Ah si j'étais riche...
Petit malfrat, Paul Serinen a décidé de passer à la vitesse supérieure et pour cela il braque, en douceur, un camion de marchandises qui doit se rendre vers Strasbourg. Une fois le conducteur bâillonné et ligoté, il prend sa place et incurve son trajet, se dirigeant vers Rotterdam où l’attend Mario, son receleur. Mario est un spécialiste de trafics en tout genre, drogues, putes, voitures, racket. Serinen lui apporte sur un plateau six mille sacs de luxe fabriqués dans le sud Manche, à Juilley exactement, non loin du Mont Saint-Michel (Petite précision qui n’est pas importante mais qui permet de connaître le nom du fabricant, si toutefois cela vous intéresse. Quoique l’info soit donnée dans le roman, et comme je ne perçois aucune rémunération liée à la publicité, vous comprendrez aisément que je m’abstiens de vous en dévoiler la marque).
Ce coup de maître sans effusion de sang lui permet d’empocher un joli petit pactole. Et d’envisager l’avenir avec sérénité, quoi qu’il lui faille bien six mois pour s’en remettre. Il a brouillé les pistes derrière lui, ne laissant aucune trace de ses virées. Il achète une petite maison à Etretat, et pense déjà son prochain exploit. Pour cela il recrute trois personnes qui vont l’aider à le réaliser, trois personnes apparemment sans histoire, qu’il a croisées au cours de ses pérégrinations, et qu’il contacte indirectement. Après avoir acheté en Espagne des téléphones portables, il en glisse un dans la voiture de chacun de ses nouveaux contacts, leur explique via le téléphone qu’il aura besoin d’eux, qu’ils sauront où, quand, comment en lisant les petites annonces de Libération, et il n’a plus qu’a attendre l’occasion rêvée.
Celle-ci se présente sous la forme d’une tournée musicale dont les musiciens se déplacent à bord d’un car. Encore une réussite, pas le moindre couac, et il peut envisager un troisième plan dans la douceur et la virginité des neiges éternelles de Courchevel, avec en ligne de mire la couche d’une jeune fille de bonne famille dont le père est diamantaire et surtout une pierre précieuse. Mais il s’est montré trop gourmand. Le diamant n’est pas revendable alors il décide de l’enfouir dans la chape de béton qui servira de terrasse à sa véranda.
Ce roman, court et pourtant dense, est scindé en trois parties narrées par trois personnages différents qui prolongent l’histoire. Celle-ci se déroule d’avril 2002 jusqu’en janvier 2015, mais l’auteur se montre particulièrement machiavélique, allant de l’avant tranquillement pour revenir brusquement en arrière afin de lever quelques voiles, de fournir quelques explications, puis la marche en avant reprend. Un roman prenant, sans esbroufe, sans digressions superflues, sans scènes de violence inutiles, sans tous ces artifices à la mode. Comme dans les romans de Maurice Leblanc où l’ingéniosité primait.
D’ailleurs j’ai relevé au moins trois références à Arsène Lupin. Paul Sérinen, qui renvoie au Prince Paul Sernine, un alias utilisé par le gentleman cambrioleur dans les nouvelles composant le recueil Les huit coups de l’horloge. Et Paul Sernine et Paul Serinen sont tous deux des anagrammes d’Arsène Lupin. Ensuite Serinen achète une maison à Etretat haut lieu des aventures lupiniennes et petite ville dans laquelle vécu Maurice Leblanc, son créateur. Enfin, page 119, les passagers empruntent le vol 813, 813 qui nous renvoie au roman éponyme.
Un roman duquel on ressort apaisé, qui lave l’esprit encombré des scènes violentes vécues lors des précédentes lectures, prêt à lire un nouvel ouvrage de l’auteur. Et pourquoi pas, Le deuxième homme qui vient de paraître au Fleuve Noir. Hervé Commère s’inscrit entre Philippe Bouin et Pierre Lemaître, tout en possédant son propre univers, laissant planer insidieusement le doute sur la suite de l’intrigue. Il distille le suspense à la façon de Boileau-Narcejac, et ce n’est pas un mince compliment.
Et si vous n'êtes pas convaincu je vous invite à lire l'article de Claude Le N sur
Action Suspense.
Hervé COMMERE : J’attraperai ta mort. Editions Pocket (réédition des éditions Bernard Pascuito – 2009). 160 pages. 5,70€.