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5 octobre 2012 5 05 /10 /octobre /2012 13:11

J’approuve !

 

zola1.jpg


Découvrir l’univers d’un écrivain, d’un littérateur impénitent et talentueux, ses obsessions, ses doutes, ses colères, ses engagements, ses relations avec ses contemporains et ses amitiés, son œuvre littéraire, critique, journalistique, épistolaire, sa façon de travailler, grâce à des mots-clés et des citations, est un défi. Cela induit de posséder une connaissance approfondie de l’œuvre, de la décortiquer, de la disséquer, de la digérer, d’en restituer l’essentiel et l’attrayant, d’en extraire les passages romanesques les plus significatifs et révélateurs, mais également se référer à des articles parus dans des journaux quotidiens ou hebdomadaires, écrits par lui-même ou en son honneur, et sa correspondance avec divers acteurs de la vie culturelle, théâtrale, picturale, sociale.

 

Selon Le vocabulaire de Zola, d’Etienne Brunet, 22 000 mots différents ont été dénombrés dans les vingt romans composant le cycle des Rougon-Macquart, cycle qui n’est que le tiers environ de l’œuvre d’Emile Zola, sans oublier les onze volumes de la Correspondance. Le présent Auto-dictionnaire en compte moins de 1 500, avec les mots de renvoi. C’est dire la gageure, et le caractère subjectif du choix – libre à chaque lecteur d’enrichir la sélection par son enquête personnelle dans cette immense réserve verbale (Extrait de Epuiser la vie, introduction en 70 pages d’Henri Mitterand).

Alors comme avec tout dictionnaire possédant un attrait ludique qui me tombe sous les yeux, et lorsque je ne recherche pas la signification exacte d’un mot ou son synonyme, j’aime piocher au hasard et découvrir par bribes. En feuilletant de façon aléatoire (ce qui ne signifie pas que je me rends dans une ville située dans le département des Deux-Sèvres) ce copieux ouvrage, le premier mot qui a accroché mon regard fut : Opinion.

Et justement, mon envie était de donner mon avis, mon opinion. Hasard, coïncidence, doigt du destin ? Nul ne sait mais penchons-nous plutôt sur ce que pense et écrit Emile Zola à ce sujet : Il n’y a pas de crime d’opinion, la liberté d’écrire doit être totale, il est d’ailleurs enfantin de croire qu’on peut la restreindre (Lettre à Anatole Le Grandais, 14 octobre 1901).

Après avoir lu, apprécié, digéré cette affirmation à laquelle je souscris entièrement, je ne pouvais quitter cette page (464) comme ça et mes yeux, remontant les lignes, sont tombés sur le mot Omnibus. Ce qui n’est nullement de la réclame pour l’éditeur mais renvoie au mot Diable. Diable, pensais-je ! Aussitôt retour arrière afin de m’imprégner de cet articulet et d’en découvrir la correspondance. Il s’agit d’un court extrait de La Curée ! Curé, Diable, rien que de très logique en somme comme association.

 

Les exemples amusants de renvois ne manquent pas. Graisse, par exemple, nous propose de nous référer à Bourgeois. Charmant raccourci, non !

Si je me suis laissé entraîner à quelques facéties linguistiques, sachez toutefois que Zola était beaucoup plus sérieux dans ses propos, sa teneur, et que des vocables tels que Politique, Anarchiste, Antisémitisme, Député, Journaliste, possédaient une réelle valeur ou signification et lui permettaient d’épancher son ire à juste raison, sans langue de bois.

Par exemple Politique : Dans la politique, comme dans les lettres, comme dans toute la pensée humaine contemporaine, il y a aujourd’hui deux courants bien distincts : le courant idéaliste et le courant naturaliste. J’appelle politique idéaliste la politique qui se paie de grandes phrases toutes faites, qui spécule sur les hommes comme sur de pures abstractions, qui rêve l’utopie avant d’avoir étudié le réel. J’appelle politique naturaliste la politique qui entend d’abord procéder par l’expérience, qui est basée sur des faits, qui soigne en un mot une nation d’après ses besoins (lettre à Yves Guyot, 10 février 1877). Aujourd’hui, quelle politique est menée ?

Anarchiste : Les anarchistes sont des poètes. C’est l’éternelle poésie noire, vieille comme l’humanité, comme le mal, comme la douleur. Ce sont des êtres de cœur, aux cerveaux de voyants, impatients du rêve. (Le Figaro, 25 avril 1892).

Antisémitisme : Mais ce n’est pas tout, le plus grave et le plus douloureux est qu’on a laissé empoisonner le pays par une presse immonde, qui l’a gorgé avec impudence de mensonges, de calomnies, d’ordures, d’outrages, jusqu’à la rendre fou. L’antisémitisme n’a été que l’exploitation grossière de haines ancestrales pour réveiller les passions religieuses chez un peuple d’incroyants qui n’allaient plus à l’église. Le nationalisme n’a été que l’exploitation tout aussi grossière du noble amour de la patrie, tactique d’abominable politique qui mènera droit le pays à la guerre civile, le jour où l’on aura convaincu une moitié des français que l’autre moitié les trahit et les vend à l’étranger, du moment qu’elle pense autrement (Lettre au Sénat, l’Aurore, 29 mai 1900).

 

Autant de citations qui pourraient être écrites aujourd’hui par des journalistes de talents, indépendants et non inféodés à un parti, à un journal d’opinion qui balance des arguments fallacieux et erronés car au bout des lignes des subsides ne sont pas négligeables. Surtout lorsque l’on entend les déclarations de telle ou telle femme (honneur aux dames) ou de tel homme politique (qui sont parfois de la même famille… politique d’ailleurs) qui attisent les ressentiments d’une couche de la population envers une autre. Et les requins qui pataugent dans la même eau fangeuse sans vouloir se déclarer vraiment d’accord, quoi que…

 

Zola n’était pas prophète en son pays, et sans être un visionnaire zola2.jpgil savait réfléchir et le bon sens, l’humanisme qu’il déployait n’ont été que coups d’épées dans l’eau. Heureusement d’autres mots se montrent plus égrillards, plus joyeux, comme baiseuse, qui est l’esquisse d’une de ses héroïnes dans le dossier préparatoire à L’œuvre.

Zola se montre entomologiste scrutateur lorsqu’il regarde, dissèque, décrit, analyse la faune urbaine et rurale de ses concitoyens. Mais il ne le fait pas avec la froideur du scientifique, il est animé, habité de chaleur, de tension, de rejet, de dégoût, d’aversion, d’humilité, d’espérance, de projets, d’indignation, de fascination, d’humanisme.

Cet ouvrage est une balade littéraire enchantement pour les neurones agrémenté de multiples compléments d’informations, comme l’arbre généalogique des Rougon-Macquart, lequel arbre permet de remonter les branches des différentes composantes de cette saga et d’y retrouver les fruits né d’amours légitimes ou non, les alliances, les fortunes et infortunes. Les personnages, les incipits (pas insipides) et les derniers mots de chaque roman dans l’ordre de parution, les mots de ce dictionnaire en douze panoramas thématiques, la bibliographie, et le qui est-qui ?, recensement de quelques contemporains de Zola ayant approchés de près ou de loin la maître.

 

Je pourrais continuer ainsi à faire l’apologie de cet Autodictionnaire, mais cela risquerait de tourner à la flagornerie de mauvais aloi, et point trop n’en faut. Personnellement, il m’a donné envie de relire certains de ces romans, les romans sociaux, d’en découvrir d’autres que j’avais dédaigné, même si jeune, disons adolescent, je me suis ennuyé à déguster les cinq fruits et légumes préconisés aujourd’hui et qui s’étalaient à profusion et à longueur de pages dans Le Ventre de Paris.

 

 

zola3.GIFLes Rougon-Macquart - Tome 1
La Fortune des Rougon

La Curée

Le Ventre de Paris

La Conquête de Plassans

 


zola4.GIFLes Rougon-Macquart - Tome 2
La Faute de l'abbé Mouret

Son Excellence Eugène Rougon

L'Assommoir

 

 

 

zola5.GIFLes Rougon-Macquart - Tome 3
Une page d'amour

Nana

Pot-Bouille

 

 


 

Henri MITTERAND : Auto dictionnaire Zola. Editions Omnibus. 864 pages. 28€.

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