Bon anniversaire à Michel Quint, né le 17 novembre 1949.
Il existe de petits plaisirs dans la vie qu’il faut entretenir et partager. Ainsi le bonheur de retrouver quelqu’un que l’on connait depuis de longues années, près de trente ans, et que l’on fréquente par procuration. Ainsi Michel Quint que je revoie toujours avec le même contentement mais trop épisodiquement, se rappelle à mon souvenir par romans interposés. Je retrouve dans son dernier ouvrage cette ambiance, ce maniement des mots et des phrases qui permet de discerner le style qui a fait le succès de cet auteur. Son essence, sa Quint essence si je puis me permettre ce mauvais jeu de mots. Mais contrairement à ses précédents romans et pour reprendre une phrase que j’avais utilisée pour chroniquer quelques-uns de ses livres, écrivant Michel Quint se vautre dans l'écriture alliant au rêve un hyperréalisme débridé, dans Les Amants de Francfort il se montre plus réservé, plus discret, moins hyperbolique dans ses descriptions.
Le Salon du livre ou Foire du livre de Francfort est la plus grande manifestation littéraire du monde, la plus vieille aussi puisqu’elle remonterait à l’époque de l’invention de l’imprimerie par Gutenberg et bien évidemment elle draine bon nombre d’auteurs, d’éditeurs, de tous les membres de la confrérie du livre et de l’écrit. Florent Vallin petit éditeur parisien, patron des éditions En Colère, ne peut manquer ce rendez-vous annuel qui se déroule au mois d’octobre. Il souhaite que des confrères allemands et américains s’intéressent à son catalogue afin de conclure quelques contrats de traduction bénéfiques pour lui et ses auteurs. Pourtant il possède un contentieux avec l’Allemagne. Son père y a été assassiné en 1977 alors qu’il était en déplacement professionnel.
Sous les auspices, tutélaires ou non, de Fitz, un agent américain qui barbote dans les milieux littéraires et de Sandor, un vieil homme qui se réclame de Vlad Tepes et considère qu’il est la Hongrie à lui tout seul, ancien agent de sécurité exerçant une fonction indéterminée dans l’hôtel de luxe où est hébergé tout ce petit monde, Vallin fait la connaissance d’un couple, Hermann et Ilse, qui se propose de parler affaires avec lui, contrats à la clé. Il aperçoit également une jeune femme en rouge, Léna, avec laquelle il fait plus ample connaissance au cours d’un buffet organisé en l’honneur du livre et de ses représentants. Ils sont irrésistiblement attirés l’un vers l’autre, et l’aimant les pousse à devenir amants. La nuit même alors qu’ils batifolent dans la chambre de Vallin, Hermann et Ilse sont assassinés à coups de couteau.
Vallin possède ses bureaux à Paris et emploie une secrétaire d’origine Roumaine, Zina, qui partage son bureau et éventuellement sa couche. Sa femme Clémence dont il est séparé et son fils Maxime, âgé de dix ans, sont toujours à Lille. Il leur rend visite de temps à autre, sans plus. Clémence et lui se sont connu tout jeune, ils ont été élevés ensemble, leurs pères étant amis. Lorsque le père de Clémence est décédé, par la faute d’un camion se trouvant par hasard sur son passage, les parents de Vallin ont recueilli la gamine. Puis le père de Vallin est mort assassiné en Allemagne, et sous son corps a été retrouvé un vieux journal annoté par Baader. Alors affirmer que Vallin père a été tué par des hommes de la RAF, Rote Armee Fraktion, plus connue sous la dénomination de Fraction Armée Rouge ou plus communément la bande à Baader, vient tout de suite à l’esprit des policiers et des journalistes.
Clémence est atteinte d’une tumeur au cerveau. Une opération est envisagée, mais elle veut auparavant résoudre le mystère de son grand-père Louis, et retrouver des documents lui appartenant. Or parmi les dossiers en leur possession, et en les décryptant, Clémence et Vallin se rendent compte d’une anomalie. Louis Vallin, qui était ouvrier zingueur avant guerre aurait été, non pas enrôlé de force dans le STO, mais qu’il se serait mis à disposition comme volontaire demandant à travailler dans une ferme. Mais il manque un dossier que Vallin se promet de récupérer.
Quand la petite histoire se catapulte avec la grande, trois périodes s’érigent avec leur lot de mystères. Louis travaillant en Allemagne durant la guerre, le père de Vallin se faisant tuer en Allemagne dans des conditions mal définies, Vallin lui-même ayant une liaison en Allemagne avec une femme qui lui donne un prochain rendez-vous qu’un an après, et le couple assassiné à l’aide d’un couteau. Luna en possède un mais celui-ci comporte des traces de sang frais, qui s’avère être le sien, et d’autres traces qui sont trop vieilles pour l’impliquer dans ce meurtre.
Michel Quint nous entraîne dans un récit qui pourrait être un drame familial recueilli auprès de personnes ayant subi ce genre d’avatar, et aménagé avec un suspense supplémentaire. Bon nombre d’hommes ayant été enrôlé dans le STO l’ont-ils été de force ou par convenances personnelles ? Et combien de meurtres ont été imputés à la bande à Baader et autres terroristes à tort. Michel Quint reprend le thème de la mémoire, l’explore, la triture et tient son lecteur en haleine, l’envoutant avec une écriture travaillée et qui semble pourtant si limpide. Et ces pans de l’histoire collent à la mémoire collective et individuelle comme l’adhésif au doigt du capitaine Haddock.
Lire du même auteur : Bella ciao; Cake walk; Les Joyeuses; Veuve Noire
Michel QUINT : Les Amants de Francfort. Editions Héloïse d’Ormesson. Parution août 2011. 234 pages. 18,00€. Existe en version E-book.