Keller est un personnage qui, malgré son statut de tueur, se révèle sympathique. C’est un être solitaire, quelque peu mythomane, qui se fait son petit cinéma à lui, extrapolant des situations tout en sachant qu’elles ne proviennent que d’une imagination fertile parfois un peu envahissante. On l’appelle par téléphone, on lui confie une mission, et il ne se pose pas de questions. Il s’exécute ou plutôt il exécute. Pour la plus grande joie de son patron et de ses commanditaires.
Toutefois il lui arrive de détourner les règles. Quand il tue par exemple le commanditaire d’un meurtre pour faire bonne mesure. Ses relations avec son psychiatre se terminent mal, il s’entiche d’un chien, recueille la jeune fille qui garde le cabot (il l’est un peu lui-même !) lorsqu’il est en déplacement, bref, il a une vie presque normale. Il ne ressent pas d’états d’âme mais parfois des problèmes de conscience le taraudent. Il n’est guère facile de faire un choix entre la victime et le client.
Keller ne devrait pas faire partie de vos relations et pourtant vous l’adopterez. Il n’agit pas en fanatique, en tueur programmé, au contraire. Il lui arrive de réfléchir, de déroger à la règle, de se montrer humain, serviable. Et même de se passionner pour des passe-temps futiles, tels que la collection de timbre-poste.
Un livre qui, découpé en dix chapitres, rassemble autant de nouvelles, tranches de vie d’un tueur payé pour accomplir proprement sa pratique.
Les deux personnages de Lawrence Block, Keller et Rhodenbarr, qui de prime abord, et de par leur statut hors norme, devraient se révéler antipathiques mais, à cause d’une forme d’éthique et d’humanisme qui se dégage de leur aura, ne parviennent pas à susciter le moindre rejet. En réalité on voudrait devenir leur confident, relation privilégiée, rôle que tient le lecteur.
Lawrence BLOCK : L’amour du métier. Editions Points. 336 pages. 6,50€.