Derrière un roman policier, ou tout autre genre de la littérature dite populaire, se cache un écrivain qui regarde le monde tel qu’il est et l’intègre dans ses intrigues sans vraiment le déformer, juste en apportant sa sensibilité et ses phantasmes. Comme le fabuliste animalier mettait en scène ses contemporains, dénonçant leurs travers avec humour, et clôturait sa démonstration par une morale élégante, Jan Thirion avec Sextoy made in China, titre évocateur qui devrait se passer de commentaires, nous propose de nous plonger dans un épisode qui bizarrement colle à l’actualité.
Alors que Hu Jintao, le président de la République Populaire de Chine, est en visite officielle en France, les rues et les places de la capitale ont été décorées en son honneur. Ce n’est pas toujours de très bon goût, mais les Parisiens, et les Français en général, sont volontiers farceurs et frondeurs. Fayrouz Jasmin, journaliste d’investigation à Trustinfo, site d’informations sur le web, est réveillée brutalement, au sortir d’une nuit amoureuse, par son patron qui lui demande d’aller illico presto rue de la Butte aux Cailles, un attentat supposé venant de se produire. Les autres médias n’en ont pas encore parlé, et Lucas, son patron, est tout guilleret à l’idée de les griller. Enfourchant son vieux scooter, Fayrouz se rend sur place et retrouve le commissaire Naseau, lequel manque parfois de nez, car il n’a pas flairé des indices laissés sur place par une des victimes. L’une d’elles n’est autre que Marie, la fille adoptive pour les uns, naturelle pour les autres, du ministre Ledamier, et qui joue aux dames. Marie était en compagnie d’une partenaire et l’objet du délit est un olibos en matière synthétique, fluo et vibrant. Fayrous se renseigne auprès d’un commerçant qui lui remet des clés qu’aurait perdues la jeune fille, clés qui justement mettent en marche une petite moto et permettent de découvrir à l’intérieur de la malle arrière un prospectus émanant d’une boutique vendant des articles de compensation à la libido des femmes en manque de satisfaction charnelle. Ni une, ni deux, Fayrous emprunte l’engin à deux roues et afin de ne pas éveiller la suspicion du marchand de succédanés sexuels achète un article du même acabit. Mais elle se fait enlever par quatre trublions masqués qui s’interpellent à l’aide de noms d’animaux.
Les rues que doit emprunter le cortège présidentiel sont très animées, surveillées par moult policiers, et l’ambiance se révèle plutôt électrique. C’est dans ce gentil foutoir qu’évoluent la belle Fayrouz et quelques protagonistes aux agissements pour le moins surprenant. Notamment le brave commissaire Naseau, qui semblait bien esquinté physiquement lorsque Fazyrouz l’a abordé rue de la Butte aux Cailles, ou encore Coralie, une autre journaliste de Trustinfo qui ne manque pas de battant, un inspecteur de l’IGS, une vieille dame qui joue à la Guerre des Etoiles avec les dildos que vend son fils, et les fameux agresseurs qui fomentent quelque chose de pas très net.
Jan Thirion nous entraîne dans une intrigue complètement débridée, et qui aurait pu arriver lors du séjour de Hu Jintao. Mais ça vous ne le saurez jamais. La réaction de quelques parisiens adeptes du lancer d’objets manufacturés en Asie, elle, ne s’est pas produite, mais je suis persuadé que bon nombre de personnes y ont pensé sans mettre leur idée en pratique.
Jan THIRION : Sextoy made in China. Collection Forcément Noir, éditions Krakoen.