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Bienvenue dans la petite revue de la littérature populaire d'avant-hier et d'hier. Chroniques de livres, portraits et entretiens, descriptions de personnages et de collections, de quoi ravir tout amateur curieux de cette forme littéraire parfois délaissée, à tort. Ce tableau a été réalisé par mon ami Roland Sadaune, artiste peintre, romancier, nouvelliste et cinéphile averti. Un grand merci à lui !

Entretien avec Alain DEMOUZON.

Bon anniversaire à Alain Demouzon né un 13 juillet !

demouzon

Alain Demouzon est né le vendredi 13 juillet 1945 à Lagny-sur-Marne, à une trentaine de kilomètres à l’est de Paris. Ses parents sont commerçants en fournitures agricoles. La famille paternelle est d’origine meusienne : des cultivateurs. La famille maternelle vient du Limousin : des maçons, et toujours aussi un peu paysans, de père en fils. Alain est l’aîné de quatre enfants.

Scolarité à Lagny, à l’école communale Paul-Bert, puis au pensionnat Saint-Laurent, jusqu’à la classe de première. C’est à Meaux qu’il fera sa philo, à l’école Sainte-Marie où Pierre Véry fut élève et dont les souvenirs lui permirent d’écrire ces deux beaux romans d’enfance et de nostalgie que sont Les Disparus de Saint-Agil et Les Anciens de Saint-Loup. Après un baccalauréat, obtenu en 1965, Alain Demouzon s’inscrit à la Sorbonne, tout en étant pion d’internat puis d’externat à Sainte-Marie, pendant cinq ans. En 1969, il obtient une maîtrise de Lettres modernes, avec un mémoire final sur «Le temps et la durée dans les Contes cruels et Nouveaux contes cruels de Villiers de l’Isle-Adam». Après une année d’enseignement, il profite de son service militaire au ministère de la Défense nationale — où il a été affecté comme secrétaire d’état-major —, pour passer une licence en sciences de l’éducation. Il s’installe définitivement à Paris, dans le 13e arrondissement. Son ami Alain Étévé le fait alors entrer à Cinéquanon, la maison de production du comédien et réalisateur Jean Yanne, dont il devient l’un des assistants. Sur le tournage du film Les Chinois à Paris, il rencontre Brigitte Paquot, habilleuse et costumière, qui vient de la Comédie française, et avec qui il se marie en mars 1974. Ils auront trois enfants : Barthélemy, Émilie et Clémence. (Biographie extraite du site de l’auteur http://www.alain-demouzon.fr/

 

Pensais-tu tout jeune devenir écrivain et comment as-tu débuté ?

Ne sachant trop quoi faire après mon licenciement « d’un commun accord » de la maison de production de Jean Yanne où je travaillais à l’époque (fin 1973), je me suis dit : « et si je tentais d’écrire un livre ? » J’en ai fait un, puis deux, bientôt trois. « Et si je tentais de gagner ma vie de cette façon ? » C’est ce que j’ai fait, et réussi. Avec trois enfants et une femme intermittente du spectacle, ce n’était pas évident. Tout jeune, non, je ne savais pas ce que j’allais bien pouvoir faire – et je ne le sais toujours pas, d’ailleurs.

 

Demouzon1As-tu eu du mal à placer tes premiers ouvrages ?

Flammarion était le huitième éditeur chez qui j’étais allé déposer mon tapuscrit. Toutes les collections policières bien connues avaient refusé mon ours : La Série Noire, le Fleuve Noir, Le Masque (voir leur étonnant et détonnant rapport de lecture, sur le site http://www.alain-demouzon.fr/) et aussi Sueurs Froides (Denoël), d’autres encore. Malgré tout, j’ai été édité assez vite. Pratiquement un an après mon premier essai. Maintenant, le délai est plus long, même en étant bien calé chez un éditeur à grande notoriété. Il faut dire que pendant longtemps j’ai recommencé un bouquin dès que le précédent était terminé.

 

Tu as bénéficié dès tes premières publications chez Flammarion d’une collection personnelle. Un handicap ou une reconnaissance de ton talent ?

Henri Flammarion m’avait proposé d’écrire trois polars par an, en me donnant les demouzon2moyens de vivre de ma plume. La maison ne publiait alors pas de romans policiers. On a habillé mes livres d’une manière identifiable qui donnait en effet l’impression d’une collection. Avec le recul, je peux dire que cet éditeur m’a sacrément aidé.

 

Tes romans dès le départ ne se coulaient pas dans un moule particulier, mais tu explorais toutes les facettes de la littérature policière. Un besoin de visiter tous les genres ?

L’envie d’apprendre et de tenter, de visiter, en effet, de fouiner. Ne pas s’ennuyer, non plus. Tous mes romans du début montrent que je n’avais surtout pas envie de m’enfermer dans la déclinaison d’un personnage. Et c’est finalement comme ça que tout se termine !... J’aurais aimé pouvoir écrire comme certains cinéastes filment : un polar, une comédie sentimentale, un film de pirates, un drame social… Mais les étiquetages de la librairie sont plus rigoureux et indécollables que ceux du cinématographe.

 

Après ton départ de chez Flammarion, tu as été publié chez de nombreux éditeurs. Une expérience enrichissante ?

Pas financièrement, en tout cas. J’avais perdu une mensualisation honorable et n’en ai jamais retrouvé l’équivalent. « Sur le plan humain », comme on dit, j’ai rencontré d’autres gens, bien sûr. Mais, des gens, on en rencontre toujours – et ça n’est pas obligatoirement agréable. Je suis très casanier, y compris avec les maisons d’édition. La stratégie du changement n’a jamais été la mienne. C’est bien souvent le hasard qui a décidé de ces migrations. Quand on vous refuse à un endroit, il est normal d’aller tenter sa chance ailleurs. Néanmoins, toutes ces balades ont été bonnes.

 

demouzon3Parmi ta bibliographie, j’ai particulièrement aimé le recueil de nouvelles La Petite Sauteuse publié chez Seghers. Es-tu un fin gourmet et un cuisinier averti ? Pourrais-tu envisager l’écriture d’un second recueil dans cette veine ?

Refusée par quatre « conseillers littéraires » successifs de chez Flammarion — qui se sont efforcés de me convaincre que ce livre ne méritait pas d’être publié, La Petite Sauteuse a décidé de mon départ de la maison. Paul Fournel l’a accueilli chez Seghers, en 1989. Le livre a aussitôt décroché un prix littéraire (celui de « littérature gourmande »). En 2003, Fayard a édité le recueil intégral. Ma femme se plaint parfois que je ne cuisine plus comme autrefois. Elle devrait se méfier, tout de même… J’étais plutôt bon aux fourneaux. J’aime être à table, mais me satisfais du quotidien dans la simplicité. Aucune envie de remettre le tablier pour un éventuel « Retour de la Petite Sauteuse ». Il me suffit que l’une des « recettes » ait encore été jouée à Caen, tout récemment (décembre 2009). Ces textes « impubliables » ont souvent séduit les comédiens des lectures spectacles.

 

Parmi l’un de tes personnages récurrents, le commissaire Melchior. Avais-tu une amourmelchiorpréférence particulière pour lui ? Pourquoi avoir laissé le lecteur dans le doute à la fin du dernier ouvrage le concernant Un amour de Melchior ?

Melchior m’a occupé et préoccupé pendant presque quinze ans. Sans provocation éditoriale, je ne me serais pas lancé dans la reprise d’un personnage, ce n’est pas mon truc. Au moment où il se confirmait que ce « héros » – que les rares critiques qui en rendaient compte signalaient comme « original et attachant » – n’aurait pas de vrai succès, et comme il me fallait un an et demi ou deux pour écrire chaque nouvel épisode, j’ai décidé de me dispenser d’une septième « saison ». Dans ma version d’origine, Melchior était incinéré au Père-Lachaise. Florence, son dernier « amour », se mariait peu après avec un autre flic rencontré ce jour-là au cimetière… J’aimais beaucoup cette fin vacharde, mais des groupies m’ont supplié d’être moins impitoyable. Des confrères amicaux m’ont rappelé qu’il est toujours bon de prévoir une possible résurrection. Mais j’avais vraiment besoin de faire basculer radicalement la pierre du tombeau…

 

Lors de l’un de nos précédents échanges par mail, tu semblais désabusé sur la prolongation de ta carrière dans la littérature policière. Pourquoi ?

Liquider Melchior et son auteur en même temps me paraissait réjouissant. Au printemps 2007, j’ai terminé Un amour de Melchior et n’ai rien remis en route depuis – sauf, un peu plus tard, Les Faubourgs d’Armentières, un récit de mémoire familiale que je pensais d’abord à usage interne (le cercle de famille) mais que Fayard publiera en février 2010. J’ai décidé de ne plus aller dans les salons du polar – où je me montrais déjà assez peu – et j’ai même prévenu 813 que je ne renouvelais pas mon adhésion. Pourquoi prétendre « adhérer » alors qu’on n’adhère plus au discours ambiant ?… Une coupure radicale avec le polar m’a paru indispensable, d’une soudaine évidence. J’ai eu besoin de ça. Sans savoir si c’est définitif ou pas. J’ai commencé en 1974 et j’en ai marre. Répondre à tes questions, cher Paul Maugendre, est une entorse méritoire à mes résolutions !

 

DemouzonbisTu es à l’origine de la création de l’association « 813, Les Amis de la Littérature Policière » avec Michel Lebrun, Pierre Lebedel et Jacques Baudou. Comment a évolué le bébé selon toi ?

Le bébé a grandi dans l’air du temps et moi « j’ai vieilli », comme disait Zazie en sortant du métro. L’association est toujours là, près de trente ans plus tard. Cette bonne santé montre que sa création n’était pas conjoncturelle et inutile, comme on me l’a persiflé à l’époque. On peut être fier de ça. À l’époque, justement, le polar n’était pas grand-chose dans les médias. Alors, on a commencé à lui donner des prétentions qui se sont puissamment développées depuis, jusqu’à devenir ce courant mainstream qui feint de se croire encore marginal et rebelle. Le polar est à l’évidence en train de devenir la littérature conventionnelle de notre temps. Au début, tous les auteurs polars ont adhéré à 813 et ce sont des écrivains qui l’ont tenu à bout de bras. Maintenant, les auteurs ne sont plus très nombreux. Ce sont les lecteurs qui tiennent les rênes, et comme leur goût est essentiellement tourné vers l’anglo-américain, c’est de peu de bénéfice pour ceux qui, hélas, écrivent encore en français.

 

Quels sont tes regrets ?

Il faudra que j’y réfléchisse. La vie apporte, la vie emporte ; que la vie ne reste pas à la porte…

 

Parmi ta production, quel est le roman que tu préfères ?

Aïe ! deuxième mauvaise pioche ! Je passe… Heu, il y a quelque temps, en cherchant une référence dans Melchior et les Innocents, je me suis surpris à relire presque tout le livre, avec l’étrange sentiment que c’était peut-être là un de mes meilleurs romans – selon mes propres critères, bien sûr (qui n’ont rien à voir avec la cruauté morbide et ensanglantée des parcours actuels qui réussissent). Olivier Nora avait bien failli ne pas l’éditer. C’est un parfait anti-polar, peut-être… En tout cas, ce ne fut pas un succès, ce qui ne fut pas pour moi une surprise. L’écriture est une aventure, et l’aventure, c’est se mettre en danger. Malheureusement, bien souvent, le risque ne paye pas et la persévérance est inutile.

 

Quels sont tes projets ? 

Ranger ma chambre. 

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Z
Tu as fait de bien jolies rencontres !!!
Répondre
O
<br /> <br /> Alain Demouzon, je le connait depuis 1982. Cela ne me rajeunit pas, lui non plus d'ailleurs.<br /> <br /> <br /> Mais cela ne se voit guère.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />