Mais pas un modèle d'assassin !
Alors qu’elle pouvait espérer devenir dans un proche délai ministre à la tête de l’économie et des finances, la belle Patricia Langford est retrouvée assassinée d’une façon horrible. Un coup dans le bas-ventre et égorgement à l’aide d’un couteau à huîtres. Finies les ambitions pour cette demoiselle de quarante-deux ans « qui passait pour une vipère au sang très froid », particulièrement douée pour l’analyse des finances publiques, et délaissant au profit de sa carrière sa vie privée et sentimentale. Pourtant ce n’étaient pas les charmes physiques qui lui manquaient.
L’idée première qui vient à l’esprit du surintendant Dodson, est qu’il s’agit d’un crime politique. Horreur et scandales se profilent à l’horizon. Il fait appel à Lord Percival, célèbre criminologue écossais, qui ne demande qu’à l’aider dans les enquêtes périlleuses, n’hésitant pas à abandonner son chien Abercrombie, Lady Ophélia, sa maîtresse malgré les tensions séculaires entre leurs clans respectifs, son domaine et Dorothéa qui gère ses actions en bourse.
Mais revenons à Patricia, qui de toute façon n’a plus rien à dire. Son assassinat a été perpétré un lundi, jour faste pour qui veut entamer la semaine d’un bon pied. Le jeudi, quatre autres meurtres sont enregistrés, un homme et trois femmes. Un véritable casse-tête pour notre criminologue et surintendant. Rien ne semble relier ces victimes, hors la méthode employée, pourtant Lord Percival ne part pas battu. D’après la collaboratrice pour l’entretien de l’appartement, autrement dit l’employée de maison pakistanaise de Patricia Langford, l’ex-future ministre avait une liaison avec un homme qui, après recherches et portrait-robot à l’appui, Stephen Palton, s’avère être un peintre renommé.
Stephen est divorcé et fume volontiers le cigare. Ce qui n’a rien à voir. Quoique… En effet des débris de tabac ont été retrouvés chez deux des victimes. Et l’alibi de Stephen n’est guère fameux. D’autres prétendants au crime vont bientôt grossir les rangs, mais comment démêler le vrai du faux dans cet imbroglio ? Après tout c’est le travail de nos deux enquêteurs. Le lecteur, lui, se contente de suivre béatement les deux hommes dans leurs recherches.
La série des enquêtes de Lord Percival, dont un assassin modèle est le troisième volet après Le cheval du crime et Le dernier meurtre d’Agatha Christie, nous entraîne dans l’atmosphère d’une aimable parodie de romans « British » bon chic, bon genre, un peu à la manière des enquêtes de l’inspecteur Buckingham, romans parus aux éditions du Rocher. Un livre dont la seule prétention est de faire passer un moment de détente et qui y réussit, même s’il puise dans l’art rétro.
Ce qui n’empêche pas l’auteur de brocarder gentiment les artistes, ou plutôt une conception de l’art et du spectacle qui, sous couvert de créativité, se permet n’importe quoi et principalement de jouer dans la vulgarité, synonyme pour certains de modernité. L’aspect roman noir et sociologique est édulcoré car seul l’esprit ludique plane sur cette collection, n’en déplaise aux esprits chagrins qui voudraient que tout roman soit axé sur le message politique, social ou autre. Il est bon parfois de se reposer les neurones, d’échapper aux vicissitudes de la vie quotidienne, de se laisser à lire sans réfléchir.
Dernière précision : Si j’ai fait référence à J.B. Livingstone, ce n’est évidemment pas par hasard. Entre ces auteurs les ressemblances sont frappantes aussi bien dans le style que dans leurs personnages. Car tous les deux sont le même romancier, l’écrivain égyptologue Christian Jacq.
Christopher CARTER : Un assassin modèle. Collection Sir Percival. Editions Robert Laffont. Octobre 1998. Réédition Pocket novembre 2002.