire à expédier pour sortir du bureau, laissant devant Langle la liste comportant noms et adresses. Langle en profite pour relever celui de Joanna, la seule à avoir récupéré son bien et décide de la filer.
Joanna s’en aperçoit et en elle rabroue Langle. Seulement l’appartement de celui-ci est passé au crible, sa voiture esquintée et peu après son théâtre est détruit par le feu. Les policiers pensent tout de suite à une arnaque à l’assurance. L’étude notariale est elle aussi cambriolée.
Le roman commence comme une intrigue mâtinée de suspense, les deux principaux protagonistes s’exprimant, chapitre après chapitre, à la première personne. Tout d’un coup, le récit à la première personne s’interrompt pour devenir un roman écrit à la troisième personne sans crier gare, le suspense s’efface pour basculer dans le thriller, effets garantis à la clé, avec l’apparition d’autres personnages, l’évocation d’un savant fou, et l’épilogue, que le lecteur peut présager, est rondement mené. Un roman agréable, qui se lit d’une traite, et laisse un bon souvenir. Dommage que la quatrième de couverture, que j’ai lue après avoir refermé le livre, soit un peu trop explicite.
Pascal MARMET : A la folie. Editions France-Empire. 178 pages. 19€.