Lorsque Michel Lebrun s’appelait encore Michel Lenoir…
Alors qu’une série de hold-up est enregistrée à Miami, Patrick Carter, rédacteur en chef du Miami Post nage dans l’euphorie. Sa femme Ellen vient de lui apprendre qu’il va bientôt être père. Mais ce moment de bonheur familial est de courte durée.
Avant de se rendre au journal, il doit passer à la banque afin de retirer de l’argent. Sa femme qui a une pellicule photo à faire développer lui demande de l’emmener, la boutique étant située juste devant l’établissement bancaire. Tandis que Carter attend son tour, des bandits s’introduisent et obligent le caissier à lui remettre l’argent placé dans le coffre, les clients étant sous la menace d’armes à feu. Les bandits ressortent et Carter aperçoit alors une femme qui s’élance vers les voleurs, et l’un des hommes l’abat. Ellen meurt dans ses bras. Le capitaine Matheson et son adjoint Polito sont chargés de l’enquête.
De retour chez lui, Carter est effondré. Sa femme est décédée et il erre comme une âme en peine dans l’appartement, se réconfortant au whisky. Il repense d’un seul coup à l’appareil photo de sa femme et il comprend que si celle-ci s’est accrochée au bras d’un des malfrats, c’était pour le prendre en photo. Il développe la pellicule et effectivement un cliché a été pris. La tête du tueur apparait nettement. Il veut informer immédiatement le capitaine Matheson, mais à chaque fois il n’a que le lieutenant Polito comme correspondant. Il lui remet le cliché mais lorsqu’il rentre chez lui, il se rend immédiatement compte que l’appartement a été fouillé. Naturellement le négatif a disparu. Fini les cures de whisky ou presque.
Afin de retrouver un semblant de forme physique Carter s’introduit dans un établissement de bain et s’installe dans la salle de sauna. La vapeur d’eau l’empêche de voir mais pas d’entendre. Quelqu’un s’est introduit et essaie de lui ôter définitivement le goût de l’alcool. C’est trop pour un seul homme.
Carter additionnant un et un, ce qui n’est guère difficile, ne peut que soupçonner trois personnes qui connaissaient l’existence de cette preuve. Virginia, responsable des archives photographiques du journal et les deux policiers. Seuls les policiers étaient à même de le faire suivre, et il a confirmation de ses déductions lorsqu’il accuse Polito d’être au cœur des vols et de protéger les coupables. Polito avoue et propose de l’argent à Carter qui feint d’accepter. Sa banque reçoit un chèque émanant d’un certain J.J. Smith, résidant à New-York. Le prix de son silence. Polito le convoque lui apprenant qu’il a arrêté l’un des bandits. Ce n’est qu’un malheureux adolescent qu’il a tabassé et il veut que Carter signe une déposition sur laquelle il reconnait l’agresseur de sa femme. Carter refuse et tue Polito puis il s’enfuit en compagnie du prisonnier. Il est décidé de se rendre à New-York à la recherche de ce J.J. Smith, nom banal s’il en est et de retrouver les meurtriers de sa femme.
Le lecteur qui n’a pas connu les années cinquante pourra se dire avec juste raison que de notre époque les événements ne se seraient certainement pas déroulés ainsi. Les progrès enregistrés avec l’apparition du téléphone portable, qui sert également d’appareil photo et de vidéo, les distributeurs de billets, par exemple, changent la donne. C’est donc un roman ancré dans son époque, une époque que pour la plupart nous avons connue et qui ne déboussolera pas trop les lecteurs, sauf peut-être les jeunes qui liront cette histoire avec amusement. Une intrigue machiavélique à souhait qui pourrait se terminer sur un feu d’artifice.
Michel Lebrun prônait des phrases courtes : un sujet, un verbe et un complément d’objet direct, c’est tout. Et c’est bien ainsi qu’il écrivit la plupart du temps, ce qui ne l’empêchait d’user de phrases un peu plus longues parfois. L’efficacité avant tout, et le lecteur était accroché.
On sent l’influence dans cette histoire des auteurs américains et le lecteur pourrait croire, si ce n’était que Michel Lebrun ne trichait pas avec celui-ci en ne prenant pas un pseudo américain, le lecteur donc pourrait croire lire un roman de Bruno Fisher, Day Keene, Ed Lacy et autres petits maîtres de la littérature Outre-Atlantique des années 30 à 60.
L’on sent déjà poindre dans ces premiers romans, aussi bien sous le nom de Michel Lenoir que celui de Michel Lecler pour des ouvrages d’espionnage, tout le potentiel imaginatif et narratif dont Michel Lebrun usa avec réussite pour ses œuvres ultérieures.
Michel LENOIR : Visages à vendre. Collection Trafic N°12. Editions de la Corne d’or. Mars 1955. 192 pages.