Hommage à Guy de Maupassant né le 5 aout 1850 à Tourville sur Arques, en pays de Caux, qui comme Monsieur Jourdain, écrivit des nouvelles noires sans le savoir.
Sous titré « Boire et manger dans les récits de Guy de Maupassant », ce recueil de contes, à part Le rosier de Madame Husson qui a été adapté récemment à la télévision et par deux fois au cinéma notamment en 1950 par Jean Boyer avec Bourvil comme interprète principal, ce recueil donc nous offre des textes moins connus. Mais tous ont un rapport plus ou moins étroit avec le boire et le manger, deux fonctions vitales pour l’homme. Et que ces protagonistes soient issus de la ville ou de la campagne normande ne change rien au propos, car le comportement est le même avec cependant quelques variantes. D’ailleurs ces citadins n’ont-ils pas des origines rurales pour la plupart ? Mais les conséquences peuvent influer sur l’avenir.
Ainsi, dans Imprudence, un couple après s’être aimé avec fougue vit dans un ronron qui laisse l’épouse insatisfaite. Elle demande alors à son mari de l’inviter dans un cabaret galant et de la faire passer pour sa maîtresse. Au cours du repas fin qui leur est servi par des garçons pour qui la discrétion n’est pas un vain mot, elle l’incite à lui dévoiler ses années de célibataire et lui demande s’il a eu beaucoup de maîtresses. Les réponses de son mari lui donnent des idées qu’elle n’aurait peut-être pas eu si le Champagne ne lui était pas monté légèrement à la tête.
Dans Un Normand, le narrateur rencontre un personnage atypique qui entretient une chapelle dédiée à la Vierge et qu’il a baptisée Notre-Dame du Gros Ventre, patronne naturelle des filles mères. Mais là n’est pas le trait essentiel de son caractère puisqu’il a inventé le saoulomètre, une mesure de son alcoolémie à vue de nez estimée le soir au coucher.
Dans Garçon, un bock ! conte éponyme du recueil, le narrateur retrouve par hasard un ancien condisciple qui s’est aménagé une vie bien rangée, bien structurée. Après-midi au café jusqu’à la fermeture puis coucher jusqu’au début de l’après-midi et les soucoupes s’empilent sans discontinuer.
Une familleest un conte cruel, dans lequel le narrateur retrouve un ancien ami, Simon Radevin, qu’il n’a pas vu depuis quinze ans. Simon a bien changé, physiquement et moralement. Maintenant il a cinq enfants issus d’une mère fade et blondasse, et la distraction de ces personnages odieux est de s’amuser aux dépens du grand-père. Un serviteur enfourne de force des cuillers de soupe au vieillard qui louche sur les plats destinés aux hôtes et dont il ne bénéficie que de reliefs. Un supplice pour cet octogénaire à qui est promis le dessert et dont il ne goutera qu’une très faible portion, comme une récompense pour avoir diverti la tablée.
Le petit fûtest gentiment amoral, mettant en scène un aubergiste qui lorgne sur les terres de la vieille mère Magloire et il pense pouvoir les obtenir en établissant un acte de viager. Pour convaincre la mère Magloire il lui offre des dégustations d’alcool tandis que dans Le vieux, il s’agit d’un couple qui s’attend au décès de l’ancêtre d’un moment à un autre et prépare les festivités d’après « imunation ». Seulement le mort annoncé ne se décide pas à rendre son dernier souffle. Et comme le déclare le mari « ça n’serait pas à refaire tous les jours !».
Quant au Rosier de Madame Husson, il s’agit d’un jeune homme qui est élu à la place de la traditionnelle rosière du village, madame Husson, grande prêtresse de cette manifestation ancêtre de l’élection des Miss, n’ayant pu trouver de jeune fille répondant à de draconiens critères. Seulement la gloire éphémère et la bourse conséquente qui est attribuée à l’heureux bénéficiaire lui tourne la tête.
Neuf contes que le lecteur découvrira ou redécouvrira avec un plaisir d’autant plus intense que la préface de Marie-Claire Bancquart est particulièrement intéressante, suivie d’une « vie » de Maupassant. Et chaque conte est accompagné d’une notice précisant la date de parution et le journal qui l’a accueilli, Le Gil Blas et Le Gaulois pour la grande majorité, ainsi que de petits compléments d’information.
Guy de MAUPASSANT : Garçon, un bock ! Editions Le Castor Astral, collection les Inattendus.Edition présentée par Marie-Claire Bancquart. 12€.