Un vieux château transformé en hôtel, le château de Caillet entouré d’un grand parc, implanté dans le Val d’Oise et facilement accessible de Paris, tel est le Rêvotel, géré par Marc-Georges Benadur.
En fait cette demeure appartenait à Marlène de la Fédoyère, mais des revers d’argent l’ont obligée à se séparer du domaine, contre compensation, évidemment. Le nouveau propriétaire est Robert Lesage, vénérable truand jamais arrêté mais fiché auprès des services de police et Marlène s’est mariée avec Benadur, gardant ainsi une main sur son ex demeure.
Si Kléber, le vieil homme à tout faire, est resté parce qu’il ne savait pas où aller, Gaby la vieille servante a préféré quitter les lieux et se réfugier dans les bois environnants. L’hôtel accueille une clientèle variée, issue de tous horizons, dont des familles comme ce père accompagné de ses deux filles et de son ami, des amoureux en goguette et l’expression l’amour rend aveugle est parfaitement justifiée dans ce cas, des chercheurs, des membres du Besef (Bloc éthique des entrepreneurs français) en séminaire, des membres du CRAC 40, des touristes Russes venus pour des raisons bien particulières, raisons qui se greffent sur l’exposition internationale de Paris en 1937 et ses suites et qui ont bien connu Lesage vingt ans auparavant.
Non invités mais qui font partie intégrante du paysage, deux individus louches qui n’hésitent pas à supprimer les curieux qui les dérangent dans leur travail de recherches. Tout ce petit monde se croise, se reconnait vaguement, se dissimule, fait semblant, s’emberlificote, recherche la paix, un trésor ou comment faire encore plus de profit. En toile de fond la fameuse glacière de Staline dont Marlène est si fière. Et lorsqu’un Russe a perdu son alter égo, l’ambiance dégénère, surtout quand des sangliers s’invitent à la visite du parc. Un mâle édenté, surnommé Attila, est pris en chasse afin d’occuper les esprits et démontrer que certains des participants à la curée savent se servir d’une arme, seulement dans les entrailles du solitaire est retrouvée la carte d’accréditation du Russe disparu.
En prenant pour base de son intrigue des faits réels dont la découverte en 2004 dans la glacière d’un château du Val d’Oise des reliques des massifs qui ornaient l’entrée du pavillon soviétique lors de la fameuse exposition universelle de 1937, Gérard Streiff nous propose une fiction dont le début et l’épilogue ne dépassent pas vingt quatre heures. Un épilogue qui se clôt en un véritable bouquet infernal. Tous les participants à cette tragédie comique sont plus ou moins farfelus, à tout le moins atypiques, dignes des films noirs de Georges Lautner et Michel Audiard dont Les tontons flingueurs en sont le fleuron.
Gérard STREIFF : Le trésor de Staline. Collection Forcément Noir, éditions Krakoen. 2010. 190 pages. 10,20€. Existe en version numérique à 3,00€.