Un ouvrage de circonstance !
Comme Noël qui revient chaque année à la même époque, certaines chroniques écrites il y a déjà un certain temps ressurgissent inopinément.
Lorsqu’une mère et sa fille unissent leurs petits doigts de fée pour écrire à quatre mains un roman policier, il peut en résulter un ouvrage charmant, même si le prix n’est pas forcément en rapport avec la qualité. Je m’explique : il existe des chefs-d’œuvre dans des collection de poche, dont le prix est plus qu’abordable et de bons petits romans qui se vendent dans des grands ou moyens formats à des sommes qui dépassent allègrement le billet de cent francs. Comme il existe de petits restaurants sympathiques qui proposent des plats du terroir pour deux fois un menu vite fait dans un fast-food (en français dans le texte, et puis je ne suis pas obligé de citer le nom de ces usines à malbouffe qui pullulent sur les abords des grands axes routiers au milieu de la poussière et des gaz d’échappement). Mais évidemment les droits de traduction étant élevés, la popularité haut de gamme se paie, et la vente de livres étant quasiment assurée aux box-offices, l’éditeur a raison de choisir la formule du bouquin cher puisque ça se vendra quand même, et peut-être mieux que dans des collections à prix abordable. Pour ceux qui ne peuvent se le payer immédiatement ils peuvent toujours attendre la réédition en livre format poche. Pour les autres qui croient qu’en payant plus cher ils sont assurés d’acquérir la qualité, ils se mettent le doigt dans l’œil jusqu’à la clavicule. C’était mon quart d’heure de rouspétance, offert généreusement par le rédac’chef, mais passons aux choses sérieuses et ne nous roulons pas dans la farine animale, que nous confondons souvent comme de la poudre aux yeux, comme celle utilisée par le marchand de sable pour mieux endormir notre méfiance.
Donc quand Mary et Carol Higgins Clark décident d’unir leurs efforts et de confronter leurs détectives en jupon, cela nous ouvre des perspectives attrayantes et quoi que certains puissent en penser, même si la réputation peut sembler usurpée par rapport à d’autres bons romanciers, leur production n’est pas si mauvaise que ça comparée à d’autres faiseurs d’histoires. Il faut toujours relativiser.
Alors que Nora Reilly, la talentueuse romancière d’énigme est admise à l’hôpital pourune malencontreuse chute, son père Luke, propriétaire de funérariums, est enlevé par C.B. (Cuthber Boniface) le neveu d’un défunt, ainsi que Rosita, l’assistante du morticole. C.B. reproche tout simplement à son oncle d’avoir légué sa fortune à une association qui prône la plantation de petites graines et le retour à la nature. Il est aidé dans son entreprise par un peintre en bâtiment qui a saboté un travail pour Luke. Alvirah, dont le mari a quelques problèmes de santé rencontre fait la connaissance à l’hosto de Reagan. Les deux femmes sympathisent, c’est le moins, et bientôt les voilà à la recherche des kidnappeurs. Dans quelques jours ce sera Noël, mais ce n’est pas l’échéance la plus importante. Les ravisseurs demandent un million de dollars afin de libérer les otages, ce qui a priori ne gêne guère Nora, auteur à succès donc riche. Le problème, mais les deux femmes ne le savent pas encore, est que les kidnappées sont ligotés dans une embarcation qui risque de couler à tout moment. L’intrigue dure ainsi durant plus de 300 pages, bien ficelée, avec un happy end de circonstance. Du bon travail de professionnelles de l’écriture qui savent mener le lecteur sur des sentiers battus, balisés, sans véritables embûches, juste ce qu’il faut de frissons afin de pouvoir en parler le soir au chaud sous la couette.
Toutefois l’humour est présent avec des scènes dignes Craig Rice, un auteur féminin des années cinquante qui savait allier humour noir et énigme tirée au cordeau, ou Donald Westlake, que l’on ne présente plus. Un roman qui se lit avec plaisir et qui s’inscrit dans une bonne moyenne, mais consolidera l’avis des intellectuels étroits que le roman policier n’est qu’une littérature de délassement sans grande profondeur. On regrettera et de loin La Nuit du Renard qui est pour moi l’œuvre la plus aboutie de Mary Higgins Clark, la première traduite en France, suivie de quelques réussites d’honorable qualité, et aujourd’hui de hamburgers préparés à la va vite.
Mary Higgins CLARK et Carol Higgins CLARK : Trois jours avant Noël. Albin Michel. Réédition Le Livre de Poche.