Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !
Jacques Sadoul aura consacré sa vie à la littérature populaire. Il est décédé le 18 janvier.
Né le 8 décembre 1934 à Agen, son premier roman est édité en 1960 aux éditions du Scorpion sous le titre La Passion selon Satan qui n’est vendu qu’à 92 exemplaires. Il sera réédité chez Jean-Pauvert en 1978 même connaitra à peu près le même sort. Jacques Sadoul devient rédacteur en chef de Mystère Magazine et de Hitchcock Magazine entre 1964 et 1968 et est directeur du Club du Livre d’Anticipation et du Club du Livre Policier de 1965 à 1968. En 1968 il est recruté par Frédéric Ditis comme directeur littéraire puis devient directeur éditorial. Il effectue un gros travail de promotion de la Science-fiction, créant une collection spécifique ainsi qu’une autre collection devenue mythique : L’Aventure mystérieuse, collection dans laquelle il publie quelques ouvrages devenus culte comme Le trésor de Rennes le Château de Gérard de Sède, et quelques ouvrages signés de son nom comme Le trésor des alchimistes.
Grand amateur de Pulps, ces revues petits formats imprimées sur du mauvais papier
, il compile des anthologies intitulées : Les Meilleurs Récits de Amazing Stories (1974), Les Meilleurs Récits de Astounding Stories – période 34/37 (1974), Les Meilleurs Récits de Weird Tales Tome 1 – période 25/32 (19
75) Les Meilleurs Récits de Weird Tales Tome 2 – période 33/37 (1975) Les Meilleurs Récits de Planet Stories (1975) Les Meilleurs Récits de Wonder Stories (1976) Les Meilleurs Récits de Unknown (1976) Les Meilleurs Récits de Famous Fantastic Mysteries (1977) Les Meilleurs Récits de Startling Stories (1977)…
Il rédige également un dictionnaire de la SF et ainsi qu’un autre consacré à la Bande dessinée. Et une anthologie de la littérature policière, publ
iée chez Ramsay en 1980.
Toutes ces activités ne lui suffisant pas, il écrits des romans policiers et des romans d’inspiration fantastiquecomme Le Cycle du domaine de R (trois titres) ou Baron-Samedi.
En 2006, les éditions Bragelonne publie un récit de mémoires, C’est dans la poche : mémoires, confidences d’éditeur. Retiré dans son agenais natal depuis quelques années, il continuait ses travaux d’écriture et dernièrement les éditions Rivière Blanche ont publié Le Jaguar Rouge.
Mais le mieux, afin de rendre hommage à ce grand monsieur de la littérature populaire, est d’établir un florilège de ses romans, en espérant que ces titres seront réimprimés pour l’occasion.
Trois morts au soleil. Editions du Rocher, 1986. Réédition J’ai Lu Policier. 1988.
Pour la jeune commissaire Ledayon, Muriel de son prénom, nouvellement installée à Marseille, l’affaire qui lui échoit semble compliquée à souhait.
Sylvain Pridat, photographe à Cassis, est abattu d’une balle de revolver. Si seulement elle pouvait trouver un motif à ce meurtre ! Peut-être une histoire de photos, un trafic quelconque ?
Mais après le photographe, c’est un croupier puis un agent immobilier qui décèdent de la même façon.
Les soupçons de Muriel se portent d’abord sur Solange Destain, jeune femme entretenue par les deux dernières victimes, et qui avait eu des relations avec la première. Puis c’est sur Magali Chamin, la femme du croupier, que les suspicions de Muriel se focalisent. Soupçons alimentés par tout un faisceau de présomptions, de probabilités, de possibilités matérielles. Surtout que Magali est la reine du mensonge. Mais de preuves formelles, point !
Ce roman de Jacques Sadoul, qui obtint le Grand Prix de Littérature Policière en 1986, est un roman que le lecteur lit avec jubilation et délectation. En effet, le lecteur suit l’enquête de Muriel, assiste à ses tâtonnements, ses erreurs, ses amours aussi en passant, alors que dès la première page l’identité du coupable est dévoilée. Dévoilée, enfin presque, puisqu’il ne manque que le nom. Et le lecteur voudrait bien la guider la pauvrette.
Construit un peu comme un livre-tiroir, un livre gigogne, ce roman nous réserve un épilogue digne en tout point des maîtres de la littérature policière.
Le mort et l’astrologue. Editions du Rocher, 1987. Réédition J’ai Lu Policier. 1990.
Etre astrologue ce n’est pas être devin. Un astrologue ne lit pas l’avenir dans le marc de café, dans les boules de cristal, ou dans les tarots, mais à partir de données précises il calcule l’influence des astres selon leur position dans le ciel. Il ne prédit pas mais peu prévoir tout au plus les périodes fastes ou néfastes de l’existence d’un être humain.
C’est bien pourquoi le professeur Astral n’avait pu prévoir ou prédire le décès par balle dans la tête de Marc Manceau, un jeune homme de vingt-huit ans et client occasionnel. Un décès qui ressemble à un suicide mais pourrait bien être un assassinat.
Georges Knutens, journaliste indépendant, projette d’écrire un article sur l’astrologie. Il requiert les services de son ami le professeur Astral pour lui éclairer la lanterne et participer à des séances afin de se faire une opinion, et relever quelques anecdotes. S’il n’est guère convaincu par les prestations de l’astrologue, le taxant d’user plus de la psychologie que d’une quelconque autre science pseudo divinatoire, il va toutefois se trouver impliqué dans le décès de Marc Manceau.
Knutens en effet succombe au coup de foudre lorsque Claire vient consulter le professeur. Claire, la petite amie de Marc Manceau, ou tout au moins l’une de ses petites amies, car si Claire semble sage et réservée, Marc Manceau entretenait des relations avec une certaine dénommée Zsa-Zsa, effeuilleuse dans le quartier chaud de Pigalle.
Entre ces personnages, la jolie Martine, véritable feu-follet de dix-neuf printemps, qui veut goûter à la vie à pleines dents et aidera inconsciemment Knutens dans on enquête.
Par le biais de l’enquête policière menée en dilettante, l’éclectique Jacques Sadoul nous entraîne dans les coulisses de l’astrologie d’une façon fort sympathique et attrayante. Ce qui aurait pu être rébarbatif sous la plume de quelques uns de nos romanciers devient passionnant sous celle de Jacques Sadoul car, et c’est tout à son honneur, l’auteur sait très bien intéresser le lecteur sans l’ennuyer.
Doctor Jazz. Editions Presses de la Renaissance, 1989. Réédition J’ai Lu Policier N° 3008. 1991.
Carol Evans, redoutable agent de la CIA, surnommée la Tueuse, a repris du service malgré une bavure lors de sa précédente mission. Cette fois elle est chargée d’enquêter en Louisiane, plus précisément à La Nouvelle-Orléans, afin de démanteler une filière de la drogue.
Pour cette mission un collaborateur lui est imposé, mais Carol est une solitaire, aussi l’on ne retrouvera Bud Hawks qu’épisodiquement. Comme bien souvent, une affaire peut en cacher une autre, et en fait de trafic de drogue, Carol Evans va tomber sur un étrange marché de cassettes-vidéo. Des « Snuffmovies ».
Des petits films d’amateurs dans lesquels les figurants, l’on ne peut guère parler de vedettes, les figurants disais-je, sont torturés, mis à mort, sans aucun trucage. Du vécu, du réel, voilà ce qu’il faut maintenant pour assouvir les bas instincts de quelques névrosés. Faut avouer que du temps où les exécutions, les pendaisons, écartèlements et autres joyeusetés, étaient réalisés en place publique, la foule avide et frissonnante de plaisir assistait à ce genre de spectacle en plein air. Autres temps, autres mœurs. Mais toujours le même attrait morbide.
L’enquête, ou plutôt les enquêtes de Carol vont amener celle-ci à être le témoin du meurtre d’un avocat en vue de La Nouvelle-Orléans, et ce dans de troublantes conditions. Les trois affaires, drogue, trafic de vidéocassettes spéciales et meurtre d’un personnage haut placé sont étroitement liées.
Jacques Sadoul a écrit un roman qui est surtout le prétexte à découvrir un des hauts lieux du Jazz et à voyager dans La Nouvelle-Orléans et les bayous, en empruntant les rues qui ont fourni les titres à quelques classiques du Jazz : Basin street, Canal street, Pontchartrain…
Un roman qui aurait pu être proposé aux lecteurs accompagné d’une compilation de ces interprétations inoubliables.
Les 7 masques. Editions Albin Michel 1996.
L'on dit couramment "La réalité dépasse la fiction". Mieux encore, lorsque l'on veut étaler sa culture, on peut se référer à Renan en citant cette phrase "La vérité est, quoiqu'on en dise, supérieure à toutes les fictions".
Victor Clairval n'est pas un grand écrivain mais au moins il a été reconnu par quelques uns de ses pairs puisqu'il a obtenu des prix littéraires pour des ouvrages qui ne se sont pratiquement pas vendus. Alors il s'est décidé à concocter un roman populaire dans la lignée d'Eugène Sue, Souvestre et Allain, Gaston Leroux et les autres. Un roman qui fait rêver et non pas s'endormir. Le problème, c'est que ce qu'il a imaginé se produit, quasiment dans les mêmes conditions, et qu'il se trouve plongé au cœur du mystère qu'il vient d'inventer. Lui le père tranquille, le pantouflard. De quoi devenir dingue.
Une sombre histoire dans laquelle évoluent des mystérieux personnages affublés de masques, chacun d'une couleur différente, une détective rousse et superbe, ce qui ne gâche rien, une maîtresse exotique, un dacoït, un chat qui disparaît et réapparait de façon inexplicable, pimentée par des courses-poursuites dans les catacombes ou les tunnels du métro parisien. Jacques Sadoul s'est amusé à utiliser les poncifs d'un certain type de romans populaire, en les aménageant au goût du jour, pour écrire un livre qui nous propulse d'une manière magique vers notre enfance. Mais il n'oublie pas pour autant les fantasmes des adultes. Un roman bourré de références qui ravira les amateurs et donnera peut-être envie aux autres de se plonger dans le roman d'aventures rocambolesques.