Une bonne situation, une femme aimante, une vie tranquille, quoi demander de plus ? Pour Pete tout irait bien, si un os ne s’était glissé dans son couple.
Pete est architecte, Cath, sa femme, est prof de français dans un lycée technique, ils vivent dans un quartier tranquille avec leur chien Paulo. Disons que c’est plutôt le chien de Cath, qu’elle a eu tout jeune, avant de vivre avec Pete, alors qu’elle était clouée dans un fauteuil roulant suite à un accident. Et Paulo est véritablement plus attaché à sa maîtresse qu’à Pete. Pourtant l’architecte ne ménage pas ses attentions envers le canidé. Mais il faut que Cath abandonne Pete durant une soirée pour que tout dérape.
Cath doit se rendre chez sa mère, que Pete apprécie modérément de même que l’idée de la séparation, et Pete est quelque peu déboussolé. Au bureau d’études, il refuse l’invitation de ses collègues d’aller manger le soir ensemble, déclarant qu’il préfère rester seul. Et le soir il récuse, sous un prétexte fallacieux, celle de Carl son voisin à partager un barbecue. Carl est marié avec une infirmière mais tout autant Cath que Pete n’ont jamais vu son épouse. Toujours une bonne raison pour expliquer son absence. Carl possède aussi un jeune chiot, Betty, qui ressemble à Paulo, un caniche nain anthracite.
Pete se résigne donc à manger en ville et rencontrant Simon et Richard, ses deux compères, il va en leur compagnie passer la soirée. Mais il boit plus qu’il mange, et il est passablement éméché lorsqu’il rentre chez lui. Il percute la poubelle ou autre chose, il n’allume pas la lumière du garage afin de ne pas se faire surprendre par son voisin, et rentre dans le salon. Paulo n’est pas là pour l’accueillir. Ce qui est normal car l’animal réserve ses faveurs à sa maîtresse, mais quand même. Pete cherche partout, dedans, dehors, l’appelle. Rien, pas d’écho, pas de bestiole revenant réclamer ses croquettes. Et Pete découvre avec effarement Paulo sous le châssis de sa voiture. Affolé, il prend une décision lourde de conséquences : il emballe le cadavre dans un sac poubelle et enterre le tout au fond du jardin.
Lorsque Cath revient, elle est étonnée par l’absence de son chouchou et Pete, au lieu de lui avouer la vérité, enfile mensonges sur mensonges. Heureusement, au bout de quelques jours, une nouvelle agréable vient changer les idées de Cath. Elle est enceinte, alors que depuis des années le couple espérait un bébé à la maison. Le côté positif de la disparition de Paulo. Le côté négatif, c’est que Pete est importuné par des appels téléphoniques. Un inconnu lui déclare savoir où se trouve Paulo.
Un roman intimiste qui repose sur trois personnages, sans grands effets de manche, sans scènes spectaculaires, sans débordements excessifs. Hervé Mestron jour dans la gamme des auteurs qui savent construire une intrigue qui pourrait être un huis-clos. Et l’on ne peut s’empêcher de penser à des maîtres tels que Boileau-Narcejac, Pascal Garnier, G.-J. Arnaud…
Le lecteur peut se reconnaitre dans le personnage central de Pete, sur lequel repose toute l’histoire. Il est un peu falot, se montre lâche, honteux devant sa femme. Il n’ose pas avouer ce qu’il s’est réellement déroulé, il a peur des conséquences de ses actes, de sa soirée trop arrosée, et de ses mensonges et de son manque de courage. Bref il se fait tout petit, il remue de la queue comme un chien pour amadouer son épouse, mais au fond de lui il se sent méprisable. Et puis il y a son passé…
La chute, qui se justifie aussi bien au sens figuré qu’au sens propre, est soudaine, abrupte, surprenante mais inévitablement logique. Les gouvernements successifs ne se résolvent pas de parler de rigueur, d’austérité, des mots tabou. Ici le mot de… est occulté mais le lecteur comprendra ce que l’auteur cache soigneusement et pourquoi.
Hervé MESTRON : Le clebs. Collection Zone d’ombres N°4. Editions Lokomodo. 176 pages. 6€. (Réédition des éditions Flammarion ; 1999).