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1 avril 2014 2 01 /04 /avril /2014 13:43

Un roman charpenté qui ne prend pas l'eau...

 

hermione.jpg


Célèbre dans les années soixante et soixante-dix pour ses Demoiselles, la cité de Rochefort-en-mer connut la célébrité peu flatteuse au XVIIIe et milieu XIXe siècle pour son bagne, puis en 1926 la fermeture de l'arsenal scelle le déclin de la cité portuaire située sur une boucle de la Charente. Depuis l'agglomération de vingt-cinq mille habitants environ s'est engoncée dans la torpeur commune aux petites villes de province. Seules deux entreprises rythment depuis une petite vingtaine d'années le cœur de la cité, Aviatics, une boite de construction aéronautique et dans les radoubs la construction de l'Hermione, réplique de la frégate royale qui transporta Lafayette aux Amériques en 1780 lors de la lutté pour l'indépendance de ce qui deviendra les Etats-Unis.


hermione2.jpgMais en ce début de l'année 2013, une affaire macabre réveille les Rochefortais. Un menuisier qui travaille sur l'Hermione vient d'être découvert assassiné devant chez lui, d'un coup de couteau porté au cœur. Une empreinte de pas est relevée avec la particularité d'une pointure peu commune, du 49, et d'une usure sur le côté. La compagne de Guillaume Marchand, le défunt, est infirmière et travaillait de nuit. Donc à priori à écarter dans la liste des coupables présumés. Elle est cataloguée par ses voisins et connaissances comme une personne à l'abord peu amène et jalouse. Quant à son compagnon c'était plutôt un bon vivant grande gueule.

Le commissaire Pierre Camdebourde, dont la mutation à La Rochelle était assortie d'une promotion, est chargée de l'affaire et Bertrand Venise, qui officie à Rochefort, lui est adjoint. Autant Camdebourde est bourru, colérique, soupe au lait, autant Venise est plus calme, pondéré, peut-être plus naïf. Ils recherchent du côté des ouvriers travaillant à la construction de l'Hermione, et l'un d'eux, un jeune, est timide, pleurnichard, solitaire. Seule la pensée d'évoquer la frégate ou son métier de menuisier l'enflamme. Il n'a que pour ami le serveur du restaurant où les deux policiers prennent l'habitude de se désaltérer ou sustenter. Celui-ci est aussi un ancien du chantier mais son contrat n'a pas été reconduit.

Mais un meurtre en appelle un autre, et c'est au tour du contremaître d'être assassiné dans les mêmes conditions. Un coup de couteau en plein cœur, et porté de face comme si le meurtrier désirait que la victime voit la mort arriver. Apparemment cela ne suffit pas car les notables de la ville, le maire actuel, le prétendant (les élections municipales sont proches), reçoivent des lettres de chantage du genre : L'heure est grave. Moulin, faites gaffe. Pour l'instant, c'est encore vous le maire. Et c'est vous qui serez responsable d'une tragédie. C'est écrit en police de caractère Papyrus, et bien évidemment c'est signé anonyme. Même le site de la mairie est piraté !

Les journalistes locaux puis régionaux ne tardent pas à s'engouffrer dans la brèche, il faut bien alimenter les colonnes des quotidiens, tandis que Maxence Fleming, le président de l'association Hermione-Lafayette quitte Paris pour rejoindre Rochefort.

 

Ce roman, dont l'intrigue est simple et convenue, est surtouthermione3.jpg intéressant par la description d'une ville provinciale engluée dans son double passé. Les faits historiques sont relatés avec pertinence mais sans esprit pédagogique superflu, sans être didactiquement arrogant comme peuvent s'exprimer des historiens lorsqu'ils se penchent sur leur ville et leur environnement. De plus le tournage du film Les Demoiselles de Rochefort par Jacques Demy reste ancré dans les mémoires, même de celles des touristes qui s'attendent à voir les sœurs Françoise Dorléac et Catherine Deneuve interprétant les jumelles de fiction, les entendre chanter et évoluer dans les rues.

Les personnages du commissaire Camdebourde et de son adjoint Venise sont également à mettre en avant. On se croirait en face de la réplique du commissaire Bourrel, interprété par Raymond Souplex de 1958 à 1973, et de son fidèle adjoint Jean Daurand dans le rôle plus effacé de l'inspecteur Dupuy. Le comportement bourru et irascible de Bourrel et celui plus placide de Dupuy sont retranscrits dans les deux enquêteurs qui évoluent dans ce roman, et le principe de l'intrigue est le même, c'est-à dire de mettre le commissaire en face d'un milieu professionnel et social qu'il ne connait pas ou peu.

Mais sa vie familiale est aussi assez désordonnée. Séparé de sa hermione4.JPGfemme, il vit avec Patricia. Seulement si elle réside à Rochefort, appelée aussi la cité de Colbert, lui préfère vivre à La Rochelle sur son lieu de travail habituel. Ils ne se retrouvent donc que quelques soirées par semaine, ce que Patricia n'apprécie guère, et d'ailleurs sa meilleure amie Lola ne se prive pas de la chahuter sur ce choix. Mais Lola est une bipolaire qui peut changer d'avis et d'humeur en un rien de temps, et ses avis tranchés basculent souvent au cours d'une discussion. Quant à Kévin, le fils de Camdebourde, qu'il accueille lors des vacances, c'est un adolescent cool, d'ailleurs c'est son mot de prédilection. Il poursuit ses études, tente de les rattraper mais a toujours une étape de retard. Et son comportement ne plait pas toujours à son père commissaire qui se sent débordé.

Un roman qui se laisse lire avec plaisir tout autant pour la description des lieux et des personnages, que pour une intrigue simple, mais pas simpliste, et qui joue avec des retournements de situation. Certes prévisibles mais bienvenus.


Marie-Claude ARISTEGUI & Arnaud DEVELDE : Sinon... L'Hermione coulera. Editions du Caïman. Parution le 14 mars 2014. 254 pages. 12,00€.

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