Neuf ans que le Grand Pays, ou Whamangar, existe, devenant le groupement des Royaumes Unifiés. Neuf années de paix obtenues grâce à l’action bénéfique de Darion, qui avait réussi à annihiler la magie pour permettre à la prospérité, née de la volonté de l’homme, de s’instaurer durablement. Mais Darion, depuis son château d’Egont, sait que la paix est fragile, et il est alerte en permanence, parcourant de temps à autre le pays, visitant les différents petits royaumes, les bourgs et les villages, afin de constater de visu si une résurgence malfaisante ne se produit pas. Des royaumes rebelles souhaitent toutefois le retour des prêtres hérésiarques afin de restaurer le culte des trois dieux.
Pendant ce temps le jeune Oborlon décide de rejoindre le château d’Egont afin de s’enrôler dans la prestigieuse Garde Haute de Darion. Mais alors que sa monture chemine tranquillement dans le territoire des Terres Fertiles il aperçoit au loin un cavalier noir qui semble l’attendre. Oborlon se méfie mais l’homme est plus prompt, fonce sur lui et malgré la parade, Oborlon est percuté. L’assaillant tente de l’atteindre en sortant de sous sa cape une énorme main griffue. Avec son épée il blesse mortellement le cheval d’Oborlon qui s’effondre, Oborlon lui-même roulant dans un précipice. Lorsqu’il reprend connaissance, il distingue un homme penché sur lui en train de le soigner. Dankrès est un marchand ambulant et lorsqu’Oborlon a repris ses esprits, ils rejoignent tous deux le village voisin de Milval. Tandis qu’Oborlon reprend des forces, soigné par une femme du bourg qui connait les vertus des plantes, une ronce géante apparait et grandi à vue d’œil, entourant peu à peu Milval. Rien ne peut empêcher sa progression, les armes tranchantes, tout autant que le feu, se révèlent inefficaces. D’autres petites cités des Terres Fertiles sont assaillies de la même façon. Des troupes armées commandées par les Vogres d’Argent tentent d’investir d’autres bourgs fortifiés. Cette armée à la solde du Grand Devenant est composée d’humains et de créatures cruelles et bestiales.
Parmi ce déploiement de guerres et d’attaques à l’aide de moyens presque surnaturels, des hommes et des femmes, surnommés les Rêveurs, décident de rejoindre Oniria, une utopique cité fabuleuse.
Darion, lui, mis au courant de ces événements tragiques, décide de se rendre derrière la Barrière de Brume. En haut d’un pic vit le Grand Devenant, et Darion veut l’affronter dans son fief. Ses fidèles compagnons ont foi en lui, et il se murmure qu’il serait toujours en possession, malgré ses dénégations, de la Magie pouvant annihiler le perturbateur de paix.
Le lecteur ne sera pas insensible aux paraboles et aux symboles qui imprègnent ce roman. D’abord la référence, plus ou moins biblique avec l’Ancien et le Nouveau Testament, puisque le décompte des années s’effectue en fonction d’une nouvelle ère, supposée être de prospérité et de paix. Le Bien et le Mal s’affrontent sous la forme de Darion, qui a réussi à fédérer une partie des villes du Grand Pays, et le Grand Devenant, le Maître de l’Obscur qui de son repaire entame la lutte à l’aide de moyens pour le moins brutaux et radicaux. Et l’on n’est pas loin du symbole de la résurgence du fascisme, du nazisme sous la frome d’un dictateur utilisant des bêtes immondes. Ensuite, l’époque au cours de laquelle se déroule ce récit est résolument ancrée dans un décor médiéval, avec sa façon de guerroyer, les armes utilisées, les tours en bois sur roues, les attaques des châteaux à l’aide de béliers, d’échelles placées sur les remparts, la défense constituée en versant de la poix chaude, et autres parades. De même les conteurs qui parcourent le pays et les références à de vieux grimoires. Les années hippies, la génération des doux rêveurs sont également présentes avec les Rêveurs justement et la ville d’Oniria qui pourrait être assimilée à un parc d’attraction. Le retour prôné à la pratique de la magie pourrait être synonyme de celui de la superstition, le retour à l’Obscurantisme après une période de Lumières, sous forme d’allégorie.
Ce roman est peut-être la fiction la plus aboutie de Gabriel Jan. D’abord parce qu’étant en retraite, l’auteur peut se consacrer entièrement à l’une de ses passions, l’écriture. Ensuite parce qu’il n’est plus astreint à une contrainte de pagination comme c’était le cas lorsqu’il appartenait à l’écurie du Fleuve Noir, ou à fournir trois ou quatre titres par an. Aussi j’espère pouvoir le retrouver prochainement, même si Rivière Blanche est submergée sous l’avalanche de manuscrits provenant d’anciens auteurs ayant fait leurs preuves et de petits jeunes talentueux qui ne demandent qu’à exister. D’autant que Rivière Blanche privilégie la production française, ce qui démontre que l’imaginaire n’est pas l’apanage des pays anglo-saxons.
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Gabriel JAN : Par le rêve et la ronce. Editions Rivière Blanche. Collection Blanche N° 2089. 312 pages. 20€.