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2 janvier 2013 3 02 /01 /janvier /2013 14:05

Pas de Lupin mais un roman coquin !

 

scandalegazon.jpg


Les deux jeunes femmes nues dansaient toujours, harmonieuses, gracieuses, impudiques. Les pointes de leurs gorges se frôlaient. Souples, elles se renversaient en arrière ; les bras à la taille, unissant leurs ventres, et sur leurs visages, il y avait le même sourire de volupté vague qui, entre les paupières à demi closes, laissaient à peine voir les prunelles noyées, entre les lèvres entr’ouvertes laissait à peine luire l’éclat blanc des dents…

Qui eut pu imaginer que celui qui a écrit ce paragraphe gentiment sensuel et vaguement érotique se nomme Maurice Leblanc, le créateur d’Arsène Lupin ? Et ce n’est pas son seul ouvrage où il aborde l’amour d’une façon concrète. Mais ces romans sont tombés dans l’oubli, ce qui est quelque peu dommage car c’est tout un pan de l’œuvre de Maurice Leblanc qui passe à la trappe. Mais espérons qu’en 2013 quelques éditeurs combleront cette lacune.

 

A trente-quatre ans, Patrice Martyl est le plus célèbre des jeunes avocats d’assisses de Paris. Il est marié depuis quatre ans avec Dominique qui appartient à une vieille famille de la noblesse bretonne. Elle n’avait que vingt ans lorsqu’ils se sont vus pour la première, et tout de suite ce fut le coup de foudre. Cette vierge de corps et d’âme est pieuse, se conforme à des princes sévères par goûts et par éducation. Afin de fêter leur quatrième anniversaire de mariage, Patrice et Dominique dinent au restaurant du Bois, en proche région parisienne. Patrice incite Dominique à boire un verre de Kummel, malgré les réticences de la jeune femme qui sait qu’elle ne supporte pas l’alcool. Le patron du restaurant leur offre, en tant que bons clients, une caisse d’un champagne prestigieux qui doit être mis peu après sur le marché. Ensuite ils retrouvent leurs amis Antoine et Richard, lequel est secrètement amoureux de Dominique, et se promènent en voiture dans la forêt de Saint-Germain en Laye. Ils s’enfoncent dans un petit chemin qui les conduit jusqu’à une clairière. Ils rencontrent un automobiliste en panne, puis dans la clairière illuminée de lumières bleues, assistent à un étrange spectacle. Deux jeunes femmes nues dansent entre elles bientôt rejointes par une troisième. Patrice sort quelques bouteilles de champagne et tout le monde déguste le breuvage. Bientôt tous sont plus ou moins pompettes cela se termine en caresses, baisers gloutons et plus. Les corps s’enchevêtrent. Dominique est caressée puis subit les assauts d’un homme, avec un plaisir certain aiguisé par l’alcool. Elle est persuadé qu’il s’agit de Patrice. Soudain un cri s’élève. Tout ce petit monde est rapidement dégrisé. La Pierreuse, la troisième femme qui avait rejoint les danseuses, gît étranglée.

Vite branle-bas de combat. Tout le monde récupère ses affaires dans le noir et Patrice accompagné de sa femme et ses deux amis s’enfuient sans demander leur reste. Direction Paris où Patrice dépose les deux amis qui prennent un taxi afin de rentrer chez eux. Seulement l’un d’entre eux a récupéré une bouteille de champagne qu’il laisse après dans le véhicule.

Rentrés dans leur luxueux appartement, Patrice se rend compte qu’il possède une écharpe jaune qui appartenait à la Pierreuse tandis que Dominique déplore la perte de son collier de perles. Patrice est en colère, accusant sa femme de l’avoir trompé, alors qu’elle se défend comme elle peut, assurant avoir copulé avec lui. Les doutes la rongent, mais il faut faire bonne figure vis-à-vis de leurs relations. A-t-elle réellement couché avec Patrice ou a-t-elle succombé aux assauts de Richard, d’Antoine ou encore de Julot, l’automobiliste qu’ils ont dépanné ? Le corps de la Pierreuse est retrouvé et le brigadier Delbot, un policier accrocheur, tenace, est chargé de l’enquête. Les indices relevés le conduisent rapidement chez l’avocat mais il manque de preuves et Patrice est trop habitué à défendre des clients ayant enfreint la loi pour se laisser démonter.

Entre Patrice et Dominique les relations sont tendues. Les soupçons tenaillent Patrice tandis que Dominique se persuade de n’avoir cédé qu’aux avances de son mari.

Ce roman s’apparente au genre policier puisqu’il y a meurtre, puis enquête. Mais c’est également une étude de mœurs, d’abord au sein d’un couple déchiré, en proie au doute, mais aussi sur les actes de l’amour au féminin. Maurice Leblanc magnifie les évolutions, les rapprochements, les embrassades des danseuses qui se produisent sur une autre scène fort prisée et en plein air. Les spectateurs, sur leurs sièges, suivaient avec une attention frémissante le spectacle gracieux d’un érotisme léger où ils puisaient une exaltation sensuelle, trouble et pourtant esthétique à cause de la beauté et du tact des danseuses.

Patrice jette l’opprobre sur Dominique, ne se posant pas de questions, ne se rendant pas compte que c’est lui qui a obligé sa femme à boire, celle-ci obéissant à son mari par amour. Il pratique une totale mauvaise foi, ne se demandant pas, si Dominique a couché avec l’un des participants males lors de cette concupiscente réunion des corps, avec qui lui-même forniquait. La jalousie, la colère, le dégoût revenaient, le torturaient, le poussaient à la méchanceté, à l’injustice, à l’insulte. Dominique, la plus sage des deux, qui femme amoureuse même si ses sens exacerbés lui ont joué un mauvais tour, reste plus calme, plus réfléchie que Patrice : L’évidence n’est pas toujours la vérité. Et puis, rien, quand même, ne te donne le droit de me faire souffrir ainsi.

Si les jours passent, si l’orage qui stagnait sur leurs têtes semble s’éloigner, la maladie du doute est au fond de nous, sournoise, épuisante, et ne peut pas guérir.

Le scandale du Gazon bleu est donc un roman à découvrir pour son charme rétro et qui s’inscrit dans la lignée de quelques auteurs qui publièrent dans la même collection ou non, à commencer par Pierre Louÿs, mais aussi de Henri de Régnier, d’Octave Mirbeau ou encore de Marcel Prévost. Un roman qui met en situation des scènes qui pour l’époque pouvaient être considérées comme scabreuses avec les ingrédients qui ont pour nom : échangisme, partouse, voyeurisme et lesbianisme.


A lire égalment mon article sur la revue Rocambole N° 61 consacrée à

Maurice Leblanc sans Lupin.

 


Maurice LEBLANC : Le scandale du Gazon bleu. Collection L’Amour. Editions Flammarion. Octobre 1936. 144 pages.

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commentaires

R
Je signale "L'image de la femme nue", autre "érotique" de Leblanc, aussi teinté d'ésotérisme, avec un gars qui se trouve devoir coucher avec 4 soeurs, dont une bonne soeur, dans une secte louche,<br /> puis apprend que ce sont ses demi-soeurs...<br /> Il y apparaît aussi une dame Crowley, alors que le "Liber 813" de l'ésotériste Crowley est paru la même année que le "813" de Leblanc.
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O
<br /> <br /> Bonjour Rémi<br /> <br /> <br /> Merci pour ces précisions mais n'ayant pas lu L'image de la femme nue, et ne le possèdant même pas, je n'en ai pas parlé par manque d'infos. Il est évoqué dans le Rocambole 61 et petite<br /> précision, ce roman a été traduit au Japon ainsi qu'aux USA sous le titre Wanton Venus. Selon Jacques Derouard, ce roman publié en 1934 aurait été écrit début des années 1910, et Maurice Leblnac<br /> l'évoque dans Comoedia (14 février 1934) ssous le titre Les quatre femmes amoureuses.<br /> <br /> <br /> Bonne continuation sur le nombre 813<br /> <br /> <br /> Amicalement<br /> <br /> <br /> <br />
H
oh oh oh oh : je m'en vais essayer de dénicher ça ! Perso j'aime bien les romans érotiques (qd ils sont bien écrits) ou du moins ceux qui comprennent une intrigue "coquine" comme tu dis, mais<br /> j'aime encore plus la littérature qui va de la fin XIX jusqu'au années 20. Ce sont de vrais témoignages d'époque. Je n'aurai sûrement pas de mal à me mettre à la place d'une lectrice d'antan... ;-)
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O
<br /> <br /> Erotique, érotique, pour l'époque, aujourd'hui ce serait plutôt sensuel. Sinon littérature populaire du XIX jusquà  la fin des années 30, j'adhère aussi avec parfois de petits prolongements.<br /> Mais le noir parfois me déprime.<br /> <br /> <br /> A bientôt<br /> <br /> <br /> <br />
C
L'érotisme de 1936 était limite trash, mon cher Paul ! Non, bien sûr, les textes érotiques d'autrefois restent plutôt sages à nos yeux. Sauf peut-être Pierre Louÿs, dont "Dialogues de courtisanes"<br /> était assez chaud (et drôle). Les lecteurs actuels n'ont pas idée de ce que fut la censure en ces temps-là, je crois l'avoir déjà dit ici. En tout cas, c'était plus sympa que "Miss Gros-Nibards<br /> secoue sa poitrine vingt minutes sur le ouaibe".<br /> Amitiés.
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O
<br /> <br /> Oui mon cher Claude<br /> <br /> <br /> Je préfère le suggestif au descriptif clinique de certains auteurs d'aujourd'hui qui peuvent tout se permettre ou presque. Mais chacun trouve son palliatif comme il l'entend (façon de parler)<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
S
Je prends note de ce titre, totalement inconnu pour moi !
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O
<br /> <br /> Bonjour Sharon,<br /> <br /> <br /> Je me suis fait un petit plaisir profitant de l'occasion de la parution de la Revue Le Rocambole concenrnant les romans de Maurice Leblanc sans Lupin. J'ai trouvé ce livre dans un vide-grenier,<br /> mais c'est un pur hasard, pour 50cts d'€.<br /> <br /> <br /> Je suis allé voir sur des sites de vente en ligne, et cela va de 5,50€ à 80€. Cherchez l'erreur<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
G
"échangisme, partouse, voyeurisme et lesbianisme" : voilà de quoi me motiver !! ;)
Répondre
O
<br /> <br /> Oui Gridou, mais à prendre avec délicatesse. Et j'espère que ce roman sera réédité !<br /> <br /> <br /> <br />
L
Ok une Marguerite pour effeuillée et UN Marguerite pour ''La Garçonne''.<br /> <br /> Le Papou
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O
<br /> <br /> La Garçonne effeuillée... par ses multiples amants, se vengeant d'un fiancé volage. Et dire qu'à cause de ce roman Victor Margueritte se vit retirer sa madaille de la Légion d'honneur !<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
L
Je me souviens de mon adolescence et de Victor Marguerite que je lisais en cachette. Le monde a bien changé. Les ados sont de plus en plus jeunes et Marguerite est devenu une auteur soft.<br /> Le Papou
Répondre
O
<br /> <br /> Oui... ! J'avais oublié Victor Margueritte. Mais de nos jours ces écrits érotiques semblent bien mièvres en comparaison à certains textes d'aujourd'hui...<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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