Et il n'y a pas de partie gratuite !
Franchement certaines personnes manquent véritablement de civisme ! Aller déposer un cadavre sur les rails de la Gare du Nord, empêchant de ce fait la libre circulation des trains et des voyageurs potentiels, cela relève du mépris à l'encontre d'une entreprise qui a déjà bien du mal à respecter les horaires en temps normal !
Le commissaire Nils Kuhn, qui se déplace en scooter, un commissaire normal quoi, est rapidement sur les lieux. Les policiers du 18è et quelques membres de son équipe sont déjà sur place, notamment Anissa Chihab, la jeune lieutenante et beurette d'une vingtaine d'années et le commandant Letellier, afin d'effectuer les premières constatations et relever des indices qui se résument à une vague empreinte de pas.
La victime est une femme noire, bien portante, poignardée à au moins une trentaine de reprises. La première supposition qui vient à l'esprit de Kuhn et de ses adjoints est qu'elle pourrait être une prostituée. Ce qui sera confirmé par la suite après de recherches de voisinage qui fournissent par la même occasion l'identité de la défunte. Le procureur Gardieux arrive lui aussi sur place, imbu de sa personne, toujours pressé, et antipathique. D'ailleurs il n'existe aucun atome crochu entre les deux hommes, ce qui ne gêne guère Kuhn. Il préfère avoir des relations, professionnelles je précise, avec la légiste. Seulement celle-ci est absente et c'est son remplaçant intérimaire qui procède à l'autopsie.
A la brigade, tout le monde est sur le pont, chacun d'eux possédant des compétences différentes mais complémentaires. Le juge d'instruction Limousin est saisi de l'affaire, mais tout comme avec le procureur, un antagonisme existe. Chacun sa façon de procéder, sa manière de voir, et Kuhn se braque facilement. Nonobstant, l'enquête continue, et elle est même relancée lorsqu'un deuxième cadavre, puis un troisième sont découverts, dans des endroits baroques. Toutes des femmes, d'origine africaine, rondelettes, et pratiquant la prostitution à leurs heures perdues afin de faire bouillir la marmite.
L'un des membres de l'équipe de Kuhn trouve une piste en cogitant et en reliant ces meurtres. Toutes ces femmes ont été tuées à des dates qui correspondent à une vieille enquête non résolue, et qu'ils ne résoudront jamais, puisque cette affaire semble calquée sur les meurtres perpétrés par un certain Jack l'Eventreur.
Grâce à un témoignage concernant une précédente tentative de meurtre, Kuhn et ses hommes pensent mettre la main sur l'assassin. Mais celui-ci possédait un mobile irréfutable lors du dernier meurtre, toutefois Kuhn est persuadé que "son" tueur est bien le coupable présumé. L'enquête lui est retirée mais Kuhn forte tête, d'ailleurs ne dit-on pas une tête de Kuhn, persiste et mène les investigations en solitaire ou avec l'aide de ses hommes et d'Anissa. Car l'assassin mène un jeu dangereux dans lequel Kuhn est perdu. Il reçu des appels ou des messages téléphoniques anonymes et la vie de sa femme, enfin son ex-femme, pourrait être en danger.
Sélectionné pour le Prix du Quai des Orfèvres, ce roman aurait largement mérité de l'emporter, comparativement à certaines années où l'ouvrage primé est parfois indigent. Seulement l'humour qui se dégage de ce roman et les faits d'armes des policiers de la brigade de Kuhn, dont cette petite fête dans un resto au nom évocateur de Sein Miche, n'était sûrement pas du goût de tous les membres du jury de ce prix. Mettre en scène des policiers imbibés ne peut que desservir la profession, certes, mais l'humaniser aussi. Mais ce n'est pas le seul reproche que les membres du jury, qui est composé de policiers, de magistrats et de journalistes, ont pu lui faire. En effet les personnages du procureur, du juge d'instruction, et des bœufs-carottes car eux aussi entrent dans la danse, ne sont pas montrés sous un aspect sympathique. Et par voie de conséquence, c'est Nils Kuhn, malgré son caractère bourru, qui relève l'honneur de la police. Mais un auteur ne peut décemment pas montrer les policiers et l'appareil judiciaire avec une amabilité de circonstance. Et puis des erreurs dans certaines procédures retardent l'enquête, ce qui n'est racontable, même si c'est la réalité. Et comparer le procureur à un concentré de la Stasi est du plus mauvais effet, même si d'autres personnes dernièrement n'ont pas hésité à proféré ou écrire ce genre de comparaison.
L'humour est toujours présent dans ce roman qui se compose de deux parties : la traque de l'assassin puis l'affrontement entre l'assassin supposé et le commissaire, conflit qui ressemble à un jeu de rôle dont seule une des deux parties connaît les règles du jeu. Le roman est plaisant à lire et sa construction machiavélique, et tant pis si certains ronchons vont crier au scandale en affirmant que tout ceci n'est pas crédible. L'auteur s'est amusé à rédiger une intrigue solide, a peut-être sué pour tout mettre en place de façon ludique et le lecteur avale l'histoire comme une truite affamée gobe la mouche qui lui est présentée.
En prime je vous livre cette contrepèterie assénée par la belle Anissa en parlant des clients de certaines prostituées : le genre de visiteurs qui entrent le sang qui bout et qui sortent le bout qui sent. D'accord, cela ne vole pas bien haut, mais il faut décompresser parfois.
Nils BARRELLON : Le jeu de l'assassin. Editions City. Parution le 8 janvier 2014. 288 pages. 17,50€.