En cette fin décembre 2003, Gabriel Lecouvreur prend le train pour Grenoble content de retrouver deux anciens amis, mais lorsqu'il arrive sur place, c'est une grande désillusion qui l'attend.
Tout commence ou presque, comme à l'habitude, au café restaurant du Pied de Porc à la Sainte-Scolasse. Gérard le patron lui trouve une mine de papier mâché. Une fatigue due à une nuit passée avec quelques SDF à récupérer dans des containers des supermarchés des denrées périssables la plupart du temps javellisées par des responsable pour qui Humanisme est inconnu de leur vocabulaire.
Un appel téléphonique détourne l'attention du Poulpe alors qu'il entame sa lecture du Parisien que Gérard lui tendu négligemment. Alain, un vieux copain, lui propose de venir les rejoindre lui et un autre ancien condisciple à Grenoble où ils vont participer le lendemain 20 décembre à une petite opération dans les rues de Grenoble. Or l'article du quotidien est justement dédié à une protestation de trois éco-citoyens qui depuis début novembre se sont installés dans des arbres centenaires du parc Paul-Mistral. Ils manifestent contre l'implantation d'un stade dont la construction se révèle onéreuse mais de plus défigure ce parc, dont bon nombre d'arbres dits remarquables seront abattus, uniquement au profit... Au profit de qui justement ? Sûrement pas celui des riverains qui grognent contre les nuisances sonores et autres, qui ne manqueront pas lors des soirs de match, des mères et des nourrices dont le parc constitue une agréable promenade digestive et apaisante pour les bambins, des amoureux de la nature qui revendiquent un peu d'air pur dans le centre ville. Peut-être au profit d'une municipalité en quête d'action électorale, d'entrepreneurs publics qui voient là une façon d'augmenter leurs profits, et autres indifférents qui se moquent aussi bien du foot que de politique, du moment que cela n'empiète pas sur leur jardinet de banlieue.
Le Poulpe qui digère encore les libations de la veille est réveillé par le contrôleur qui lui annonce que son voyage est terminé depuis dix minutes. Et à la sortie de la gare pas d'Alain pour l'attendre. Un rendez-vous manqué, pense-t-il à tort. Mais non, Michel est là seulement les retrouvailles sont assombries car le fils d'Alain, José, vient d'être appréhendé pour meurtre. Une jeune femme qui squattait un coin retiré sous des buissons non loin des travaux, déjà entamés, du futur stade, a été retrouvée morte, assassinée. José, selon la rumeur, était amoureux d'elle, et des affaires lui appartenant ont été découvertes dans son appartement. Mais s'il fallait n'en écouter que la rumeur, il y a bien longtemps que toute la population serait soupçonnée d'un crime. Il en faut plus pour Gabriel Lecouvreur qui va plonger ses grands bras dans la boue du chantier pour rechercher la vérité alors qu'il est si facile pour les policiers à s'en tenir à des appâts rances. Or d'après des SDF du quartier, Judith, c'est le nom de la défunte, partageait une cabane construite de bric et de broc avec Mathilde, avec qui elle s'entendait très très bien et qui a disparu elle aussi depuis quelques jours.
Gabriel n'aime pas du tout le tour que prend cette affaire et tout en participant à une manifestation de protestation, va remonter la filière, rencontrant quelques personnages clé, et comme il faut s'y attendre se voir octroyer quelques coups bas qui l'obligeront à compter ses abattis afin de vérifier si la déconstruction opérée à son physique ne lui a pas occasionné quelques fractures.
Publié en 2010 ce roman s'inspire d'un événement réel qui a connu des hauts et des bas et quelques articles dans les quotidiens. En effet la construction du complexe sportif et du stade grenoblois a non seulement fait couler beaucoup de mortier, de ciment, mais aussi d'argent, d'encre et de déclarations politiques. Des jugements ont été rendus en faveur des opposants à son édification, mais ils ont été soit cassés, soit détournés. Une fois de plus, cette série du Poulpe met le doigt où ça démange. Mais Marin Ledun évite l'écueil trop souvent mis en avant, celui des fascistes, quoique leurs exactions méritent d'être dénoncés, mais qui ici n'aurait eu aucun sens. Un Poulpe qui nous remet l'eau à la bouche qui donne envie d'en lire d'autres.
Marin LEDUN : Un singe en Isère. Collection Le Poulpe N° 264. Editions Baleine. Parution 11 février 2010. 162 pages. 8,00€.