Dans un café londonien, un homme assis, quelque peu embrumé par les whiskies absorbés, semble en proie à un profond chagrin. Un consommateur l’aborde. S’engage alors une conversation dont le prétexte est de remonter un moral défaillant.
Le questionneur apprend bientôt l’identité de son interlocuteur. Il s’agit d’un ingénieur français, Jean Laneuville, qui revient d’un déplacement aux Etats-Unis. Il ne peut rentrer à Paris car la capitale est occupée par les Allemands. Il s’inquiète du sort de sa jeune femme. Son compagnon lui propose alors de rencontrer quelqu’un qui devrait pouvoir l’aider à passer sur le continent et éventuellement retrouver son épouse. Le lendemain Laneuville a rendez-vous avec un certain Halvil, lequel est déjà au courant des problèmes de l’ingénieur puisqu’il est à l’origine de ses ennuis. Un de ses agents a sur son ordre abordé Laneuville après avoir enlevé sa femme par des hommes déguisés en soldats allemands.
Seulement la kidnappée croyant être entre les mains de véritables belligérants s’est suicidée. Drame que Halvil n’avait pas prévu mais qu’il ne peut révéler. Laneuville passe le Chanel et se réfugie chez une cousine sourde et paralytique près de Royan, accompagné d’un agent d’Halvil, Carruthers. Tandis que Laneuville se promène dans un bois proche, Carruthers se grime et l’ingénieur est berné jusqu’au moment où la supercherie est dévoilée. L’Anglais incite son compagnon à se rendre à Paris chez un certain Garanger. Le rendez-vous est repoussé, Laneuville ayant reçu un message d’un vieil ami, François Gaudaine.
Alors que Gaudaine veut expliquer à Laneuville qu’il est l’objet d’un traquenard, un inconnu lui tire dessus. Gaudaine est grièvement blessé et Laneuville alerte un voisin afin de chercher des secours. Peu après un toubib et une infirmière se présentent. Le toubib après avoir fait une piqûre annonce que le moribond vient de trépasser.
Incident pour le moins étrange d’autant qu’un autre homme arrive alors que le couple vient de partir. Il se réclame lui aussi du corps médical et ne peut que constater le décès. Laneuville se heurte dans la rue à Garnger qui le dissuade de prévenir la police. Il annonce qu’il connaît l’endroit où est détenue la femme de l’ingénieur. Le soir même Laneuville participe à une expédition en compagnie d’un homme à face de brute et d’une jeune femme en qui il croit reconnaître l’infirmière. Tandis qu’il explore en vain la villa, ses deux compagnons tuent de sang froid les occupants des lieux et font main basse sur le coffre-fort. Des initiatives et un mensonge qui le déçoivent profondément.
De retour chez lui une lettre à l’en-tête d’une clinique l’attend. Il est fort surpris de retrouver son ami Gaudaine sur un lit d’hôpital mais bien vivant. François lui révèle alors une partie des tenants et aboutissants des évènements que vient d vivre l’ingénieur. D’abord, quoi qu’ait déclaré Halvil, Lucienne s’est suicidée. Ensuite les instigateurs de cette mascarade de séquestration qui s’est mal terminée dépendent de l’Intelligence Service, dont Halvil est l’un des responsables dépendant directement du 10 Downing Street. Une machination qui devait inciter Laneuville, qui possède des relations dans le monde du pétrole, à servir leurs projets de domination mondiale. Enfin la seringue ne contenait pas de poison comme supposé mais un simple anesthésique. Mais Laneuville n’est pas au bout de ses peines.
Un roman bizarre auquel la couverture pourrait laisser supposer une interférence fantastique. L’action de cette histoire se déroule durant la Seconde Guerre Mondiale, peut-être au début des hostilités, mais à part deux ou trois paragraphes furtifs où les Allemands font de la figuration “ intelligente ”, la belligérance n’est pas évoquée. La bête noire dénoncée est en réalité la nation anglaise. Une diatribe particulièrement virulente est proférée à l’encontre des agents de l’Intelligence Service tandis que la soldatesque teutonne, malgré Paris envahi, est absoute. Tout est axé sur des méfaits, des forfaits réels ou supposés, des meurtres perpétrés par les services secrets britanniques mettant en cause l’ordre établi. Et ce sont les services secrets britanniques qui sont montrés du doigt comme les ennemis de la patrie. Un parti pris qui peut laisser dubitatif le lecteur d’aujourd’hui plus habitué à des faits de guerre ayant pour cadre la Résistance. Etait-ce afin de ne pas froisser la susceptibilité des occupants, une sorte de vengeance envers les Britanniques qui avaient à leur actif quelques bavures dans les années 40, Dunkerque par exemple, on peut se poser des questions sur cette vindicte proférée envers les Services Secrets d’une nation alliée.
En fait H.J. Magog, de son vrai nom Henri-Georges Jeanne (né le 29/05/1877 à Laon, décédé en 1947) et qui a signé entre autres Jean de la Tardoire et Jean Noal, fit partie de cette cohorte d’écrivains ayant fait allégeance aux occupants et à leurs idées fascistes.
Extraits pages 38,39 et 40 :
“ A quoi servent les victimes de tant de menées souterraines, de tant de crimes impunis et souvent ignorés ? Dans quel but agit une gigantesque pieuvre dont les tentacules s’étendent sur toute la terre… ”
“ Une association de malfaiteurs ? Tu viens de trouver le mot exact. Mais elle a un nom, qui fait trembler les infortunés pris dans ses filets ou menacés par elle, et indigne les autres, les honnêtes gens, ses victimes passées, présentes ou futures. Elle se nomme l’Intelligence Service, orgueil des trafiquants de la City, fondée par leurs ancêtres. ”
“ Voilà les méthodes employées par les maîtres de Downing Street ! Retiens ce nom et cette adresse : c’est là, au n° 10, que siège le cerveau criminel de l’Angleterre. C’est là que s’accumulent les milliards qui servent à acheter les consciences et à payer les assassins pour le plus grand profit d’Albion et de son ambitieux dessein de s’assurer la domination du monde ! ”
H.J. MAGOG et Alain JEFF : L’étreinte de la pieuvre.
Collection Plume et corde N°1, Editions Littéraires et Artistiques. Paris. 1942. Illustration Claudel.