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21 juillet 2014 1 21 /07 /juillet /2014 15:55

Le cimetière des chimères n'est pas celui des indigents, peut-être celui des innocents.

 

piacentini.jpg


Certains romans, à peine déposés sur l'étal des libraires se trouvent propulsés Meilleures Ventes de Livres. Est-ce grâce à une publicité savamment orchestrée par des éditeurs qui disposent d'assez de fond pour leur promotion ? Grâce à une mise en avant par le libraire et une pile impressionnante d'ouvrages à la disposition des chalands ? A cause de l'aura de l'auteur auprès du public, ce qui n'est pas forcément synonyme de qualité ?

Un peu de tout cela sûrement mais au détriment d'autres romans qui étant publiés par des éditeurs ne possédant pas la force de frappe de leurs confrères se trouvent relégués dans des cachettes, en bas de rayonnages ou en nombre moins conséquent ce qui oblige les éventuels chalands à les commander, ce qu'ils ne font pas toujours.

Mais certains de ces romans discrets parviennent à tirer leur épingle du jeu grâce souvent à des avis élogieux, mais non laudateurs ou flagorneurs, publiés par des fanzines ou sur des blogs tenus par des chroniqueurs amateurs éclairés. Et le bouche à oreille fonctionne ne propulsant pas forcément ces romans en tête des ventes mais leur permettant de vivre plus longtemps et même d'obtenir ou d'être nominés à des prix qui ne sont pas frelatés.

Le cimetière des chimères d'Elena Piacentini fait partie de ces romans sélectionné pour le Prix 813 et je propose donc avec plaisir une séance de rattrapage. A signaler enfin que cet ouvrage a reçu le Prix Calibre 47 de Polar'encontre à Bon Encontre cette année ainsi que le Prix Soleil Noir de Vaisons la Romaine. Allez, encore un petit effort !

 

piacentini1.jpgPlop, plop, plop... Non, ce n'est pas une soupe qui glougloute dans une marmite en ce 13 janvier 2009, alors que la neige tombe sur Lille. Il s'agit de trois coups de feu tirés dans le cimetière de l'Est alors que les Pompes Funèbres procèdent à l'enterrement de Franck Bracco. Sont présents à cette cérémonie des amis du défunt, Vincent Stevenaert riche promoteur immobilier dirigeant d'une entreprise de travaux publics, André Kaas, notaire et président du club Phi 59, une association qui regroupe différents acteurs du monde de la finance locale, et tous deux Franc-maçon. Se tient près d'eux Hervé Podzinsky, rédacteur en chef des Echos du Nord, et une soixante d'autres personnes. Parmi les femmes Christine Bracco la mère et Florence Roussel, avocate pénaliste et compagne du suicidé. Car tout semble supposer que Bracco se soit immolé par le feu.

Hervé Podzinsky recueille deux des balles tandis que la troisipiacentini2-copie-1.jpgème effleure le crâne de Stevenaert. Le commissaire Pierre-Arsène Léoni et sa fine équipe sont immédiatement sur les lieux afin de recueillir les premières dépositions et relever les indices. Sont donc présents sur le site, outre les agents affectés à protéger les environs, l'adjoint de PAL, le commandant Baudoin Vanberghe, renommé plus pour sa gourmandise que pour son affabilité qui pourtant n'est pas de façade, François de Saint Vénan, un habitué des confessions puisque dans une vie antérieure il fut prêtre, le lieutenant Grégoire Parsky ancien militaire au faciès de boxeur et ayant désobéi par humanisme aux ordres de son supérieur lorsqu'il était en poste en ex-Yougoslavie et, enfin, le benjamin de l'équipe Thierry Muissen, qui en dépit des regards énamourés que lui jettent ses collègues féminines reste fidèle à sa femme, elle même lieutenant affectée à la Mondaine.

La localisation du tireur, à défaut de son nom, est facilitée grâce au gardien du cimetière, et une douille est retrouvée. L'homme, à l'allure dégingandée et habillé de bric et de broc, effectue sa tournée tous les matins et tous les soirs et le reste du temps il veille sur ses protégés, des chats. D'ailleurs il en manque un, Kahn, retrouvé un peu plus tard sous des branchages. Le matou est amoché et PAL contacte son amie Eliane, médecin légiste afin d'obtenir l'adresse d'un vétérinaire. Mais l'important n'est pas là. Il faut savoir si Stevenaert était visé et si Podzinsky ne fut qu'une victime collatérale.

Les recherches sont axées sur le journaliste, qui possédait comme passion la photographie, seule chose d'ailleurs en laquelle il excelle. Et PAL et ses hommes remarquent que Podzinsky avait une nette préférence pour les clichés pris en réunion et montrant ses concitoyens en discussion ou autres. L'ordinateur révèle d'ailleurs quelques prises de vue fort intéressantes. L'agent Cimonard, une jeune policière férue d'informatique mais fort timide est chargée de puiser les renseignements à gauche et à droite via la toile. Une plaque a été disposée sur la tombe de Bracco, émanant d'un certain Paulo, Paul Vasseur, le meilleur ami du défunt mais le fameux Paulo n'était pas présent lors de la cérémonie funèbre et il semble s'être évanoui dans la nature. Mais il faut également chercher dans l'entourage plus ou moins proche de ce Bracco pas niais.

A Nanterre la capitaine Maria Galeano, de l'Office central de la répression de la grande délinquance financière, se voit remettre une enveloppe récupérée au courrier par son adjoint un jeune stagiaire. Or cette enveloppe contient des renseignements qui concerne une affaire lilloise et elle se trouvera à collaborer avec Leoni et la procureur Danielle Arzilagne qui, malgré une vue défaillante, ne perd pas des yeux les affaires qui lui sont confiées.

Plus que l'enquête, ce sont les à-côtés qui sont importants dans cette histoire traversée par celle de Nath et de Milutka, deux adolescentes d'une quinzaine d'années et dont le lecteur fait connaissance en été 1989. Elles habitent toutes les deux Lille, fréquentent le même établissement scolaire mais il existe une profonde différence sociale entre les deux amies. Nath est fille d'ouvriers, tandis que Milutka a une père médecin et une mère institutrice. D'ailleurs les deux mères se côtoient car celle de Nath exerce ses talents au ménage et à la cantine de l'établissement où celle de Milutka enseigne. Les deux gamines sont très proches et leur destin va basculer le jour où le père de Nath apprend qu'il va perdre son logement, son propriétaire et patron ayant vendu le terrain sur lequel les habitations de la courée sont disposés à un groupe immobilier. Le père garagiste s'était retrouvé du jour au lendemain à la porte, avec aucun dédommagement, étant payé la plupart du temps de la main à la main et la location étant déduite de la feuille de paie lorsqu'il y en avait une.


Elena_Piacentini.jpgDonc nous suivons les deux gamines de ce terrible été 1989 jusqu'en cet hiver 2009, dans un récit intercalé dans l'enquête. Autre point principal du récit, c'est la focalisation sur certains personnages dont une grande partie est consacrée à PAL. Se retrouver dans un cimetière lui ravive de douloureux souvenirs, sa femme étant décédée en mettant au monde sa fille Lisandra. Lisandra est élevée par la grand-mère Angèle qui elle-même l'avait élevée dans le respect et la dignité. Tous trois habitent ensemble dans la même maison disposée sur plusieurs étages. PAL aime Eliane, la médecin légiste qui prend une part non négligeable dans l'enquête, et la réciproque est réelle. Elle est acceptée par Angèle mais ils ne vivent pas ensemble, partageant parfois une nuit.

 

Un roman qui s'attache plus à l'humain qu'aux actes en eux-mêmes et surtout qui montre les conséquences néfastes de certains décisions prisent dans un esprit mercantile. Et comme le déclare le gardien du cimetière à PAL : Les flics, ça vous pose toujours un tas de questions : quand, comment, pourquoi... Et finalement, ça oublie d'écouter ce qui a vraiment de l'importance.

 

La vérité sortira de la tombe où elle pensait pouvoir se faire oublier.

 

Quant au mobile de ce meurtre, il prend sa source dans le marché de la taxe carbone, et surtout aux arnaques et aux fraudes, mais Elena Piacentini nous en parle beaucoup mieux que je ne saurais le faire dans son annexe fort intéressant placé en fin de volume. Enfin je n'aurai garde d'oublier deux petits clins d'yeux de l'auteur à Maxime Gillio et à l'ami blogueur québécois Richard de Polar Noir et blanc.

 

A lire également d'Elena Piacentini : Carrières noires  chez le même éditeur et Double casquette.

Elena PIACENTINI : Le cimetière des chimères. Editions Au delà du Raisonnable. Parution 27 juin 2013. 344 pages. 18,00€.


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commentaires

P
...et dans certains salons Polar qui oublient trop souvent leurs préceptes fondateurs (promouvoir : une littérature de qualité, de jeunes auteurs, des auteurs moins en Cour, des "petits<br /> éditeurs"...)et qui n'inscrivent leur(s) action(s)que dans des rapports essentiellement marchands!<br /> Amitiés<br /> Pierre
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O
<br /> <br /> Bonjour Serge<br /> <br /> <br /> Je suis tout à fait d'accord avec toi. Lors des premières années de Reims, les auteurs invités étaient connus ou méconnus, mais l'époque n'était pas ce qu'elle est devenue. Les polars souffraient<br /> de manque de reconnaissance tandis qu'aujourd'hui plus personne n'a honte de lire du polar. Et effectivement les salons et festivals doivent permettre de découvrir de nouveaux talents ou sortir<br /> de leur cache régionnaliste des auteurs qui méritent une plus grande audience. Mais le côté mercantile prévaudra toujours et je m'en suis rendu compte en de npmbreuses occasions, ou les auteurs<br /> locaux étaient plus ou moins dédaignés.Cela vaut également plour les salons généralistes.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
P
Elena Piacentini a le souci de travailler son texte. La grande qualité de sa littérature est à souligner ici car trop souvent "le mundillo" du polar oublie l'essentiel en se contentant parfois de<br /> peu : imaginer et raconter des histoires ou aborder simplement des questions sociétales, en dénonçant les travers de notre monde, ne suffit pas à offrir un bon roman au lecteur. L'écriture<br /> n'autorise ni l'approximation ni les stéréotypes! Assurément Elena Piacentini est aujourd'hui un de nos tous meilleurs auteurs.
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O
<br /> <br /> Bonjour Pierre<br /> <br /> <br /> Je suis entièrement d'accord aec toi, et c'est pour cela que je me replonge dans la lecture de quelques textes fondateurs dont dernièrement La Sagesse du Père Brown. Quant à Elena il faut<br /> souligner, outre l'élégance de son écriture, la justesse des propos, et l'empathie qu'elle sait procurer envers certains de ses personnages. Une auteure qui mérite une meilleure visibilité sur<br /> les étals des libraires.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
L
mon petit doigt me dit que tu as un petit faible pour cette auteure mon cher Paul car tu en parles avec une certaine tendresse! Pas encore lu, mais je laisse la porte ouverte !! Amitiés
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O
<br /> <br /> Moncher Bruno<br /> <br /> <br /> J'aurais plutôt un petit faible pour les romans d'Elena Piacentini étant donné que je ne connais pas l'auteur. Mais j'apprécie beaucoup ses intrigues, ses personnages et surtout l'élégance de son<br /> écriture .<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
C
Salut Paul<br /> Un des meilleurs romans publiés l'an passé, aucun doute. Amitiés.
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O
<br /> <br /> Bonjour Claude<br /> <br /> <br /> Un excellent roman qui outre une intrigue astucieuse, des personnages attachants possède une écriture élégante. Que demander de plus pour voter pour ce Cimetière des chimères...<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
P
Je ne dirai qu'un mot, enfin quatre : Magnifique roman policier noir. Amitiés
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O
<br /> <br /> En effet Pierre et je ne regrette aucunement ma séance de rattrapage<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />
S
Je note, au cas où il croiserait ma route.
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O
<br /> <br /> Bonjour Sharon<br /> <br /> <br /> Le problème avec les petits éditeurs, mais cela n'est pas de leur faute, est le manque de visibilité chez les libraires.<br /> <br /> <br /> Amitiés<br /> <br /> <br /> <br />

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