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20 janvier 2012 5 20 /01 /janvier /2012 10:20

Les Parisiens et les touristes qui se promenant de la place Denfert-Rochereau tallandier.gifvers le parc de Montsouris en empruntant l’avenue René Coty traversent à leur droite la rue Rémy Dumoncel, un nom de personnage qui leur est probablement inconnu. Et pourtant que d’aventures se cachent sous ce patronyme. Aventures vécues mais aussi aventures de fiction, en tous genres.
Si son passé de résistant dans le réseau Vélites-Thermopyles durant la Seconde Guerre Mondiale, alors qu’il était maire d’Avon, près de Fontainebleau, son implication dans l’aide apportée à des écrivains juifs pour gagner le Sud de la France et échapper aux nazis, puis son décès en déportation au camp de Neuengamme le 15 mars 1945, n’est pas à mettre sous le boisseau, c’est bien son activité principale qu’il convient de souligner. En effet, gendre de Jules Tallandier, il est directeur de la maison d’éditions entre 1933, à la mort de Jules de Jules Tallandier et 1944, date de sa déportation.
Mais ce n’est qu’un épisode dans l’histoire de cette maison d’éditions qui créée en 1870 existe toujours malgré les vicissitudes diverses qu’elle a subies. Tous les amateurs et collectionneurs de romans populaires, de petits fascicules, d’abonnés à des cercles de lectures, de magazines ont tenu entre leurs mains des ouvrages et des revues éditées par les Editions Jules Tallandier puis plus sobrement nommées Tallandier.
001Je citerai au hasard, Les collections Romans Mystérieux, Grandes Aventures, Cinéma-Bibliothèque, Le Livre de Poche (l’ancêtre du Livre de Poche actuel), Le Livre National, Romans de cape et d’épée, et parmi les nombreux magazines édités Les Veillées des Chaumières, Lisez-Moi, Historia et ses différentes déclinaisons… Une liste non exhaustive bien entendu.
J’aimerai m’attarder sur le périodique Lisez-Moi dont la longévité est assez exceptionnelle, plus d’un demi-siècle, et qui fut proposé ensuite en plusieurs sous-genres : Lisez-Moi Bleu, Lisez-Moi Historia, Lisez-Moi Aventures plus spécialement destiné aux jeunes garçons, Lisez-Moi Science pour tous. Son tirage était de plus de 36 000 exemplaires à la fin des années 1920. Selon les publicités Lisez-Moi était Le Livre d’Or de la littérature française contemporaine, constituant une véritable bibliothèque idéale. Et il est vrai que dans l’optique de ses créateurs ce magazine destiné pour tous représentait une bibliothèque aux délimitations rassurantes, évitant à la fois les écueils de la littérature pointue ou risquée, et ceux de la littérature vulgaire et des fautes de goûts. Ce n’était pas encore de la littérature de consommation, tout en étant de la littérature populaire, accessible à tous, proposant romans-feuilletons et contes ou nouvelles, de la poésie et du théâtre. Des auteurs célèbres ou renommés de l’époque, aujourd’hui quelque peu tombés dans les oubliettes, parfois membres de l’Académie Française et dont on retiendra les noms de Jean Richepin, Madame Alphonse Daudet (qui écrivit la plupart des contes attribués à son mari), Paul Bourget, Henri Bordeaux…
Dans le domaine romanesque ce sont bien les deux collections titrées Le004.jpg Livre National bleu et Le Livre National rouge, créées afin de concurrencer celles des éditions Fayard dont la célèbre collection 65cts, mais aussi les éditions Ferenczi, Rouff et autres. Au catalogue de ces deux collections des auteurs prestigieux entretenaient le rêve de nombreux adolescents et adultes : Paul Féval, Marc Mario, Charles Mérouvel, Jules Mary Michel Zevaco, ou encore Louis Boussenard. Les couvertures illustrées constituées de mauvais papier étaient fragiles, et il est difficile aujourd’hui de trouver ces ouvrages en très bon état. Si ces deux collections phares comportaient une grande fratrie composée de Les Beaux Romans d’amour, Le Livre de Poche, Bibliothèque des grandes aventures, Grandes Aventures, voyages excentriques, alimentées par des auteurs ayant pour nom Georges Simenon ou Jean de La Hire. Ce qui explique la multiplicité des pseudonymes de ces romanciers qui produisaient beaucoup mais également chez des éditeurs concurrents. Attardons-nous sur le cas Simenon : Georges Simenon, qui mène grand train, il est vrai, et parvient à battre un travail peu commun, publie-t-il pour la seule année 1928, 44 ouvrages, la plupart sous forme de « Petits Livres » (mais aussi trois Livres Populaires de Fayard, cinq Tallandier Bleu, un Rouge, etc.), et 35 ouvrages l’année suivante.
Créée en 1871 par François Polo et Georges Decaux cette maison d’édition 002.jpgprend tout d’abord le nom des Bureaux de l’Eclipse puis de La Librairie Illustrée. L’Eclipse était un journal satirique fondé par François Polo. Lorsque celui-ci rencontre au lendemain de la défaite de la guerre contre les Prussiens, Georges Decaux qui était un bibliophile amateur d’art, l’idée germe et est rapidement concrétisée de se lancer dans la publication populaire. Ce côté populaire ne sera abandonné que dans les années 80 au profit des publications uniquement historiques. En 1874, disparition de François Polo. Georges Decaux reprend les Bureaux de l’Eclipse qui deviendra Librairie G. Decaux puis l’année suivante Librairie Illustrée. En 1892 Georges Decaux revend une partie de la Librairie illustrée à Jules Tallandier et Armand-Désiré Montgrédien. En 1901 Jules Tallandier reprend seul cette maison d’édition et la dirigera jusqu’en 1933, année de son décès. Son successeur s’appelle Henri Manhès, qui quittera les éditions Tallandier dix mois plus tard tandis que Rémy Dumoncel prend la direction littéraire. Durant plus de cent-dix ans les éditions Tallandier connaîtront bien des heures de gloire mais aussi des vicissitudes. Rachat ou partenariat avec Hachette en 1931, vente de la moitié des parts de Hachette à Fayard en 1933. En 1944 Maurice Dumoncel est appelé à remplacer son beau-père durant la déportation de celui-ci puis il deviendra administrateur en 1945. En 1965 Hachette revend une partie de ses actions à la famille Dumoncel qui redevient majoritaire. Mais l’histoire ne s’arrête pas là.
003.jpgSi les éditions Tallandier ont connu le succès grâce à leurs publications populaires, elles ont également envahi les foyers par la VPC (Vente par correspondance) : Le Cercle romanesque en 1956, suivi peu après par le Cercle Historia, le Club de Lectures des jeunes, Cercle du Nouveau Livre, Arc-en-ciel, Aventures du monde et bien d’autres qui connurent des destins divers, souvent en partenariat avec une grande maison de vente par correspondance du Nord.
Les séries sentimentales, Floralies notamment, destinées aux femmes ne manquèrent pas, alimentées par des auteurs qui étaient au faîte de la gloire : Delly, Magali, Max du Veuzit, Claude Fleurange qui signait aussi des romans d’aventures sous le nom de Marcel Priollet. J’aurais garde d’oublier, parmi tous les exemples cités, auteurs et titres de magazines ou de collections, des noms qui contribuèrent aussi grandement à l’essor des éditions Tallandier alors qu’elles se nommaient encore La Librairie Decaux puis La Librairie Illustrée, je nomme Albert Robida, Benjamin Rabier et quelques autres.
Les auteurs de ce document, Matthieu Letourneux et Jean-Yves Mollier,005.jpg ont effectué un véritable travail de bénédictin, en réalisant cet ouvrage, grâce à leur patience, leur pugnacité, leur enthousiasme, ainsi que par l’accès facilité aux archives par les éditions Tallandier. Une histoire d’une grande maison d’éditions, narrée d’une façon vivante, érudite, passionnante, fouillée, enrichissante, abordant aussi bien l’édition populaire dans son ensemble, l’histoire d’une famille, les concurrences entre maisons d’éditions, les auteurs qui ont gravité dans cette pléiade de collections, tout en mettant en avant l’aspect pionnier qui longtemps fut la marque Tallandier.
Evidemment cette chronique n’a pas abordé tous les grands et petits moments de cette maison d’éditions, le sujet est trop vaste pour le résumer, le synthétiser, le schématiser, lui donner l’ampleur que mériterait cet ouvrage. Mais en même temps ce serait indécent et prétentieux de ma part de tout dévoiler. Et je vous promets des heures passionnantes de lecture, vous qui aimez la littérature populaire sous toutes ses formes, mais également l’histoire, la découverte, l’aventure, les hommes de lettres.
La revue le Rocambole N°39/40 qui a été consacrée aux éditions Tallandier s’avère le complément indispensable à cet ouvrage puisqu’elle présente quelques collections avec listage complet, des notices sur des auteurs et des articles qui sont les prémices que ce livre développe et affine.

Matthieu LETOURNEUX et Jean-Yves MOLLIER : La Librairie Tallandier. Sous titré Histoire d’une grande maison populaire. Editions Nouveau Monde (1870 – 2000). 624 pages. 29 €.

Scan de couvertures réalisés d'après ma collection personnelle.

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commentaires

P
ouh la!!! des complexes? il n' y a pas que le physique qui compte (et en plus les gouts different selon les gens)ou alors c'est tres triste.La culture,la gentillesse,la tendresse ,le charme la<br /> complicité...tout ça ,oui..
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O
<br /> <br /> Complexé ? non, réaliste. Quant aux qualités que tu énonces, ce n'est pas à moi de juger, ou en règle générale,quelqu'un ne peut pas s'octroyer d'office ces qualités à moins d'être imbu de sa<br /> personne.<br /> <br /> <br /> Bonne soirée<br /> <br /> <br /> <br />
P
il n' y a pas d'age pour ça,j'en suis certaine.Juste l'envie.
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O
<br /> <br /> Et le profil physique...<br /> <br /> <br /> <br />
P
sourires...je n'en doute pas...
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O
<br /> <br /> Merci Pyrausta de croire à mes affabulations... C'est plus de mon âge, quoique...<br /> <br /> <br /> <br />
P
honnetement je prefere quelqu'un qui collectionne les livres plutot que les voitures..
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O
<br /> <br /> et encore je n'ai pas parlé des conquêtes...<br /> <br /> <br /> <br />
P
tu dois avoir quelques raretés,non? C'est passionnant de suivre l’évolution d'une maison d’édition.<br /> Tu parles de Madame Daudet qui aurait été le "nègre" de son mari..je ne savais pas.Es tu au courant de cette théorie qui dit que Molière n'aurait pas écrit ses pièces mais que ce serait Corneille<br /> qui en serait l'auteur? Les arguments avancés laissent songeurs..
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O
<br /> <br /> Oui je suis collectionneur de vieux livres. D'autres collectionnent les voitures, les peluches, la cartes postales, moi c'est les livres. A chacun sa passion . Non ?<br /> <br /> <br /> Amités<br /> <br /> <br /> <br />

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  • : Lectures de l'Oncle Paul
  • : Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
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